Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 14 octobre 2010 à 9h30
Réforme des retraites — Article 4

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Thierry Foucaud a particulièrement bien démontré hier soir combien l’augmentation des annuités est une mesure injuste et injustifiée et à quel point l’examen par priorité des articles 5 et 6, en scindant le débat, avait essentiellement pour objet d’empêcher une appréhension globale de la proposition du Gouvernement, s’agissant du système de retraites par répartition.

L’augmentation des annuités est une mesure particulièrement discriminatoire pour les femmes, qui ont, en général, des carrières plus courtes que les hommes. Concrètement, les femmes subiront donc une décote plus lourde ou devront partir à la retraite plus tard.

Cette inégalité est très largement vérifiée dans le monde agricole, secteur d’activité dans lequel les femmes doivent vivre avec des revenus particulièrement faibles. De plus, les agricultrices vivent « la double journée », dans les champs et au foyer, sauf que, dans leur métier, les 35 heures ne s’appliquent pas !

Certes, certains progrès ont été réalisés pour reconnaître aux agricultrices un véritable statut. Il faut dire que, comme pour les conjoints d’artisans ou de commerçants, leur situation était socialement inacceptable. Ainsi, dans son témoignage, encore en ligne sur le site de la chaîne parlementaire Public Sénat, Marie-Thérèse Lacombe, agricultrice impliquée dans le mouvement d’indépendance des femmes de paysans, indique ceci : « Dans les statistiques économiques, nous étions répertoriées dans la rubrique femme inactive, alors que l’on travaillait plus de 12 heures par jour, sans relâche. »

Les femmes ont dû lutter très durement contre les préjugés. Désormais, certaines dirigent des exploitations agricoles. C’est un vrai signe de reconnaissance pour celles qui ont longtemps été considérées comme une simple force de travail.

Le projet de réforme des retraites touchera particulièrement les femmes salariées ou indépendantes qui, en raison de la crise que traverse le secteur agricole, ont de très faibles revenus. Elles ne pourront pas se permettre le luxe de supporter les décotes de leur pension de retraite, laquelle, dans bien des cas, sera déjà insuffisante pour leur permettre de vivre décemment. Elles n’auront tout simplement plus la force et la santé pour continuer une activité que les horaires et l’amplitude des journées de travail rendent souvent difficile.

L’article 4 emporte de graves injustices : plus les personnes auront eu des carrières incomplètes, plus elles auront perçu des revenus bas, plus leur travail aura été pénible, plus on leur demandera des efforts physiques et financiers.

Monsieur le ministre, j’ai bien entendu le propos que vous avez tenu tout à l’heure : ne continueront à partir à la retraite à 65 ans sans décote que les femmes nées avant 1955 et ayant au moins trois enfants ! Or nous savons pertinemment que cette disposition sera temporaire. Vous ne pouvez prétendre que « la réforme améliore la retraite des femmes » : vous proposez une mesure spécifique pour répondre un peu au grondement de la rue, pour reprendre l’expression employée hier par l’un de mes collègues, mais non pour répondre de façon pérenne à l’attente des femmes.

C’est pourquoi nous soutenons avec force cet amendement de suppression de l'article 4.

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