La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Avant la suspension, nous avons entamé l’examen de l’article 8.
La parole est à maintenant à M. Ronan Kerdraon, sur l'article.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la cessation progressive d’activité, la CPA, chacun le sait, est une forme spécifique de travail à temps partiel qui permet d’aménager une transition entre l’activité professionnelle et la retraite.
Seul le fonctionnaire dont le grade fixe l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans peut en bénéficier, dans la limite d’âge fixée à 65 ans. Il s’engage à y demeurer jusqu’à 60 ans.
La CPA ne peut pas être prise avant l’âge de 57 ans, au lieu de 55 ans avant 2004. Une période de transition a étalé cette condition à 56 ans en 2005, 56 ans et trois mois en 2006, et 56 ans et six mois en 2007.
Comme pour le temps partiel, les périodes en CPA sont comptées comme du temps plein pour la constitution du droit à pension – sous condition de quinze ans de service – et pour la durée d’assurance – décote et surcote. Pour le calcul de la pension, seule la quantité réellement travaillée est prise en compte dans la durée de service.
Depuis janvier 2004, les fonctionnaires ont la possibilité de cotiser pour la retraite sur la base du temps plein. Les agents en CPA améliorent ainsi la durée de service pour le calcul de leur pension, en cotisant pour la retraite sur la base d’un temps plein. Le taux de cotisation est celui du droit commun, soit 7, 85 %. Mais la demande présentée en même temps que la demande de la CPA est irrévocable, et cela pour toute la durée de la CPA.
Dans ce cadre, votre texte a suscité interrogations et inquiétudes chez bon nombre de fonctionnaires, notamment dans la corporation des enseignants qui sont nés entre 1951 et 1953 et qui sont actuellement en CPA. Ils craignent de devoir travailler au-delà des 60 ans, alors que l’administration leur a demandé de faire des choix d’options et de date de départ irrévocables.
Prenons un exemple concret.
Un enseignant né en novembre 1951 a opté pour une CPA au 1er septembre 2008 avec les options suivantes : deux ans – du 1er septembre 2008 au 30 août 2010 – avec un temps de travail de 80 % payé 87, 6 %, un an – du 1er septembre 2010 au 30 août 2011 – avec un temps de travail de 60 % payé 70, 9 %, ces conditions étant prolongées du 1er septembre 2011 jusqu’à la date anniversaire de ses 60 ans, en novembre 2011.
Il fait le choix d’une surcotisation sur la totalité de cette période de trois ans et trois mois, afin d’atteindre le taux de 75 %. En l’état actuel de nos débats, il devrait vraisemblablement effectuer quatre mois supplémentaires.
Cette prolongation, en contradiction avec le contrat irrévocable officialisé par arrêté rectoral, soulève plusieurs questions.
Dans quelles conditions devra-t-il reprendre ? À 60 % ou à temps complet ? Que deviendra son collègue, qui assurait les 40 % restants de son emploi du temps ? Ce collègue risque-t-il d’être rayé des cadres ? Sa surcotisation choisie en 2008 sera-t-elle devenue inutile ? Cet enseignant va se retrouver en contradiction totale avec l’arrêté qui prévoyait la fin de la CPA lorsque son collègue aurait atteint le taux de 75 %.
Pour toutes ces raisons, messieurs les ministres, je vous demande de rassurer ces agents en maintenant le dispositif de la CPA dans les termes de 2003, et ainsi de permettre à tous les fonctionnaires et agents de l’État d’aménager « une transition sereine entre activité et retraite ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Pour des raisons qui tiennent à l’histoire des métiers, certaines catégories d’agents de l’État – à côté des agents de la fonction publique territoriale et hospitalière – sont autorisées à liquider leurs retraites à un âge inférieur à 60 ans. Loin d’être un avantage indu, cette possibilité est particulièrement liée à la pénibilité ou aux conditions d’exercice particulières de leur métier.
Certes, nous avons bien conscience que, les conditions de travail ayant changé au fil des ans, la liste des métiers pénibles de la fonction publique pourrait être toilettée. Toutefois, un tel toilettage, qui doit reposer sur un examen de ces activités à toutes les étapes, relève du dialogue social et de la négociation avec les syndicats.
Nous contestons donc la modification des dispositifs existants. Les agents de la fonction publique ont signé un contrat au moment de leur engagement. Si cet article 8 devait être appliqué, l’État remettrait en cause sa parole avec une certaine légèreté.
Certains métiers sont reconnus comme étant non seulement pénibles mais également dangereux.
Prenons l’exemple des militaires. Personne ne soutiendra ici que ceux qui sont aujourd’hui présents sur des théâtres d’opérations extérieures n’exercent pas un métier dangereux. Je ne vous ferai pas l’insulte de penser que vous avez eu cette idée !
Les militaires conjuguent en effet une obligation de disponibilité « en tous temps », une mobilité géographique obligatoire, des efforts physiques professionnels tout à fait hors des normes et une tension psychologique extrême en situation opérationnelle. La liquidation précoce des droits à la retraite est donc une conséquence de la pénibilité et non un avantage indu.
Le relèvement de l’âge de liquidation de la retraite au sein des corps militaires reviendrait donc à méconnaître cette caractéristique attachée à l’état militaire.
Par ailleurs, messieurs les ministres, en raison de la suppression du service national et de la professionnalisation de l’armée, les effectifs ont été réduits : or notre pays a besoin d’une armée opérationnelle. L’âge des effectifs est donc, en soi, une question majeure, car il conditionne l’efficacité de cet outil de l’État qu’est l’armée.
Les gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans n’ont cessé de vanter le rajeunissement des cadres et le raccourcissement des carrières, en prévoyant des mesures d’accompagnement et de reconversion. Passer de quinze à dix-sept ans pour obtenir l’ouverture des droits à pension est donc, à notre sens, une mesure lourde de conséquences sur le caractère opérationnel des armées.
Parallèlement, chaque profession posant un problème distinct, il est difficile de procéder de manière générale, sauf en termes d’attractivité : les conditions de rémunération et de vie professionnelle liées à ces métiers font partie du choix effectué à l’origine par l’agent. Il est délicat de les modifier en cours de route. Je pense notamment aux agents des établissements pénitentiaires : la retraite à 50 ans fait partie des conditions d’engagement dans ce métier, dont chacun reconnaît qu’il est difficile sur tous les plans.
Pour ces raisons, messieurs les ministres, mes chers collègues, et en cohérence avec l’ensemble des propos que nous avons tenus depuis le début de l’examen de ce texte, nous demandons la suppression de l’article 8.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
L’article 8 du présent projet de loi porte sur une question très discutable : celle de l’âge de départ à la retraite des agents de la fonction publique.
En avant-propos, il n’est pas inutile de rappeler quelques-unes des données du problème.
Notre pays compte aujourd’hui plus de 5 millions d’agents au sein des trois fonctions publiques, avec la perspective, avant peu, de voir les effectifs de la fonction publique territoriale dépasser ceux de la fonction publique d’État.
Certains tirent d’ailleurs de ces données brutes et de cette évolution la conclusion qu’il serait temps que les collectivités locales mettent un frein aux embauches de personnel ou qu’elles réfléchissent à être moins dispendieuses des deniers publics.
