La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Monsieur le ministre, en matière de fausse communication, le Gouvernement récidive !
Après la fausse publicité concernant la pénibilité, aujourd’hui, dans les journaux gratuits en fleurit une autre, aussi scandaleuse que mensongère, concernant la retraite des femmes. À vous lire, le gouvernement auquel vous appartenez aurait fait le choix d’agir résolument pour améliorer la retraite des femmes.
Malgré ce coup de communication, il n’en est rien en réalité.
Dans la première colonne de ce communiqué, vous affirmez : « La lutte contre les inégalités de salaires est renforcée ». Vous osez soutenir que les entreprises encourent des « sanctions financières très lourdes » si elles ne réduisent pas « les écarts de salaires entre hommes et femmes ». C’est faux ! La sanction ne s’élève qu’à 1 % de la masse salariale et ne porte, en vérité, que sur le manque d’information en matière d’égalité salariale. Prétendre que les entreprises seraient contraintes de faire respecter l’égalité salariale est un mensonge. Vous le savez pertinemment, monsieur le ministre, car, si les accords prévoient bien de renforcer la lutte contre l’inégalité salariale, aucun objectif écrit n’est fixé.
Ce sont pourtant des mesures contraignantes qu’il faudrait.
Dans la deuxième colonne, il est écrit : « La retraite des mères est améliorée ». Là aussi, il s’agit d’un mensonge. En effet, votre mesure ne concernera tout au plus que 25 000 femmes par an, et ce pendant quatre ans et demi seulement. Il faut dire que les conditions imposées sont drastiques : seules seront concernées les femmes mères de trois enfants nées entre 1951 et 1955, ayant travaillé et pouvant justifier d’un certain nombre de trimestres.
Monsieur le ministre, comment osez-vous répéter que la retraite des femmes sera améliorée, alors qu’elle ne sera en fait que moins dégradée que ce que vous espériez initialement ?
Dans le même temps, vous maintenez l’article 23 du texte, qui supprime la possibilité pour les agents publics, principalement des femmes, de bénéficier d’un départ anticipé s’ils justifient de quinze ans de service et ont trois enfants. Cette disposition sanctionnera plus de 14 000 agents.
Dans la troisième colonne, on peut lire : « La situation des femmes les plus fragiles est prise en compte ». Là encore, c’est faux ! Vous avez consciencieusement refusé tous nos amendements tendant à limiter le recours aux contrats précaires et au travail partiel, lesquels, chacun le sait, concernent d’abord et avant tout les femmes.
Monsieur le ministre, cessez d’utiliser l’argent public à des fins partisanes. Alors que le conseiller en communication de l’Élysée démissionne, je vous demande, au nom des sénatrices et des sénateurs du groupe CRC-SPG, de mettre fin à cette politique d’intoxication dans les journaux gratuits, qui connaissent une large diffusion à Paris.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Raymonde Le Texier applaudit également.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Madame la sénatrice, en termes de communication, vous n’êtes pas des débutants non plus !
Rires sur les travées de l’UMP.
Quand vous évoquez la réforme, j’ai le sentiment que vous avez parfois – pas toujours ! – une propension à la caricature. Il ne faut tout de même pas exagérer.
Les informations que contient cette publicité sont parfaitement exactes.
« La lutte contre les inégalités de salaires est renforcée ». Nous prévoyons en effet, pour lutter contre l’inégalité salariale, des sanctions financières extrêmement fortes – 1 % de la masse salariale, c’est très important – pour les entreprises qui n’ont pas d’accord d’entreprise ou de plan d’action.
Nous prévoyons de rendre publics ces accords d’entreprise ou ces plans d’action. Nous comptons donc sur la pression publique pour atteindre cet objectif.
Les précisions concernant la retraite des mères sont tout aussi exactes : « La réforme tient compte de la spécificité des mères de trois enfants. Les femmes qui ont moins de 55 ans aujourd’hui ont en moyenne le même nombre de trimestres que les hommes. Cela n’est pas vrai pour les femmes de plus de 55 ans. C’est pourquoi la réforme maintient la retraite à taux plein à 65 ans pour les mères âgées de 55 ans ou plus et qui ont interrompu leur carrière. »
Tout cela est parfaitement exact ! Le message délivré aux Français correspond tout à fait à la réalité !
(Texte de la commission)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites [projet n° 713 (2009-2010), texte de la commission n° 734 (2009-2010), rapports n° 721, 727 et 733 (2009-2010)].
Nous poursuivons la discussion des articles.
TITRE IEr
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
CHAPITRE II
Durée d'assurance ou de services et bonifications
Hier, le Sénat a entamé l’examen de l’article 4, dont je rappelle les termes.
(Non modifié)
L’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est ainsi modifié :
1° Le IV est ainsi rédigé :
« IV. – Pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955, la durée d’assurance ou de services et bonifications permettant d’assurer le respect de la règle énoncée au I est fixée par décret, pris après avis technique du Conseil d’orientation des retraites portant sur l’évolution du rapport entre la durée d’assurance ou la durée de services et bonifications et la durée moyenne de retraite, et publié avant le 31 décembre de l’année au cours de laquelle ces assurés atteignent l’âge mentionné au dernier alinéa du même I, minoré de quatre années.
« Pour les assurés nés en 1953 ou en 1954, la durée d’assurance ou de services et bonifications permettant d’assurer le respect de la règle énoncée au I est fixée par un décret publié avant le 31 décembre 2010. » ;
2° À la fin du premier alinéa du V, les mots : « prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1 du même code » sont remplacés par les mots : « mentionné au troisième alinéa du I du présent article » ;
3° Le VI est ainsi modifié :
a) Après le mot : « âge », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « mentionné au troisième alinéa du I » et la seconde phrase est supprimée ;
b) Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa, la durée des services et bonifications exigée des fonctionnaires de l’État et des militaires qui remplissent les conditions de liquidation d’une pension avant l’âge mentionné au troisième alinéa du I est celle exigée des fonctionnaires atteignant l’âge mentionné au même troisième alinéa l’année à compter de laquelle la liquidation peut intervenir.
« Le présent VI s’applique également aux fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et aux ouvriers des établissements industriels de l’État. » ;
4° Le IX est abrogé.
Nous poursuivons l’examen de l'amendement n° 5.
Présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, cet amendement est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Je rappelle que cet amendement a été défendu et que la commission et le Gouvernement se sont prononcés.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Thierry Foucaud a particulièrement bien démontré hier soir combien l’augmentation des annuités est une mesure injuste et injustifiée et à quel point l’examen par priorité des articles 5 et 6, en scindant le débat, avait essentiellement pour objet d’empêcher une appréhension globale de la proposition du Gouvernement, s’agissant du système de retraites par répartition.
L’augmentation des annuités est une mesure particulièrement discriminatoire pour les femmes, qui ont, en général, des carrières plus courtes que les hommes. Concrètement, les femmes subiront donc une décote plus lourde ou devront partir à la retraite plus tard.
Cette inégalité est très largement vérifiée dans le monde agricole, secteur d’activité dans lequel les femmes doivent vivre avec des revenus particulièrement faibles. De plus, les agricultrices vivent « la double journée », dans les champs et au foyer, sauf que, dans leur métier, les 35 heures ne s’appliquent pas !
Certes, certains progrès ont été réalisés pour reconnaître aux agricultrices un véritable statut. Il faut dire que, comme pour les conjoints d’artisans ou de commerçants, leur situation était socialement inacceptable. Ainsi, dans son témoignage, encore en ligne sur le site de la chaîne parlementaire Public Sénat, Marie-Thérèse Lacombe, agricultrice impliquée dans le mouvement d’indépendance des femmes de paysans, indique ceci : « Dans les statistiques économiques, nous étions répertoriées dans la rubrique femme inactive, alors que l’on travaillait plus de 12 heures par jour, sans relâche. »
Les femmes ont dû lutter très durement contre les préjugés. Désormais, certaines dirigent des exploitations agricoles. C’est un vrai signe de reconnaissance pour celles qui ont longtemps été considérées comme une simple force de travail.
Le projet de réforme des retraites touchera particulièrement les femmes salariées ou indépendantes qui, en raison de la crise que traverse le secteur agricole, ont de très faibles revenus. Elles ne pourront pas se permettre le luxe de supporter les décotes de leur pension de retraite, laquelle, dans bien des cas, sera déjà insuffisante pour leur permettre de vivre décemment. Elles n’auront tout simplement plus la force et la santé pour continuer une activité que les horaires et l’amplitude des journées de travail rendent souvent difficile.
L’article 4 emporte de graves injustices : plus les personnes auront eu des carrières incomplètes, plus elles auront perçu des revenus bas, plus leur travail aura été pénible, plus on leur demandera des efforts physiques et financiers.
Monsieur le ministre, j’ai bien entendu le propos que vous avez tenu tout à l’heure : ne continueront à partir à la retraite à 65 ans sans décote que les femmes nées avant 1955 et ayant au moins trois enfants ! Or nous savons pertinemment que cette disposition sera temporaire. Vous ne pouvez prétendre que « la réforme améliore la retraite des femmes » : vous proposez une mesure spécifique pour répondre un peu au grondement de la rue, pour reprendre l’expression employée hier par l’un de mes collègues, mais non pour répondre de façon pérenne à l’attente des femmes.
C’est pourquoi nous soutenons avec force cet amendement de suppression de l'article 4.
Avec cet amendement n° 5, tendant à la suppression de l’article 4, nous vivons pour la troisième fois l’un des moments les plus importants du débat sur la réforme des retraites.
Nous sommes opposés au recul de la limite d’âge à 62 ans et avons réaffirmé avec force le droit au départ à la retraite pour tous à 60 ans.
Nous sommes également contre le recul de la limite d’âge à 67 ans pour pouvoir toucher une retraite à taux plein, c'est-à-dire sans décote.
Par cohérence avec ce contre quoi nous nous sommes précédemment battus, nous refusons la prolongation de la durée de cotisation et sommes pour son maintien à 40 annuités.
Bien sûr, on me rétorquera que nous évacuons le problème du financement. Non ! Nous avons déposé une proposition de loi que je tiens à votre disposition. Elle fait l’objet d’avis très contradictoires et controversés. S’appuyant sur le constat que d’immenses richesses se trouvent dans notre pays, elle prévoit de soustraire une partie des richesses du capital pour contribuer à un financement plus équilibré du droit à la retraite pour tous à 60 ans.
Nous avons déposé cet amendement de suppression, car cette réforme est brutale. En effet, dès le 1er juillet 2011, le processus de progressivité, notamment en ce qui concerne l’allongement de la durée de cotisation, s’appliquera. En outre, nous sommes le seul pays de l’Union européenne dont le Gouvernement ait choisi de jouer sur tous les tableaux : le recul des bornes d’âge et l’augmentation de la durée de cotisation. Ce ne sera pas sans conséquences : alors que tout le monde s’accordait sur le fait que, en matière de protection sociale, notre pays était l’un des plus avancés de l’Union européenne mais aussi du monde, nous allons basculer dans le système anglo-saxon. Nous assisterons alors progressivement – cela a déjà commencé – à un gel, voire à un effondrement des retraites, alors que les générations qui nous ont précédés et la nôtre bénéficient d’un montant de retraite important.
Cette réforme est injuste, car – et nous ne cesserons de le répéter – ce sont 85 % des salariés qui, de toute évidence, la paieront. Vous le savez, la technique qui consiste à prendre sur le plus grand nombre agit sournoisement, insidieusement.
Enfin, cette réforme est inefficace, car, dans quelques années à peine, il faudra y revenir et la réajuster. Tout le monde le reconnaît.
À travers les reculs de limite d’âge et l’allongement de la durée de cotisation, nous vivons l’une des réformes emblématiques qui touchera toutes les Françaises et tous les Français durant des générations : nous nous apprêtons à subir la plus grande régression sociale.
L’un de mes collègues de droite, que je ne citerai pas, auquel je disais que la réforme qu’il préconisait était « du Thatcher » m’a rétorqué que je me trompais, que cette réforme allait au-delà, que c’était « du Thatcher » à la puissance dix !
Je crois que c’est cela, la réalité !
Nous sommes donc résolument contre cette réforme. Et c’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article 4 !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous allons, au cours de la discussion de cet article 4, entendre beaucoup de répétitions sur l’enjeu du texte de loi en discussion, je tiens à dire deux choses au nom du groupe UMP.
D’abord, tout le monde s’accorde à penser qu’il n’y a pas de solutions fiscales au problème de la réforme des retraites. En effet, nous ne pouvons pas donner l’exemple, au sein de l’Union européenne, d’un pays dont la fiscalité serait très excessive par rapport aux autres États membres. Or c’est ce qui ne manquerait pas de se produire si nous suivions les recommandations de M. Fischer sur la retraite à 60 ans à taux plein. Ces dernières aboutiraient à ce que la France, dont le niveau des prélèvements fiscaux est déjà supérieur à la moyenne des pays de l’Union européenne, dépasse en la matière les pays d’Europe du Nord, qui sont en train de réduire leur fiscalité. Il n’y a donc pas de solution fiscale au problème dont nous parlons.
Ensuite, nous débattons aujourd’hui de l’article 4, qui concerne la durée des cotisations. À cet égard, tout le monde s’accorde à peu près sur une augmentation de cette durée.
M. Jean-Pierre Fourcade. Mais si vous voulez faire financer la totalité de la réforme uniquement par l’allongement de la durée des cotisations, il faut que cette dernière atteigne quarante-six, quarante-sept, voire quarante-huit ans. C’est tout à fait impossible, notamment pour les jeunes que vous essayez de faire descendre dans la rue !
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Ils ne peuvent pas envisager un déroulement de carrière dans ces conditions !
Je m’appuie sur deux références qui me paraissent raisonnables : la première, c’est celle de M. Strauss-Kahn et du FMI ; la seconde, c’est celle de l’ancien Premier ministre, Michel Rocard. Tous les deux estiment que l’on est obligé de jouer sur l’âge de départ à la retraite et sur l’âge du taux plein à 67 ans. Ces deux références me paraissent sérieuses et constituer une caution raisonnable. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre l’amendement de suppression de l’article 4.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de trente-six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 841, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article
I. - Les articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale sont abrogés.
II. - L'article 81 quater du code général des impôts est abrogé.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Nous souhaitons, par cet amendement, revenir sur les exonérations de charges sociales accordées dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », plus précisément sur les exonérations de cotisations sociales consenties sur les heures supplémentaires, ce qui représente un manque à gagner pour les finances de l’État d’environ 3 milliards d’euros en 2009.
En effet, malgré vos discours pour développer l’emploi dans notre pays à coups d’exonérations de charges sociales, aucune étude n’a pu démontrer l’efficacité de ces exonérations sur le développement de l’emploi et de notre économie. Pis, les emplois industriels disparaissent peu à peu, les délocalisations se poursuivent inlassablement sans qu’une réelle politique en faveur de l’emploi ne voie le jour.
Pourtant, même s’il est vrai que la création d’emplois est une condition essentielle du financement de notre système par répartition, des emplois sans cotisations nouvelles ne régleront pas le problème de la protection sociale, notamment des retraites !
Au final, toutes les exonérations sont autant de dizaines de milliards d’euros en moins chaque année pour le budget de la France.
Pourtant, il existe des solutions simples, efficaces et crédibles pour sauvegarder notre système et nos droits à la retraite. Le système actuel peut être conservé si le Gouvernement s’en donne les moyens ! Nous pouvons financer notre système de retraites en créant des emplois, en augmentant les salaires : un point d’augmentation des salaires permettrait d’abonder les caisses de la sécurité sociale de 3 milliards d’euros. Il faut également taxer les revenus financiers à la même hauteur que les salaires – peut-être est-ce cela que notre collègue M. Fourcade appelle une nouvelle fiscalité ? –, supprimer les exonérations de cotisations de sécurité sociale qui, selon la Cour des comptes, sont coûteuses et ne servent pas à l’emploi, obliger le paiement des dettes patronales et de l’État envers la sécurité sociale qui s’accumulent depuis des années, supprimer les exonérations de plus-values de cession de titres de participation dans les entreprises, qui ont coûté 22 milliards d’euros sur trois ans. Nous pourrions taxer également les stock-options, les retraites chapeaux.
Alors que les cinq cents plus grosses fortunes françaises ont vu leurs revenus passer de 6 % à 14 % du produit intérieur brut, que les bénéfices du CAC 40 atteignent des records jamais égalés, la part des salaires et des pensions dans le PIB de notre pays ne cesse de reculer depuis trente ans.
Les salariés sont de plus en plus ponctionnés, tandis que les contributions du capital sont sans cesse revues à la baisse.
Cet argent, qui alimentait auparavant les caisses de l’État, ne s’est pas dirigé vers les investissements productifs comme vous essayez de le faire croire aux Français.
Il est indécent de voir les plus riches, ceux qui spéculent, frauder le fisc, participer à l’évasion fiscale, recevoir des chèques du Trésor public pendant que le Gouvernement demande au plus grand nombre de payer pour avoir droit à une retraite de misère, de payer pour la sécurité sociale, de payer en licenciements et en insécurité sociale le haut niveau de vie d’une minorité fortunée.
Face à l’échec flagrant de la politique économique et fiscale du Gouvernement, nous souhaitons mettre fin à ces dispositifs inefficaces, coûteux et particulièrement injustes.
Tel est le sens de l’amendement que nous vous proposons d’adopter.
L'amendement n° 833, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le 1° de l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à M. Guy Fischer.
La question du financement de notre régime de retraite est un point central que vous refusez d’aborder dans sa totalité. J’en veux pour preuve le sort qui a été fait à nos amendements en la matière. De la même façon, vous feignez d’ignorer la recommandation répétée dans tous les rapports du Conseil d’orientation des retraites : l’augmentation des ressources des régimes de retraite.
À cette question, vous n’avez qu’une réponse : mettre à contribution les salariés, qui vont supporter 85 % du poids du financement de cette réforme. Or ces ressources supplémentaires existent si l’on veut bien regarder du côté où les richesses sont créées, à savoir les entreprises.
Prenons un exemple, celui des stock-options visées par le présent amendement.
Vous avez fini par les assujettir à une contribution, qui remonte à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, mesure a minima que vous avez prise contraint et forcé pour nous montrer que vous faisiez quelque chose sur les stock-options. Mais c’est en fait très peu, à l’instar de la poussière que l’on pousse sous le tapis ! Les conséquences financières de la mesure sont donc également a minima.
Il faut dire que stock-options, bonus et parachutes dorés étaient devenus encombrants pour vous qui prôniez soudainement la moralisation de la vie financière. On se rappelle les propos du Président de la République à cet égard. Ces divers éléments contribuent moins que les salaires au financement de la protection sociale.
C’est pourquoi nous proposons de ne pas les exclure du forfait social, comme c’est le cas actuellement.
Aujourd’hui, en France, les stock-options, qui concernent 20 000 bénéficiaires, coûtent de 100 à 150 millions d’euros de recettes à l’État et autant – sinon plus – à la protection sociale ! Quid alors de la solidarité ?
