Intervention de Alain Anziani

Réunion du 18 mai 2011 à 21h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 29

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani :

L’article 29 est important en ce qu’il vise à créer les fameux tribunaux correctionnels pour mineurs, auxquels nous sommes opposés.

Tout d’abord, permettez-moi de revenir à la raison pour laquelle ces tribunaux ont été créés.

J’ai lu le rapport de notre collègue Jean-René Lecerf, ainsi que l’étude d’impact du Gouvernement. Comme l’a indiqué tout à l'heure notre collègue Virginie Klès, aucun élément statistique ne nous permet de considérer que l’évolution de la délinquance des mineurs est aujourd'hui telle que nous devons prendre des mesures nouvelles pour l’enrayer. Nous savons – il n’y a là aucune originalité ! – que la délinquance des mineurs progresse à un niveau sensiblement identique à celle des majeurs.

Selon nous, ce tribunal présente trois défauts majeurs.

Tout d’abord, le tribunal correctionnel pour mineurs est la négation de la spécificité du mineur dans l’essentiel de ses caractéristiques. En effet, les assesseurs devaient avoir, hier, une qualification et manifester un intérêt précis pour les questions relatives à la jeunesse. Or tel ne sera plus du tout le cas demain ! Vous faites donc disparaître cette spécificité.

Certains, sur d’autres travées, reprennent toujours la même antienne : les jeunes d’aujourd'hui ne sont plus comme ceux d’hier ! Permettez-moi de vous faire observer, chers collègues, que vous êtes peut-être les seuls en Europe à le penser !

Pour avoir lu l’intéressante note de synthèse disponible sur le site du Sénat relative à la législation européenne en la matière, je puis vous dire que le droit des mineurs est applicable en Allemagne aux jeunes âgés de dix-huit à vingt et un ans, et que ce pays n’est pas le seul à avoir opté pour cette solution. Il en va de même au Portugal, aux Pays-Bas et même en Espagne, qui souhaite relever de seize ans actuellement à dix-huit ans le seuil pour certain régime applicable aux mineurs.

On le voit donc, la plupart des pays européens considèrent, certes, que le jeune d’aujourd'hui n’est pas le même que celui de 1945, mais qu’il faut justement conserver les prérogatives que l’on accorde en quelque sorte à la jeunesse au-delà de l’âge de dix-huit ans, jusqu’à vingt et un ans.

Ne sommes-nous pas tous européens, monsieur le garde des sceaux ?... Eh bien, tirons-en les enseignements et essayons d’aligner notre législation sur celle des autres pays européens !

Ensuite, nous déplorons l’automaticité du renvoi des mineurs récidivistes.

La notion de récidive fait évidemment peur, mais que veut-elle dire ? Le mineur qui a, un jour, volé des bonbons à l’étal d’un commerçant et qui, demain, sera convaincu de recel de DVD, par exemple, sera en état de récidive et comparaîtra, de ce fait, directement devant le tribunal correctionnel pour mineurs….

Enfin, avec ce texte, on ne change pas simplement de tribunal, non, on change complètement d’approche, pour s’orienter vers une justice des mineurs conforme à celle des majeurs.

Rien de tout cela ne saurait nous convenir, monsieur le garde des sceaux.

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