M’intéressant particulièrement aux problèmes agricoles et très lié à ce milieu, j’ai essayé de prolonger notre réflexion et nos recherches sur ce sujet.
Le Gouvernement ne veut pas entendre l’appel de l’Association nationale des retraités agricoles de France, l’ANRAF, qui s’est réunie en congrès annuel cet été. Ses revendications, à savoir une pension décente assurant l’égalité entre les hommes et les femmes, ne sont pas nouvelles. Face aux promesses sans lendemain de la droite, elles revêtent aujourd’hui une actualité particulière.
Selon les chiffres officiels de la Mutualité sociale agricole – et non pas d’un syndicat ! –, la retraite moyenne actuelle d’un agriculteur s’élève à 400 euros. Un homme touche près de 650 euros ; une femme, 350 euros.
Le plan d’urgence de l’Élysée prêterait à rire si la situation n’était pas à pleurer. En effet, sur 1 700 000 retraités agricoles que compte l’Hexagone, seuls 170 000 ont bénéficié d’une augmentation de leur pension depuis le 1er janvier. En moyenne, la hausse a été de 29 centimes d’euro ! « C’est totalement dérisoire. La pension d’un retraité reste en dessous du seuil de pauvreté, qui s’élève à 900 euros. C’est inadmissible », déclare Roger Tréneule, le président de l’ANRAF de Dordogne.
Dans la profession, le malaise est grand. On a assisté cette année à une augmentation non négligeable des exploitants qui perçoivent le RSA. En deux ans, en effet, les revenus ont baissé de 50 %, ce qui a entraîné la liquidation de 30 % des exploitations. « Nous enregistrons un suicide par jour au niveau national », affirmait Pierre Esquerré, président de l’ANRAF du Gers.
La situation dramatique dans laquelle se trouvent les retraités agricoles est le reflet de la crise que traverse l’agriculture. Rien n’est fait pour assurer aux agriculteurs et aux éleveurs un revenu décent. Voilà quelques mois, au Sénat, on entendait en commission des élus de tous bords dénoncer l’absence de régulation des prix et des volumes, conséquence de la PAC, la politique agricole commune.
Pourtant, au cours de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, tous nos amendements visant à introduire une telle régulation afin de garantir aux agriculteurs un prix rémunérateur pour leur production ont systématiquement été refusés.
On ne peut comprendre cette réforme des retraites sans garder à l’esprit les décisions déjà prises par le Gouvernement dans certains secteurs d’activité.
Si aucune décision importante n’est arrêtée, nous assisterons, nous le disons sans exagération, à la mort programmée du secteur agricole : la concentration déjà à l’œuvre s’intensifiera, faisant disparaître des milliers d’exploitations, ce qui signera la fin de l’indépendance alimentaire de la France et, plus largement, de l’Europe.
Nous souhaitons donc la suppression de l’article 7, dont l’adoption aggravera la situation des non-salariés agricoles.
Les Français sont loin d’être égaux devant la cure d’austérité que le Gouvernement prépare. Nous l’avons rappelé, Lars Olofsson, débauché de Nestlé par le groupe Carrefour, qui a encaissé 6 millions d’euros de rémunération en stock-options, bénéficie d’une retraite annuelle de près de 500 000 euros par an.
Les écarts abyssaux en matière de revenus ou de retraite, révélés de plus en plus souvent par la presse, n’ont plus de sens. Il est temps d’arrêter de demander aux travailleurs de se sacrifier. La logique consisterait, nous pourrions tous en tomber d’accord, à œuvrer en faveur d’une autre répartition des richesses, qui soit plus égalitaire.