À l’inverse, nous proposons, quant à nous, de porter de 10 % à 40 % et de 2, 5 % à 10 % – ce sont les calculs que nous avons faits, mais nous sommes prêts à remettre les chiffres sur la table et à en rediscuter – le taux des contributions patronales et salariales sur les attributions d’options de souscription ou d’achat d’actions et sur les attributions d’actions gratuites.
Nous proposons également de faire en sorte que ces contributions, instituées en 2007 au profit des seuls régimes obligatoires d’assurance maladie, bénéficient au régime d’assurance vieillesse.
Rappelons que la Cour des comptes chiffrait en 2007 à plus de 3 milliards d’euros les pertes de recettes pour la sécurité sociale générées par le dispositif des stock-options.
L’application d’une telle mesure permettrait d’engranger aujourd’hui, en année pleine, environ 800 millions d’euros de recettes supplémentaires au bénéfice de la protection sociale.
Voilà donc un exemple concret et une proposition précise de ressources supplémentaires que nous pourrions trouver.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
L'amendement n° 1172, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Après l'article L. 137-26 du code de la sécurité sociale, est insérée une section 12 ainsi rédigée :
« Section 12
« Contribution patronale sur les formes de rémunération différées mentionnées aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code du commerce
« Art. L. 137 -27. - Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie et d'assurance vieillesse dont relèvent les bénéficiaires, une contribution due par les employeurs assise sur le montant des éléments de rémunération, indemnités et avantages mentionnés aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, à l'exclusion des options et actions visées aux articles L. 225-177 à L. 225-186 et L. 225-197-1 à L. 225-197-5 du code de commerce. Le taux de cette contribution est fixé à 40 %. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Nous souhaitons, par cet amendement, introduire une contribution patronale sur les rémunérations, indemnités et avantages versés aux présidents, PDG et autres membres du directoire de sociétés dont les titres sont présents sur les marchés financiers, cotés en bourse. Cela devrait rassurer M. Fourcade puisque, vous le voyez, nous proposons une solution différente, une solution qui n’est pas fiscale, contrairement à ce qu’il disait.
Le taux de cette contribution que nous voulons porter au taux de 40 % ne toucherait pas les revenus réguliers des patrons de ces sociétés qui sont dus au titre de leurs activités professionnelles, quoi qu’ils soient déjà eux-mêmes très confortables. Il ne s’agit de soumettre à cette contribution de 40 % que les rémunérations différées de ces patrons, soit tous les avantages supplémentaires qu’ils touchent, dont les montants atteignent des sommes astronomiques, et qui sont attribués pour des motifs somme toute assez peu justifiés puisqu’il s’agit – je cite le code du commerce- « des engagements pris [...] et dus à raison de la cessation ou du changement d’activité ». C’est, en clair, ce que l’on appelle plus communément « les parachutes dorés ».
Il s’agit ici de rééquilibrer une réforme injuste, qui fait peser le coût du financement des retraites sur les salariés à hauteur de 85 %, comme les membres de mon groupe, M. Fischer en tête, le répètent inlassablement. Nous souhaitons donc assujettir à une contribution les éléments extra-salariaux des patrons des grandes entreprises.
Cette rémunération différée constitue un avantage inadmissible, d’autant plus que ce dernier vient s’ajouter aux revenus de patrons dont le salaire n’est pas parmi les plus bas, et c’est peu dire ! Encore une fois, le cumul d’avantages favorise ceux qui en ont le plus. En effet, quel salarié ordinaire se voit primé lorsqu’il change d’activité ou simplement démissionne ?
Ces avantages financiers aux montants exorbitants que reçoivent ces patrons de grandes entreprises, en plus de leur rémunération actuelle, doivent donc être particulièrement sollicités pour financer les retraites et l’assurance maladie, et c’est là la moindre des choses.
Ces éléments extra-salariaux sont inadmissibles : ils correspondent à une concentration des richesses dans les mains de la classe dirigeante toujours plus privilégiée et sont même parfois perçus sans aucune adéquation avec les « performances » au sein de l’entreprise.
Ces avantages ne sont rien de moins que des salaires détournés. Et en ce sens, il n’y a pas de raison qu’ils ne soient pas assujettis à contribution, comme les autres revenus, pour financer notre système de protection sociale, y compris celui des retraites mais aussi de l’assurance maladie.
Compte tenu des montants considérables versés, nous suggérons que l’assujettissement soit lui aussi important, à la hauteur de revenus perçus comme des besoins en financement de notre système de retraite par répartition.
Nous proposons donc que cette contribution soit fixée au taux de 40 %.
L'amendement n° 1177, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article L. 137-26 du code de la sécurité sociale, il est inséré une section ainsi rédigée :
« Section ...
« Contribution patronale sur la part variable de rémunération des opérateurs de marchés financiers
« Art. ... - Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie et d'assurance vieillesse une contribution de 40 %, à la charge de l'employeur, sur la part de rémunération variable dont le montant excède le plafond annuel défini par l'article L. 241-3 du présent code versée, sous quelque forme que ce soit, aux salariés des prestataires de services visés au livre V du code monétaire et financier. »
La parole est à Mme Annie David.
Nous revenons avec cet amendement au cœur du problème qui nous est posé par votre projet de réforme, celui du financement de notre régime de retraite par répartition. Vous tentez de réduire cette question à une simple équation démographique. La démographie est, certes, l’une des données à prendre en compte, et nous le concevons fort bien, comme nous concevons la nécessité de réformer notre mode de financement d’un des principaux fleurons de notre système de protection sociale. Cette donnée démographique ne peut toutefois justifier à elle seule, et loin s’en faut, le problème du déséquilibre de notre régime de retraite par répartition.
À mesure que nous avançons dans nos discussions et que le mouvement social s’approprie ce débat, la ficelle paraît de plus en plus grosse et la potion difficile à avaler.
Vous avez certes quelques raisons de reconnaître que le Conseil national de la Résistance exprimait, en son temps, des revendications et des valeurs justes. Cependant, dans le même temps, vous relativisez ce projet de société progressiste dont la finalité consistait, ni plus ni moins, à garantir durablement le bien-être des travailleurs. Vous nous dites que cela sonne faux à vos oreilles et que « ce n’est plus possible » compte tenu des contraintes qui pèsent sur vous. Il faudrait donc désormais nous adapter au monde nouveau, celui de la recherche de la rentabilité, de la performance optimale, même si la potion peut se révéler « amère » pour le plus grand nombre de nos concitoyens.
Avec cet amendement, nous souhaitons confirmer et démontrer le bien-fondé de nos propositions – mes collègues Guy Fischer et Josiane Mathon-Poinat viennent à l’instant de vous en parler –, qui n’ont pour finalité que d’offrir de nouvelles ressources pour développer notre système.
La part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté en France de 9, 3 points entre 1983 et 2006 alors que, pour la même période, la part des dividendes versés aux actionnaires passait de 3, 2 % à 8, 5 % du PIB.
Outre qu’ils font défaut en matière de salaires et de politiques sociales, ces revenus accaparés par le capital sont utilisés pour la spéculation et les délocalisations, soit, par conséquent, contre l’emploi. Malgré tout, le capitalisme financier est encore contraint, de nos jours, de tenir compte de l’existence de notre système de protection sociale par répartition ; certains le regrettent bien, c’est sûr !
Ainsi, entre 1993 et 2009, en dépit des objectifs affichés par les gouvernements successifs au nom du poids excessif des charges sociales, le volume des cotisations sociales a continué d’augmenter – plus 19 % – malgré les efforts de rigueur que vous avez consentis. Simplement, il n’a pas suivi l’évolution du PIB, qui, lui, a augmenté de 33 %, ni celle des revenus financiers des entreprises et des banques, qui s’élève à plus 143 %.
Cela exige donc bien de désintoxiquer l’économie de la financiarisation, alors qu’explosent les revenus financiers. C’est le sens de notre amendement.
L'amendement n° 832, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article L. 241-3-1 du code de la sécurité social, il est inséré un article L. 241-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 241 -3 -2. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 241-3, les salariés employés à temps partiel au sens de l'article L. 212-4-2 du code du travail ou, dans des conditions fixées par décret, peuvent demander à ce que la part patronale de cotisations mentionnée au quatrième alinéa de l'article L. 241-3 du présent code soit assise sur une assiette correspondant à une activité exercée à temps plein. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Le temps partiel concerne surtout les femmes. Certains secteurs, comme la grande distribution, en usent et en abusent.
Aujourd’hui, 30, 2 % des femmes sont employées à temps partiel. Les salaires sont bas et les conditions de travail exténuantes.
Les femmes ont des carrières chaotiques, discontinues, elles s’arrêtent pour congé maternité, congé parental ou congé enfant malade. Ce sont elles qui, souvent, sont recrutées en contrat à durée déterminée. Elles accumulent les périodes de chômage. Ne soyons pas surpris de constater par conséquent que, avec des salaires faibles dans leur vie professionnelle – l’écart avec les salaires des hommes est de 27 % –, elles voient le montant moyen de leur retraite mensuelle atteindre seulement 825 euros en 2008, somme inférieure de 40 % au montant moyen de pension pour un homme.
D’après le COR, le Conseil d’orientation des retraites, la mise en œuvre de l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes apporterait d’ici à 2030 78 milliards d’euros dans les caisses des régimes de retraite.
Ce projet de loi ne fait qu’aggraver les inégalités entre les hommes et les femmes ; c’est un projet particulièrement misogyne. Le temps partiel a des incidences évidentes sur la difficulté que les femmes peuvent avoir à rassembler quarante années de cotisation. Dès lors, qu’en sera-t-il lorsqu’il faudra qu’elles réalisent quarante-deux ans de cotisation, comme vous voulez les y contraindre ?
Depuis les réformes Balladur et Fillon, seules 43 % des femmes salariées arrivent à mener des carrières complètes, alors que, pour les hommes, ce pourcentage est de 86 %. Un tiers des femmes sont ainsi déjà obligées de travailler jusqu’à 65 ans. Ce n’est certainement pas une solution, pour toutes ces femmes qui sont à temps partiel, de reporter l’âge ouvrant droit à une retraite à taux plein de 65 ans à 67 ans ou de prolonger les durées de cotisation.
Proposer aux salariés concernés de demander à leurs employeurs de cotiser sur une assiette correspondant à un temps plein permettrait d’améliorer le montant de leur retraite. La HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, vient même de le suggérer ces derniers jours. Bien sûr, la réussite de la mise en œuvre d’une telle disposition nécessite également des salaires corrects.
La possibilité de cotiser sur une assiette plus large existe déjà depuis la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, mais elle est particulièrement difficile à appliquer. En effet, avant la précédente réforme des retraites, la « surcotisation » était réservée aux salariés à temps partiel embauchés à taux plein et dont l’emploi était ensuite transformé en temps partiel, au titre d’un seul employeur.
La loi de 2003 ouvre cette possibilité à compter de janvier 2004 à l’ensemble des salariés travaillant à temps partiel et aux salariés dont la rémunération ne peut être déterminée en fonction du nombre d’heures travaillées, mais celle-ci est soumise à un accord entre le salarié et l’employeur, écrit, daté et signé par les deux parties. Ce type d’accord se conclut très rarement et la prise en charge par l’employeur n’est nullement obligatoire.
Le Médiateur de la République considère que le problème du niveau des retraites pour les salariés et les fonctionnaires dont la carrière s’est déroulée essentiellement à temps partiel mérite d’être étudié et peut-être de déboucher sur une proposition de réforme autour de la question de la surcotisation.
En approuvant l’amendement que nous vous proposons, nous pourrions ainsi répondre, au moins partiellement, à la demande des femmes qui travaillent à temps partiel, et ce ne serait que justice pour ces dernières.
L'amendement n° 853, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Après l'article L. 1248-11 du code du travail, il est inséré un article L. 1248-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 1248 -12. - Les entreprises qui salarient plus de 10 % de leurs effectifs en contrats à durée déterminée voient la part patronale des cotisations sociales visées à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, majorée de 10 %. »
La parole est à M. François Autain.
Cet amendement prévoit que les entreprises qui salarient plus de 10 % de leurs effectifs en contrat à durée déterminée voient la part patronale des cotisations sociales visée à l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale majorée de 10 %.
Il vise par conséquent à lutter contre le travail précaire nuisible aux comptes sociaux.
En effet, le chômage de masse et le travail précaire sous-payé se cumulent actuellement. Au gré des départs à la retraite et des plans sociaux, la génération du baby-boom quitte la vie active sans être remplacée, ce qui entraîne une terrible perte de savoir-faire.
Le « marché du travail » se structure de plus en plus entre un pôle restreint d’emplois très qualifiés et un pôle d’emplois sous-qualifiés, mal payés et précaires. Marginalisation, paupérisation et déclassement sont le lot commun des couches populaires et moyennes. L’ascenseur social fonctionne à l’envers.
La course à la compétitivité, la mise en concurrence de tous contre tous au sein même des collectifs de travail détruisent les relations de coopération entre salariés en détériorant leur rapport à leur propre travail, ce qui a pour effet de multiplier l’absentéisme, les dépressions et les suicides.
On le voit, il est essentiel d’inverser la tendance. C’est l’objectif de l’amendement que nous vous proposons d’adopter.
L'amendement n° 664, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie textile du 1er février 1951.
La parole est à Mme Annie David.
Dire de l’industrie textile française qu’elle est en crise est une véritable évidence.
Les appétits des actionnaires, qui demandent des taux de rentabilité à deux chiffres, conduisent à une multiplication sans précédent des fermetures d’usines et autres délocalisations. Aujourd’hui, la situation est telle que les grossistes en textile s’inquiètent d’une possible flambée du prix des vêtements en raison des revendications sociales des salariés des pays producteurs.
C’est dire le niveau de la dépendance économique de la France et celui de la désindustrialisation dans notre pays.
À Rillieux-la-Pape, par exemple, près de Lyon, les ouvrières de Lejaby, que Guy Fischer est allé rencontrer, occupent le siège du fabricant de lingerie de luxe qui les emploie. En effet, leur employeur prévoit la suppression à partir du mois de novembre de 197 postes sur 653 et la fermeture de trois sites de production en Rhône-Alpes, dans l’Ain et en Ardèche.
Chez Playtex – autre exemple, cette fois dans mon département de l’Isère –, ce sont 71 postes qui vont être supprimés, et l’usine de La Tour-du-Pin risque d’être prochainement fermée. Voilà quelques jours, j’étais avec les salariés de cette usine à la sous-préfecture de La Tour-du-Pin pour négocier la convention de revitalisation mise en place à la suite de cette fermeture, et je peux vous garantir que la détresse de ces femmes était flagrante. Être témoin de leur incompréhension face à la fermeture de leur entreprise, alors qu’elles ont contribué pendant des années à la richesse de l’établissement, était assez douloureux.
Malheureusement, la liste pourrait être longue et les exemples nombreux. À chaque fois, les salariés nous font part des mêmes craintes quant à leur avenir et à l’impossibilité pour une grande partie d’entre elles – la plupart sont des femmes –, souvent proches de l’âge de la retraite, de trouver un emploi dans quelque branche que ce soit.
Je pense par exemple au témoignage de certaines femmes, notamment à celui d’un membre de la fédération CGT textile : beaucoup de ses collègues pensent qu’il n’y a plus rien pour elles après leur licenciement. Je pense aux inquiétudes des « filles de Lejaby », comme les appelle Guy Fischer, qui ont en moyenne 52 ans et plus de dix ans de maison et savent qu’elles auront du mal à trouver un nouvel emploi.
En 2003, plus de 200 postes avaient déjà été supprimés. Les licenciés, à cette époque, avaient cru à un reclassement possible. Sept ans plus tard, toutes ces filles – toutes ces « copines », comme elles disent – sont pour la plupart encore au chômage ou occupent un emploi à temps partiel dans le secteur des services à la personne, car c’est ce type de postes que vous leur proposez, monsieur le ministre ! Elles ont pourtant un vrai savoir-faire, elles peuvent apporter une vraie valeur ajoutée, mais les entreprises de notre pays refusent de reconnaître ces atouts à leur juste valeur et de rémunérer ces salariées comme elles devraient l’être.
L'amendement n° 665, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries métallurgiques.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Notre amendement vise à permettre aux travailleurs de l’industrie métallurgique de déroger aux dispositions de l’article 4.
La métallurgie est par nature une branche d’activité où les conditions de travail sont particulièrement difficiles et usantes pour les travailleurs. C’est d’ailleurs un secteur que je connais bien, qui est très présent dans la commune et le département dont je suis l’élue.
Les ouvriers sur les chaînes de montage sont usés par leur travail, pour certains dès l’âge de 50 ans. Depuis une quinzaine d’années, les postes « aménagés » ou « allégés » – par exemple, les préparations au montage sur le côté de la chaîne – ont pratiquement disparu, car ils ont été délocalisés. Les ouvriers sont donc désormais condamnés à rester sur la chaîne.
Levés souvent dès trois heures trente pour prendre leur service à cinq heures ou cinq heures trente du matin, ils ont un travail répétitif qui occasionne des troubles musculo-squelettiques.
C’est certain, en cas d’adoption de la réforme des retraites et particulièrement de cet article 4, les employeurs n’arriveront pas à maintenir ces ouvriers en poste au-delà de 60 ans puisque, à 58 ans, beaucoup sont déjà en arrêt pour longue maladie sans possibilité de reclassement. Nous faisons face à des taux d’absentéisme jamais atteints – autour de 14 % – qui touchent surtout les anciens du fait de ces conditions de travail.
Monsieur le ministre, des accords concernant le travail des seniors ont été signés en décembre 2009, mais aucune suite ne leur a été donnée. Bien souvent, les améliorations proposées sont de toute façon impossibles à réaliser car les postes de travail ne sont pas compatibles avec une vie plus longue au travail. À moyen et long termes, si on oblige les ouvriers à travailler plus longtemps, on peut craindre des plans sociaux massifs.
Ces conditions de travail sont partagées par tous les travailleurs de la métallurgie, y compris ceux qui n’utilisent plus leur force physique. Dans le groupe ArcelorMittal, par exemple, il n’existe quasiment plus de travaux faisant appel à la « force brute ». En effet, heureusement, le modernisme a fait du chemin, mais certains de ces travaux ont malheureusement été sous-traités, ce qui ne permet plus de percevoir les conséquences de ce travail avec la même ampleur.
Cependant, partout, les agents de maîtrise liés à la chaîne subissent le stress ; pour eux, la pénibilité est non pas dans le geste mais dans la tête, à cause de la course aux objectifs. Quand une panne survient, il faut réagir vite.
Ainsi, les travailleurs de la métallurgie ne s’y trompent pas. Ni le vote à l’Assemblée nationale ni toutes les tentatives de diversions orchestrées par le pouvoir en place n’auront eu raison de leur détermination. Celle-ci s’est traduite par une participation massive de leur part dans les grèves et les 232 manifestations organisées dans toute la France. Les cortèges des salariés de la métallurgie ont d’ailleurs été marqués par la présence de plus de jeunes, de femmes et de salariés issus des PME, de plus d’ingénieurs, de cadres et de techniciens.
Nous vous demandons donc d’écouter ces travailleurs de la métallurgie, qui ne pourront pas, physiquement, travailler davantage.
