Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 14 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 4 suite

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Comme nous le verrons lors de l’examen des articles concernant la fonction publique, les mesures d’âge constituent le pivot, en matière de financement, de cette réforme des retraites, qui vise surtout à mettre à la réforme le droit à la retraite…

Il s’agit pourtant d’un droit constitutionnel, inscrit en toutes lettres dans ce Préambule de la Constitution de 1946 qui chagrine tant les libéraux.

Certes, on peut toujours dire que l’on va, de manière assez symbolique, supprimer le bouclier fiscal, relever d’un point la taxation des plus-values ou celle des revenus obligataires, mais c’est bel et bien le monde du travail qui sera le plus directement sollicité pour financer ce recul social que constitue le report à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite et dont l’article 4 est l’instrument indispensable.

Relever de deux années la durée de cotisation, c’est rendre quasiment impossible, pour n’importe quel jeune salarié entrant dans la vie active aujourd’hui, de faire valoir, sauf adoption de dispositions législatives contraires dans l’avenir, un quelconque droit à la retraite à 60 ans.

En effet, la majorité des jeunes entrant sur le marché du travail vers 23 ans – ce n’est pas le cas, évidemment, de ceux qui suivent un long cursus universitaire –, un calcul simple fait apparaître que l’âge moyen de départ à la retraite, avec 41, 5 annuités de cotisation, sera de 64, 5 ans.

En matière de financement, la réforme est donc, en grande partie, fondée sur un allongement de la durée de cotisation et un raccourcissement subséquent de la durée de la retraite. En clair, chaque année de cotisation vaudra moins au regard de la retraite : la retraite se « dévalue », en quelque sorte, et l’équilibre d’une partie de la réforme repose sur une forme de spéculation sur la mort des assurés.

Il faut nettement établir les conséquences de l’application du dispositif de l’article 4 en termes de recettes et de dépenses de retraites.

Si vous demandez à 3 millions de smicards de cotiser ne serait-ce qu’une année de plus, cela revient à accroître de 2, 5 milliards d’euros leur contribution au financement de l’assurance vieillesse. En effet, ce n’est pas simplement un symbolique point de taxation de plus pour eux, c’est bel et bien, chaque mois, 6, 55 % de prélèvements supplémentaires !

Leur employeur, en revanche, n’a pas de souci à se faire, puisque les cotisations sociales, à ce niveau de salaire, sont financées par l’impôt ! M. Fourcade appelait à ne pas recourir davantage à la fiscalité, or en l’occurrence l’impôt supplée les cotisations patronales.

Je ne sais d’ailleurs pas si le Gouvernement a envisagé les conséquences de la prolongation obligée de carrière pour les salariés percevant un salaire inférieur à 1, 6 SMIC, ce qui est le plafond pour bénéficier des exonérations de cotisations sociales, mais je crois savoir que cela grèvera le budget de l’État ! Peut-être M. le ministre pourra-t-il nous préciser tout à l’heure le coût d’un tel surcroît d’exonérations.

Quoi qu’il en soit, les smicards apporteront 2, 5 milliards d’euros de ressources complémentaires à la sécurité sociale, tandis que la contribution de la poignée de privilégiés qui verront leurs plus-values taxées à 19 %, au lieu de 18 % aujourd’hui, s’accroîtra, de manière sans doute temporaire, de 180 millions d’euros. La recette est connue : un cheval, une alouette !

Le schéma peut évidemment être repris pour l’ensemble des salariés : qu’ils travaillent à temps partiel ou à temps complet, qu’ils soient ouvriers, ingénieurs, cadres ou techniciens, tous seront mis à contribution par la force des choses, puisque tous seront « autorisés » à cotiser deux années de plus.

Cette réforme, qui porte clairement atteinte aux acquis et aux droits du monde du travail, sera donc payée par le monde du travail lui-même, dont les représentants ont été snobés par un Gouvernement au service des marchés financiers, un Gouvernement devenu la force supplétive du patronat et qui tente, aujourd’hui encore, d’imposer sa loi aux représentants du peuple et de la nation.

Honte à tous ceux qui, soit en approuvant l’augmentation du nombre d’annuités, soit en s’abstenant, auront consenti à un tel recul ! Notre fierté sera d’avoir refusé ce retour en arrière !

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