Évidemment, recruter dans la fonction publique aujourd’hui est assez mal vu par les « néolibéraux », toutes obédiences confondues, qui pensent à demi-mot qu’il y a trop de professeurs, trop d’infirmières, trop d’agents du fisc, trop de conseillers d’éducation, bref, qu’il y a trop de fonctionnaires !
Bien entendu, ce qui est, depuis plusieurs années, la mise en œuvre du plus hallucinant plan social qu’ait connu notre pays est habillé derrière un langage adapté, qui fleure bon l’odeur tenace de la langue de bois, et qui a inventé les concepts technocratiques de « maîtrise de la dépense publique » et de « révision générale des politiques publiques ».
Depuis fort longtemps, pour les fonctionnaires, la traduction concrète de cette sémantique est pourtant actée.
Là où vous parlez maîtrise et RGPP, les fonctionnaires entendent suppressions de poste, augmentation de la productivité, objectifs et indicateurs sans pertinence ni intérêt, et, de ce fait, contraction des rémunérations.
C’est donc dans ce paysage de travail quelque peu bouleversé et ravagé par les logiques comptables de fonctionnement du service public que cette réforme vient ajouter ses effets.
Les fonctionnaires, on les aime bien quand il s’agit de leur faire payer tout ou partie du prix de cette réforme des retraites et, partant, de contribuer, à leur corps défendant, à la réduction du déficit public. En effet, ce n’est pas le régime général qui est en cause avec l’allongement de la durée de service des agents du secteur public, puisque la retraite des agents publics figure dans le compte spécial des pensions : c’est donc tout bonnement le solde général du budget de l’État que l’on souhaite quelque peu améliorer.
On peut se dire, encore une fois, que, d’une certaine manière, cette réforme des retraites est juste et équilibrée, comme l’assène M. le ministre.
En fait, elle est juste équilibrée par le fait qu’elle va chercher dans la poche des salariés du secteur public comme du secteur privé l’argent que l’on se refuse, par les cotisations sociales comme par l’impôt, à exiger du patronat.
Encore une fois, c’est le travail qui va être mis à contribution ! Le compte spécial des pensions pèserait-il de plus en plus lourd ? Non. Il y aurait donc, au sein des 51 milliards d’euros consacrés à le financer, du « grain à moudre » pour trouver quelques économies !
C’est que l’intention non affichée du Gouvernement est sans doute de réduire tout ou partie de la subvention d’équilibre de 1 135 millions d’euros qu’il a dû engager dans le compte spécial des pensions pour tenir le compte dans les normes budgétaires prévues pour ce qui constitue le fonds spécial de pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État, et les 1 700 millions d’euros qu’il a fallu ouvrir pour financer les retraites militaires.
C’est en tout cas ce qu’il convenait de rappeler à ce stade de la discussion.
Je m’en voudrais de ne pas répondre à ces interventions, au moment même où nous entamons la discussion des articles ayant trait à la fonction publique. Je souhaite ardemment, mesdames et messieurs les sénateurs, que nous puissions aborder ces articles dans un esprit constructif ; je vous en remercie par avance.
Une question simple est à l’origine des dispositions des articles 8 à 24, relatifs à la fonction publique. Existe-t-il une raison objective d’écarter la fonction publique des mesures que nous prenons pour l’ensemble des autres catégories professionnelles de la Nation ? La convergence entre les régimes public et privé est-elle une nécessité ?
Certains répondent à cette question par la négative. Au contraire, loin de dire « non », je donne une réponse différente. Il convient, à mon avis, de trouver le juste milieu entre, d’un côté, des mesures qui donneraient aux fonctionnaires l’impression d’être stigmatisés, et, de l’autre, l’absence de mesures qui offrirait aux salariés du secteur privé un sentiment d’iniquité.
Très honnêtement, je suis frappé de constater que les déclarations de politique générale entendues récemment à l’Assemblée nationale, où nous abordons la fonction publique, se veulent pour la plupart favorables à la convergence des régimes. Loin de moi toute envie de polémiquer ! Toutefois, hormis les éléments de notre projet, je n’ai jusqu’à présent entendu aucune proposition émanant de l’opposition qui me conduise à penser que nous ayons omis une mesure évidente.
Je tiens à dire, au préalable d’une discussion qui devrait durer plusieurs heures – c’est très bien ainsi – que je n’ai aucun a priori sur votre capacité de proposition. Simplement, puisque nous sommes convaincus, comme je le suis, que l’équité préside à la convergence entre les régimes, je suis ouvert à toute idée qui, par mégarde, ne nous serait pas apparue lors de la rédaction du projet.
Je ferai plusieurs remarques pour répondre aux interventions des uns et des autres. La première d’entre elles porte sur les catégories actives, objet de l’article 8. On peut considérer, à juste titre, comme Mme Schillinger et M. Domeizel, que les catégories actives sont, en quelque sorte, la reconnaissance de la pénibilité dans le secteur public. Historiquement, ce n’est pas faux.
Vous avez d’ailleurs noté en commission que j’ai immédiatement défendu cette position afin de justifier l’absence de mesures radicales concernant la fonction publique – « radicales » signifie ici que nous ne remettons pas en cause l’existence des catégories actives.
Cela étant dit, je tiens à souligner que les catégories actives ont été en grande partie définies à partir des années 1850, c’est-à-dire il y a approximativement 170 ans ! Aussi, le fait d’avoir, aujourd’hui, une réflexion sur l’évolution des catégories actives ne me semble pas particulièrement révolutionnaire. En effet, madame Schillinger, notre appréciation des catégories actives évolue nécessairement.
Par ailleurs, la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, que j’ai défendue ici aux côtés d’Éric Woerth voilà quelques mois, offre au « stock » des infirmières – pardonnez-moi cette expression triviale – le choix d’appartenir à la catégorie A ou à la catégorie B de la fonction publique, la première supposant de quitter en quelque sorte la catégorie active.
Ce choix revient aux infirmières du stock. Plutôt que de polémiquer en préjugeant de ce choix, attendons qu’il soit effectué pour savoir de quoi il retourne. Nous serons à même de voir si les infirmières préfèrent appartenir à la catégorie A ou B de la fonction publique.
Je le dis d’autant plus volontiers que les chiffres de la CNRACL montrent que l’espérance de vie des infirmières, critère de pénibilité, est identique à celui de l’ensemble des Françaises. Si nous prenions pour référence, pour cette catégorie professionnelle, un chiffre émanant de vos propres services, monsieur Domeizel, il serait évident que certaines mesures devraient être prises. Offrir aux infirmières un droit d’option est un exemple même de nuance.
En outre, je n’apprendrai à personne que les infirmières sont nombreuses à bénéficier du dispositif « quinze ans, trois enfants », qui leur permet de partir à la retraite plus tôt, avec une pension à jouissance immédiate, et de reprendre une activité professionnelle après liquidation de leur pension, dans le secteur privé cette fois.
Vous connaissez comme moi les chiffres qui ont été établis à cet égard. D’après la CNAV, près de 58 % des infirmières exercent une activité salariée après la liquidation de leur pension, tandis que 12 % à 15 % d’entre elles épousent par la suite une profession libérale. Ainsi, 70 % à 75 % des infirmières continuent d’exercer une activité professionnelle après leur passage dans la fonction publique.
