L’article 8 du présent projet de loi porte sur une question très discutable : celle de l’âge de départ à la retraite des agents de la fonction publique.
En avant-propos, il n’est pas inutile de rappeler quelques-unes des données du problème.
Notre pays compte aujourd’hui plus de 5 millions d’agents au sein des trois fonctions publiques, avec la perspective, avant peu, de voir les effectifs de la fonction publique territoriale dépasser ceux de la fonction publique d’État.
Certains tirent d’ailleurs de ces données brutes et de cette évolution la conclusion qu’il serait temps que les collectivités locales mettent un frein aux embauches de personnel ou qu’elles réfléchissent à être moins dispendieuses des deniers publics.
Évidemment, recruter dans la fonction publique aujourd’hui est assez mal vu par les « néolibéraux », toutes obédiences confondues, qui pensent à demi-mot qu’il y a trop de professeurs, trop d’infirmières, trop d’agents du fisc, trop de conseillers d’éducation, bref, qu’il y a trop de fonctionnaires !
Bien entendu, ce qui est, depuis plusieurs années, la mise en œuvre du plus hallucinant plan social qu’ait connu notre pays est habillé derrière un langage adapté, qui fleure bon l’odeur tenace de la langue de bois, et qui a inventé les concepts technocratiques de « maîtrise de la dépense publique » et de « révision générale des politiques publiques ».
Depuis fort longtemps, pour les fonctionnaires, la traduction concrète de cette sémantique est pourtant actée.
Là où vous parlez maîtrise et RGPP, les fonctionnaires entendent suppressions de poste, augmentation de la productivité, objectifs et indicateurs sans pertinence ni intérêt, et, de ce fait, contraction des rémunérations.
C’est donc dans ce paysage de travail quelque peu bouleversé et ravagé par les logiques comptables de fonctionnement du service public que cette réforme vient ajouter ses effets.
Les fonctionnaires, on les aime bien quand il s’agit de leur faire payer tout ou partie du prix de cette réforme des retraites et, partant, de contribuer, à leur corps défendant, à la réduction du déficit public. En effet, ce n’est pas le régime général qui est en cause avec l’allongement de la durée de service des agents du secteur public, puisque la retraite des agents publics figure dans le compte spécial des pensions : c’est donc tout bonnement le solde général du budget de l’État que l’on souhaite quelque peu améliorer.
On peut se dire, encore une fois, que, d’une certaine manière, cette réforme des retraites est juste et équilibrée, comme l’assène M. le ministre.
En fait, elle est juste équilibrée par le fait qu’elle va chercher dans la poche des salariés du secteur public comme du secteur privé l’argent que l’on se refuse, par les cotisations sociales comme par l’impôt, à exiger du patronat.
Encore une fois, c’est le travail qui va être mis à contribution ! Le compte spécial des pensions pèserait-il de plus en plus lourd ? Non. Il y aurait donc, au sein des 51 milliards d’euros consacrés à le financer, du « grain à moudre » pour trouver quelques économies !
C’est que l’intention non affichée du Gouvernement est sans doute de réduire tout ou partie de la subvention d’équilibre de 1 135 millions d’euros qu’il a dû engager dans le compte spécial des pensions pour tenir le compte dans les normes budgétaires prévues pour ce qui constitue le fonds spécial de pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État, et les 1 700 millions d’euros qu’il a fallu ouvrir pour financer les retraites militaires.
C’est en tout cas ce qu’il convenait de rappeler à ce stade de la discussion.