Le groupe socialiste n’est pas opposé à ce que l’allongement de la durée de cotisation soit un des leviers utilisés dans le cadre d’une réforme globale. Une telle mesure est même plus juste que le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, car elle tient compte de l’âge d’entrée dans le monde du travail.
Malheureusement, ce projet de loi, en liant augmentation de la durée de cotisation et relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, prive la démarche de toute équité, notamment pour les salariés qui auront effectué des carrières longues. Non seulement ceux-ci cotiseront plus longtemps, mais ils cotiseront plusieurs années à perte : un salarié ayant commencé sa carrière à 18 ans devra ainsi cotiser quarante-quatre ans avant de pouvoir prendre sa retraite.
L’allongement de la durée de cotisation, donc la prolongation de l’activité, suscite des questions très concrètes pour notre société : comment tenir compte des cycles de la vie dans l’évolution professionnelle ? Quelle place donner à la transmission et à la formation au sein de l’entreprise ? Comment diversifier les parcours et les carrières pour que, à tout âge, des perspectives s’offrent aux salariés ?
D’autres pays, la Finlande notamment, ont mené toute leur réforme des retraites en mettant en place une vraie politique de maintien des seniors dans l’emploi. Force est de reconnaître que, avec le présent texte, nous en sommes loin…
Augmenter la durée de cotisation, c’est aussi regarder en face les difficultés que rencontrent les jeunes pour entrer sur le marché de l’emploi.
Dans un monde du travail peu accueillant pour les jeunes, les femmes, les seniors, l’augmentation de la durée de cotisation revient à miser cyniquement sur la multiplication des carrières incomplètes, afin de décharger l’État de sa mission de solidarité.
Par ailleurs, le fait que l’espérance de vie, plus particulièrement l’espérance de vie en bonne santé, s’allonge rend légitime une réflexion sur la répartition de ce temps gagné entre activité professionnelle et temps pour soi ou pour les autres. Or quand vous déclarez arbitrairement que les deux tiers de ce surcroît de temps doivent être consacrés au travail, nous nous interrogeons sur le modèle de société que vous promouvez.
Vous laissez de côté tous les services rendus par les jeunes retraités à leur famille et à l’ensemble de notre société : de la garde d’enfants aux aides financières, de l’investissement dans le monde associatif au bénévolat, les jeunes retraités jouent un rôle très important.
Le temps pour soi n’est pas un temps inutile, perdu ou volé ; il est un espace de liberté, indissociable de la condition humaine dans ce qu’elle a de plus particulier. Une répartition à parts égales du temps gagné nous paraît plus juste et plus appropriée.
Enfin, si l’espérance de vie en bonne santé augmente, le moins que l’on puisse dire, c’est que les inégalités d’espérance de vie en fonction des métiers ne diminuent pas. La différence est de sept ans entre un cadre et un ouvrier : voilà un chiffre terrible. Vous ne lui accordez pourtant aucune attention. Rien n’est fait pour pondérer l’allongement de la durée de cotisation afin de prendre en compte ce type d’injustice. Vous savez bien que vos mesures consistant à transformer la pénibilité en invalidité visent surtout, comme d’habitude, à réduire le nombre d’ayants droit.
Faire des économies aux dépens des plus fragiles, telle est votre méthode. C’est ce qui rend votre projet de loi injuste, et l’article 4 participe de l’édifice que vous bâtissez. Voilà pourquoi le groupe socialiste votera contre.