Voilà le sens de notre amendement, qui vise à faire en sorte que les salariés de la métallurgie n’aient pas à subir les conséquences de la disposition de l’article 4. Vous aurez bien compris qu’il s’agit d’un amendement de repli par rapport à notre demande de suppression de l’article, mes chers collègues.
L'amendement n° 666, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de jeux, jouets, articles de fêtes et ornement de Noël, articles de puériculture et voitures d'enfants, modélisme et industries connexes du 25 janvier 1991.
La parole est à Mme Annie David.
Cet amendement s’inscrit dans la continuité des amendements précédents, qui visent à faire entrer dans notre hémicycle ce que le Gouvernement et sa majorité refusent, c’est-à-dire des éléments de vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens, car ce sont bien d’eux qu’il s’agit.
Lors de son intervention dans la discussion générale, notre collègue Jean-Paul Virapoullé, dans un grand élan, n’a pas hésité à affirmer ceci : « pousser les Français dans la rue […], c’est […] favoriser la délocalisation ». Voilà une conception particulière de notre démocratie, qui consiste à croire que ce sont des « salariés poussés » qui manifestent massivement contre votre projet de loi. Ou alors, mes chers collègues, vous nous créditez d’un sacré pouvoir de persuasion envers ces millions de salariés qui sont dans la rue, ce qui est finalement plutôt flatteur pour nous !
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Croire que nous avons poussé ces salariés est une grave erreur, car, s’ils le sont, c’est par un élément : leur désir de conserver le droit à la retraite à 60 ans et sans décote.
C’est également une conception bien particulière de l’économie que celle qui consiste à rejeter la responsabilité des délocalisations sur des salariés qui, à un moment donné, se mobilisent pour la préservation de leurs droits.
À vous écouter, les actionnaires, qui exigent toujours des rentabilités plus grandes, ne seraient en définitive responsables de rien. Les salariés apprécieront. Ils apprécieront également d’apprendre qu’en 1995 le PDG de Mattel – cet amendement porte en effet sur les assurés dont l’activité professionnelle relève de la convention des industries de jeux, jouets, etc. – a gagné plus en salaire et en stock-options que l’ensemble des personnes travaillant pour Mattel en Chine.
Face à cette délocalisation permanente il nous semble important de prendre des mesures concrètes pour protéger des salariés qui, dans cette situation, ne pourront pas de toute évidence atteindre les 41, 5 annuités.
La réforme que vous menez, parce qu’elle aura des incidences sur le montant des pensions, ne doit pas être aveugle. Elle doit naturellement tenir compte du contexte industriel de notre pays afin que les salariés qui subissent des périodes de chômage ne soient pas pénalisés une fois de plus parce qu’ils auraient été obligés d’attendre le nombre d’annuités légalement exigé pour prétendre à une pension de retraite digne, alors que, pendant ce temps, les actionnaires continuent de s’en mettre plein les poches.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
L'amendement n° 667, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie du 13 juillet 1993.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Cet amendement vise à une exemption pour les assurés relevant de la convention collective des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie.
De nombreux membres de la majorité glosent sur le fait qu’il est difficile de légiférer sur la « pénibilité » car il s’agirait d’une notion « complexe » qui ne permettrait pas d’être généralisée à des branches professionnelles dans leur ensemble.
La présente réforme reflète d’ailleurs ce discours puisque la pénibilité n’est considérée que sous l’angle du handicap constaté, donc individualisé. En somme, seuls les salariés malades et amoindris se verront reconnaître ce droit particulier. En revanche, ceux qui auront eu la malchance de voir une maladie professionnelle se déclarer avant un certain âge ne seront pas considérés comme des salariés comme les autres.
Nous l’avons dit à plusieurs reprises, cette définition de la pénibilité est pour le moins restrictive. Prenons le cas des boulangers, par exemple : de l’avis de l’ensemble de la médecine du travail, ceux-ci, du fait de leur métier, sont soumis à des risques allergiques respiratoires et cutanés. Ces pathologies sont évidemment liées non pas au hasard mais à leurs conditions de travail : empoussièrement des fournils, utilisation massive et répétée de farine. Les boulangers ont aussi la particularité d’avoir, pour la très grande majorité d’entre eux, des horaires atypiques – travail de nuit –, donc des rythmes contraires aux rythmes chronobiologiques, ce qui entraîne des maladies du sommeil, une fatigue excessive, une fatigue physique, des troubles de l’humeur.
Enfin, les boulangers exercent un métier physiquement dur : ils portent des charges lourdes, ils adoptent des gestes répétitifs, …
… tendineux, ils manipulent des instruments tranchants et ils travaillent debout en atmosphère humide et chaude. Bref, le métier de boulanger est, par essence même, un métier pénible.
Il nous paraît tout à fait inadmissible de ne pas considérer le droit à la retraite anticipé pour ceux qui, par malchance, auront souffert de cette situation. Cela écarte tous ceux qui, usés par une vie de labeur difficile, n’auront pas non plus la chance de connaître une retraite aussi longue que celle d’un cadre.
L'amendement n° 668, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant de la convention collective des artistes musiciens de la production cinématographique du 1er juillet 1964.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Nous avons vraiment le souci de montrer combien de salariés sont dans une situation précaire, ce qui semble avoir échappé à nos collègues de la majorité… J’imagine pourtant que vous avez bien étudié la situation de tous les métiers…
Cet amendement n° 668 porte sur les artistes musiciens : on sait très bien que le problème majeur pour un musicien est de pouvoir vivre de son art, et que la précarité est le lot commun des artistes musiciens, comme d’autres artistes d’ailleurs.
À partir des années 1920, on a commencé à composer de la musique pour le cinéma, et la musique a pris une large part dans les œuvres cinématographiques. Toutefois, le statut particulier des artistes musiciens de la production cinématographique était inexistant en droit. En effet, ces artistes particuliers, à mi-chemin entre l’édition phonographique et la production cinématographique, ont dû attendre les années 1960 pour que leur statut soit réglementé par des protocoles d’accord et une convention collective, en 1964. Ainsi, les artistes musiciens, bien que jouissant du privilège d’exercer un métier en adéquation avec leur passion, contrairement à ceux qui ne le peuvent pas, souffrent toujours d’une très grande précarité et de la fragilité de leur statut dans la société.
La convention collective règle le régime spécifique des artistes musiciens en énonçant tout d’abord les conditions générales de travail de ces salariés particuliers, puis le barème de leur rémunération. Elle réglemente le temps de travail des artistes sur la base de la notion de service : on distingue le service « normal » et le service « exceptionnel ». Sans s’attarder là-dessus, notons que, sous l’appellation « service normal », on retrouve l’idée de cachet qui se distingue du salaire. Cette rémunération rend difficile la cotisation et renforce de fait la précarité à laquelle ces professionnels doivent faire face. C’est pourquoi l’article 4 de ce projet de loi, et à plus grande échelle le projet de loi lui-même, met en péril ce type de situation et ce type de rémunération.
Nous proposons donc que l’article 4 ne s’applique pas à ceux qui bénéficient de cette convention collective, car ce serait encore un coup porté à une certaine continuité dans les rémunérations des artistes.
L'amendement n° 671, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la blanchisserie, laverie, location de linge, nettoyage à sec, pressing et teinturerie du 17 novembre 1997.
La parole est à Mme Annie David.
Cet amendement concerne les assurés dont l’activité professionnelle relève de la convention collective de la blanchisserie, laverie, location de linge, nettoyage à sec, pressing et teinturerie du 17 novembre 1997.
Nous pensons que ces salariés sont particulièrement défavorisés en termes d’acquisition des trimestres nécessaires pour pouvoir partir avec une retraite sans décote. Ils n’y parviennent déjà pas aujourd’hui, car ils sont dans une situation très difficile au regard du maintien et de la stabilisation dans leur emploi. La précarité de leur situation est très importante. Que cela soit dans les entreprises de services – blanchisserie, nettoyage à sec, par exemple – ou même dans les usines plus importantes, le taux de contrats précaires est très élevé.
Par conséquent, cette précarité et leur carrière hachée ne permettront pas à ces salariés d’accumuler le nombre de trimestres nécessaire pour obtenir une retraite sans décote.
Ce secteur d’activité se concentre en des chaînes de magasins qui appliquent uniformément à un groupe une politique salariale et managériale des plus dures par souci de rentabilité et de lutte contre la concurrence. Les prix y sont de plus en plus tirés vers le bas, et les salaires le sont donc automatiquement aussi : la quasi-totalité des salariés de ce secteur ne sont payés qu’au niveau du SMIC, qu’ils aient ou non de l’ancienneté. Comme beaucoup sont à temps partiel, je vous laisse imaginer le montant des pensions auquel ils pourront prétendre au moment de leur retraite.
Dans ce secteur comme dans beaucoup d’autres, les travailleuses et travailleurs âgés sont remplacés par des jeunes que la direction pense plus productifs et surtout plus corvéables. Les salariés âgés sont donc éloignés de l’emploi vers 50 ans, guère plus, sans aucune chance d’y retourner.
C’est un milieu professionnel qui connaît des conditions de travail pénibles. Il existe de nombreux produits chimiques utilisés, manipulés et inhalés dans ces métiers. Le travail s’effectue aussi dans une atmosphère très chaude et humide, compte tenu de la vapeur. Les salariés de ce secteur professionnel auront donc beaucoup de mal à travailler jusqu’à 62 ans pour pouvoir partir à la retraite et devront de toute manière attendre 67 ans pour obtenir une très faible pension de retraite à taux plein.
C’est la raison pour laquelle il ne faut pas leur appliquer l’article 4, ni même aucun des articles de ce texte de loi !
L'amendement n° 672, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la boucherie, boucherie-charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerces de volailles et gibiers du 12 décembre 1978, actualisée.
La parole est à Monsieur François Autain.
Les salariés relevant de la convention collective de la boucherie, boucherie-charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerces de volailles et gibiers ont récemment été concernés par un accord de branche daté du 30 mars dernier à destination des entreprises employant de 50 à 300 salariés. En effet, ce métier est touché à la fois par une pénurie de main-d’œuvre et par un taux d’emploi des seniors de 24, 07%.
Cet accord a pour but de fixer des objectifs chiffrés visant au maintien dans l’emploi des salariés âgés de 50 ans et plus et de favoriser la poursuite de leur activité professionnelle. Ces salariés constituent, au regard de l’expérience acquise, une réelle valeur ajoutée pour le développement de l’entreprise par la pérennisation des savoir-faire d’un métier à forte technicité.
Je vois, chers collègues, que vous apprenez énormément de choses grâce à ces amendements du groupe CRC-SPG…
Je continue donc.
Cet accord propose en outre – et vous ne le saviez pas non plus –…
… un certain nombre de dispositions pour aménager la fin de carrière des salariés âgés de 50 ans et plus. Et pour cause : les pathologies liées à la manutention et aux gestes répétitifs représentent une part non négligeable des accidents du travail et des maladies professionnelles constatés dans cette branche professionnelle. Les troubles musculo-squelettiques sont aussi source de souffrances physiques ressenties sur certains postes de travail. On peut citer notamment le cas de la manutention des carcasses qui expose les livreurs à des risques d’accident du travail et de maladie professionnelle.
Une enquête a montré que les transporteurs livrent des carcasses de veau et des quartiers de bœuf pouvant peser jusqu’à 150 kilos. Lors de ces opérations manuelles de chargement et de déchargement réalisées à dos d’homme, les accidents sont multiples : foulures, entorses ou fractures. Ajoutez à cela que la répétitivité de ces tâches entraîne des maladies, comme les lombalgies bien connues des médecins généralistes et des médecins du travail, dont certaines peuvent être reconnues comme maladies professionnelles. La question de la pénibilité se pose donc pour tous ces salariés en fin de carrière pour qui le recul d’âge de départ en retraite risque de rimer davantage encore avec accidents et maladies professionnelles.
Je suis parfaitement détendue, mon cher collègue, mais je dois faire respecter le temps de parole !
L’amendement n° 675, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant de la convention collective du caoutchouc du 6 mars 1953.
La parole est à M. Guy Fischer.
Cet amendement tend à exclure du champ d’application de l’article 4 les assurés relevant de la convention collective nationale du caoutchouc du 6 mars 1953.
En France, quand on parle de caoutchouc, on pense uniquement à Michelin ou Dunlop.
Les personnels qui travaillent dans des entreprises rattachées à cette convention collective sont particulièrement mal lotis par rapport aux autres salariés. Nous souhaitons donc, pour tenir compte de leur situation particulière, que soit prévue à leur endroit une dérogation au principe général fixé dans le projet de loi.
Je ne développerai pas plus avant l’argumentaire de cet amendement, qui se justifie par son texte même, car Marie-France Beaufils doit expliciter, à l’amendement suivant, notre conception de la pénibilité.
L’amendement n° 679, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective du commerce de détail de l'habillement et des articles textiles du 25 novembre 1987, révisé par avenant du 17 juin 2004.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Cet amendement tend à exclure du champ d’application de l’article 4 les assurés relevant de la convention collective nationale du commerce de détail, de l’habillement et des articles textiles du 25 novembre 1987, révisée par avenant du 17 juin 2004.
Les conditions de travail dans le secteur du commerce de détail de l’habillement et des articles de textile sont particulièrement difficiles et précaires. On n’y parle même plus de carrière, tant les contrats précaires s’y enchaînent ; quant aux contrats à durée indéterminée, les CDI, ils sont rares.
Ce secteur recrute encore, mais pour des contrats très courts et très mal payés. C’est un secteur où la pression des employeurs est énorme, car une concurrence sauvage fait rage entre les magasins pour tirer les prix vers le bas.
C’est aussi un milieu professionnel qui connaît des conditions de travail pénibles : on y travaille debout, et souvent le dimanche.
Par conséquent, les personnels travaillant dans les entreprises rattachées à cette convention collective sont particulièrement défavorisés en termes d’acquisition des trimestres nécessaires pour bénéficier d’une retraite sans décote ; d’ailleurs, ils n’y parviennent pas aujourd’hui.
Ce secteur d’activité se concentre dans des chaînes de magasins qui appliquent une politique salariale et managériale des plus dures, par souci de rentabilité et de lutte contre la concurrence. Les prix y sont de plus en plus tirés vers le bas, comme, automatiquement, les salaires. La quasi-totalité des salariés de ce secteur, devenus une variable d’ajustement, sont ainsi payés au SMIC.
Les heures supplémentaires ne sont pas toujours payées. En outre, comme de nombreux salariés travaillent à temps partiel, je vous laisse imaginer le montant des pensions auxquelles ils pourront prétendre !
Dans ce secteur, comme dans beaucoup d’autres, les travailleurs et travailleuses âgées sont remplacés par des jeunes que la direction juge plus productifs et corvéables. Les salariés âgés sont donc éloignés de l’emploi vers 50 ans, guère plus, sans aucune chance d’y retourner.
Ces salariés, qui auront beaucoup de mal à travailler jusqu’à 62 ans, devront donc attendre l’âge de 67 ans pour obtenir une très faible retraite à taux plein.
L’amendement n° 680, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant de la convention collective des coopératives agricoles de céréales, de meunerie, d'approvisionnement, d'alimentation du bétail et d'oléagineux du 5 mai 1965.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Cet amendement de repli tend à exclure du champ d’application de l’article 4 les travailleurs relevant de la convention collective nationale des coopératives agricoles de céréales, de meunerie, d’approvisionnement, d’alimentation du bétail et d’oléagineux du 5 mai 1965.
Ce texte régit, sur l’ensemble du territoire métropolitain, les rapports entre employeurs et salariés des coopératives agricoles, des unions de coopératives agricoles de céréales, de meunerie, d’approvisionnement, d’oléagineux et d’aliments du bétail, constituées conformément aux textes législatifs et réglementaires en vigueur, ainsi que des sociétés coopératives d’intérêt collectif agricole ayant le même objet, dans lesquelles ces coopératives agricoles ou unions de coopératives agricoles ont une participation prépondérante.
Il s’applique également aux groupements professionnels agricoles et aux sociétés créées par les entreprises visées au premier alinéa de l’article 1144-7 du code rural, lorsque ces groupements professionnels agricoles ou ces sociétés ont pour activité la collecte, le stockage, le conditionnement, la transformation et la vente des céréales, des oléagineux et protéagineux, l’achat et la vente des produits, biens équipements, instruments nécessaires à l’agriculture et au monde rural, et la fourniture de services rattachés aux activités susvisées.
Il s’applique, en outre, aux groupements d’intérêt économique exerçant des activités identiques.
Si les métiers concernés sont très variés, historiquement, la convention collective prévoit explicitement la prise en compte des travaux pénibles, dangereux et insalubres. La pénibilité de ce travail est reconnue, sur la base de nombreux critères – la position normale de travail, le risque de maladie, les tâches particulièrement salissantes, pénibles, dangereuses ou insalubres, la fourniture par le travailleur de son outillage personnel –, qui donnent lieu, à ce titre, à indemnisation. C’est là un point important.
Nous nous opposons donc à tout allongement de la durée de carrière et à tout recul de l’âge de départ à la retraite de ces salariés, car ils risquent d’appauvrir encore davantage les futurs retraités.
S’agissant des métiers agricoles que je viens d’évoquer, qui présentent un fort caractère de pénibilité et d’astreinte, l’allongement de la durée de cotisation constitue une véritable double peine.
L’amendement n° 682, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la presse.
La parole est à M. Guy Fischer.
Cet amendement tend à exclure du champ d’application de l’article 4 les assurés dont l’activité professionnelle relève des métiers de la presse. Je souhaite évoquer, plus particulièrement, le métier de rotativiste.
Après une première enquête menée en 1981, et qui avait fait date, portant sur la mortalité des rotativistes de la presse parisienne, une nouvelle étude a été réalisée en 2009, à la demande du syndicat patronal de la presse quotidienne nationale, le SPQN, et du syndicat des imprimeries parisiennes, le SIP-CGT. Son but était d’évaluer de manière objective la pénibilité du travail des rotativistes, ainsi que le prévoyait la loi « Fillon » de 2003 de réforme des retraites. On voit ce qu’il en est depuis...
Cette étude est venue confirmer la pénibilité de ce métier, dont la modernisation est cependant indéniable. Selon le cabinet d’expertise Emergences, « malgré les améliorations apportées à l’outil de production et à l’environnement de travail au sein des imprimeries, les rotativistes restent exposés à un certain nombre de contraintes et de nuisances qui ont des effets nocifs sur la santé et, à long terme, selon toute probabilité, sur l’espérance de vie ».
Depuis trente ans, ce secteur d’activité s’est considérablement modernisé et concentré : la presse quotidienne nationale ne compte plus que cinq imprimeries en région parisienne, qui sont toutes passées à l’offset. Il en existe aussi quelques-unes dans l’agglomération lyonnaise.
Si l’informatisation a permis de réduire l’exposition au bruit, aux vibrations et aux produits toxiques, sans toutefois les supprimer totalement, elle s’est aussi accompagnée, du fait de la concentration des titres par site, d’une intensification de la production.
Si les rotativistes bénéficient de temps de repos et de congés annuels supérieurs au droit du travail, destinés à atténuer l’effet des nuisances professionnelles sur leur vie personnelle, le fait de travailler pour la sortie d’un quotidien, souligne l’étude, « entraîne une forme d’astreinte permanente du personnel et un besoin d’effectifs fluctuant au jour le jour : des horaires variant d’un jour sur l’autre, des journées de repos non consécutives, du travail durant le week-end et les jours fériés... ».
