Or, mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que cette modification fondamentale ne trouve pas son origine dans les décisions du Conseil constitutionnel, comme viennent de le rappeler nos collègues.
En fait, c’est vous qui avez décidé que les arrêts de cours d’assises devraient désormais être motivés. A priori, une telle décision paraît aller dans le bon sens, mais sa mise en œuvre est extrêmement difficile.
Pour ce faire, vous êtes obligés de modifier les dispositions de l’article 353 du code de procédure pénale concernant la lecture aux jurés, par le président de la cour d’assises, de la manière dont ils doivent réfléchir pour prendre leur décision : « La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d’une preuve […] ». Cet article se termine par la phrase suivante : « Avez-vous une intime conviction ? »
L’article 7 du projet de loi prévoit une modification considérable, en remplaçant les mots : « La loi ne demande pas compte aux juges », par les mots : « Sous réserve de l’exigence de motivation de la décision, la loi ne demande pas compte à chacun des juges et jurés composant la cour d’assises. » C’est un véritable bouleversement, qui est en fait assez antinomique avec le système de l’intime conviction !
D’un côté, l’article 353 du code de procédure pénale rappelle aux jurés que leur motivation se fonde uniquement sur leur intime conviction : ils délibèrent, ils n’ont pas à expliquer leurs décisions, ils n’ont pas à motiver chacun de leur vote sur la culpabilité ou sur la peine. De l’autre, l’article 7 dispose que le président rédige la motivation de l’arrêt. Je le répète, c’est antinomique !
Nous nous orientons, au fil des années, vers une modification considérable de ce qu’était initialement la cour d’assises, avec ses qualités et ses défauts.
Quand à la motivation, qui sera l’œuvre du président, elle donnera inéluctablement et légitimement lieu à contestation, monsieur le ministre, à moins que vous ne décidiez de modifier beaucoup plus en profondeur les dispositions de l’article 353 du code de procédure pénale.