Cet apport revient à exiger encore davantage des fonctionnaires du secteur public. Pour mémoire, et pour préciser d’emblée l’une des données essentielles de cette question, je rappelle que la majorité des fonctionnaires sont des femmes. Évaluons donc les effets en cascade que produira cette mesure d’allongement de la durée de cotisation.
Il deviendra de plus en plus difficile à l’État, à compter de l’allongement de la durée de cotisation, de mettre en œuvre une forme de plan social naturel de réduction des effectifs de la fonction publique : ses différentes administrations devront permettre à leurs personnels âgés de 55 ans à 62 ans de poursuivre leur carrière, pour ne pas prendre le risque de voir ces agents subir une décote trop importante de leur pension de sortie.
En clair, alors même que le service public continuera presque naturellement de connaître des gains de productivité, il faudra que le budget de la nation subisse le coût de l’obligation impérieuse faite à l’État de ne pas se séparer de ses seniors.
Toutefois, monsieur le ministre, la mesure que vous proposez est tout simplement contradictoire avec les objectifs de réduction durable des déficits publics que vous affichez. Avant peu, il faudra prévoir de nouveau un dispositif de cessation d’activité ou accepter de mettre à la charge de l’État la situation des polypensionnés ayant cotisé au régime des fonctionnaires et appelés à travailler encore un peu plus longtemps.
En effet, l’un des aspects de la question qui nous est posée est bel est bien le statut des agents qui partiront à la retraite dans les années à venir. Les années soixante-dix ont été marquées par une très sensible augmentation du nombre des agents du secteur public, du fait d’une structuration de plus en plus serrée du maillage des services déconcentrés de l’État sur l’ensemble du territoire.
Néanmoins, ce phénomène de développement de l’emploi public, largement marqué par le recours à l’auxiliariat – une forme de travail précaire que la gauche, arrivée au pouvoir en 1981, a largement réduite grâce à des mesures d’intégration et de reconnaissance de l’expérience acquise –, s’est aussi produit dans le contexte d’une progression de l’emploi féminin plus rapide encore dans la fonction publique que dans d’autres secteurs.
Des femmes pour qui l’emploi public était la marche à franchir pour envisager promotion sociale et indépendance financière n’auront pas, au moment clef du départ à la retraite, et forcément dans tous les cas, le compte d’annuités nécessaire.
Ainsi, à la place de la promotion sociale offerte naguère par le service public, vous proposez, avec cet article 4, une remise en cause du droit à la retraite de celles-là mêmes qui ont fait l’administration française de ces quarante dernières années. C’est là un bien mauvais procès fait à des agents du secteur public qui, de plus, verront leur retraite rabougrie et subiront, sans l’avoir méritée, la rigueur du gel de leurs traitements. Cela fait beaucoup de sacrifices pour plaire aux agences de notation !