Ainsi, je rappelle que l’espérance de vie de cette catégorie professionnelle est la même que celle des Françaises, qu’elles exercent une activité professionnelle après avoir liquidé leur retraite et qu’enfin nous leur proposons une option plutôt que de leur imposer un choix. De ce point de vue, nous sommes plutôt dans la nuance que dans la coercition.
Madame Schillinger, je suis très sensible à la question que vous avez soulevée à propos des activités des sapeurs-pompiers. Nous sommes, toutes opinions politiques confondues, particulièrement attachés et reconnaissants à cette catégorie professionnelle, qui exerce un métier pénible, voire dangereux.
Je m’empresse de vous dire que, dans le cadre de fonctions antérieures à celle que j’ai l’honneur d’exercer aujourd’hui, j’ai pu recevoir, en tant que président de la MEC à l’Assemblée nationale, pendant près de trois mois, tous les syndicats de sapeurs-pompiers et écouter leurs doléances…
… puisque nous avons réalisé une étude, confiée à deux parlementaires, un de la majorité et un de l’opposition, sur ce sujet. Je ne prétends pas être un expert de ce sujet, mais je les ai néanmoins entendus.
Je tenais à faire deux remarques concernant cette profession. La première est qu’ils bénéficient d’un reclassement professionnel, non opposable, s’imposant à l’administration, lorsqu’ils ne sont médicalement plus en mesure d’exercer des fonctions opérationnelles. Vous avez ainsi la réponse à votre question.
En second lieu, quand les pompiers ne peuvent plus exercer aucune fonction, opérationnelle ou administrative, d’aucune sorte, un congé leur est octroyé, qui permet de répondre directement aux situations les plus graves. De ce point de vue, je tenais à vous rassurer sur la situation des infirmières et des sapeurs-pompiers.
Monsieur Domeizel, vos connaissances sont si étendues que je prends plaisir à évoquer ces sujets avec vous et écoute avec la plus grande attention les remarques que vous formulez. Vous avez ainsi fait remarquer que nos préoccupations étaient purement comptables. Mes préoccupations, comme celles d’Éric Woerth et du Gouvernement, ne sauraient être simplement comptables.
Cependant, si notre objectif est bien d’assurer le paiement des pensions, alors nous devons procéder à des calculs afin de faire correspondre les recettes aux dépenses ! Sans cet ajustement, nous sommes en situation de déficit. Ainsi, s’il est vrai que nous veillons à cet équilibre, je ne veux pas que vous pensiez que nos motivations sont strictement comptables.
Je vous demanderai donc de vous montrer indulgents à notre égard et de ne pas considérer nos actions d’un point de vue strictement comptable. Pour payer les pensions, il est préférable d’avoir des recettes !
En matière de pénibilité, je me place dans la même optique. Si l’on retenait seulement le critère de la pénibilité pour choisir de maintenir, ou non, les catégories actives, alors nous devrions mesurer, par exemple, l’espérance de vie des professions en question afin d’en évaluer la pénibilité.
Or, je doute, monsieur Domeizel – je m’adresse ici à une personne avertie – que ce calcul n’aboutirait pas à supprimer la plupart des catégories actives. En réalité, si vous m’autorisez à vous prêter l’argument, on peut effectivement considérer que la pénibilité est l’argument historique qui fonde les catégories actives.
Toutefois, on peut également considérer, selon un second argument, que je défends pour ma part, que certains métiers sont spécifiques au service public, auquel je suis très attaché. Leur appartenance au service public permet de leur conserver un statut particulier.
Pour des métiers transversaux, par exemple celui des infirmières que j’évoquais tout à l’heure, l’évolution statutaire ne présente que des avantages. Il me paraît normal que l’article 37 de la loi sur le dialogue social ouvre ce droit d’option aux infirmières et permette le passage en catégorie sédentaire.
En revanche, il est des professions, comme celles de gardien de prison ou de policier, spécifiques à la fonction publique, pour lesquelles il est préférable de mettre l’accent sur cet aspect plutôt que sur la pénibilité. Cela nous permettra de procéder équitablement au maintien de ces professions dans la catégorie active.
M. Fischer a lui-même évoqué ce problème. Sans vouloir me répéter, je dispose d’informations selon lesquelles il n’existe qu’une seule catégorie active dont on puisse penser aujourd’hui qu’elle souffre d’une espérance de vie moindre. Toutes les autres catégories actives sont à égalité de ce point de vue. Certaines d’entre elles connaissent même une espérance de vie légèrement supérieure à la moyenne. Il convient ainsi de préférer le critère de l’appartenance au service public à celui de la pénibilité. En effet, si l’on appliquait de façon drastique le critère de la pénibilité aux catégories actives, aucune n’y résisterait.
Madame Beaufils, je m’autorise à répéter mes propos et choisis ici mes mots. Il ne faut pas se contenter de dire que la convergence entre le régime public et le régime privé appartient, si j’ose dire, à l’évidence. Certes, comme j’ai pu le lire et l’entendre, la convergence est souhaitée, y compris par l’opposition. Ainsi, au congrès de la CFDT à Tours, en juin dernier, la convergence entre les régimes public et privé a été plébiscitée par près de 80 % des adhérents de cette grande centrale syndicale.
La majorité parlementaire et le Gouvernement ont présenté sur ce sujet des mesures très précises. Vous n’ignorez pas ce dont il sera question dans les prochains jours. Vous pouvez le contester, mais vous savez ce que nous entendons par « convergence ». Elle porte par exemple sur le taux de cotisation. Nous allons opérer une convergence entre les deux taux, de 7, 85 et 10, 55.
La convergence conduira également à proposer la suppression de la mesure permettant de partir de façon anticipée à la retraite, dès lors que l’on a quinze ans de service et trois enfants. C’est une mesure de convergence.
Enfin, le minimum garanti répondra dorénavant à certaines des conditions du minimum contributif.
Nous aurons le loisir d’en débattre, mais ces propositions existent.
Sachez que je suis très attentif à une proposition que vous pourriez me faire en matière de convergence et que je n’aurais pas entendue. Je suis à votre entière disposition pour débattre de l’opportunité d’un nouveau critère de convergence.
Puisque j’ai lu et entendu dans des projets, syndicaux ou politiques, de l’opposition que vous étiez, dans l’ensemble, favorables à une convergence et que vous considériez que c’est là une mesure d’équité, n’hésitez pas à me soumettre vos suggestions ! J’ai un esprit particulièrement ouvert quand il s’agit de prendre de bonnes idées qui ne m’appartiennent pas et de rendre l’hommage qu’il se doit à ceux qui en sont les auteurs.
Un problème particulier a été soulevé par M. Loueckhote concernant les fonctionnaires de Nouvelle Calédonie. Cette question, que je comprends parfaitement, mérite que l’on s’y arrête. C’est pourquoi je prends l’engagement devant lui que nous ferons tout notre possible pour lui apporter des éléments de réponse. Je rappelle simplement que, de façon générale, lorsque des fonctionnaires sont transférés d’une administration à l’autre, les pensions versées, comme les cotisations perçues, sont bien évidemment prises en charge.