Ces salariés sont également exposés à des solvants reconnus comme cancérigènes, notamment lors des phases de nettoyage des presses.
La pénibilité avérée de ce métier justifierait, selon nous, qu’on prévoie une dérogation spéciale pour ces salariés.
L’amendement n° 684, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des grands magasins et des magasins populaires du 30 juin 2000.
La parole est à Mme Annie David.
Le débat portant sur la réforme des retraites aura au moins permis de lever le voile sur les inégalités entre hommes et femmes au regard du droit à la retraite.
Les pensions perçues par les femmes représentent, en moyenne, 48 % de celles des hommes. Trois raisons principales expliquent une telle différence : des durées de cotisation plus courtes, une moindre participation au marché du travail et des rémunérations moins élevées.
Sur les 40 000 salariés que compte la branche des grands magasins et magasins multicommerce, 72 % sont des femmes. Pour être plus précis, les femmes représentent 69 % des salariés des magasins multicommerce et 74 % des salariés des grands magasins. Leur situation illustre parfaitement l’inégalité entre hommes et femmes que je viens d’évoquer.
En effet, 80 % des salariés de la branche sont employés ou ouvriers. Leur âge moyen est de 40 ans et leur ancienneté au sein de l’entreprise, de 11, 5 années en moyenne. En somme, il s’agit de salariés durablement installés dans des emplois peu qualifiés, peu rémunérés, et dont les possibilités de mobilité sont particulièrement restreintes.
J’ajoute que 27 % des salariés des grands magasins et 37 % des salariés des magasins multicommerce travaillent moins de 35 heures par semaine. Il faut évidemment revoir ces proportions à la hausse, dès lors que l’on souhaite prendre en compte le travail à temps partiel chez les femmes.
Ce secteur professionnel va subir la réforme de plein de fouet, ce qui entraînera une très forte dégradation du niveau de vie des futurs retraités de ces entreprises.
Émile Zola a décrit, dans Au bonheur des dames, la dureté et l’âpreté du travail dans les grands magasins ; depuis cette époque, le progrès social en général, et de nombreuses luttes en particulier, ont permis d’améliorer les conditions de travail et le niveau de vie de ces salariés.
Il serait regrettable que cette réforme nous ramène au XIXe siècle ! Voilà pourquoi nous souhaitons que les salariés relevant de la convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires bénéficient d’une dérogation spéciale à l’article 4.
L'amendement n° 685, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.
La parole est à M. François Autain.
Par cet amendement, nous entendons prévoir que les dispositions de l’article 4 du présent projet de loi ne s’appliquent pas aux assurés relevant de la convention collective de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002.
Pour ces derniers notamment, l’allongement de la durée de cotisation va être vraiment très douloureux. Ils sont très représentatifs de métiers dont les personnels ne peuvent pas accepter sans réagir votre discours qui consiste à les inciter à fournir un « petit effort ».
L’hospitalisation privée en France correspond à environ 2 300 établissements à but lucratif et non lucratif. Elle emploie 40 000 médecins et 164 500 infirmiers et cadres.
La convention collective de ce secteur concerne énormément de spécialités différentes : les infirmiers de chirurgie, de médecine, d’oncologie, de bloc opératoire, les infirmiers hygiénistes, ou encore ceux de réanimation ou de soins intensifs, les surveillants de bloc, de médecine, etc.
Nous espérons, mes chers collègues, que vous n’êtes pas sans savoir que les réalités des activités des personnels de cette branche et leurs conditions de travail sont souvent très pénibles : travail de nuit, travail décalé, rythmes intensifs, travail dans l’urgence, en particulier. Ils sont soumis au quotidien à des contraintes très particulières qui exigent de leur part un investissement individuel permanent.
Le cœur de leur métier, c’est l’humain et, dans ce domaine, on ne peut pas économiser son investissement professionnel et souvent personnel. Ils prennent en charge des êtres humains qui sont malades, blessés et qui souffrent. Ils doivent écouter et soigner autant le corps que l’âme. Ils doivent associer une grande technicité des actes médicaux avec une empathie envers leurs patients.
Dans le secteur public et sous certaines conditions, les professionnels qui exercent ces métiers usants sont reconnus comme appartenant à la catégorie active et ont par conséquent le droit de bénéficier de départs anticipés à la retraite.
Par l’amendement n° 685, nous demandons que les personnels du secteur de l’hospitalisation privée puissent disposer des mêmes droits que ceux du secteur public. Le nombre d’annuités de cotisation qu’ils devraient cumuler, si le présent projet de loi était adopté, serait insupportable.
L'amendement n° 686, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant des conventions collectives de l'hôtellerie et de la restauration.
La parole est à M. Guy Fischer.
Nous proposons d’exclure de toute augmentation des durées d’assurance les salariés relevant des conventions collectives de l’hôtellerie et de la restauration.
Augmenter le nombre d’annuités pour ces salariés reviendrait à leur faire payer encore plus cher le droit de partir à la retraite. Ils occupent pourtant des emplois difficiles, physiquement usants, chaotiques, compte tenu des horaires de travail imposés par leur employeur. Nombre d’entre eux ont commencé très jeunes leur activité professionnelle. Comment occulter le fait que, dans ces secteurs, travailler signifie débuter très tôt le matin, finir tard le soir, travailler le week-end et bien souvent pendant les vacances scolaires ? C’est aussi dans ces secteurs que se concentrent les bas salaires.
Pensons à ces femmes de ménage qui, dans les hôtels, répètent chaque jour des gestes harassants, des années durant. De surcroît, nous avons, les uns et les autres, vu évoluer la situation : les travaux les moins valorisants sont de plus en plus exercés par des salariés immigrés, originaires, par exemple, de l’Inde ou du Sri Lanka.
Je n’oublie pas les femmes de ménage de l’hôtel Arcade qui se sont battues un an pour l’amélioration de leurs conditions de travail et de leur rémunération. Leur lutte est devenue un symbole.
Rappelez-vous aussi, mes chers collègues, la grève de ces sans-papiers employés, notamment, par des restaurants du groupe Costes ou par la Tour d’Argent ; la mobilisation avait alors fait tache d’huile : on avait compté jusqu’à six cents ou sept cents grévistes dans une profession très difficile. Plus d’un client fut surpris de voir figurer au menu de ces restaurants chics une revendication, celle de la régularisation de leurs salariés sans-papiers. Quant aux conditions de travail, les salariés sans-papiers du groupe Costes, par exemple, dénonçaient des changements d’emploi du temps, l’absence de pauses, les repas pris debout, ou encore le non-paiement des congés.
Les sans-papiers ont eu le mérite de confirmer à tout un chacun que cette situation est, hélas, bien trop répandue dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, fait que dénoncent régulièrement les salariés et leurs syndicats.
Permettez-moi aussi d’évoquer les étudiants qui, en raison du coût prohibitif des études, travaillent chez McDonald’s, entre autres, afin de mener à terme leurs études. Un certain nombre d’entre nous, et sûrement parmi vous aussi, mes chers collègues, ont connu une telle situation.
L'amendement n° 687, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie de la chaussure et des articles chaussants du 31 mai 1968, révisée par protocole d'accord du 7 mars 1990.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Par le biais de cet amendement, nous vous demandons, mes chers collègues, d’exclure tout allongement de la durée de cotisation pour les assurés relevant de la convention collective de l’industrie de la chaussure et des articles chaussants.
Avec les délocalisations que la politique gouvernementale favorise en donnant la priorité à la finance, la production industrielle du secteur considéré a été fortement réduite. Est arrivé sur le marché un nombre de plus en plus élevé de chaussures fabriquées dans des pays où la main-d’œuvre est payée une misère. Étant donné le montant de leurs salaires, on ne peut pourtant pas soutenir que les salariés des usines françaises « coûtent » cher. En outre, ce secteur comportant beaucoup de femmes, le patronat en profite pour dégrader encore plus les rémunérations et les conditions de travail.
La France, qui produisait 155 millions de paires de chaussures en 1994, n’en fabriquait plus que 53, 3 millions en 2004, selon des statistiques de la Fédération française de la chaussure. Dans le même temps, les effectifs du secteur ont fondu : on dénombrait 13 380 employés répartis dans 141 entreprises, contre 30 800 en 1994. Et cette diminution, qui ne s’est évidemment pas arrêtée en 2004, continue encore aujourd'hui, comme nous pouvons le constater dans nos départements.
Par exemple, cette année, l’entreprise Bata de Neuvic-sur-l’Isle, dans le Périgord, qui a employé jusqu’à 2 000 personnes, a été liquidée. Pourtant, selon le rapport de l’expert désigné par le comité d’entreprise, le résultat net de ce groupe s’était accru entre 2007 et 2008. Au mois de juin, les ex-salariés n’ont pu qu’assister à la vente aux enchères de leur entreprise dans laquelle ils ont travaillé des années tout en percevant de très faibles salaires. De quelle pension de retraite bénéficieront-ils ?
Voilà un an, c’étaient les salariés de JB Martin, fabricant de chaussures basé à Fougères, dans le département d’Ille-et-Vilaine, qui se battaient contre un arrêt de la fabrication et, donc, contre des suppressions d’emploi affectant essentiellement les ouvriers de la production.
En allongeant la durée de cotisation, le Gouvernement pénalise encore et toujours ceux qui ont des conditions de travail difficiles, qui sont mal payés, se voient condamnés au chômage après des années de travail en raison de choix dont ils ne sont absolument pas responsables.
C’est cette situation que nous refusons et c’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter l’amendement n° 687.
L'amendement n° 692, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie des tuiles et briques du 17 février 1982.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Cet amendement vise l’augmentation du nombre des annuités de cotisation à laquelle seraient soumis les personnels des tuileries et briqueteries.
À l’image de l’industrie du verre, par exemple, dans notre pays, l’industrie des tuiles et briques propose des professions et des métiers certes passionnants, mais également marqués par une pénibilité toute particulière.
Bien que l’on nous ait assuré que les dispositions prises, depuis déjà un certain temps, par les partenaires sociaux de cette branche d’activité pour tenir compte de la pénibilité étaient destinées à être prorogées, nous demandons à voir dans les faits ce qu’il en sera. Je vais même être extrêmement précise : ces partenaires n’ont certainement pas attendu la réforme « Fillon » ni le présent projet de loi pour adopter de telles mesures.
Ainsi, un avenant à la convention collective du 17 février 1982, signé le 18 juin 2001, comporte tout ce que l’on peut attendre de la négociation collective : d’abord, l’affirmation d’un objectif de portée générale – permettre à des salariés ayant effectué suffisamment d’années de travail de partir à la retraite avant l’âge légal –, ensuite, une volonté de maintenir l’emploi en permettant un rajeunissement des effectifs et l’embauche de jeunes salariés, enfin, la volonté de répondre aux attentes des salariés ayant effectué des carrières longues et qui manifestent clairement l’envie de cesser leur activité professionnelle.
Le dispositif des carrières longues, introduit par la réforme « Fillon », n’a finalement pas été une nouveauté pour les salariés des tuileries et briqueteries, surtout que l’avenant susvisé s’appuyait sur les termes du décret 9 février 2000 relatif à la cessation d’activité de certains travailleurs salariés.
Nous souhaitons créer les conditions pour que la négociation collective menée dans l’industrie des tuiles et des briques ne soit pas remise en cause par la réforme qui nous est aujourd'hui proposée. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement.
L'amendement n° 693, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie du pétrole du 3 septembre 1985.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Par cet amendement, nous souhaitons exclure des dispositions de l’article 4 les salariés relevant de la convention collective de l’industrie du pétrole du 3 septembre 1985.
Ces salariés connaissent bien souvent des conditions de travail et de vie contraignantes et difficiles. Tel est, par exemple, le cas de l’ingénieur pétrolier qui passe de long mois à terre ou en mer sur des plates-formes et qui est confronté à des conditions climatiques parfois extrêmes. À cela s’ajoutent les risques liés aux métiers du secteur pétrolier. En effet, les accidents du travail y sont fréquents. Ce fait s’explique non seulement par la nature même de ces professions, mais aussi par la pénurie de travailleurs qualifiés que connaît cette branche capitale de l’économie.
Certes, parallèlement à leur effectif permanent, les compagnies pétrolières ont de plus en plus recours à la main-d’œuvre contractuelle, mais cela a pour conséquence de rendre d’autant plus difficiles la détermination de l’identité de l’employeur et, par conséquent, les négociations collectives.
Pourtant, les qualités exigées de ces employés sont nombreuses, notamment la mobilité et une grande réactivité. En outre, ils ont de lourdes responsabilités en raison des conséquences désastreuses, aussi bien sur les personnes que sur l’environnement, des risques d’accidents liés à la sécurité.
Face à cette réalité, les compagnies de l’industrie pétrolière empochent des bénéfices extravagants. Ainsi, Total annonce un bénéfice de 7, 8 milliards d’euros pour 2009, ce qui n’est rien en comparaison du record atteint en 2008, période pendant laquelle le groupe a réalisé le plus gros bénéfice jamais enregistré par une entreprise française, à savoir presque 14 milliards d’euros. Si l’on prend en compte ces quatre dernières années, l’entreprise comptabilise plus de 43 milliards d’euros de bénéfices.
Cette situation ne l’empêche cependant pas de prévoir un plan de 555 suppressions de postes d’ici à 2013 dans les activités de raffinage et de pétrochimie ; gardons à l’esprit qu’un poste peut correspondre à plusieurs emplois. La direction assure que cette restructuration se fera sans aucun licenciement grâce à des efforts de reclassement internes et à un dispositif de « congé attente retraite ».
Même si cette promesse est tenue, des territoires entiers seront inévitablement sinistrés, en raison des multiples conséquences, bien connues, des fermetures partielles ou complètes d’usines sur la vie des régions.
À l’heure où nombre de PME font des efforts pour garder leurs salariés, malgré un chiffre d’affaires dégradé de façon désastreuse, il est inacceptable qu’une entreprise multinationale, qui se permet d’augmenter les dividendes versés aux actionnaires, ait un comportement aussi peu responsable en matière d’emploi, le chômage étant l’une des causes majeures du problème de financement du système de retraite par répartition. Il paraît dès lors injuste d’exiger des efforts de la part des salariés de l’industrie du pétrole en leur imposant un report de l’âge auquel ils peuvent faire valoir leur droit à la retraite.
L'amendement n° 694, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Par cet amendement, nous souhaitons que les dispositions de l’article 4 ne s’appliquent pas aux assurés dont l’activité relève de la convention collective nationale de l’industrie pharmaceutique du 6 avril 1956.
L’industrie pharmaceutique est le secteur économique qui regroupe les activités de recherche, de fabrication et de commercialisation des médicaments pour la médecine humaine ou vétérinaire. C’est l’une des industries les plus rentables et importantes économiquement au monde.
Comme vous le savez, cette activité est exercée par les laboratoires pharmaceutiques et les sociétés de biotechnologie.
Si le Gouvernement s’est pleinement occupé, l’hiver dernier, à remplir les caisses des laboratoires pharmaceutiques, comme l’a démontré le rapport de la commission d’enquête présidée par notre collègue François Autain, nous souhaitons, quant à nous, nous occuper des travailleurs du secteur, en particulier au vu du contexte économique.
En effet, la casse industrielle bat son plein dans notre pays et l’industrie pharmaceutique n’est pas en reste. On peut même dire que, depuis 2008, elle est l’une des branches professionnelles qui a détruit le plus d’emplois. Que ce soit la production, la recherche, les métiers de la promotion, le tertiaire, la logistique, aucun métier de cette branche n’a été épargné. Près de 15 000 emplois ont été perdus et le rythme ne fait qu’accélérer.
Mais pour ceux qui ont la chance de conserver leur emploi, les conditions de travail sont particulièrement difficiles. Je ne parlerai pas des risques évidents que présente la manipulation de produits chimiques. En revanche, un aspect des conditions de travail des salariés du secteur pharmaceutique est peu connu : le bruit.
En effet, dans les installations de production pharmaceutique, les équipements et les procédés utilisés émettent des bruits perturbants. En outre, les surfaces sont dures et lisses, de sorte que le son rebondit sur elles et se diffuse dans la pièce.
Or le son affecte les travailleurs de nombreuses manières. Cette perturbation sonore est source de fatigue, de stress et de problèmes de communication. Elle a des répercussions non seulement sur la productivité et sur la sécurité, mais aussi sur la santé des travailleurs.
Les absences pour maladie et une rotation importante du personnel sont des conséquences objectives de ces conditions de travail dégradées.
C’est pourquoi, compte tenu des éléments dont je viens de vous faire part, je vous demande, mes chers collègues, d’accepter de protéger les travailleurs de l’industrie pharmaceutique en adoptant notre amendement.
Nous savons que vos oreilles sont souvent attentives aux préconisations d’experts prétendument indépendants. Soyez attentifs également aux propos tenus par ceux qui sont porteurs de la représentation nationale.
L'amendement n° 696, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie chimique et connexes du 30 décembre 1952.
La parole est à Mme Annie David.
Par cet amendement, nous souhaitons évoquer l’industrie chimique et connexes dans notre pays et, bien évidemment, ses salariés.
La France est le quatrième producteur mondial de produits chimiques, avec 9 % de la production mondiale. La chimie représente 10 % de l’industrie française, 7 % des emplois du secteur secondaire, et constitue la deuxième source industrielle de devises.
L’industrie chimique a pour but de changer la structure chimique des matériaux naturels, afin d’en dériver les produits utiles à d’autres industries ou dans la vie de tous les jours.
Les produits chimiques sont ainsi obtenus à partir de matières premières, principalement des minéraux, des métaux et des hydrocarbures, au cours d’une série d’étapes de transformation.
Un traitement additionnel, tel que le délayage et le mélangeage, est souvent nécessaire pour les convertir en produits chimiques, entrant notamment dans la composition des peintures, des adhésifs, des médicaments, mais aussi des produits cosmétiques.
L’industrie chimique couvre un domaine d’activité beaucoup plus large que ce que l’on a coutume d’appeler les produits chimiques. Elle inclut également les fibres artificielles, les résines, les savons, les films photographiques et les produits chimiques connexes.
La nature même de l’industrie chimique pose de nombreux problèmes quant aux conditions de travail des salariés du secteur. Je les ai déjà évoquées, mes chers collègues : il s’agit d’une organisation en 3x8, sept jours sur sept, dimanches et jours fériés inclus, ce qui induit un rythme usant pour les travailleurs.
Surtout, les salariés de cette industrie connaissent de nombreux problèmes de santé, du fait des produits qu’ils manipulent. Ces dernières années, les progrès scientifiques ont été spectaculaires. Cependant, ils ont conduit aussi à des situations délicates pour la santé de l’homme.
Je veux vous alerter sur ce point, monsieur le ministre. Après le drame de l’amiante, il ne faudrait pas laisser se dérouler le drame des produits cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques, dits CMR. Les salariés de ces usines chimiques sont confrontés à des produits très dangereux provoquant des cancers. Il n’existe encore aujourd’hui aucune reconnaissance du caractère dangereux de ces produits.
