Nous estimons, et ce pour plusieurs raisons, que la présence du juge des enfants au sein de la formation du nouveau tribunal correctionnel pour mineurs n’est qu’un écran de fumée.
Tout d’abord, la spécialisation du juge des enfants tient à la spécificité de son mode d’intervention. Dès lors, sa seule présence ne garantit absolument pas la spécialisation du tribunal. Par ailleurs, le fait qu’il soit président de la formation de jugement ne constitue nullement une garantie, puisqu’il ne disposera pas d’une voix prépondérante.
De plus, les magistrats effectuent un roulement dans le cadre d’un tour de service. Un juge des enfants peut, en tout état de cause, se retrouver, s’il est sollicité, dans n’importe quelle formation de jugement, ce qui n’a jamais suffi à emporter spécialisation du tribunal.
Le tribunal correctionnel pour mineurs ne répond donc pas à l’exigence constitutionnelle de composition spécifique du tribunal en matière de justice des mineurs.
De plus, l’article 3 de la convention relative aux droits de l’enfant, dont notre pays, je vous le rappelle, mes chers collègues, est signataire, précise que, « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »
Cet intérêt supérieur de l’enfant, le Conseil constitutionnel l’a pris en compte pour rendre sa décision du 10 mars 2011, dans laquelle il s’est opposé, entre autres choses, à l’application aux mineurs de peines planchers, « considérant que l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du XXe siècle. »
Par ailleurs, le Conseil d’État a récemment admis l’application directe des dispositions ne nécessitant aucun aménagement de notre droit, ce qu’il a confirmé dans un arrêt du 26 juin 2008, Mme Fatima E. contre le ministère des affaires étrangères et européennes.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, nous voyons que l’institution de ce tribunal correctionnel pour mineurs contrevient non seulement à la Constitution, mais aussi à nos engagements internationaux. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.