C’est une question d’équilibre à trouver entre les différentes branches de la fonction publique concernées par ces transferts. Le même problème s’est posé pour La Poste – un dossier qui a été au cœur de l’actualité voilà quelques semaines – entre le régime des fonctionnaires et le régime général. Je suis prêt, sur ce point, à fournir à M. Loueckhote des précisions complémentaires s’il le souhaite.
Monsieur Kerdraon, vous m’avez interrogé sur la cessation progressive d’activité. Je voudrais vous rassurer : nous excluons évidemment toute rupture entre l’activité et la pension. Tous les dispositifs seront prolongés de sorte qu’il n’existe aucune rupture.
La question est toutefois bien réelle pour les enseignants qui bénéficient d’un dispositif spécifique prévoyant, au maximum, une année de rupture. Ils peuvent alors se trouver dans la situation singulière de devoir reprendre une activité alors même qu’ils l’ont interrompue. La Direction générale de l’administration et de la fonction publique travaille à la résolution de ce problème.
Monsieur Daudigny, vous m’avez interrogé plus particulièrement sur le régime des militaires, qui n’est pas visé par cet article 8. Nous aurons toutefois l’occasion d’en reparler et j’essaierai alors de vous répondre le plus précisément possible. Mon souci est, bien évidemment, que ce régime prenne en compte les spécificités de la fonction publique militaire, sans pour autant former un nouveau régime particulier.
Nous avons retenu comme principe dans ce texte le relèvement de deux ans de toutes les limites d’âge. Il se trouve toutefois que, dans la fonction publique militaire, on prend en compte la durée d’activité et non pas des bornes d’âge. Nous devrons procéder à quelques ajustements, avec le souci du respect de la spécificité militaire, mais aussi de l’équité.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ Union centriste.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 135 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 338 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 7.
Nous avions déjà eu un avant-goût de ce que représentent à vos yeux les catégories actives de la fonction publique à l’occasion de l’examen de la loi relative à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique.
Vous aviez déjà, à l’aide d’un cavalier législatif, anticipé sur la réforme des retraites en remettant en cause la pénibilité de la profession d’infirmière – vous venez à l’instant d’évoquer ce dossier, monsieur le secrétaire d’État. Au moyen d’un chantage que nous n’avons eu de cesse de dénoncer, vous remettiez en cause leur droit de partir à la retraite à 55 ans en échange d’une promotion en catégorie A, c’est-à-dire d’une juste et nécessaire revalorisation de leur profession.
Vous déclariez alors sereinement que « le conflit n’est pas un mode de négociation moderne » et vous vous félicitiez d’avoir ainsi obtenu un « consensus syndical historique », à défaut d’avoir réuni celui des professions paramédicales concernées ou celui des membres de notre hémicycle.
Ces allégations étaient fausses car, à notre connaissance, le protocole n’a été signé dans son entier que par le seul syndicat national des cadres hospitaliers, ultraminoritaire et soigneusement « invité » aux négociations par le Gouvernement. Vous conviendrez, monsieur le secrétaire d’État, qu’il s’agit là d’une conception étrange et pour le moins étroite du dialogue social.
Cet article est à l’image du mépris que vous affichez à l’égard de l’ensemble de nos concitoyens qui exercent aujourd’hui des métiers pénibles. La fonction publique, de par les missions de service public qu’elle exerce – sécurité civile, sécurité intérieure, défense nationale, activités sociales et sanitaires, santé publique, etc. –, représente aujourd’hui un secteur souvent cité par les spécialistes comme étant confronté aux risques psychosociaux.
Au-delà, le classement en catégorie active se justifie dans la mesure où l’on considère que les emplois occupés présentent une pénibilité et des risques pour la santé. Pour le corps infirmier, il se justifie notamment en raison du travail de nuit et de l’alternance du travail de jour et de nuit.
La gestion en flux tendus des hôpitaux induite par la loi HPST et la mise en place de la tarification à l’activité, ou T2A, ont eu pour effet d’accroître les responsabilités des infirmières, en particulier la nuit, où elles sont souvent seules.
Je fais remarquer à ce propos que des négociations sont actuellement engagées aux Hospices civils de Lyon pour sortir d’un conflit provoqué par la volonté de la direction, nommée par le Président de la République et donc tout acquise à sa cause, de supprimer la prime de nuit, afin, paraît-il, de suivre une recommandation de la Cour des comptes.
Au-delà, l’un des problèmes majeurs de la fonction publique, notamment pour certaines catégories de personnels, reste bien l’intégration des primes dans les salaires. Ce serait d’ailleurs une manière d’augmenter significativement ces derniers.
M. Guy Fischer. Excusez-moi, mes chers collègues, je n’ai pas vu que je passais dans le rouge…
Sourires.
Nous aurons l’occasion de rediscuter de ces questions, notamment en profitant de l’éclairage fourni par les études de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL.
La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 135.
Cette disposition prévoit de repousser de deux années l’âge d’ouverture des droits à la retraite des fonctionnaires qui relèvent des catégories actives. En cela, il s’inscrit dans la logique de régression sociale qui préside à ce texte.
Néanmoins, j’aimerais m’arrêter quelques instants sur le précédent que consacre l’article 37 de la loi relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Ce dernier donne le choix aux infirmières, soit de demeurer dans le cadre B et de pouvoir partir à 55 ans, soit d’opter pour la catégorie A et de ne pouvoir partir qu’à 60 ans.
Chacun se souvient que cette disposition avait constitué un scandaleux cavalier. Mes collègues Roland Courteau et Claude Domeizel avaient mis en exergue la nature injuste de cette disposition.
Injuste parce qu’elle remet en cause la pénibilité du travail des infirmières et infirmiers. Alors que cet article modifie très profondément le statut de ces personnels, aucun véritable débat n’a été mené avec les organisations syndicales.
Le Gouvernement s’est évertué à présenter cette disposition comme la traduction législative du protocole d’accord sur les négociations statutaires dans la fonction publique hospitalière du 2 février 2010. Or les syndicats, à l’exception d’une organisation très minoritaire, ne l’ont pas voté ! Une fois de plus, il s’est agi pour le Gouvernement de passer en force.
Le plus choquant dans cette disposition réside dans le fait que la pénibilité n’est absolument pas prise en considération. La création d’un nouveau corps, classé en catégorie A, avec une grille indiciaire spécifique, ne peut constituer une juste réponse, même si son fondement peut paraître légitime.
En effet, avec l’ouverture d’un droit d’option, ceux qui resteront en catégorie B renonceront du même coup à la revalorisation de leur salaire. Parallèlement, ceux qui optent pour la catégorie A abandonneront les droits acquis durant des années de dur travail et perdront le droit à la retraite à cinquante-cinq ans. Ils renonceront donc également à la majoration de durée d’assurance qui leur était accordée, depuis la loi Fillon de 2003, en reconnaissance de la pénibilité de leur emploi.