Je pense aux salariés d’Arkema, sur le site de Brignoud, qui ne parviennent pas à faire reconnaître ce dernier comme « site amiante ». Je sais que vous êtes en négociations avec eux, mais aussi avec ceux du site de Jarrie, ou encore avec ceux de la plate-forme chimique de Roussillon.
En outre, les salariés de ce secteur sont exposés à des produits qui entraînent des maladies allergiques de la peau. Selon les estimations, ces substances chimiques sont responsables de 80 % à 90 % des maladies de peau, affections qui occupent la seconde place dans le classement des maladies professionnelles.
De plus, ces expositions combinées à plusieurs substances chimiques constituent la règle plutôt que l’exception.
Si l’on tient compte de chaque risque pris séparément, il est probable que la véritable dimension du problème est sous-estimée.
Monsieur le ministre, il y a là matière à s’interroger.
L'amendement n° 697, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de fabrication mécanique du verre du 8 juin 1972.
La parole est à M. Guy Fischer.
Nous connaissons fort bien la position du Gouvernement s’agissant du problème de la pénibilité au travail.
Monsieur le ministre, je crois me souvenir que vous êtes le fils d’un médecin du travail. Comme a pu le faire remarquer ma collègue Annie David, vendredi dernier, en expliquant son vote concernant la suppression de l’article 5, vous ne goûtez guère que l’on répète à l’envi la connaissance distanciée du monde réel du travail chez les membres du Gouvernement.
Mais, monsieur le ministre, il faut que vous sortiez du premier cercle de vos amis. Pour notre part, nous avons pris l’engagement d’être la caisse de résonnance des salariés. En même temps, nous essayons de confronter les opinions, les faits réels et le ressenti des salariés, s’agissant de cette réforme. C’est un immense coup de projecteur qui est ainsi jeté sur les salariés. Quand on reste entre soi, il est difficile de sortir de ce premier cercle des connaissances !
J’en viens aux métiers de la fabrication mécanique du verre, pour lesquels nous souhaitons produire l’exclusion de l’augmentation de la durée de cotisation.
Je me souviens que, dans mon département, à Givors, le groupe Danone a fermé l’une des plus anciennes verreries. On y trouvait un savoir-faire séculaire. Le métier de ces verriers, comme on les appelait – je dirais même ces maîtres verriers compte tenu de leur savoir faire et du respect qu’on leur doit –, était tout sauf facile.
J’attire votre attention, chers collègues, sur la véritable bombe à retardement que constituent les conséquences pour la santé de ceux qui ont passé leur carrière à fabriquer du verre. En 2005, 4, 8 millions de tonnes de produits cancérigènes, mutagènes et toxiques ont été utilisés pour la production. Quotidiennement, 1, 4 à 2, 6 millions de salariés utilisent ces produits.
En conséquence, nous vous proposons, par cet amendement, de prendre en compte la réalité de ces conditions de travail.
L'amendement n° 698, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de l'habillement du 17 février 1958.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Cet amendement, qui entre dans la longue liste des métiers que nous voulons voir exclus de l’application du présent article, concerne les industries de l’habillement réglementées par la convention collective nationale du 17 février 1958.
Les salariés couverts par cette convention collective souffrent d’une pénibilité bien spécifique, qui contredit la volonté de ce Gouvernement de les astreindre à une période de cotisation plus longue afin d’obtenir un taux plein.
Quand on a travaillé dans des conditions difficiles, on risque de vivre moins longtemps, vous le savez tous. L’espérance de vie est différente pour les ouvriers et pour les cadres : elle est de 59 ans pour les premiers et de 69 ans pour les seconds. Elle varie aussi selon les métiers exercés, selon les conditions de travail effectivement vécues et selon les risques auxquels on a été exposé.
Il est juste de permettre à ces salariés de bénéficier aussi longtemps que les autres d’une vie après le départ en retraite.
Dans ce sens, plusieurs enquêtes de portée nationale donnent des indications claires au sujet de la pénibilité. Les salariés de l’habillement présentent ces caractéristiques.
Ces enquêtes distinguent au moins cinq types de conditions de travail pénibles susceptibles de présenter des risques à long terme pour la santé des salariés : le travail de nuit ou les horaires alternés, le travail à la chaîne, répétitif ou sous cadences imposées, le port de charges lourdes et les contraintes posturales et articulaires, l’exposition à des produits toxiques, le travail dans le bâtiment et les travaux publics
Cette difficulté liée à la pénibilité doit être compensée par la possibilité donnée aux travailleurs concernés de profiter d’une durée de retraite et d’une qualité de vie pendant leur retraite.
Les salariés des industries de l’habillement subissent cette pénibilité, notamment les ouvrières qui effectuent des gestes répétitifs, selon l’INRS, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Nous considérons donc que cette branche doit être exclue de l’application des dispositions du présent article et, au contraire, bénéficier de dispositifs dérogatoires permettant à ses salariés de partir plus tôt.
L’amendement que nous vous proposons est un amendement de repli, puisque vous n’avez pas accepté de supprimer cet article.
L'amendement n° 701, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de la sérigraphie et des procédés d'impression numérique connexes du 23 mars 1971.
La parole est à Mme Odette Terrade.
L’industrie de l’impression numérique et de la sérigraphie constitue un secteur d’activité où la pénibilité du travail peut être aisément mesurée.
Cette pénibilité peut donc être prise en compte, de notre point de vue, pour déterminer l’ouverture de droits à la retraite dans des conditions différentes de celles qui sont prévues à l’article 4.
Il se révèle, sous des apparences presque anodines, que cet article consiste à prélever sur le dos du monde du travail des sommes fort importantes pour financer une pension qui, au final, ne bougera pas plus que cela.
Ainsi, par exemple, augmenter de deux ans les annuités nécessaires des trois millions de smicards que compte notre pays, c’est accroître de 5 milliards d’euros les cotisations sociales qu’ils auront payées, sans bien entendu que leur pension soit plus élevée pour autant ! Chacun mesurera, de fait, l’effort demandé aux détenteurs de revenus du capital !
Revenons-en à la sérigraphie et à l’impression numérique. Voici la définition de l’activité inscrite dans la convention collective, elle-même, validée par l’arrêté du 30 juin 2005 : « La présente convention s’applique aux personnels ingénieurs et cadres, agents de maîtrise, ouvriers et techniciens, et employés des professions de l’ensemble des départements français qui relèvent du groupement professionnel de la sérigraphie française et, plus généralement, des entreprises qui utilisent la sérigraphie ainsi que les procédés d’impression numérique connexes. Ces activités sont classées notamment sous les codes NAF 22-2 C et 22-2 J dont elles constituent une partie. »
Je me permets de souligner les deux paragraphes suivants :
« Il est précisé que la sérigraphie est un procédé d’impression directe permettant de déposer un élément liquide ou pâteux sur un support à l’aide d’un pochoir constitué de mailles et d’une racle.
En complément du procédé sérigraphique, l’impression numérique est une technologie permettant de déposer des encres sur un support à l’aide de micro-jets envoyés à travers des buses. »
Pour qu’il n’échappe à personne, je précise le sens de ces indications : les ouvriers, techniciens et autres personnels de cette profession sont régulièrement mis en contact avec des vernis, des colles, des encres, des colorants et des éthers divers, dont l’agencement et l’utilisation permettent de produire ce que l’on achète parfois en souvenir d’un passage sur la Butte Montmartre, par exemple, et que l’on retrouve ensuite dans des foires à la brocante.
L’ensemble des produits utilisés pour la fabrication de ces articles, par leur consistance, leur odeur et leurs caractéristiques chimiques, constituent potentiellement autant de produits pouvant nuire à la santé individuelle du salarié, pour peu que l’exposition se prolonge et se déroule en dehors du respect suffisant de consignes de précaution.
Cette raison est largement suffisante pour que ce métier, en partie gratifiant pour une bonne part des activités qu’il procure, disparaisse de la liste des professions auxquelles on appliquera les dispositions de l’article 4, c’est-à-dire l’allongement de la durée de cotisation.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. François Autain applaudit.
L'amendement n° 717, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective du personnel des entreprises de restauration de collectivités du 20 juin 1983.
La parole est à Mme Annie David.
Par cet amendement, nous demandons que les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux assurés dont l’activité professionnelle relève de la convention collective du personnel des entreprises de restauration de collectivités.
En effet, ces personnels, comme ceux que nous avons déjà évoqués et ceux dont nous allons présenter la situation à l’occasion de la défense de nos amendements suivants, exercent un métier pénible. Il s’agit là d'ailleurs d’un fait reconnu : selon une étude de l’PNPES, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, la pénibilité de ce travail se caractérise, notamment, par des gestes répétitifs, des stations debout prolongées, du piétinement, ainsi que de la manutention de charges.
Dans un registre moins grave, cet institut mentionne également le travail sur écran, les allergies cutanées et respiratoires, les contraintes posturales, les hautes températures ou, au contraire, le travail dans le froid, ainsi que les horaires de travail supérieurs à 39 heures.
L’étude se conclut en ces termes : « Ceci doit amener à une réflexion sur le maintien dans l’emploi des seniors et notamment des salariés les moins qualifiés et les plus exposés à la pénibilité, aussi bien au niveau de leur formation que de l’évolution de leurs compétences. » Il est donc clair que cette branche constitue un cas particulier au regard de la pénibilité du travail.
Ainsi, il est difficile de croire que ces salariés pourront voir leur durée de cotisation prolongée afin d’obtenir une retraite à taux plein.
Pour cette raison, nous demandons qu’ils soient exclus de l’application des présentes dispositions, qui tendent à confirmer l’allongement de la durée d’assurance sur un rythme accéléré. En outre, nous réclamons que l’ensemble de cette réforme ne leur soit pas appliqué.
M. Guy Fischer applaudit.
L'amendement n° 769, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Par cet amendement, nous proposons de supprimer le cœur du dispositif du présent article. En effet, en demandant la suppression des alinéas 2 à 4, nous visons la définition des nouvelles modalités d’allongement de la durée d’assurance ou de services requis pour l’obtention du taux plein en 2020.
En effet, monsieur le ministre, la réécriture de la loi du 21 août 2003 à laquelle vous vous livrez ici prolonge le dispositif prévu par ce texte, que nous avions d’ailleurs combattu et contesté. Vous préconisez ainsi la mise en place d’un processus d’allongement, par étapes certes, mais bien réel.
Pour ce faire, vous réécrivez l’article 5 de la loi de 2003 et prévoyez que les assurés nés après 1955 devront avoir, dès l’âge de 56 ans, la durée d’assurance et de services nécessaires pour l’obtention d’un taux plein, aux termes d’un décret pris chaque année après avis du COR.
Par ailleurs, un dispositif particulièrement discriminatoire est prévu pour les assurés nés en 1953 et 1954.
Ainsi, le choix est fait d’abandonner la méthode de pilotage par rendez-vous tous les quatre ans au profit d’un dispositif que les rapports qualifient, très finement d’ailleurs, de « glissant ».
Nous contestons que le comité de garantie des retraites ne soit plus associé dans ce cadre. Sur le fond, nous regrettons que le passage d’un rendez-vous quadriennal à un rendez-vous annuel entache la lisibilité sociale du dispositif.
Nous craignons également que ce rapprochement ne favorise une accélération de l’allongement de la durée d’assurance et de service. D’ailleurs, cette évolution prend dans ce cadre, de fait, un caractère quasi-automatique, voire technique, alors qu’il s’agit d’une décision éminemment politique.
Comme vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous sommes donc totalement opposés à ce dispositif qui tend à allonger la durée de travail et à limiter la période de retraite au motif, toujours quelque peu fallacieux, de rééquilibrer les deux.
En effet, si l’espérance de vie augmente de manière générale, ce n’est pas de façon homogène en réalité. Et celle des cadres est bien nettement supérieure à celle des ouvriers et employés. Ce sont ces derniers qui seront les principales victimes de cette réforme et d’un tel allongement de la durée de cotisations.
L'amendement n° 887, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
technique du Conseil d'orientation des retraites portant sur l'évolution du rapport entre la durée d'assurance ou la durée de services et bonifications et la durée moyenne de retraite
par les mots
du Conseil d'orientation des retraites
La parole est à M. Guy Fischer.
Je le rappelle, le Conseil d’orientation des retraites est un lieu d’expertise et de concertation qui a pour mission essentielle d’assurer le suivi de notre système d’assurance vieillesse et de formuler des propositions et des recommandations.
À sa création, en 2000, le COR s’était vu confier trois missions principales : décrire la situation financière et les perspectives des différents régimes de retraite, compte tenu des évolutions économiques, sociales et démographiques ; apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme de ces régimes ; veiller à la cohésion du système de retraite par répartition, en assurant la solidarité entre les régimes, ainsi qu’au respect de l’égalité, tant entre les retraités qu’entre les différentes générations.
Toutefois, la loi de 2003 portant réforme des retraites, sous couvert d’élargir les missions du COR, est venue contraindre le champ d’analyse et d’expertise de cet organisme.
En effet, cette capacité d’expertise et de proposition s’est trouvée en partie « soumise » aux grandes orientations fixées par la loi de 2003, notamment celle qui consiste à assurer un haut niveau de retraite par l’allongement du temps d’activité et de la durée d’assurance.
Mes chers collègues, c’est cette solution restrictive qui nous pose problème, vous l’avez compris, puisque nous sommes opposés à l’adaptation automatique de l’âge de départ à la retraite ou de la durée de cotisation en fonction de l’évolution du rapport entre durée d’assurance ou de services et bonifications et durée de moyenne de retraite. Et nous sommes les seuls à tenir ce discours !
Nous y sommes hostiles, car la « durée moyenne de retraite » cache des réalités très disparates, qui font de cette indexation automatique une profonde injustice.
Je pense, notamment, au cas des femmes, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir, aux salariés précaires, aux jeunes, aux seniors, à toutes celles et tous ceux qui mènent des carrières professionnelles plus courtes et discontinues. Or, on le sait, ce parcours sera le lot de la majorité des salariés.
C’est pourquoi, au travers de cet amendement, nous proposons que le COR ne soit pas contraint de rendre seulement un avis technique sur l’évolution du rapport entre la durée d’assurance ou de services et bonifications et la durée moyenne de retraite, car cela revient manifestement, au final, à réduire son champ d’analyse.
Tout au contraire, la réflexion et l’analyse sur un sujet de société d’une telle importance ne devraient souffrir d’aucune restriction, et les 3, 5 millions de manifestants qui défilaient partout en France mardi dernier l’ont bien compris !
L'amendement n° 770, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Cet amendement vise de façon plus générale le contenu de l’article 4. Il s’agit, en pratique, de supprimer l’alinéa 4 de ce texte, qui dispose : « Pour les assurés nés en 1953 ou en 1954, la durée d’assurance ou de services et bonifications permettant d’assurer le respect de la règle énoncée au I est fixée par un décret publié avant le 31 décembre 2010. »
En fait, il s’agit d’étendre, en utilisant cette fois la voie réglementaire, le principe d’accroissement du nombre des annuités permettant l’exercice du droit à la retraite aux membres de deux générations. Cette orientation conduira, naturellement, à accroître de quelques mois supplémentaires leur durée de cotisation.
Ceux qui sont nés en 1953 devront valider 40, 5 annuités et ceux qui sont nés en 1954, 41 annuités, avant que les retraités nés à partir de 1955 ne soient contraints de valider 41, 5 annuités, c’est-à-dire 166 trimestres.
Une telle démarche revient à demander aux personnes nées en 1953 d’avoir commencé de travailler à 20, 5 ans au plus tard, c’est-à-dire en 1973-1974, pour pouvoir, aux alentours de 2025, jouir de leur droit à la retraite, et, au cas où leur carrière ne serait pas complète, d’attendre quelques mois encore entre 2025 et 2030.
Or les générations nées en 1953 et 1954 n’ont pas échappé aux conséquences de la crise économique des années soixante-dix, une de ces crises qui n’a pas encore cessé de produire ses effets. Les générations des années cinquante subiront donc, comme les premières du baby-boom, celles de la fin de la Seconde Guerre mondiale et celles de la Libération, les premiers effets de la nouvelle règle à calcul mise en place par le projet de loi.
Cette règle veut que, de manière quasi annuelle, on procède à un nouvel ajustement de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein à concurrence de l’avancée constatée de l’espérance de vie moyenne de la population.
Rappelons tout de même, à ce stade du débat, qu’au train où vont les choses, ce principe peut conduire les générations des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix à devoir cotiser encore 20 à 30 trimestres de plus que le niveau auquel nous nous arrêterons, avec ce projet de loi, pour pouvoir jouir d’une retraite méritée.
Les personnes nées en 1953 et en 1954 sont, respectivement, au nombre de 804 700 et de 810 800. Quelle est l’espérance de vie de ces deux classes d’âge, puisque tel est le paramètre sur lequel vous fondez, monsieur le ministre, les nouvelles conditions de fixation de l’âge légal de départ en retraite ? Elle est respectivement, pour les hommes, de 64, 3 et 65 ans, et, pour les femmes, de 70, 3 et 71, 2 ans.
C’est dire qu’il ne faut abuser personne avec l’indicateur que représenterait l’espérance de vie. Vous faites payer au monde du travail l’allongement général de l’espérance de vie. La retraite devient comme la ligne d’horizon : on la voit devant soi, mais on ne la rattrape jamais.
Vous comprendrez donc aisément pourquoi nous refusons la mise en place de votre règle à calcul des annuités nécessaires, qui s’apparente, en réalité, à une scandaleuse spéculation sur la survie des générations !
L'amendement n° 771, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Cet amendement a pour objet l’application de l’article 4 du projet de loi, c'est-à-dire de l’allongement de la durée de cotisation requise pour faire valoir le droit à la retraite, aux agents de l’État. Nous sommes en présence de l’un des apports au texte de M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, qui n’est plus présent parmi nous.
Je le remplace !
Cet apport revient à exiger encore davantage des fonctionnaires du secteur public. Pour mémoire, et pour préciser d’emblée l’une des données essentielles de cette question, je rappelle que la majorité des fonctionnaires sont des femmes. Évaluons donc les effets en cascade que produira cette mesure d’allongement de la durée de cotisation.
Il deviendra de plus en plus difficile à l’État, à compter de l’allongement de la durée de cotisation, de mettre en œuvre une forme de plan social naturel de réduction des effectifs de la fonction publique : ses différentes administrations devront permettre à leurs personnels âgés de 55 ans à 62 ans de poursuivre leur carrière, pour ne pas prendre le risque de voir ces agents subir une décote trop importante de leur pension de sortie.
En clair, alors même que le service public continuera presque naturellement de connaître des gains de productivité, il faudra que le budget de la nation subisse le coût de l’obligation impérieuse faite à l’État de ne pas se séparer de ses seniors.
Toutefois, monsieur le ministre, la mesure que vous proposez est tout simplement contradictoire avec les objectifs de réduction durable des déficits publics que vous affichez. Avant peu, il faudra prévoir de nouveau un dispositif de cessation d’activité ou accepter de mettre à la charge de l’État la situation des polypensionnés ayant cotisé au régime des fonctionnaires et appelés à travailler encore un peu plus longtemps.
