Intervention de Anne-Marie Payet

Réunion du 6 mars 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Vote sur l'ensemble

Photo de Anne-Marie PayetAnne-Marie Payet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordions ce texte avec un état d’esprit favorable.

Cette loi n’avait pas pour objet de régler le problème des moyens, qui est sans doute l’un des points les plus sensibles du débat sur le monde carcéral. Le cœur de la question est en effet la construction des prisons, ainsi que les moyens humains et financiers dont disposent ces établissements. Or tel n’est pas l’objet de la loi pénitentiaire.

De même, la politique carcérale définie par la loi pénitentiaire n’est pas une branche de la politique de santé publique. Or, le rapport de notre commission des lois le souligne, les prisons accueillent de plus en plus de personnes atteintes de troubles mentaux du fait de la réduction du nombre de lits dans les hôpitaux psychiatriques. La prison se substitue à l’hôpital, en raison des carences de ce dernier. M. le président About a d’ailleurs exprimé à plusieurs reprises, lors des débats, ses regrets au regard de cette évolution, qui apparaît fort dommageable.

Dans ce contexte, quelles réformes pouvait-on souhaiter voir initiées par ce texte pénitentiaire, attendu depuis si longtemps ?

Tout d’abord, il était nécessaire qu’il comporte des avancées en matière d’aménagement des peines : cette exigence est globalement satisfaite par le texte.

Ensuite, on attendait qu’il crée plus de droits pour l’ensemble des détenus : cette exigence était sans aucun doute remplie par le texte issu de la commission des lois, et elle l’est d’autant plus au terme de nos débats en séance plénière.

Le projet de loi avait comme objectif fondamental de renforcer les droits des personnes détenues. Dès la discussion générale, nous avons salué le travail d’enrichissement profond effectué par la commission des lois du Sénat sur l’ensemble du texte proposé par le Gouvernement.

Le Sénat a renforcé les droits et garanties déjà reconnus par le texte. Il a introduit également de nouveaux droits et libertés tels que la liberté de conscience, le droit à la confidentialité ou le droit à la sécurité pour les personnes détenues. De plus, l’adoption de certains amendements en séance, notamment concernant les aspects sociaux et sanitaires défendus par ma collègue Mme Muguette Dini, dès la discussion générale, mais aussi par M. Nicolas About, a permis de diversifier les avancées en faveur de la condition carcérale.

Le groupe de l’Union centriste se réjouit que plusieurs de ces amendements aient été votés par la Haute Assemblée.

Le projet de loi tente aussi de répondre au malaise des professionnels de l’administration pénitentiaire en leur accordant la reconnaissance qu’ils attendent. Plusieurs de mes collègues ont rappelé, à de nombreuses reprises, les attentes mais aussi les craintes de ces fonctionnaires qui exercent un métier difficile et souvent dangereux.

On rappellera également que ce texte a l’immense mérite de procéder à une clarification des missions du service public pénitentiaire, en prenant en compte son rôle d’insertion et de probation ainsi que de lutte contre la récidive. Il met ainsi en phase objectifs pénaux et carcéraux.

Nous nous sommes montrés particulièrement attachés au maintien du principe de l’encellulement individuel des prévenus. En effet, le texte initial semblait s’éloigner quelque peu de ce principe : il prévoyait que les prévenus, et non les condamnés, pourraient être placés soit en cellule individuelle, soit en cellule collective, et donc pas nécessairement en cellules individuelles.

Sur ce point fondamental, nous avons affirmé la nécessité de maintenir la rédaction actuelle du code de procédure pénale, datant de 1875. En effet, l’encellulement individuel, tant pour les prévenus en détention provisoire que pour les condamnés, permet la reconnaissance de deux droits fondamentaux : le droit au respect de la dignité et le droit à l’intimité.

Le respect de la dignité a réellement été un leitmotivtout au long des débats : abordée dès l’article 1er du projet de loi, mais également lors de l’examen des articles relatifs aux fouilles corporelles, c’est sans doute au sujet de l’encellulement individuel que la dignité devait avant tout être défendue.

Ainsi, nous nous félicitons de l’adoption en l’état du texte présenté par la commission, ce qui sauvegarde un principe fondamental de notre droit pénitentiaire.

Nous regrettons que le texte n’aborde pas le problème du transfèrement des prisonniers, en vue de favoriser le reclassement familial des détenus à leur libération, maintenir et améliorer leurs relations avec leurs proches, comme l’a rappelé récemment l’Observatoire international des prisons, à la suite de la demande d’un Réunionnais détenu dans l’Oise.

En conclusion, nous saluons encore une fois l’excellent travail réalisé par la commission des lois, en particulier par son rapporteur M. Jean-René Lecerf, et très utilement complété par celui de M. Nicolas About, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les questions relatives à la santé en prison.

Nous remarquerons également que, si ce texte fut le premier à être étudié selon la procédure prévue par la réforme constitutionnelle issue de la loi du 23 juillet 2008, cette expérience semble encourageante. En effet, le Gouvernement a tenu compte des travaux des commissions en ne proposant que des amendements qui respectaient les orientations initiées par celles-ci, et qui n’ont en rien altéré le jeu des débats en séance publique. Le rôle du Parlement en sort donc réaffirmé et renforcé, ce dont on doit se féliciter.

Pour l’ensemble de ces motifs, le texte tel qu’il a été modifié nous semble maintenant équilibré et nous le voterons, tout en veillant à ce que les futures orientations budgétaires permettent sa mise en œuvre.

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