Or le passage en catégorie A n’effacera pas la pénibilité existante, ni ses conséquences. En réalité, votre choix a consisté à refuser toute prise en compte de la pénibilité. Cette profession est pourtant affectée par de dures conditions de travail, et il suffit pour s’en convaincre de se référer, par exemple, aux enquêtes de l’OMS.
Vous annonciez déjà par cette mesure la gestion que vous entendiez faire de la pénibilité, qui, à nos yeux, constitue une dimension essentielle, parce qu’elle a des conséquences sur l’espérance et la qualité de vie. Nos concitoyens attendent qu’elle soit prise en compte.
Or vous ne leur offrez que la reconnaissance de l’invalidité, ce qui n’est absolument pas la même chose, et encore dans des conditions quasi inacceptables.
Pour notre part, la prise en compte de la pénibilité est prioritaire et participe de la politique de compensation. Nous voulons mettre en place un système où toute période de travail pénible sera couplée à une majoration des annuités ouvrant droit à la retraite. Cette logique participe de la justice sociale et de la dignité due à tous les salariés de ce pays.
Aussi, vous l’aurez compris, nous sommes opposés à cet article 8, qui n’est qu’une nouvelle expression de la logique de régression sociale que vous voulez imposer à l’ensemble des salariés de ce pays et, dans ce cas, aux fonctionnaires relevant de la catégorie active.
La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques, qui visent à supprimer l’article 8 tendant à relever les âges de la retraite des catégories actives de la fonction publique.
Je rappelle que, aux termes de cet article, ces fonctionnaires conservent pleinement les spécificités liées à leur service actif, avec la possibilité de partir plus tôt à la retraite.
Je précise également que l’âge d’ouverture des droits à pension des catégories actives de la fonction publique évoluera parallèlement à celui des catégories sédentaires ainsi qu’à celui des salariés du régime général.
Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, mais je m’efforcerai, en quelques mots, d’expliquer pourquoi et de répondre aux objections qui ont été formulées.
Monsieur Fischer, je vous ferai tout d’abord remarquer que le texte relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, que j’ai eu l’honneur de défendre ici même avec Éric Woerth, a la particularité de comporter trente articles sur quarante-six qui sont directement issus des accords de Bercy, conclus entre les organisations syndicales et le Gouvernement. C’est une réalité nouvelle dans la fonction publique : le système d’administration permet dorénavant d’aboutir à des points d’accord par la discussion. Je tenais à souligner cette évolution importante.
Le Gouvernement doit-il s’interdire pour autant d’introduire une disposition complémentaire lorsqu’il la juge nécessaire, sachant que nous parlons du statut de la fonction publique, et non de positions contractuelles ? La réponse est non.
Personne ne peut contester ce droit au Gouvernement, et il ne viendrait d’ailleurs pas à l’esprit des organisations syndicales de le faire, elles qui considèrent le statut de la fonction publique comme un formidable acquis. Je voudrais donc, si vous m’y autorisez, mesdames, messieurs les sénateurs, tordre une bonne fois pour toutes le cou à cette idée selon laquelle il serait scandaleux d’introduire un dispositif complémentaire à un accord conclu. Le Gouvernement a parfaitement la légitimité pour le faire, justement parce que nous sommes dans un cadre statutaire. Il en irait évidemment autrement si, un jour, une formation politique d’opposition voulait passer d’une position statutaire dans la fonction publique à un régime purement contractuel – cela me surprendrait beaucoup et, bien évidemment, je m’y opposerais. Mais, pour l’instant, ce n’est pas le cas.
Vous avez évoqué en second lieu la question des primes dans la rémunération, monsieur Fischer. C’est un vrai sujet. C’est précisément pour cette raison que nous n’avons pas modifié, dans la fonction publique, la règle des six derniers mois pour établir la pension. Il aurait été très facile de céder à des sirènes dogmatiques – force est de reconnaître qu’elles ne s’expriment en aucun cas au Sénat en ce moment, pas plus qu’elles ne se sont exprimées à l’Assemblée nationale voilà quelques semaines – qui préconisaient d’aligner le statut de la fonction publique sur le régime général en retenant, par exemple, les vingt-cinq meilleures années pour calculer la pension.
Si nous ne l’avons pas fait, c’est tout simplement parce que le taux de remplacement de 75 % dans la fonction publique se calcule sur une assiette qui exclut les primes, tandis que, dans le régime général, les vingt-cinq meilleures années englobent la totalité de la rémunération.
Le fait que nous n’ayons pas retenu la convergence des régimes sur ce point rend donc votre question de l’intégration des primes dans les salaires moins pertinente, monsieur Fischer. Nous devrons peut-être à l’avenir engager une réflexion à ce sujet. Ce n’est toutefois pas la logique que nous avons privilégiée dans ce projet de loi.
Madame Demontès, vous vous interrogez sur la question des infirmières. Je formulerai trois observations.
Première observation : on peut présenter les choses de façon négative. Je répète que nous leur laissons le choix. Pour ma part, je suis profondément convaincu que la meilleure façon de départager les personnes qui polémiquent sur ce sujet est de savoir si les infirmières vont opter majoritairement pour l’entrée en catégorie A, et donc abandonner la catégorie active, ou si elles vont préférer rester en catégorie B et donc, par définition, faire un choix tout à fait déterminé.
Vous avez présenté le tableau de façon très noire, madame la sénatrice, en affirmant que tout est à perdre dans cette affaire. Je vous rappelle que le choix de la catégorie A correspondra au versement d’un treizième mois, soit à peu près 2 500 euros. Cette somme n’est pas négligeable en termes de pouvoir d’achat.
Deuxième observation : il s’agit de la reconnaissance d’un diplôme à « bac + 3 » selon le schéma licence, master, doctorat, qui implique une véritable trajectoire universitaire et professionnelle. L’on peut dire que c’est un mauvais choix, il n’empêche que les infirmières pourront le faire en toute connaissance de cause et avoir des perspectives intéressantes.
Troisième observation, j’y insiste, le critère de l’espérance de vie n’est pas le meilleur pour essayer de mesurer la pénibilité du métier.
J’ai sous les yeux le tableau établi par l’INSEE sur l’espérance de vie en années. Je parle sous votre contrôle, monsieur Domeizel : en 2007, l’espérance de vie à 60 ans des infirmières pensionnées de la CNRACL était de 27, 1 ans et de 27 ans pour l’ensemble des femmes. En 2008, elle s’établissait à 27 ans pour les infirmières et à 27, 1 ans pour l’ensemble des femmes. À un mois près, elle est donc plutôt favorable aux infirmières. Il existe par conséquent une parfaite corrélation entre l’espérance de vie des infirmières et celle de la population féminine dans son ensemble.
Je persiste à penser, premièrement, que la meilleure façon de nous départager, c’est de laisser le choix aux infirmières ; deuxièmement, que la meilleure façon d’apprécier les catégories actives, c’est de déterminer celles qui relèvent du service public stricto sensu plutôt que de commencer à élaborer des appréciations en termes de pénibilité et d’espérance de vie ; troisièmement, si l’on est cohérent – je ne vous reproche en aucun cas un manque de cohérence –, c’est de bien mesurer que si vous prenez en compte l’espérance de vie pour cette catégorie professionnelle, vous devez en tirer les conséquences et partir de l’idée selon laquelle il n’y a plus de catégorie active d’infirmières.
Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP.
M. le secrétaire d’État a développé un certain nombre d’arguments. Nous en prenons note, mais s’agissant de la pénibilité – Claude Domeizel peut peut-être le confirmer –, selon les études de la CNRACL, une infirmière sur quatre est en invalidité au moment de son départ à la retraite et 30 % des aides-soignantes sont en invalidité à environ 48 ans.
Selon les organisations syndicales, l’espérance de vie des infirmières serait inférieure de huit ans à celle des autres femmes françaises.
Cette idée est certainement à étudier dans la réflexion sur les primes. Puisque vous vous fondez sur des arguments exclusivement comptables pour justifier cette réforme, je voudrais souligner que la CNRACL n’est pas en déficit. Les cotisations excèdent les prestations, ce qui lui permet d’équilibrer d’autres régimes de retraites par le biais de la compensation et de la surcompensation, tels que ceux des exploitants et salariés agricoles, des commerçants et des artisans. Je rappellerai pour conclure que les fonctionnaires ont contribué en 2008 pour 2, 5 milliards d’euros à ces régimes au titre de la surcompensation.
Par conséquent, rien ne justifie le recul de l’âge du départ à la retraite pour cette partie de la population. Puisque vous voulez « tordre le cou » à des lieux communs : les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés !
Il faut le dire : affirmez-le !
Telle est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’alibi démographique sans cesse avancé pour justifier cette réforme d’ensemble des retraites ne saurait nous faire oublier qu’elle débouchera inévitablement, à plus ou moins long terme, sur une remise en cause de notre système de retraite par répartition au profit d’un système par capitalisation, et ce malgré les intentions proclamées plus ou moins solennellement. La question démographique n’est, nous semble-t-il, qu’un alibi destiné avant tout à masquer le véritable mobile de ce projet de loi. C’est sur cet aspect que je voulais intervenir.
Cette réforme est envisagée comme si la richesse de notre pays n’allait pas évoluer au cours des quarante prochaines années. Pourtant, dans les quarante années à venir, avec un taux de croissance moyen de 1, 7 % par an, la richesse de notre pays aura doublé en quarante ans : de 1700 milliards d’euros à environ à 3 400 milliards d’euros.
Malgré cela, c’est à richesse constante qu’il nous faudrait, selon les propositions du Gouvernement, financer une augmentation de 63 % du nombre de retraités. Ce que vous organisez, c’est le détournement de cette richesse, en espérant que les profits pourront capter la partie de ces nouvelles richesses qui auraient dû revenir aux retraités.
Le Gouvernement nous parle de la dette publique, en arguant de la nécessité de réduire les dépenses publiques, ce qui passe entre autres par la réduction du nombre de fonctionnaires et la casse des services publics. Pourtant, l’explosion récente de la dette publique est due aux plans de sauvetage de la finance et surtout à la récession provoquée par la crise bancaire et financière qui a commencé en 2008 : le déficit public moyen dans la zone euro n’était que de 0, 6 % du PIB en 2007, mais la crise l’a fait passer à 7 % en 2010. La dette publique est passée en même temps de 66 % à 84 % du PIB.
C’est pourquoi nous sommes convaincus que les mesures que vous proposez sont irresponsables d’un point de vue politique, social et économique. Au lieu de chercher à rassurer et pacifier une société inquiète des conséquences de la crise, vous jetez de nouveau de l’huile sur le feu en ajoutant encore de l’affrontement à la crise...
Vous continuez à dresser les Français les uns contre les autres, les fonctionnaires étant à vos yeux des nantis, comme vient de le rappeler notre collègue Guy Fischer, ce qui n’est pas notre perception, alors qu’ils ne sont que les serviteurs de l’État et qu’ils sont au service des citoyens.
Quand je parle de l’État, je pense bien évidemment à la fonction publique nationale, mais aussi à la fonction publique territoriale.
Il y a aussi la fonction publique hospitalière.
Bien sûr ! Il s’agit de toutes les fonctions publiques.
Votre communication est fondée, nous semble-t-il, sur un mensonge puisque vous tentez de faire croire que le taux de cotisation des fonctionnaires est inférieur à celui des salariés du privé. Or, vous le savez, c’est faux puisque, dans les faits, le taux de cotisation des salariés du privé est de 6, 75 % !
Or, il est de 7, 85 % pour les fonctionnaires.
Ces derniers sont fortement touchés par votre projet, la hausse des cotisations de retraite sera une baisse déguisée de leurs salaires. Le passage de 7, 85 % à 10, 55 % de cotisation est pour vous « une atteinte assez modérée au pouvoir d’achat », « absorbable » par les différents mécanismes d’augmentation des salaires des agents du secteur public. Nous aimerions savoir quels sont ces mécanismes.
Pourtant, là encore, le Gouvernement s’était engagé à ne pas toucher au pouvoir d’achat des Français : une promesse oubliée un mois plus tard. En effet, l’alignement des cotisations du public sur celles du privé conduira à une baisse des salaires et donc du pouvoir d’achat des fonctionnaires.
Votre réforme sonne donc comme un prétexte pour imposer des choix dictés par l’idéologie. La soumission à la dictature du marché n’est pas acceptable, tant elle a fait la preuve de son inefficacité économique et de son potentiel destructif. Comme le rappelle justement Noam Chomsky, les choix de politique économique ne peuvent être abandonnés au profit du « parlement virtuel » des investisseurs et des préteurs qui décide qu’un système bénéficiant au peuple plutôt qu’aux cercles restreints des puissances du secteur privé est irrationnel. C’est une atteinte à la démocratie !
Nous pensons que la société française peut faire preuve de solidarité sans remettre en cause les conquêtes sociales. C’est pourquoi nous vous demandons de voter notre amendement.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai bien entendu et j’ai compris ce que signifiait la pénibilité pour votre gouvernement.
Comme vous le savez, pendant une vingtaine d’années, j’ai fait partie du personnel soignant. L’argent ne règle pas tout, ce ne sont pas vos 2 500 euros qui vont résoudre tous les problèmes.
La pénibilité, c’est au quotidien de se poser la question du mode de garde des enfants quand on travaille la nuit et qu’il n’y a pas de crèche ; c’est de savoir si votre collègue sera présente ou non, parce qu’elle sera peut-être malade ou qu’elle aura un problème et ne pourra pas venir.
Le stress au quotidien, c’est de demander à l’hôpital de faire des économies avec moins de personnel et moins de matériel. Par ailleurs, il y a les urgences. Dans certains services, le travail quotidien est extrêmement pénible. C’est, par exemple, le décès d’un enfant. Il faut ramener ses problèmes à la maison. Si vous avez pendant vingt ans un stress quotidien, vous ne le supportez pas.
Vous savez très bien que le personnel soignant prend souvent des antidépresseurs et des somnifères parce qu’il n’est pas facile de changer de fonction. Le travail dans certains services est très pénible : il n’y a pas seulement des services de chirurgie esthétique ou en clinique privée.