En effet, l’un des aspects de la question qui nous est posée est bel est bien le statut des agents qui partiront à la retraite dans les années à venir. Les années soixante-dix ont été marquées par une très sensible augmentation du nombre des agents du secteur public, du fait d’une structuration de plus en plus serrée du maillage des services déconcentrés de l’État sur l’ensemble du territoire.
Néanmoins, ce phénomène de développement de l’emploi public, largement marqué par le recours à l’auxiliariat – une forme de travail précaire que la gauche, arrivée au pouvoir en 1981, a largement réduite grâce à des mesures d’intégration et de reconnaissance de l’expérience acquise –, s’est aussi produit dans le contexte d’une progression de l’emploi féminin plus rapide encore dans la fonction publique que dans d’autres secteurs.
Des femmes pour qui l’emploi public était la marche à franchir pour envisager promotion sociale et indépendance financière n’auront pas, au moment clef du départ à la retraite, et forcément dans tous les cas, le compte d’annuités nécessaire.
Ainsi, à la place de la promotion sociale offerte naguère par le service public, vous proposez, avec cet article 4, une remise en cause du droit à la retraite de celles-là mêmes qui ont fait l’administration française de ces quarante dernières années. C’est là un bien mauvais procès fait à des agents du secteur public qui, de plus, verront leur retraite rabougrie et subiront, sans l’avoir méritée, la rigueur du gel de leurs traitements. Cela fait beaucoup de sacrifices pour plaire aux agences de notation !
L'amendement n° 772, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Cet amendement de notre groupe porte sur la question de l’allongement de la durée de cotisation imputable, avec cet alinéa, aux agents ressortant du régime de retraite de la fonction publique territoriale.
Cette dernière emploie aujourd’hui plus de 2 millions de salariés, contre 1, 67 million voilà seulement huit ans. Cette progression des effectifs salariés est largement imputable aux transferts de personnel de l’État procédant de la loi « Raffarin ».
Cette situation a eu au moins un avantage : celui de permettre une certaine forme de redressement des comptes de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, CNRACL, qui, fin 2009, présentait un léger excédent de 26 millions d’euros pour 16, 04 milliards d’euros de charges.
Ce produit positif de la caisse a été immédiatement capté par l’État !
Voilà en effet quelques années – ce n’est pas notre collègue Claude Domeizel qui me contredira - que l’État considère la CNRACL comme une sorte de poule aux œufs d’or qu’on peut solliciter plus que de raison pour prendre à sa charge tout ou partie de la facture sociale des politiques publiques en matière de retraite.
Par exemple, on fait un geste en faveur des paysans dont le revenu s’est effondré, en les dispensant du règlement de cotisations vieillesse qu’ils ne peuvent payer, ce qui est une bonne chose. On sollicite alors la compensation interrégimes pour faire porter le chapeau à la CNRACL !
Pendant ce temps-là, les groupes de la distribution qui rançonnent les agriculteurs en cassant les prix des produits agricoles peuvent continuer à faire la loi !
La fonction publique territoriale a une autre particularité : elle vieillit. Elle est même – vous me direz si je me trompe, monsieur le ministre – la plus âgée des trois fonctions publiques, singulièrement du fait des transferts que nous évoquions au début de cette intervention.
Allonger la durée de cotisation des agents de la fonction publique territoriale aujourd’hui, c’est reculer de quelques années le choc démographique que va constituer pour la CNRACL le départ en retraite des agents entrés dans cette fonction publique dans les années 1982, 1983 et suivantes, dans la foulée de la décentralisation et des contrats de solidarité.
Ce n’est pas s’assurer de la bonne santé de la Caisse, c’est juste garantir à l’État qu’il pourra disposer, à discrétion, pendant quelques années encore, d’une variable d’ajustement pour se délester sur les autres de ses obligations en termes d’équilibre des régimes structurellement déficitaires.
La manipulation en cours n’est bonne ni pour les agents, en majorité des femmes, ni pour les collectivités territoriales elles-mêmes qui ne pourront assurer le renouvellement de leurs cadres.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
L'amendement n° 712, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant de la convention collective des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant jusqu'à 10 salariés) du 8 octobre 1990.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Notre amendement concerne les ouvriers employés par les entreprises du bâtiment.
Dans le bâtiment, mais ce n’est pas le seul secteur concerné, à force de simplifier à l’extrême et d’exonérer à tout va, le Gouvernement a été à l’initiative de lois qui se retournent contre les travailleurs et diminuent les ressources de la sécurité sociale.
Ce faisant, les pratiques de certains patrons, dont les salariés sont les premières victimes, ont des effets très négatifs sur notre système de retraite par répartition.
Ainsi, en raison de la mise en place du statut d’auto-entrepreneur, bon nombre d’employeurs peu scrupuleux ont réussi à contourner les contrats de travail, créant une nouvelle forme de précarité.
Issu du secteur du bâtiment et des travaux publics, M. Lardin, président de l'Union professionnelle artisanale, le patronat de l’artisanat, dénonce d’ailleurs, comme les syndicats, la hausse des dérives, après avoir reçu lui-même le témoignage d’un salarié, qui s’étonnait de ne plus être repris en intérim et à qui l’on a fait comprendre qu’il reprendrait le travail s’il acceptait de se placer sous le régime de l’auto-entrepreneur moyennant une rétribution forfaitaire de 1 500 euros par mois.
Dans ce cas, l’employeur n’a plus à payer de cotisations sociales, tandis que l’ex-salarié, dans l’espoir de se sortir de ses difficultés, doit travailler pour l’entreprise un nombre d’heures bien souvent supérieur à son temps de travail précédent et perd toutes les garanties attachées au contrat de travail, comme les congés payés.
En outre, l’employeur peut rompre à tout moment le contrat de prestation de services qui les lie, privant ainsi l’ex-salarié de revenus.
À cela s’ajoute une autre question humaine très grave, la prise en compte des personnes sans-papiers, de leur travail et de leur droit à la retraite, dans ce secteur du BTP.
Des centaines de milliers de sans-papiers travaillent dans ce secteur, effectuant des travaux très pénibles et indispensables.
Pourtant, quand ils circulent dans la rue, ils doivent raser les murs, vivre dans la crainte des rafles, des centres de rétention, des expulsions. Dans leurs lieux de travail, ils doivent baisser les yeux, subir les salaires divisés par deux ou par trois, les accidents de travail, sous peine d’être jetés dans la rue sans pouvoir se défendre.
Par notre amendement, monsieur le ministre, nous demandons que l’ensemble des travailleurs du secteur du bâtiment ne soit pas soumis à l’allongement de la cotisation d’assurance vieillesse. Nous souhaitons également attirer votre attention sur les travailleurs sans-papiers dans ce secteur, afin qu’ils soient régularisés, reconnaissant ainsi leur rôle dans l’activité économique et la nécessité de les faire bénéficier des mêmes droits que leurs collègues.
L'amendement n° 816, présenté par Mmes Terrade et Schurch, M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le Gouvernement remet, dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport évaluant les coûts pour les comptes sociaux et les conséquences pour les assurés, d'une disposition permettant aux salariés ayant connus une carrière professionnelle particulièrement morcelée de voir calculer leur salaire de référence sur cent trimestres en lieu et place des vingt-cinq dernières années.
La parole est à M. Guy Fischer.
C’est le dernier amendement de la série, madame la présidente.
Je me permets de souligner que cet amendement de notre groupe présente une portée très limitée, puisqu’il s’agit de mettre à l’étude une proposition adoptée dans le cadre de notre Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, c’est-à-dire un changement de modalité de calcul des pensions des femmes salariées avant leur retraite.
Dans le cas général, comme chacun sait, depuis la réforme « Balladur » de 1993, on calcule les pensions sur la base des vingt-cinq meilleures années de salaire, après application, bien entendu, des coefficients de revalorisation.
Une telle démarche, votée en 1993, n’a jamais été remise en question depuis et participe naturellement des outils d’écrasement du niveau des pensions du régime général telles qu’elles sont aujourd’hui calculées.
Ces modalités de calcul ont un effet réel sur le montant des pensions de départ qui, ensuite, comme toutes les autres, subissent de plein fouet les effets désastreux de la plus pernicieuse des mesures Balladur, c’est-à-dire l’indexation des pensions sur l’indice des prix.
L’effet est évidemment démultiplié pour les femmes salariées dont la carrière a été morcelée – c’est encore le cas pour un grand nombre d’entre elles aujourd’hui – du fait de choix de vie, notamment en matière d’éducation des enfants, choix qui ont pu les conduire soit à cesser d’exercer une activité professionnelle, soit à recourir au temps partiel. Notons d’emblée qu’il s’agit d’un temps partiel qui, la plupart du temps, est non pas choisi, mais subi.
Résultat évident, au moment où il faut liquider la pension, la situation n’est pas nécessairement florissante et la pension calculée se révèle être le calque des inégalités de salaires subies tout au long de la vie professionnelle, inégalités parfois aggravées par le recours au temps partiel.
Cette situation est connue d’un grand nombre de femmes aujourd’hui, âgées entre 45 à 60 ans, qui pensent de plus en plus à la préparation de leur retraite.
Il nous faut éviter, par tous les moyens possibles, que ne se développe, dans les années à venir, une paupérisation forcenée des retraitées, victimes à la fois de l’allongement de la durée de cotisation et des conditions de calcul des pensions.
L’amendement que nous vous invitons à adopter reprend, je le répète, une recommandation de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Nous attendons donc un vote unanime du Sénat sur cette proposition.
Si vous le permettez, je vais regrouper les amendements en plusieurs séries.
Les six premiers amendements, n° 841, 833, 1172, 1177, 832 et 853 traitent tous de dispositions financières qui ne relèvent pas du présent texte. Nous les verrons lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces six amendements.
Les amendements n° 664 à 717 ont pour objet d’exclure un certain nombre de catégories socioprofessionnelles des dispositions relatives à la durée d’assurance.
Vous le savez très bien, l’équité exige que tous les assurés participent à l’effort demandé.
Des mesures d’accompagnement sont prévues pour ceux qui ont commencé à travailler très tôt et pour ceux qui ont connu des situations de pénibilité. Mais on ne peut exclure du dispositif certaines catégories socioprofessionnelles, comme ces amendements tendent à le faire.
C’est donc un avis défavorable sur cette deuxième série d’amendements.
L’amendement n° 769 tend à supprimer les alinéas 2 à 4 de l’article 4. Cet amendement, comme le suivant n° 887, sont contraires à l’esprit du texte. Vous comprendrez donc que la commission émette un avis défavorable.
L’amendement n° 770, qui vise la suppression de l’alinéa 5 de cet article, dénature le texte. C’est donc un avis défavorable.
Le commentaire sera le même sur l’amendement n° 771, qui a pour objet la suppression des alinéas 6 à 9, et sur l’amendement n° 772, qui vise à supprimer l’alinéa 10. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Les auteurs de l’amendement n° 712 proposent une disposition qui, là encore, va à l’encontre de l’esprit du texte. L’avis est donc défavorable.
Enfin, l’amendement n° 816 aborde une question qui avait été également soulevée par le Médiateur de la République et qui a une certaine pertinence. Il prévoit la remise d’un rapport relatif à la possibilité de retenir cent trimestres de référence au lieu des vingt-cinq meilleures années pour la détermination du montant des pensions. Sur ce sujet, on a entendu des suppositions et des supputations très diverses.
Ce rapport me paraissant intéressant, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Beaucoup d’amendements ont déjà été vus à un titre ou à un autre dans le cours du débat. Je distinguerai plusieurs types d’amendements.
Tout d’abord, des amendements visent à exonérer certaines professions de l’augmentation de la durée de cotisation. Vous les avez décrites de manière précise et instructive, comme vous l’aviez déjà fait auparavant. Toutefois, ces préoccupations sont prises en compte dans l’ensemble du texte pour toutes les professions. Nous avons, en effet, une approche globale de la pénibilité, qu’elle se traduise par l’âge ou la durée de cotisation.
Aussi, ces amendements ne peuvent pas recevoir un avis favorable du Gouvernement.
Viennent ensuite des amendements visant des recettes. Nous avons déjà débattu de ce sujet, sur lequel nous ne pouvons pas être d’accord avec vous.
Nous pouvons être différents, mais cela ne nous empêche pas de nous respecter !
Sur les amendements qui n’ont pas grand-chose à voir avec l’article, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Enfin, s’agissant de l’amendement n° 816, nous avons déjà eu l’occasion de discuter de la disposition proposée par ses auteurs concernant les cent trimestres de référence. Le Gouvernement n’y est pas favorable, car elle ferait non seulement des gagnants, mais aussi un certain nombre de perdants.
Je pense, notamment, aux travailleurs saisonniers. Toute une catégorie de personnes serait perdante si l’on mesurait l’activité trimestre par trimestre plutôt qu’année par année. J’attire donc votre attention sur ce risque, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je le sais bien, pour ne pas tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution, cet amendement prévoit simplement la remise d’un rapport sur cette question, mais votre volonté est d’aller plus loin dans cette voie.
Selon moi, il faut en rester, pour le calcul des pensions, à la moyenne de la rémunération des vingt-cinq meilleures années, qui constitue un élément majeur des précédentes réformes sur les retraites. Ne commençons donc pas à détricoter ces repères, d’autant que, je le souligne, malgré l’allongement de la durée de la carrière, le nombre d’années de référence reste stable.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote sur l'amendement n° 841.
Nous voterons cet amendement parce qu’il va dans le sens des positions que nous défendons.
Permettez-moi de profiter de mon temps de parole pour répondre à l’interpellation de notre éminent collègue Jean-Pierre Fourcade.
Mon cher collègue, j’ai beau chercher autour de moi, je ne vois ni M. Rocard ni M. Strauss-Kahn ! Ce matin, la parole des socialistes est portée par l’ensemble des sénatrices et sénateurs du groupe.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Mon cher collègue, je vous le dis avec beaucoup de respect, vous parez aujourd’hui MM. Rocard et Strauss-Kahn de toutes les vertus. Toutefois, lorsque ces deux éminents socialistes étaient aux responsabilités, vous les combattiez avec la plus grande violence politique.
Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.
Vos jugements sont bien sûr très sélectifs. Vous évoquez des socialistes non sénateurs lorsque cela vous arrange, mais vous êtes bien loin de défendre l’ensemble de leurs recommandations !
Sur le fond, c’est vrai, parmi les mesures démographiques, l’allongement de la durée de cotisation, qui tient compte de l’âge d’entrée dans la carrière professionnelle, est la seule qui puisse revêtir un caractère de justice.
Toutefois, je le rappelle avec force, nous considérons que les mesures démographiques ne peuvent à elles seules constituer la totalité de la réforme.
M. Pierre-Yves Collombat applaudit.
On ne peut donc se dire favorable, de manière absolue, à l’allongement de la durée de cotisations, qui doit s’accompagner de certaines conditions. En effet, une telle mesure doit être limitée et intégrée dans une réforme comportant un dispositif de prélèvement sur les revenus du capital ; elle ne doit pas avoir pour effet de « manger » l’ensemble des gains en matière d’espérance de vie ; surtout, il convient d’y inclure la prise en compte de la diversité des parcours professionnels, dont nous aurons l’occasion de débattre.
Puisque vous nous avez prodigué ce matin vos recommandations, monsieur Fourcade, je veux, à mon tour, vous donner un conseil : lisez aujourd’hui l’éditorial de Libération, qui s’achève ainsi : « Drôle de grève, décidément ! Le Gouvernement aurait tort de se réjouir, ce feu qui couve laisse l’avenir immédiatement ouvert. »
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mme Marie-France Beaufils. L’amendement n° 841 porte sur un aspect bien particulier, que vous connaissez tous, de la loi TEPA, également appelée « paquet fiscal », texte formalisé à la demande du MEDEF, et qui a démontré toute son efficacité.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Chers collègues de la majorité, les dirigeants de l’organisation patronale ont établi un programme très clair, et ce bien avant sa concrétisation dans un texte de loi. Il est donc normal que nous nous y référions !
Lors de l’examen de ce texte, et à de nombreuses reprises par la suite, nous avions déjà attiré l’attention du Gouvernement sur des mesures parfaitement idéologiques au service du marché, qui n’auraient absolument aucun effet positif ni sur l’emploi ni sur le développement économique, même si « TEPA » signifie travail, emploi et pouvoir d’achat.
La défiscalisation des heures supplémentaires ne réduit pas le chômage. En effet, une entreprise qui voit son activité augmenter a plus facilement recours aux heures supplémentaires qu’à l’embauche, puisque les premières reviennent moins cher que les heures « normales ». Loin de créer des emplois, l’incitation, par la suppression des cotisations sociales, à effectuer des heures supplémentaires a contribué en réalité à augmenter le chômage !
Cette politique a également eu pour conséquence d’aggraver la pénibilité et la souffrance au travail.
En outre, les exonérations fiscales des heures supplémentaires ont une incidence désastreuse sur le déficit des comptes sociaux. Non seulement les salariés n’ont pas gagné plus en travaillant plus, mais ils perdent aussi du pouvoir d’achat collectif, puisque les services publics et les prestations sociales seront moins importants, en raison de la baisse des moyens sociaux. Qu’il s’agisse du présent ou du futur, les heures supplémentaires ne permettent pas d’augmenter le pouvoir d’achat.
En effet, le calcul de la retraite est indexé sur « la base du volume horaire travaillé, hors heures supplémentaires ». Ainsi, les salariés travaillent sans cotiser pour leur retraite.
Le Gouvernement nous répète inlassablement que l’État n’a plus d’argent et qu’il est gravement endetté. Or nous le savons tous, le Gouvernement, en prenant la décision d’alléger les rentrées fiscales, notamment par la mise en place du bouclier fiscal, est lui-même à l’origine d’une telle situation. Pourquoi faire peser sur les comptes sociaux un manque à gagner de 3 milliards d’euros par an ? Nous ne nous résignons pas à ce constat !
Les exonérations fiscales sur les heures supplémentaires, qui n’ont eu aucun effet positif, pèsent sur les déficits abyssaux de notre protection sociale.
La Cour des comptes elle-même, qui s’en est émue, dénonce la surenchère, depuis 2005, des politiques d’allégement de charges, les jugeant très coûteuses, incontrôlées et inefficaces en matière d’emploi.
Si les salariés ont effectué des heures supplémentaires, c’est parce que leur salaire de base est insuffisant pour vivre et faire vivre leur famille correctement. Ils ont fait ce choix au détriment de leur vie personnelle, de leur santé et de leur formation. Par conséquent, les heures supplémentaires accroissent clairement leur taux d’exploitation.
Mais surtout, en encourageant les heures supplémentaires, le Gouvernement a permis aux employeurs de continuer à tirer vers le bas la rémunération réelle des salariés, contribuant ainsi à réduire les contributions sociales. La progression du salaire moyen de base, c’est-à-dire hors heures supplémentaires, primes et gratifications en tous genres, a d’ailleurs décéléré.
Il est clair que toutes ces mesures de défiscalisation sont un jeu de dupes pour les salariés. L’idée selon laquelle il faut permettre aux plus riches de s’enrichir et au capital de grossir, tandis que les autres travaillent encore plus pour augmenter la richesse nationale ne se justifie en rien.
