Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 18 mai 2011 à 14h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 7

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur :

Ces amendements identiques visent à supprimer l’article 7 du projet de loi, qui prévoit la motivation des arrêts rendus par les cours d’assises. En ce sens, ils sont totalement contradictoires avec l’amendement de notre collègue Mézard que nous venons de voter à l’unanimité voilà quelques instants. Je m’apprêtais d’ailleurs à lui manifester ma perplexité face à sa proposition, mais le caractère nuancé de celle-ci m’a dissuadé de le faire…

Certes, mes chers collègues, la motivation n’est commandée par aucune décision du Conseil constitutionnel ou de la Cour européenne des droits de l’homme. Mais sommes-nous condamnés à ne légiférer que sous leur contrainte ? Je ne le crois pas. Nous est-il interdit, en tant que législateurs, d’améliorer le droit en vigueur de notre propre initiative ? Nous avons tous la réponse à cette question. Or la motivation des arrêts de cours d’assises apparaît souhaitable à plusieurs titres.

Il peut d’abord sembler paradoxal qu’un jugement correctionnel ou contraventionnel soit motivé, alors qu’un arrêt criminel, dont le retentissement est souvent bien plus grand et les conséquences plus lourdes, ne l’est pas.

Ensuite, la motivation de première instance paraît inhérente au droit d’appel – tel est d’ailleurs le sens de notre vote unanime d’il y a quelques instants. Elle permet au condamné de connaître les raisons qui ont fondé la décision des juges et de décider en connaissance de cause s’il doit ou non exercer une voie de recours. Elle fournit également à la juridiction du second degré un cadre de référence en permettant de centrer les débats sur les questions importantes.

Par ailleurs, la motivation pourrait introduire une certaine rationalité dans un processus qui fait parfois une large part à l’émotivité. En Allemagne, en Espagne et en Suisse, où le jugement des infractions pénales les plus graves est le fait de juges professionnels et de jurés ou d’échevins, les décisions sur la culpabilité et la peine sont motivées.

La commission des lois a enfin apporté quatre séries de modifications au dispositif initialement proposé par le Gouvernement : la motivation sera exigée pour un acquittement, et pas seulement pour une condamnation, comme l’ont réclamé notamment les associations de victimes ; la référence aux éléments à charge, notion figurant déjà dans le code de procédure pénale, a été substituée à celle de « raisons », qui paraît moins s’accorder avec le principe de l’intime conviction ; la feuille de motivation devra être signée par le président et le premier juré afin de garantir le contrôle du jury sur la motivation retenue par le magistrat ; enfin, la motivation sera lue par le président immédiatement après le prononcé de l’arrêt dans la salle d’audience.

Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à ces trois amendements, et elle estime que la motivation des arrêts des cours d’assises est inéluctablement inscrite dans l’évolution de notre droit.

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