Monsieur le secrétaire d’État, vous ne voyez pas la pénibilité comme je l’ai vécue !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement entend, avec cet article 8, généraliser aux agents du secteur public les mêmes mesures que celles qu’il entend faire appliquer par la loi aux salariés du secteur privé. C’est ce que vous appelez la convergence, monsieur le secrétaire d’État, avec une constante : l’alignement vers le bas.
L’égalité, dans l’esprit de cette pseudo-réforme des retraites, tend en réalité à se décliner sous la forme du recul généralisé des garanties collectives.
Nous avons eu l’occasion de montrer, notamment lors de la discussion des articles 5 et 6, mais également lors de la discussion de l’article 4, que la réforme des retraites dont nous discutons allait avoir pour effet de provoquer l’ouverture d’un nouveau round de négociations collectives remettant en jeu l’adhésion de chaque branche professionnelle aux dispositifs de cessation anticipée d’activité comme aux questions de gestion des effectifs et des carrières.
Dans le secteur public, les données ont quelques aspects identiques, même s’il convient de rappeler ici que, contrairement aux entreprises privées, l’État, les collectivités territoriales comme les hôpitaux, sont tenus d’engager les crédits nécessaires au paiement tant des traitements que des pensions de leurs agents. C’est même là l’un des principes fondamentaux de la loi organique, ce qui n’a jamais été le cas pour les entreprises privées.
À la vérité, l’évolution récente de la fonction publique montre que le rajeunissement des cadres est parfois conduit de bien étrange manière.
La méthode la plus éprouvée est celle des transferts de services et de personnels, assortie de la création de nouvelles entités – notamment des établissements publics à caractère industriel ou commercial, des EPIC – dont la gestion de personnel peut rapidement être alignée sur celle du secteur privé.
Le transfert de personnels, les élus locaux connaissent bien ! C’est ainsi que la décentralisation Raffarin a conduit au transfert des personnels non enseignants des collèges et des lycées, avec en perspective l’ensemble des problèmes de gestion de carrière en découlant, notamment parce qu’il s’agissait d’un personnel relativement âgé qui va demander, d’ici à quelques années, à disposer d’une pension versée par la CNRACL.
Cette décentralisation a notamment modifié profondément la structure des effectifs des conseils régionaux qui, de pilotes de politiques d’aménagement du territoire à visée stratégique, sont devenus employeurs d’agents de lycée confrontés au quotidien aux problèmes de la communauté éducative.
Mais les transferts, cela procède aussi souvent de la transformation de services ministériels, employant de manière quasi exclusive des fonctionnaires, en établissements publics à caractère industriel ou commercial.
C’est ainsi que la presse s’est fait l’écho, ces jours derniers, de la fusion entre la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette, qui est un EPIC employant 1 080 salariés, et le Palais de la découverte, qui est un service public employant 220 fonctionnaires.
La nouvelle entité, Universcience, est évidemment un EPIC, et il est avéré que cette fusion entraîne d’ores et déjà de sérieuses difficultés, mettant en péril l’activité même du Palais de la découverte.
En tout état de cause, parler ainsi de l’évolution du travail des agents du secteur public montre clairement le peu de cas que le Gouvernement fait de l’avenir de ces personnels, et donc de leur retraite.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter les amendements identiques de suppression de l’article 8.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 7 et 135.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 32 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 898, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Il s’agit d’un amendement de repli.
L’article 8 tend à relever de deux ans les annuités exigées des fonctionnaires appartenant aux catégories actives de la fonction publique, que l’on a tenté de définir tout à l'heure.
Nous refusons de faire porter sur les fonctionnaires, comme sur l’ensemble des salariés, le poids du transfert du financement des retraites que vous opérez à leur détriment.
L’exemple des catégories actives visées par cet article est d’autant plus inadmissible que c’est à des fonctionnaires occupant des emplois qui présentent « un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles » que vous voulez imposer de payer toujours plus. Nous ne l’acceptons pas, pas plus que nous ne l’acceptons pour le privé.
Il s’agit, par exemple, des policiers, des douaniers, des surveillants pénitentiaires ou encore des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse ; je vous renvoie, pour plus de précision, au tableau figurant à la page 114 du rapport de la commission des affaires sociales.
Avec votre réforme, les métiers difficiles sont parmi les plus pénalisés, et cet article en témoigne.
Nous rejetons votre argument selon lequel il s’agirait d’équité. Selon vous, il serait juste d’appliquer le même relèvement de cotisation à tous les salariés. Le problème, c’est que cette réforme des retraites n’est précisément pas juste à l’encontre de celles et ceux qu’elle vise.
Nous refusons de faire entrer dans la loi le principe de l’augmentation de la durée de cotisation en fonction de l’espérance de vie. Le débat démographique est un piège dans lequel vous tentez de nous enfermer. La réalité, c’est que la France a un renouvellement générationnel supérieur à celui d’autres pays européens.
Par ailleurs, si risque de régression démographique il peut y avoir, celui-ci trouverait sa source dans la régression économique et sociale que nous connaissons, et qui s’accroît d’année en année en raison de votre politique.
Par ailleurs, la rédaction de cet article fait apparaître l’augmentation des annuités comme une mesure simple, logique, automatique, technique, alors qu’elle constitue une décision éminemment politique.
Par cet amendement, nous vous proposons donc, mes chers collègues, de supprimer les dispositions de l’article 8, qui décline les âges de départ à la retraite des fonctionnaires concernés.
Mmes et MM. les sénateurs de l’UMP quittent l’hémicycle.
L'amendement n° 778, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Je regrette que nos collègues quittent l’hémicycle. Dans ces conditions, le débat va vraiment être passionnant…
Je vous en prie, ma chère collègue, veuillez présenter votre amendement.
Il s’agit d’un amendement de repli visant à supprimer l’alinéa 2 de l’article 8.
C’est un déni total de nos débats !
La mesure prévue est injuste ; c’est d’abord et avant tout, une mesure d’économie.
Les fonctionnaires seront financièrement contraints de participer à une solidarité qui exclut toujours bien évidemment les plus riches. Pourtant, ce ne sont pas eux qui grèvent les comptes publics ; c’est plutôt vous, monsieur le secrétaire d'État, qui réduisez les ressources.
Pour preuve, les rémunérations, pensions comprises de tous les fonctionnaires, qu’ils soient d’État, territoriaux ou hospitaliers, représentaient, en 2000, 13, 3 % du PIB §…
Monsieur le président, je ne puis poursuivre dans un tel brouhaha !
Certes, je comprends bien, mes chers collègues, mais soit vous m’écoutez, soit nous discutons de ce qui vient de se passer.
Je disais donc que les rémunérations, pensions comprises de tous les fonctionnaires, représentaient, en 2000, 13, 3 % du PIB, alors qu’elles ne représentaient plus que 12, 7 % du PIB en 2008. La proportion des dépenses de rémunération est en diminution par rapport à la richesse produite.
Dans ces dépenses, la part des retraites civiles et militaires pour l’État est passée de 2 % du PIB en 1999 à 2, 1 % en 2008. On est très loin de la situation décrite comme catastrophique de par le « poids » des dépenses produites par les fonctionnaires dans le total des dépenses publiques.
Monsieur le secrétaire d'État, il faut peut-être cesser d’opposer les Français entre eux et de recourir à la caricature en disant que les fonctionnaires sont des privilégiés, des nantis.