Cet amendement, qui vise à supprimer les exonérations de charges sur les heures supplémentaires, s’inscrit dans notre volonté de faire participer le capital à la sauvegarde de notre système de retraite et de garantir le droit à la retraite à 60 ans à taux plein.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
J’ai moi aussi été frappé tout à l'heure par l’interpellation de notre collègue Jean-Pierre Fourcade, lequel nous a expliqué avec beaucoup de franchise que, en défendant la nécessité de mieux recourir au levier fiscal, nous n’étions pas sérieux. En effet, selon lui, la fiscalité de notre pays étant déjà importante par rapport à la moyenne européenne, nous ne pouvons pas augmenter encore la pression fiscale.
Pour répondre à cette question, je prendrai deux exemples.
J’évoquerai tout d’abord les impôts qui pèsent sur les particuliers. Voilà quelque temps, le magazine L ’Expansion, que l’on ne peut qualifier de « gauchiste », s’était penché sur l’imposition des personnes les plus fortunées de France, en prenant l’exemple de Mme Liliane Bettencourt.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Rires sur les travées du groupe socialiste.
À la lecture de cet article, il apparaît que, grâce aux divers mécanismes d’optimisation fiscale et au bouclier fiscal, Mme Liliane Bettencourt bénéficie d’un taux d’imposition de 9 %. Nous sommes donc bien loin des chiffres qui nous sont indiqués !
Examinons à présent le taux d’imposition sur les sociétés, officiellement fixé à 33, 3 %. Si j’ai bonne mémoire, au mois de mars dernier, Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, dans une interview au journal La Tribune, lequel n’appartient pas non plus à la presse révolutionnaire, affirmait : « Il existe en France un écart significatif entre le taux d’imposition facial des bénéfices des entreprises, qui est de 33, 3 %, et le taux réel, qui est de l’ordre de 22 %. »
J’irai un peu plus loin : parmi les entreprises du CAC 40, 1 500 possèdent des filiales à l’étranger. Un certain nombre d’entre elles, y compris des banques aussi prestigieuses que BNP Paribas, pratiquent l’évasion fiscale dans des paradis fiscaux.
En outre, comme le relèvent plusieurs études, les grandes entreprises du CAC 40 paient en réalité un impôt sur les sociétés 2, 3 fois inférieur à celui qui pèse sur les petites et moyennes entreprises.
Mme Claire-Lise Campion acquiesce.
Ce chiffre – il n’a pas été inventé par le parti socialiste ! – me semble tout de même très significatif.
Que pouvons-nous en conclure, mes chers collègues ? En matière de fiscalité des entreprises, sujet sur lequel nous disposons de données chiffrées, l’État se prive de 8 milliards d’euros de revenus par an.
Sont bien évidemment en cause l’évasion fiscale, mais aussi les différentes mesures d’exonération dénoncées par Mme Lagarde elle-même.
Là est le cœur du débat ! Sans doute allez-vous nous répondre, par courtoisie, que vous comptez, dans les prochains mois, comme vous l’avez promis, revenir sur ces inégalités fiscales et mettre fin à la distorsion entre taux facial et taux réel.
J’attire toutefois votre attention sur le fait que la première des réformes aurait dû être celle-là, afin de donner à l’État les ressources budgétaires qui lui manquent aujourd’hui. Pourquoi commencer par imposer à l’ensemble des Français, en matière de droits à la retraite, des conditions d’accès particulièrement difficiles ?
Par cette démonstration, je crois avoir montré clairement la différence entre vous et nous : vous refusez de comprendre que votre réforme est mauvaise parce que, justement, elle nie son injustice.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Yves Daudigny et Alain Anziani viennent de démontrer que votre projet de réforme est une imposture, …
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Il a en effet la couleur et le goût de la vérité, mais ce n’est pas la vérité !
Applaudissements sur les mêmes travées.
Votre réforme, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, est une remise en cause du pacte social construit en 1945 ; elle casse les garanties collectives des salariés sans relever les défis qui sont devant nous et elle est injuste sur le plan de l’équité intergénérationnelle.
D’ailleurs, depuis quelques semaines, et encore aujourd’hui, les jeunes sont dans la rue, non pas parce que nous les y invitons, mais parce qu’ils ont perdu confiance en un système qui ne les protégera pas et qui, au contraire, pèsera sur les jeunes générations.
Oui, avec votre réforme, les jeunes cotiseront plus et, avec le recul de l’âge légal de la retraite et la baisse à venir du revenu des pensions, ils percevront moins. De surcroît, ils vont se faire spolier – racketter, diront certains – des 34 milliards d’euros capitalisés au sein du Fonds de réserve pour les retraites et qui leur étaient réservés.
C’est ainsi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que vous sacrifiez les jeunes générations.
La façon dont le Gouvernement malmène l’éducation nationale pousse les jeunes dans la rue. Ce sont 40 000 postes qui ont été supprimés depuis 2008, dont 1 250 postes de conseiller principal d’éducation. Je pourrais continuer de dérouler la liste.
Parallèlement, le taux d’emploi des jeunes se dégrade par rapport à celui du reste de la population active. Je peux le mesurer tous les jours au travers de mes fonctions de président de mission locale pour l’emploi des jeunes.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, face à un monde en pleine mutation, la solidarité intergénérationnelle et l’équité doivent présider à toutes les politiques publiques. Malheureusement, vous n’avez pas fait ce choix, telle n’est pas votre priorité, alors même que ces objectifs apparaissent dans toutes les interventions du Président de la République.
Dès lors, qui croire ? Ne vous étonnez pas si les jeunes manifestent leur inquiétude tous les jours ; ne vous étonnez pas s’ils estiment votre projet injuste et illégitime ; ne vous étonnez pas s’ils vous considèrent comme le ministre de la précarité accrue. Écoutez leur angoisse !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je voterai, moi aussi, l’amendement n° 841.
Permettez-moi, à présent, de prolonger le propos de M. Anziani.
M. Nicolas About. C’est nécessaire, car son intervention n’était pas complète !
Sourires.
En effet, monsieur About, elle n’était pas complète, car notre collègue a uniquement évoqué la fiscalité française !
Je suis favorable au financement de la protection sociale et de l’assurance vieillesse par l’impôt, mais il faut désormais se placer dans le cadre de la mondialisation.
Certains sont pour la mondialisation des marchandises, c’est-à-dire favorables aux délocalisations qui permettent de produire moins cher ailleurs et de réaliser ainsi de gros bénéfices.
D’autres sont pour la mondialisation des plus-values, c’est-à-dire qu’ils veulent être libres de s’installer dans les paradis fiscaux. D’autres encore sont pour la mondialisation des exilés fiscaux, ceux-là même qui, exerçant une activité sur le territoire français et y réalisant des bénéfices, ne payent pas d’impôt dans notre pays, car ils se sont exilés dans des pays plus intéressants en la matière. Il n’y pas que Mme Bettencourt !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Cette pratique est également condamnable.
Enfin, d’autres défendent au contraire la libre circulation non pas des capitaux, mais des hommes.
M. Jean Desessard. Nous sommes donc en présence de deux politiques différentes. Au Parlement européen, où l’on retrouve l’ensemble des sensibilités politiques composant notre hémicycle, quels sont les députés européens qui se battent pour une harmonisation fiscale et une harmonisation sociale ? Ce sont ceux qui représentent ce côté-ci de notre hémicycle !
M. Jean Desessard désigne la partie gauche de l’hémicycle.
Vous prétendez, faisant mine de le déplorer, que nous ne sommes pas libres de conduire la politique fiscale de notre choix.
Ils se prononcent en faveur de la libre concurrence, du dumping fiscal et du dumping social, au lieu de se battre pour une harmonisation fiscale à l’échelon européen, qui permettrait de mettre fin à l’exil fiscal, à la concurrence fiscale entre les différents pays, chacun d’eux cherchant, par le biais de régimes fiscaux plus favorables, à attirer les entreprises sur son territoire.
La mondialisation pèse aujourd’hui sur l’économie et tend à remettre en cause les garanties sociales dont nous bénéficions. Lorsqu’on siège au Parlement européen, à Bruxelles, il faut être cohérent et défendre l’harmonisation fiscale et sociale et empêcher que s’installe partout en Europe la libre concurrence.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mon propos, plus précis, moins général, contribuera à faire retomber la tension. Je veux en effet aborder un sujet qui intéresse tout un chacun, à savoir l’ultime période de la vie, à laquelle personne ne cesse de penser.
Qui a beaucoup fréquenté les hôpitaux sait, aussi dévoués et compatissants que soient les médecins, que ce n’est pas forcément du traitement médico-chirurgical que se souvient avant tout une personne ayant été hospitalisée, mais plutôt des soins de suite, de la restauration, du confort, de la manière dont elle a été traitée. C’est bien ce qui la marque le plus.
On peut évoquer d’un mot le côté affectif, pour le gommer. Mallarmé disait que la mort est « un petit ruisseau mal famé ». Sans doute n’avait-il pas dû fréquenter beaucoup les mourants. Au contraire, la mort est quelque chose de terrible, d’effrayant, d’angoissant, qu’on aborde seul, même lorsqu’on est entouré.
Les infirmières et les aides-soignantes, qui savent s’imprégner du désarroi du malade, qui se glissent dans ses souffrances, jouent un rôle évidemment capital.
Je n’y insiste pas, car je devrais alors évoquer la pénibilité, sujet que vous ne voulez pas aborder.
J’en veux pour preuve que, à la notion de pénibilité, vous avez substitué celle d’invalidité.
Cette fonction de « consolatrices » qu’exercent les infirmières et les aides-soignantes n’est pas une sinécure et entraîne une perturbation psychologique. Parce qu’elle n’est pas sans effet sur la santé, elle ne saurait être exercée indéfiniment et être considérée différemment en hôpital privé et en hôpital public.
J’insisterai sur les efforts physiques que nécessite l’exercice d’une telle fonction, efforts susceptibles de créer les conditions de l’invalidité. Ces efforts conduisent aux lombalgies traumatiques, aux accidents musculaires, aux hernies discales, aux déformations vertébrales, aux troubles psychiques et psychosociaux, aux stress des sonnettes répétitives toute la nuit, des plaintes, des cris, des draps qu’il faut changer, des malades qui se souillent, qu’il faut tourner, qu’il faut coucher d’un côté ou de l’autre pour leur épargner les escarres, des malades qui chutent, qu’il faut relever, etc. C’est un travail incessant, au milieu du bruit et des plaintes. Un hôpital, surtout un hôpital de long séjour, c’est quelque chose d’horrible. Il faut y avoir travaillé pour en prendre conscience.
Comme l’a dit notre collègue François Autain, il ne faut pas établir une différence de traitement entre le privé et le public. Il est bien normal que les personnels qui exercent de telles fonctions puissent souhaiter se consacrer un peu à eux-mêmes ou à leurs familles sans avoir à supporter la charge trop lourde de la douleur, du malheur, de l’invalidité des autres, sans être obligées de l’intérioriser. Ils aspirent à retourner à une vie plus normale, plus sereine et plus détendue.
C’est pourquoi l’âge de la retraite dans les secteurs public et privé doit être uniformisé et, surtout, les avantages professionnels dont bénéficient les personnels du secteur public doivent être étendus à ceux du secteur public, car la fonction, le travail et les difficultés rencontrées sont les mêmes.
À la suite de mes collègues, je dirai quelques mots sur la question de la fiscalité, car on touche là au fond d’une logique qui guide votre réforme. Pour notre part, nous ne contestons pas qu’une réforme soit nécessaire, mais nous proposons une autre approche.
Partant du principe qu’il manque 40 à 45 milliards d’euros, vous n’avez pas trouvé mieux pour combler le déficit que de reporter à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite et à 67 ans l’âge permettant de bénéficier d’une pension à taux plein, à défaut de pouvoir demander aux salariés des efforts supplémentaires.
Nous constatons tous les jours, comme tous les Français, au travers de multiples exemples, que vous faites preuve d’une tendresse particulière, voire de laisser-aller, envers les revenus du capital, sans le moindre regard généreux et compréhensif pour nos concitoyens qui doivent lutter contre des difficultés croissantes dans leur vie quotidienne.
C’est bien pour cette raison que, comme certains commencent à le dire ouvertement, vous perdez la bataille de l’opinion, …
… et non parce vos propos seraient marqués à tel ou tel endroit par le mensonge.
À l’appui de ma démonstration, j’évoquerai un épisode particulièrement scandaleux, qui n’a guère été relevé.
La Société générale, à défaut d’avoir été reconnue coupable dans l’affaire Jérôme Kerviel, a vu sa responsabilité partiellement mise en cause au motif qu’elle n’avait pas mis en place des mécanismes de surveillance et de contrôle suffisants.
Je m’attache à l’aspect non pas judiciaire, mais fiscal du dossier !
Or, en fin de semaine dernière, nous avons appris que la Société générale a bénéficié d’une exonération fiscale d’un montant de 1, 7 milliard d’euros à la suite de ses pertes, en dépit, donc, de sa part de responsabilité !
(M. Nicolas About s’exclame.) Y compris dans votre camp, certains considèrent que cette situation est anormale.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Cette mesure en faveur de la banque, jamais aucun citoyen, fût-il dans la détresse, n’aurait pu en bénéficier ! Jamais aucun citoyen ne s’est vu accorder un répit quand un huissier frappe à sa porte pour saisir son poste de télévision ! §
D’ailleurs, l’affaire n’est pas close : alors que nous nous échinons ici à trouver de l’argent pour que le déficit du régime des retraites ne pèse pas sur les salariés, le ministère du budget a décidé, d’un trait de plume, l’exonération de cette somme gigantesque de 1, 7 milliard d’euros.
Bien sûr, comme ne manquent pas de le souligner certains, cette exonération est parfaitement légale quand une entreprise dégage une perte exceptionnelle dont elle n’est pas responsable. Dans ce cas, elle peut déduire 33 % de cette somme dans sa déclaration d’impôt sur les sociétés. Sur l’exercice 2008, l’État a donc épongé un tiers de la perte occasionnée par Jérôme Kerviel.
Ce qui est parfaitement scandaleux, c’est que la Société générale demande néanmoins par voie de justice à son ancien salarié de lui rembourser non pas les deux tiers restants, mais la totalité des sommes qu’elle a perdues.
Il s’agit là d’une injustice énorme §à l’image de celles que nos concitoyens constatent chaque jour pour eux-mêmes et qu’ont rappelées nos collègues. Les Français sont prêts à faire des efforts, mais ils veulent que ceux-ci soient équitablement répartis. Ce n’est pas la voie suivie par votre réforme.
Parmi les orateurs qui viennent de s’exprimer, l’un d’eux a affirmé que le Gouvernement « se réjouissait ». Je lui répondrai que ce dernier fait simplement son devoir en réformant notre système de retraite. C’est déjà beaucoup.
Monsieur Assouline, vous dites que nous perdons la bataille de l’opinion ; mais vous, au parti socialiste, vous perdez la bataille de la responsabilité !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Vous perdez également la bataille de l’image, puisque le parti socialiste n’apparaît pas comme un parti de gouvernement. C’est cette bataille que vous perdez en ce moment ! D’ailleurs, M. Valls lui-même a appelé à la prudence en reconnaissant ce matin que cette réforme n’était pas entièrement mauvaise. Il s’est même montré circonspect face à l’appel au référendum de certains. Ses propos vont très loin. De même, M. Ayrault a déclaré que tout n’était pas à jeter et que certains aspects de la réforme devaient être conservés. C’est dire l’extraordinaire fracture qui existe au sein du parti socialiste sur la façon d’aborder cette réforme des retraites !
Il est évident que vous ne pouvez dire non à tout ; vous ne pouvez nous enjoindre de revoir entièrement ce projet de loi, de tels propos sont irresponsables ; vous ne pouvez vous contenter d’encourager les jeunes à manifester dans nos rues, comme l’a fait Mme Royal sur TF1, devant des millions de téléspectateurs.
M. Éric Woerth, ministre. C’est là un comportement parfaitement irresponsable, que vous paierez un jour. Si les élections à venir constituent votre unique préoccupation
M Yves Daudigny proteste.
Certes, vous formulez des propositions. Mais vous ne disposez d’aucun projet d’ensemble pour les retraites !
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Vous nous conseillez d’augmenter les impôts ; vous nous indiquez où nous pourrions trouver plus d’argent ; vous évoquez le cas de la Société générale, …
M. Éric Woerth, ministre. … en reconnaissant la légalité de notre action, mais en émettant un jugement négatif. Une chose est certaine, le Président de la République a lancé l’idée d’une réforme de la fiscalité du patrimoine. Voilà qui est bien naturel en période de sortie de crise. Ce débat, nous l’aurons à partir de l’année prochaine.
Mme Raymonde Le Texier s’exclame.
Dans l’immédiat, il me paraît important de rappeler les propositions du parti socialiste permettant de trouver de nouvelles recettes susceptibles de financer notre système de retraite. Vous entendez ainsi prélever 3 milliards d’euros sur l’intéressement et la participation, ce qui revient à multiplier par cinq la fiscalité actuelle.
L’intéressement et la participation concernent respectivement 5, 4 millions et 4, 9 millions de salariés aujourd’hui. C’est donc la France de tous les jours qui sera touchée par votre mesure, non la France des grands investisseurs que vous dénoncez ! C’est la vie quotidienne de millions de salariés qui est concernée ici.
Vous souhaitez donc multiplier par cinq la fiscalité de la participation et de l’intéressement et augmenter la CSG sur les revenus du capital. Mais vous vous gardez bien de fixer le rendement de telles mesures, qui sont dangereuses, puisqu’elles concernent près de 20 millions de Français ayant souscrit une assurance vie ! Alors, comme vous n’avez pas le courage d’entreprendre des réformes difficiles, vous décidez de taxer les revenus du capital au travers de la CSG. Mais vous ne précisez ni l’assiette, ni le montant, ni les situations donnant lieu à imposition. De même, vous ne dites mot sur l’assurance-vie !
Votre silence ne saurait apporter de nouvelles ressources au régime de retraite ! Vous proposez d’augmenter les cotisations salariales d’un point. C’est une mesure responsable, bien que nous la considérions peu opportune. Elle contribuera en effet à amoindrir le pouvoir d’achat des Français, même si vous mettez une décennie à y parvenir. Ce sont ainsi 4 milliards et demi d’euros que vous souhaitez prélever aujourd’hui aux Français.
Ce que l’on vous propose, vous le rejetez systématiquement. Nous n’avons pas de temps à perdre !
M. Éric Woerth, ministre. Vous proposez d’augmenter la contribution sur la valeur ajoutée, afin de lever près de 7 milliards d’euros supplémentaires. Or cette contribution est issue de la réforme de la taxe professionnelle. Votre proposition revient à en annuler les effets, qui ont pourtant une importance considérable sur la compétitivité de nos entreprises.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
D’ailleurs, lorsque, dans vos départements respectifs, vous entendez des dirigeants de PME se féliciter de la baisse de taxe professionnelle, vous les confortez certainement dans leur satisfaction ! Le contraire m’étonnerait.
Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
Vous êtes proches des entreprises uniquement lorsque la réciproque est vraie ! Je l’ai déjà constaté à plusieurs reprises !
