L’article 29 prévoit de créer une nouvelle juridiction spécialisée, compétente pour juger les mineurs récidivistes de plus de seize ans. Juridiction spécialisée ? On devrait bien plutôt parler de juridiction d’exception !
Vous reprenez ici, une nouvelle fois, l’une des propositions issues du rapport Varinard. Cette nouvelle juridiction, réservée aux jeunes récidivistes âgés de seize à dix-huit ans, place le juge des enfants en minorité dans cette nouvelle formation où les juges issus du tribunal correctionnel seront dès lors majoritaires !
Cet article constitue, à nos yeux, une nouvelle manifestation de défiance du Gouvernement à l’encontre du juge des enfants, soupçonné, à tort, de laxisme dans le traitement de ses dossiers ! Ces mesures accablent évidemment également les assesseurs qui accompagnent le juge des enfants…
Le fait que le juge des enfants préside cette nouvelle formation n’est qu’un leurre et ne suffit pas à remédier aux lacunes évidentes ni à la dangerosité d’une telle disposition.
Il s’agit là d’une atteinte inconstitutionnelle au principe de la juridiction spécialisée et, par ailleurs, d’une dévalorisation du travail pédagogique réalisé par le juge des enfants.
Une fois de plus, on tend ici à traiter les mineurs comme des adultes délinquants, en les faisant passer devant une juridiction semblable à celle des majeurs, comme si cela allait suffire à les dissuader, à terme, de récidiver encore ! Il n’en sera rien ! Cette disposition ne tient absolument pas compte de la complexité des situations de délinquance juvénile.
À cet égard, je rappelle les exigences de l’article 1er de l’ordonnance de 1945 : « Les mineurs auxquels est imputée une infraction qualifiée de crime ou délit ne seront pas déférés aux juridictions pénales de droit commun, et ne seront justiciables que des tribunaux pour enfants ou des cours d’assises des mineurs. »
La composition de ces nouveaux tribunaux correctionnels pour mineurs, dont vous tentez en vain de nous chanter les louanges, monsieur le garde des sceaux, ne garantit donc en rien la spécialisation de la justice des mineurs, puisqu’un seul juge des enfants est appelé à y siéger aux côtés de deux magistrats qui, eux, ne seront pas spécialisés. Mais il y a pire encore, avec l’expérimentation qui sera faite, dès le 1er janvier 2012, dans des cours d’appel, où deux citoyens assesseurs accompagneront les trois magistrats dans ces tribunaux correctionnels pour mineurs, à l’instar du tribunal correctionnel pour majeurs !
Monsieur le garde des sceaux, aux assesseurs choisis pour « l’intérêt qu’ils portent aux questions de l’enfance et pour leurs compétences », vous préférez deux jurés populaires formés à la va-vite et dont on n’exige pas qu’ils portent un quelconque intérêt à la problématique spécifique des mineurs !
L’article 29 est malheureusement une nouvelle illustration de l’idée reçue, sans cesse rebattue par le Gouvernement, mais dénoncée à maintes reprises au cours de la discussion générale, selon laquelle les mineurs d’aujourd’hui ne seraient pas ceux d’hier.
Il est éminemment regrettable que ce poncif erroné ait guidé la rédaction de cet article, ainsi d’ailleurs que celle de l’ensemble du titre II de ce projet de loi.
Pour toutes ces raisons, nous voterons massivement contre l’article 29.