Je voudrais faire trois remarques et verser au débat quelques données chiffrées.
Premièrement, si la mesure qui nous est présentée avait existé en 1996, elle aurait été beaucoup moins appliquée. En effet, par le jeu de l’accumulation des réformes et du durcissement du code de procédure pénale auquel nous avons assisté au cours des dernières années, ce sont 75 % des mineurs délinquants qui sont concernés aujourd'hui. Voilà un pourcentage qui est loin d’être anecdotique.
Deuxièmement, rappelons-nous que les mineurs sont avant tout des enfants, des adultes en devenir. De ce point de vue, il n’est pas anormal qu’ils se construisent par des tentatives de transgression de l’interdit. Il est donc tout à fait logique d’y répondre, d’abord, par l’intermédiaire des parents, puis, en cas de défaillance ou de besoin d’une aide supplémentaire, par l’intermédiaire de la société.
Cependant, la réponse se doit d’être adaptée aux faits réels et à visée éducative. Or cela commence à être un petit peu moins le cas dans le projet de loi qui nous est soumis.
Troisièmement, la présentation de ce texte traduit une méconnaissance manifeste des caractéristiques de la récidive des mineurs.
En réalité, 75 % des mineurs délinquants ne sont vus qu’une fois par les services de la justice ; 5 % seulement des mineurs délinquants deviennent des majeurs délinquants.
Par conséquent, pour 5 % des enfants délinquants pour lesquels le dispositif aujourd'hui en place se révèle défaillant, on est en train de mettre en œuvre un système qui concernera, demain, 75 % des enfants délinquants.
J’y vois pour ma part une incohérence et, en tout cas, un risque fort d’inutilité et d’inefficacité, indépendamment du fait que l’on bafoue le droit des enfants et la nécessaire prévalence de l’éducatif sur le répressif.
Au final, on va englober 75 % des enfants délinquants dans un système calqué sur celui qui est réservé aux adultes, lequel a fait la preuve de son efficacité puisque 75 % des adultes, eux, récidivent !