Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 18 mai 2011 à 14h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 7

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Avant que je ne développe mon argumentation, vous avouerez, monsieur le garde des sceaux, que j’ai toujours cherché à faire la part des choses entre les aspects positifs et négatifs de cette réforme.

Le débat sur la motivation des arrêts d’assises n'est pas nouveau, en effet, et il ne date pas du dépôt de ce texte. Ma position initiale était de dire qu'il fallait les motiver. Je crois toujours que nous devrons un jour atteindre cet objectif. Toutefois, faute d’une concertation suffisante avec les professionnels qui suivent ces affaires d'assises, il me semble impossible d’entériner aujourd’hui le projet qui nous est soumis.

Cet après-midi, M. le rapporteur rappelait que, grâce à la présence des jurés, les arrêts d'assises étaient généralement bien acceptés par l'opinion publique, celle-ci considérant que la justice criminelle était rendue de manière satisfaisante dans notre pays. J'en ai donc conclu que, de l’avis général, ces arrêts remplissaient leur rôle. Or vous venez à l'instant de contredire cette affirmation, monsieur le garde des sceaux, en prétendant que les décisions de cours d'assises n’étaient pas comprises de nos concitoyens. Une fois de plus, il y a une contradiction manifeste dans les arguments qui nous sont présentés.

Nous devons, me semble-t-il, aller plus loin que la simple modification de l'article 353 du code de procédure pénale envisagée à cet article 7, et le dispositif mérite d’être revu.

En l’occurrence, l'objectif que vous visez me semble opportun, mais il nécessite une réforme beaucoup plus globale de la procédure criminelle.

Votre proposition, monsieur le garde des sceaux, aura pour conséquence d’accroître considérablement la responsabilité des présidents de cour d’assises.

Un arrêt de cour d'assises vise en effet à répondre à de nombreuses questions qui portent, notamment, sur la culpabilité, l'auteur principal ou les complices éventuels. Imaginons qu’une cour d'assises, à la suite d’une délibération, prenne une décision de condamnation. Si la présente réforme est adoptée, le président de la cour devra rédiger une motivation correspondant à l'ensemble de ces votes et des débats qui les ont précédés. De deux choses l’une : soit il la rédigera après que les jurés, avec l’aide des magistrats, auront pris leur décision, soit il commencera à préparer sa motivation en amont, en laissant éventuellement la porte ouverte à plusieurs possibilités. Ne nous leurrons pas, mes chers collègues : c'est bien la seconde hypothèse qui risque de se réaliser le plus souvent, et cela pose un sérieux problème.

Dans des cours d’assises où les délibérés ont déjà tendance à s’éterniser, où la pression et la tension sont palpables dans les salles d'audience, il faudra encore trouver le temps, forcément très long, nécessaire à la rédaction de la motivation de la décision.

Le dispositif proposé ne me semble pas suffisamment préparé. En vous écoutant, monsieur le garde des sceaux, je me suis dit que le problème de la rédaction de la motivation va être très préoccupant.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion