Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 18 mai 2011 à 21h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 29

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Cet article est certes important, mais il est surtout redoutable. En effet, n’en déplaise à certains de nos collègues, il réduit à néant les principes essentiels de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante.

Aujourd'hui, le Gouvernement fait fi du principe constitutionnel de spécialisation de la justice des mineurs dans la mesure où le tribunal correctionnel pour mineurs est, en réalité, en tout point identique à celui des majeurs.

Or le principe de spécialisation de la justice des mineurs n’est pas seulement garanti par la Constitution, il l’est aussi, comme l’a rappelé notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat, par un certain nombre de textes internationaux. Il faut citer l’article 40 de la convention relative aux droits de l’enfant, ainsi que par les règles de Pékin sur le traitement des mineurs délinquants, qui garantissent les droits de l’enfant et qui ont été adoptées par les Nations unies.

Pour avoir beaucoup travaillé sur cette question, je rappelle que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 mars 2011, a invalidé plusieurs dispositions relatives à la justice des mineurs insérées dans la LOPPSI 2, rappelant la nécessité de respecter la spécialisation de la justice des mineurs.

Tentant de vous prémunir contre les critiques d’inconstitutionnalité que l’on ne manquera de formuler contre votre texte, et pour cause, vous prévoyez ici une prétendue procédure spécifique qui se résume, en fait, à la seule présidence de ce tribunal par le juge des enfants, aux côtés de deux magistrats non spécialisés, alors que l’on sait parfaitement que le président ne dispose d’aucun pouvoir particulier.

Cette disposition témoigne d’une ignorance totale : la spécificité de la justice des mineurs ne tient pas à la seule présence du juge des enfants. Elle n’est spécialisée que si le mineur est soumis, dès sa prise en charge, durant le jugement et jusqu’au prononcé de la peine, à une procédure spécifique, par une institution consacrée, et avec des mesures adaptées. C’est seulement ainsi que tout le processus fait sens !

Cet article nie donc le travail pédagogique du juge des enfants, et dénigre la phase présentencielle, dont l’importance est primordiale pour l’appréhension et la compréhension par le mineur du jugement et de la peine. Il porte en lui la fin de la justice pour des mineurs qui « ne sont plus les mêmes qu’hier » ; il instaure une marginalisation des tribunaux pour enfants.

Enfin, ce tribunal correctionnel pour mineurs est d’une incohérence totale : il pourra être composé de citoyens assesseurs non spécialisés, alors que siègent aujourd’hui, au sein du tribunal pour enfants, deux assesseurs choisis pour l’intérêt qu’ils portent aux questions de l’enfance et pour leurs compétences en la matière !

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