Ensuite, fait extraordinaire, vous trouvez des ressources qui n’existent pas !
Voilà un moyen peu commun de financer les retraites ! Les ressources que vous nous proposez n’existent pas. C’est là toute la virtualité du parti socialiste !
Par exemple, vous prétendez lever près de 2 milliards d’euros d’impôts sur les stock-options et les bonus, alors même que leur assiette ne représente que 2, 7 milliards d’euros. Cela revient tout bonnement à les faire disparaître !
M. Éric Woerth, ministre. Je dis simplement qu’à l’époque où vous auriez pu, monsieur Assouline, alourdir la fiscalité des stock-options, vous avez fait le contraire ! M. Fabius a allégé la fiscalité sur les stock-options !
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Par ailleurs, vous souhaitez taxer les banques, que vous n’appréciez guère. C’est pourtant un grand secteur économique, avec des centaines de milliers d’emplois. Je ne comprends pas le mépris que vous avez pour les banques et leurs employés !
Si votre objectif est de fragiliser les banques françaises, alors continuez dans cette voie !
L’augmentation de l’impôt sur les sociétés que vous souhaitez infliger aux banques est excessivement élevée. Ce sont près de 3 milliards d’euros supplémentaires que vous entendez prélever sur les banques !
Non, monsieur Assouline ! Vous confondez les pourcentages et les points ! Vous n’évoquez pas 15 %, mais quinze points supplémentaires, ce qui est assez différent.
Confondre les pourcentages et les points, c’est là tout le problème du parti socialiste !
C’est bien connu, le parti socialiste n’est composé que d’idiots. C’est pour cela que nous gagnons toutes les élections !
Une augmentation de 15 points de l’impôt sur les sociétés supportée par les banques est évidemment considérable. C’est une fiscalité gigantesque que vous voulez imposer au secteur bancaire.
Qu’advient-il lorsqu’on lève un impôt de cette nature sur le secteur bancaire ? Par qui est-il réellement supporté ? Certes, c’est le résultat des banques qui semble imposé. Toutefois, en réalité, ce sont les emprunteurs qui en supportent le coût ! En effet, les banques ont pour mission de financer l’économie et non pas de manipuler les produits et les systèmes financiers, dérive que je condamne comme vous. Les banques financent l’économie, les PME, les entreprises, les projets et les logements des Français. C’est de tout cela que vous allez surenchérir le coût !
Par ailleurs, chose extraordinaire, vous prétendez dégager près de 10 milliards d’euros grâce à l’emploi des seniors. Au fond, vous pensez que l’augmentation du taux d’emploi des seniors va entraîner un surplus de cotisations qui viendra nourrir les recettes du régime de retraites. Mais cela ne fonctionne pas ainsi ! Dix milliards d’euros de recettes représentent une somme gigantesque ! En réalité, faute de propositions réalistes, vous avez lancé cette fort mauvaise idée.
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
Enfin, vous envisagez de mettre en place une retraite à la carte. Pour votre gouverne, sachez que la retraite, en France, est déjà une retraite à la carte ! En effet, entre les deux seuils de 62 ans et 67 ans, les salariés demeurent libres de leurs choix. Ils peuvent entrer, à taux plein, dans le système de retraite à 67 ans, ou bien partir à la retraite à 62 ans même s’ils n’ont pas accumulé suffisamment de trimestres de cotisations. Il s’agit donc bien d’une retraite à la carte.
Vous pensez inciter les Français à décaler l’âge de leur départ en retraite en instaurant un mécanisme de surcote. Si vous mettez en avant les économies réalisées par ce report de l’âge de départ en retraite, vous ne mesurez en aucun cas le coût induit par la surcote ! C’est là une drôle de façon d’évaluer les conséquences financières de vos mesures.
Ainsi, vos propositions, très éloignées de la réalité, ne sauraient former un projet cohérent faute de financement. Au fond, vous entendez financer les retraites des Français par des recettes virtuelles, bâties sur du sable. C’est du vent ! Je souhaitais le rappeler aujourd’hui.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Il me semble, après avoir écouté les interventions de M. Fourcade et de M. le ministre, que vous utilisez le débat fiscal pour répondre à nos arguments. C’est votre droit le plus strict. Je voudrais toutefois faire remarquer que nous représentons, nous, le groupe socialiste et le groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche du Sénat, l’opposition face à la majorité.
Ainsi, en rapportant les propos de nos camarades, anciens ou actuels, mais absents, vous maniez certes la dialectique, mais vous esquivez le débat sur le fond.
J’affirme sereinement que nous soutenons et défendons, comme nous l’avons toujours fait, l’amendement du groupe CRC-SPG dont nous débattons à présent. En effet, il s’agit non pas de fiscalité, mais de contributions sociales, de même que l’amendement suivant relatif aux stock-options.
Monsieur Fourcade, ce sont vos amis de la majorité, MM. Arthuis et Marini pour ne pas les nommer, qui entendent globaliser projet de loi de financement de la sécurité sociale et projet de loi de finances.
Ce débat montre qu’il aurait fallu, lors de la préparation de la réforme, si l’objectif était bien de mener une réforme systémique, mettre sur la table le système de prélèvements obligatoires français. Or, vous vous y êtes refusés. Aujourd'hui, embourbés comme vous l’êtes dans ce débat, vous êtes réduits à retoquer, point par point, le plan de financement que nous défendons.
Cela est révélateur des lacunes de votre réforme, qui ne mérite d’ailleurs pas son nom. C’est d’ailleurs notable lorsque l’on observe le détail de votre argumentation concernant la taxe bancaire. Nous sommes ainsi les premiers à avoir défendu, avec nos collègues députés, la taxation des banques. Après, on peut discuter de la surtaxation et de l’affectation de ces recettes. C’est un débat que nous aurons en loi de finances.
Je rappelle cependant, puisque vous évoquez fréquemment l’harmonie fiscale franco-allemande, que ce débat a déjà été tranché par le Parlement allemand, qui a instauré une taxe bancaire.
On peut fort bien s’interroger sur le produit et l’assiette de cette taxe et entamer des débats techniques dès à présent.
Mais le fait est que le Parlement allemand a pris cette mesure. Par conséquent, quand vous avez recours à des exemples, prenez garde à ce qu’ils soient cohérents avec vos propres positions !
On entend partout que le bouclier fiscal sera supprimé en contrepartie de la suppression de l’ISF. Vous aurez la peau de l’ISF ! Mais je garde en mémoire les propos que le Premier ministre tenait voilà peu de temps : « Je ne suis pas prêt à sacrifier une recette de 4 milliards d’euros ».
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.
Vous êtes bien incapable de suivre les litotes que vous faites à propos de l’harmonie fiscale, vous le savez bien. Notre collègue Alain Anziani en a parlé, mais nous pouvons l’évoquer de nouveau.
Nous pouvons contrer point par point l’argumentation que vous défendez. Une chose est certaine, monsieur le ministre : vous êtes aux responsabilités. Nous ne le sommes pas ! Vous n’ignorez pas que ce débat fiscal est un enjeu pour 2012. Vous pouvez raconter ce que bon vous semble, ici ou à l’extérieur de cet hémicycle. Vous avez vos éléments de langage. Nous, nous défendons une position : nous voulons une vraie réforme des retraites.
La vôtre, vous pouvez la manipuler comme il vous plaît. Et ce d’autant plus que vous venez de faire accepter à votre majorité parlementaire le transfert de 130 milliards d’euros à la CADES. Je reprends l’expression de certains membres de votre majorité : vous leur avez imposé cela « le pistolet sur la tempe ». Toutefois, vous ne pourrez imposer vos éléments de langage à l’opposition ! Permettez que nous défendions notre projet concernant la réforme des retraites.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le ministre, j’ai écouté votre réponse à nos propositions. Nous n’avons pas la même idéologie, c’est un fait, mais nous nous respectons malgré tout. Vous défendez un choix de société que nous contestons et que nous combattons. Cependant, vous ne devriez pas caricaturer nos propos, si vous n’appréciez pas que nous faisions de même.
Nous ne vous parlons pas de fiscalité. Comme Mme Beaufils ainsi que d’autres orateurs l’ont dit, nous vous proposons des cotisations sociales supplémentaires.
Vous avez évoqué l’intéressement et la participation. Nous ne sommes pas sans savoir que plusieurs millions de salariés sont concernés. Mais cela représente surtout des exonérations de cotisations patronales ! Vous n’ignorez pas qu’il s’agit là d’un détournement de la politique salariale mise en œuvre par les entreprises pour échapper à leur responsabilité sociale. J’ai déjà évoqué devant vous la responsabilité sociale des entreprises, sujet que vous refusez d’aborder. Pourtant, c’est bien de cela qu’il est question.
Je connais de nombreux salariés qui sont heureux de toucher ces primes. Pour autant, si vous leur donnez le choix entre travailler deux ans de plus ou payer des cotisations sociales sur leurs primes, je suis persuadée qu’ils préféreront la seconde option.
La difficulté tient au fait que les employeurs, eux, ne veulent pas payer de cotisations patronales sur ces primes, ce qui leur permet d’échapper à leur responsabilité sociale. Mais vous refusez d’évoquer cette question, comme vous refusez de discuter des recettes nouvelles que nous proposons. Il serait pourtant intéressant de savoir quelle est, aujourd’hui, la responsabilité sociale des entreprises, notamment de celles du CAC 40, qui usent et abusent d’artifices pour échapper le plus possible aux devoirs qu’ils ont envers leurs salariés.
Si la France est aujourd’hui ce qu’elle est, c’est bien évidemment grâce aux investisseurs, aux entreprises, à tous ceux qui ont cru dans notre pays et qui ont financé de nouvelles entreprises. Mais c’est aussi et surtout grâce aux salariés qui, au quotidien, au sein de leur entreprise, produisent ce qui a été financé par les investisseurs.
Il faut bien être conscient que le fonctionnement d’une entreprise est un tout. Les maillons de la chaîne sont tous importants, qu’il s’agisse des salariés non qualifiés, des techniciens, des cadres, des ingénieurs, ou même des managers. Oui, tous les maillons sont importants, du management au ménage ! Et heureusement qu’il y a, dans les entreprises, des personnels chargés de l’entretien, car, si le ménage n’était pas fait, il deviendrait vite impossible de travailler. Mes chers collègues, si vous retirez un maillon de cette chaîne, c’est tout le système qui s’écroule.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous ne faites pression que sur un bout de la chaîne, celui des salariés. Or il convient de solliciter tous les maillons à un juste niveau.
Tout à l’heure, M. le rapporteur a évoqué l’équité, et j’y reviendrai plus longuement lors d’une prochaine explication de vote.
Oui, chers collègues, il faut de l’équité dans la réforme, mais cette équité implique, par exemple, de prendre en compte le temps de vie qui reste à l’ensemble des assurés au moment du départ à la retraite. Or, vous le savez pertinemment, l’espérance de vie en bonne santé est bien différente selon que l’on a exercé ou non un travail pénible durant quarante ans. L’équité ici serait que chacun puisse prétendre à un temps de retraite équivalent.
Je mets aux voix l'amendement n° 841 tendant à rédiger l’article 4.
J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 833.
Je maintiens que je ne souhaite pas allonger les débats : cet amendement porte sur les stock-options, sujet important s’il en est. Je ne veux pas allonger les débats, mais tout de même !
Mme Annie David. Madame Procaccia, je regrette que vous trouviez notre débat long et pénible.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Chers collègues, avec votre réforme, vous fichez en l’air un acquis social majeur pour des millions de gens, à savoir la retraite à 60 ans.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. –Protestations sur les travées de l’UMP.
Si le débat vous dérange, j’en suis bien désolée, mais libre à vous de partir. Allez faire vos courses, faites ce que vous avez à faire, rencontrer les gens que vous avez envie de rencontrer, mais laissez-nous parler !
Protestations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
La retraite à 60 ans est un acquis social qui fut conquis de haute lutte par nos aînés. Là-dessus, nous ne céderons rien et nous continuerons à faire valoir nos arguments jusqu’au bout.
Vous alliez laisser mourir le système de retraite ; c’est nous qui le défendons !
Mme Annie David. Cet amendement tend à abroger le paragraphe 1° proposé par l’article 4 pour l’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale.
Marques de lassitude sur les travées de l ’ UMP.
Même si les stock-options sont soumises à prélèvement depuis le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, nous restons opposés à cette pratique salariale.
Je ne doute pas que vous connaissiez notre opposition aux stock-options, mais je vois un argument supplémentaire pour m’y opposer dans ce qu’il faut bien appeler un détournement de la politique salariale.
Les entreprises sortent en effet gagnantes de ce détournement qui leur permet d’échapper à toutes les cotisations patronales. Les primes versées au titre des stock-options, mais aussi de l’intéressement et de la participation – nous y reviendrons lors du vote d’un prochain amendement, mais je ne veux pas vous lasser, chers collègues – amputent les salaires mensuels. Les cotisations de salariés sont donc moins élevées que si les primes étaient intégrées au salaire et les recettes des caisses de retraites et des organismes de protection sociale sont diminuées d’autant.
Cette politique salariale détournée permet le maintien de bas salaires. Les indemnités versées en cas de congé de maternité, d’arrêt maladie classique ou d’accident du travail, parce qu’elles sont calculées sur les salaires, sont dès lors réduites par rapport au revenu mensuel habituel.
Cette pratique constitue pour nous, je le répète, une raison supplémentaire de nous opposer à une politique salariale qui aboutit, en fait, à un détournement de salaires.
Madame la présidente, le projet de loi portant réforme des retraites est très important et il me paraît légitime que, lorsque nous avons des arguments à faire valoir, nous puissions le faire dans de bonnes conditions.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le ministre, je tenais à vous féliciter : quel estomac ! quel aplomb ! Si nous n’étions pas en situation de crise, s’il n’y avait pas eu l’explosion du chômage, de la dette, du déficit budgétaire, vous ne seriez pas moins triomphant, vous ne nous exposeriez pas avec plus de dogmatisme les raisons pour lesquelles vous gérez si bien et avec tant de succès !
La terre peut tourner dans l’autre sens, vous ne changerez pas d’avis ! Et vous nous servez toujours le même conte pour enfants : il faut défendre les banques parce qu’elles financent l’économie. Les banques ? On les a vues à l’œuvre : elles se livrent essentiellement à la spéculation, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous sommes dans le mur ! Demandez aux chefs d’entreprises comment les banques « financent l’économie » !
La crise devrait nous apprendre que l’on ne peut plus continuer à appliquer la même politique, que certains principes doivent être remis sur le métier et non plus tenus pour des vérités, voire pour des dogmes.
Nous aurions manqué notre examen de passage de parti de gouvernement ? Mais pour gouverner comment ? Pour gouverner comme vous, pour faire ce que vous allez faire ?
Évidemment, si vous posez la question dans ces termes, vous avez raison !
La manœuvre est simple : on prend une seule donnée du problème, une seule, en l’occurrence la durée de cotisation, et on ne parle plus que de cela, en oubliant tout le reste.
Mes chers collègues, comme l’a rappelé à juste titre Alain Anziani tout à l’heure, nous ne refusons pas de parler de la durée de cotisation, mais nous considérons que l’on ne peut pas, que l’on ne doit pas parler que de cela.
Il faudra aussi parler du chômage et de la politique économique qui permettra de créer de la richesse, donc des cotisations, et de partager la richesse ainsi créée entre les actifs et les inactifs.
On devra également aborder la politique d’exonération des cotisations sociales. Mes collègues l’ont évoquée tout à l’heure, je ne me suis pas exprimé sur la question. Il me semblait tellement évident que, s’agissant des heures supplémentaires – et ce n’est qu’un petit aspect du problème –, on ne pouvait pas faire comme si tout allait bien, comme si la question n’avait pas à être reconsidérée.
On ne peut pas ne pas parler non plus de la politique fiscale, puisque l’on sait très bien que notre système de retraite ne peut plus être assis sur les seuls revenus du travail, sur les seules cotisations. Tout cela, nous le savons bien !
Alors, de grâce, ne nous faites pas ce type de procès ! Vous persistez à conduire la même politique depuis des années, en disant que c’est la meilleure et la seule envisageable, malgré les résultats calamiteux observés. Souffrez que nous puissions proposer autre chose.
Non, nous ne refusons pas tout, mais nous refusons de ne voir qu’un aspect du problème, celui sur lequel vous nous mettez le nez en permanence et dont vous ne voulez pas que nous sortions.
Il faut prendre le problème dans son ensemble, tout mettre sur la table, examiner les différents paramètres et faire des choix, et ces choix sont d’abord politiques. Vous, vous avez fait les vôtres, nous, nous ferons les nôtres !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Ce débat est sérieux. Le présent amendement concerne le financement de la protection sociale, auquel les stock-options contribuent moins que les salaires.
Vous nous rappelez souvent ce que tel ou tel de nos ministres de l’économie et des finances a mis en œuvre. Moi, je vous parle de ce que nous faisons, nous, groupe socialiste ! Et n’inversez pas la charge de la preuve : c’est vous qui êtes aux responsabilités. Quant au groupe socialiste, il défend régulièrement ce type d’amendement, et depuis des années.
Pour que vous ne caricaturiez pas une nouvelle fois les positions que nous prenons ici, nous rappelons systématiquement que le mécanisme des levées d’option, pour le dire en français, a été introduit en France en 1970, et que, depuis cette date, il n’a cessé d’être perverti.
Nous avons toujours défendu la position suivante : il faut non pas supprimer les stock-options, mais leur faire retrouver leur esprit d’origine, c'est-à-dire contribuer à l’émergence des petites et moyennes entreprises.
Par exemple, nombre de chercheurs qui innovent et créent leur entreprise ont besoin d’un mécanisme leur permettant, lorsqu’ils n’ont pas de capital – les banques n’aident pas les petites et moyennes entreprises à hauteur de ce qu’elles devraient faire –, de réinvestir le produit de leur travail dans l’entreprise.
Mais ce système a été perverti et les abus se sont accumulés au cours des trente dernières années.
Aujourd’hui, dans une période de crise économique, sociale et financière, ce type d’avantage sert, en fait, d’ajustement à une rémunération variable.
Si vous considériez de temps en temps ce qui se passe au Parlement européen, vous constateriez que nos arguments ne sont pas défendus uniquement par le parti socialiste européen et le groupe communiste et apparentés, mais qu’ils débordent largement les bancs de la gauche. J’en veux pour preuve le fait que le « paquet » défendu au niveau européen intègre cette notion de plafonnement des rémunérations variables.
Vous le savez très bien, les levées d’option sont un mécanisme d’ajustement qui profite essentiellement aux plus gros salaires.
Donc, il est normal, dans un système républicain comme le nôtre, de respecter ce qui fait l’essence de la République et que chacun contribue aux dépenses, qu’elles soient sociales ou budgétaires, à hauteur de ses moyens.
Cet amendement est tout à fait correct et digne d’être soutenu ; c’est pourquoi nous le voterons.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Madame la présidente, j’invite les membres de la commission des affaires sociales à se rendre immédiatement en salle de commission, pour une très courte réunion. M. le rapporteur en effet souhaite soumettre à leur approbation, avant dépôt, deux amendements de coordination qui n’ont pu être examinés auparavant.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures.