Monsieur le secrétaire d’État, votre conception de l’équité, qui tire toujours les droits vers le bas, vous a conduit à élaborer cet article 8, qui constitue l’une des premières mesures à l’encontre des fonctionnaires, accusés de tous les maux. Dans le projet de loi de finances pour 2011, ceux-ci subiront en effet de plein fouet les réductions de personnels décidées dans le cadre de la RGPP.
Aussi, de manière mécanique, presque déshumanisée, vous repoussez de deux ans l’âge légal de départ à la retraite pour les fonctionnaires relevant des catégories actives de la fonction publique. Or cette reconnaissance, qui ouvre des aménagements en termes de droit à la retraite, n’est pas un cadeau fait à celles et à ceux qui accomplissent des missions de service public dont nous profitons tous chaque jour. C’est une reconnaissance des risques particuliers qui découlent de l’accomplissement de ces missions.
Vous soutenez, et votre argument vaut pour le secteur public comme pour le privé, que les évolutions et les progrès des sciences et des techniques auraient permis d’améliorer les conditions de travail des salariés, comme c’est le cas dans l’agriculture, M. Vasselle le rappelait tout à l’heure. À croire que tous les maux disparaîtraient derrière la notion de modernisme à laquelle vous vous référez souvent, mais jamais lorsqu’il s’agit des droits sociaux.
Monsieur le secrétaire d’État, nous ne partageons pas cette analyse. Certes, les progrès techniques ont permis des avancées notables, mais la situation est loin d’être générale. N’oublions pas que les évolutions techniques entraînent parfois leur lot de souffrance. Dans le domaine de l’entretien du réseau routier, par exemple, les évolutions techniques n’ont en rien diminué la pénibilité du travail. On peut dire qu’un conducteur de camion de chantier travaille dans de meilleures conditions. Mais il n’en reste pas moins que, dans nos collectivités, les salariés d’une cinquantaine d’années qui souffrent de maux de dos sont si nombreux qu’il devient difficile de les reclasser.
Il est aussi des progrès techniques réels qui, dans les faits, ne profitent pas aux salariés. Je pense aux infirmiers ou aux aides-soignants des établissements publics hospitaliers, qui disposent, parfois, de lève-malades qu’ils n’utilisent pas, car cela ralentirait leur travail. Faute de personnels en nombre suffisant, ils sont en effet soumis à un rythme soutenu. Ils sont donc amenés à exécuter des mouvements mécaniques, d’autant plus répétés que le manque de personnel est important. Ils sont ainsi sujets à des douleurs vertébrales et plus généralement articulaires.
Les souffrances s’accumulent et leur retraite devient moins agréable qu’elle n’aurait pu l’être. Du fait d’une santé fragile, ces personnes ne peuvent profiter véritablement de leur retraite, alors que le temps de travail qu’ils ont accompli aurait dû leur permettre de vivre dans de meilleures conditions.
Vous me répondrez probablement qu’il ne s’agit que d’un allongement de deux ans. Peut-être, mais lorsque l’on est usé par le travail, lorsque l’on sent dans sa chair les conséquences de ce travail, sur le plan tant physique que psychologique, ce sont deux ans de trop.
Comme l’a indiqué à juste titre M. Domeizel voilà un instant, vous avez une vision comptable de la situation. Les collectivités ont consenti des efforts importants en faveur des personnels de la fonction publique territoriale. Elles ont été largement sollicitées et ont accepté d’augmenter leurs cotisations salariales, mais ce ne sont pas les salariés de la fonction publique territoriale qui en ont profité, la surcompensation ayant intégralement absorbé ces augmentations, y compris au profit de métiers qui auraient pu cotiser davantage qu’ils ne l’ont fait.
La liste des métiers qui font l’objet de surcompensations de la CNRACL relève d’un inventaire à la Prévert, que M. Domeizel ferait mieux que moi. Je n’en citerai aucun, afin de ne pas insister, mais cette situation n’est pas légitime au regard de la situation de certains salariés, entre autres des éboueurs, auxquels M. Domeizel a fait allusion. Lorsque l’on voit des « ripeurs » courir derrière une benne, leur imposer de faire cela deux années de plus n’est pas à notre honneur.