Intervention de Odette Herviaux

Réunion du 14 octobre 2010 à 15h00
Réforme des retraites — Article 7

Photo de Odette HerviauxOdette Herviaux :

Il est vrai qu’il peut paraître difficile d’entrer dans une défense catégorielle tant cette réforme est injuste pour tous. Les retraites agricoles cumulent cependant plusieurs handicaps.

Les retraites sont faibles. Je ne vais pas reprendre les chiffres que mes collègues ont mentionnés avant moi, mais on peut le constater quand on connaît ce milieu.

Le travail est long, souvent pénible, parfois dangereux et pas toujours reconnu.

Les pensions de réversion sont encore plus faibles pour les conjointes, qui elles devront travailler jusqu’à 67 ans voire plus.

Globalement, si le niveau de vie des retraités est aujourd'hui légèrement supérieur à celui des actifs – on peut d'ailleurs le déplorer, car cela signifie que le travail n’est pas reconnu à sa juste valeur dans notre société –, ce n’est cependant pas le cas dans le domaine agricole.

Les propositions du Gouvernement représentent un certain nombre d’avancées que je pourrais qualifier de « bons points » destinés à faire avaler la pilule du report de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans.

D’une part, le choix des 25 meilleures années pour le calcul de la pension peut paraître satisfaisant. Cependant, tout le monde sait que face aux crises à répétition, à l’instabilité et à la fluctuation des marchés, à l’endettement de plus en plus élevé de la plupart des exploitations, cette amélioration risque fort d’être remise en cause.

D’autre part, je m’attarderai sur l’exemption du recours sur succession du capital agricole et des bâtiments, indissociables pour tous ceux qui pourraient faire appel à la solidarité nationale mais qui n’osent pas.

Encore faut-il qu’ils soient toujours en possession de ces outils ! Vous n’êtes pas sans savoir que certaines exploitations sont endettées depuis de nombreuses années à plus de 90 %. J’en connais même qui dépassent les 100 %. On ne voit pas, quand ils sont soutenus artificiellement par des groupements, comment ils pourraient s’en sortir. Même si les crises cessent, même s’ils retrouvent un peu d’air, ils ne pourront jamais surmonter suffisamment ces handicaps pour laisser une quelconque succession, notamment pour les plus âgés d’entre eux.

Comment peut-on reculer encore l’âge de la retraite alors que les mises aux normes, dans l’élevage, par exemple, appellent des investissements relativement lourds et que l’on ne peut plus, après un certain âge, continuer à s’endetter pour pouvoir exercer ? Ces éleveurs sont donc dans l’obligation de partir plus tôt.

Vous reconnaissez que les agriculteurs exercent un métier pénible – il ne faudrait d'ailleurs pas oublier les métiers de la pêche, même si leur situation est légèrement différente. Sous ce vocable, nous retrouvons les mêmes travers pour tous les métiers : par pénible, il faut entendre la reconnaissance préalable d’une incapacité permanente ; c’est inacceptable !

Le métier d’agriculteur est particulièrement exposé, tant en raison des longs horaires journaliers et hebdomadaires que de sa dangerosité liée à l’utilisation des machines ou au contact avec le bétail, source d’accidents du travail. Mais, bien plus sournoisement, ce métier peut entraîner un mal-être et un mal-vivre chez ceux qui l’exercent. Je ne reviendrai pas sur la fréquence des suicides parmi les agriculteurs, nous en avons parlé tout à l’heure, mais ils sont une réalité. De même, je ne reviendrai pas sur toutes les maladies qui se déclenchent longtemps après la manipulation des substances cancérogènes que sont les produits phytosanitaires.

C’est pourquoi le monde agricole attache une importance primordiale non seulement au niveau des pensions, bien entendu, mais aussi à l’âge de départ à la retraite.

Monsieur le secrétaire d'État, il faut être cohérent : pour assurer une retraite décente à nos agriculteurs et à nos pêcheurs, pour maintenir sur l’ensemble de notre territoire un tissu d’exploitations locales, il ne faut pas leur demander de travailler plus longtemps et reculer leur âge de départ à la retraite. Au contraire, il faudrait les aider à trouver des repreneurs pour qu’ils puissent transmettre leurs exploitations. C’est un enjeu majeur pour l’aménagement équilibré de notre territoire.

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