Au contraire, vous devriez dire que les fonctionnaires sont non pas un fardeau pour l’État, mais la particularité d’un système qui est envié dans le monde entier, à savoir le service public : ils accomplissent des missions utiles à notre société en garantissant à nos citoyens un traitement égal sur tout le territoire national.
Vous devriez également dire, monsieur le secrétaire d'État, que, en matière de retraite, ils participent plus que d’autres à l’équilibre du système. Si l’État employeur a versé, au titre de ses personnels civils, 1, 5 milliard d’euros en 2008 au titre de la compensation, les fonctionnaires, eux, ont contribué, dans le même temps, aux retraites des exploitants et salariés agricoles, des petits patrons de l’artisanat et du commerce, à hauteur de 2, 5 milliards d’euros, et à hauteur de 1, 5 milliard d’euros aux retraites des régimes spéciaux, tels que les mines, les marins-pêcheurs, au titre de la « surcompensation ». C’est bien une catégorie qu’il faut plutôt défendre.
L'amendement n° 339 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
cinquante-deux
par les mots :
cinquante et un
Cet amendement n'est pas soutenu.
Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
Je me pose une question, monsieur le président : pouvons-nous continuer de siéger, alors que les travées de la majorité sont totalement vides ?
Mais vous n’appartenez pas à l’UMP, mon cher collègue !
Monsieur le président, pouvons-nous continuer de siéger dans ces conditions ?
M. Gérard Longuet regagne son banc.
L'amendement n° 779, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer.
Cet amendement constitue l’un des amendements portant sur la modification des règles propres aux catégories actives quant à l’exercice de leur droit à pension.
Le nombre des agents concernés par ces dispositions est, faut-il le rappeler, relativement réduit, mais toutes les mesures d’âge prévues par l’article 8 visent notamment à faire une économie budgétaire de l’ordre de 70 millions d’euros au bénéfice du compte spécial des pensions et au détriment, si l’on peut dire, des pensionnés.
Voici ce que nous dit, par exemple, le projet annuel de performance du compte spécial des pensions pour 2011.
De façon globale, sur l’ensemble du programme, l’impact des mesures liées à la loi portant réforme des retraites en discussion au Parlement pourrait être une réduction des dépenses de l’ordre de 32 millions d’euros en 2011, avec une réduction de 70 millions d’euros au titre des mesures d’âge et de 10 millions d’euros au titre de l’évolution du dispositif du minimum garanti et une augmentation de 48 millions d’euros au titre de la mise en extinction progressive du dispositif de départ anticipé pour les parents de trois enfants.
Dans ce dernier cas, le maintien provisoire des règles actuelles de liquidation pour les agents qui auront déposé leur dossier avant le 1er janvier 2011, pour une radiation des cadres au plus tard le 1er juillet 2011, pourrait se traduire par un supplément de dépenses provisoires pour les pensions, un impact que viendra cependant lisser le maintien des conditions actuelles de départ aux agents à moins de cinq ans de leur retraite. C’est le dispositif tel qu’imaginé par le Gouvernement.
D'une part, l'opération sur les pensions vise, par les mesures d'âge, à conduire à une moindre budgétisation du compte spécial de pensions. C’est celui-ci qu’il faut faire décroître. La mise en cause des cessations anticipées d'activité pour l’éducation de trois enfants est en effet un dispositif en extinction, qui finira par accroître la part captée par le budget général aux dépens des retraités.
D’autre part, l'objectif fixé par le Gouvernement est de pousser certains agents du secteur public à prolonger leur carrière, et cela touche effectivement les fonctionnaires classés en service actif.
Le Gouvernement espère manifestement de la réforme qu'elle conduise à un accroissement de la durée de cotisation et à un recul conséquent de l'âge de départ. Il s’agit d’ailleurs d’un mécanisme déjà à l’œuvre : l’âge moyen de liquidation de la retraite s’élève aujourd’hui 61, 5 ans !
L'amendement n° 340 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
cinquante-cinq
par les mots :
cinquante-trois
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 780, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 780.
Il y a dans la démarche du Gouvernement une logique qui est de faire peser une sorte de pression sur les fonctionnaires.
Nous sommes confrontés à une série d’alinéas qui tendent à remettre en question la situation des agents du secteur public ayant effectué des services actifs et tirant parti, de fait, d'une prise en compte différenciée de leur situation au regard du droit à pension.
Ce quatrième alinéa de l'article 8 prévoit expressément que les agents ne devront désormais plus avoir atteint l’âge de 54 ans mais celui de 56 ans pour faire valoir leur droit à pension.
Il est évident que la mesure s'inscrit dans une logique globale d'allongement des carrières, dont la seule raison d'être est de permettre à l'État de consacrer des sommes de moins en moins élevées au financement du compte spécial de pensions.
Le schéma est assez clairement établi : en remettant en question les situations découlant de sujétions particulières et qui se traduisaient dans le déroulement de carrière, il s'agit de compenser autant que faire se peut le mouvement naturel du compte spécial.
En théorie, la hausse des prix et l'allongement potentiel de la vie devraient entraîner une augmentation des dépenses du compte spécial de pensions. Cela revient à dire que la réforme des retraites consiste pour les fonctionnaires à leur faire payer, au-delà du gel de leur rémunération pour deux ou trois ans, les effets de la hausse des prix et de l'allongement de la vie !
On pourrait aussi dire que l'État spécule sur la mortalité de ses agents, puisque la conséquence quasi-mécanique de l’allongement de la carrière sera la réduction de la période de perception de la pension.
Enfin, notons que cette démarche va de pair avec une absence totale, pour les fonctionnaires, de bénéfice relatif à la prolongation de carrière. Même si les conditions de calcul de leurs droits à pension sont différentes de celles du secteur privé, les retraités de la fonction publique ne pourront pas espérer de la réforme la moindre valorisation de leur pension. Ainsi, ils travailleront plus longtemps et paieront des cotisations supplémentaires sans percevoir aucun avantage nouveau, puisque le Gouvernement vise également à réduire la part de ses agents bénéficiant d'une surcote.
Chers collègues, c'est en raison des observations qui précèdent que nous vous invitons à adopter cet amendement de suppression de l’alinéa 4.
L'amendement n° 341 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
cinquante-six
par les mots :
cinquante-cinq
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 781, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° 781.
Cet amendement découle de notre opposition de principe à l'allongement de la carrière des agents du secteur public qui, soumis à des sujétions spécifiques, disposent aujourd'hui de modalités propres de leur départ à la retraite.
Toujours plein d'imagination, le projet de loi prévoit de porter à 57 ans l'âge à partir duquel certains agents, nés après le 1er janvier 1961, pourraient faire valoir leurs droits à pension.
Par construction, le dispositif mis en place est évidemment appelé à s’amplifier année après année. Il s'agit en fait d'un dispositif inflationniste, au sens où le nombre d’agents touchés par son application augmentera de manière régulière jusqu'au 1er janvier 2018, qui sera la première date concernant pleinement les agents intéressés.
Notons toutefois qu’certains fonctionnaires pourraient être contraints à faire valoir leurs droits à pension avant cette date, quitte à supporter évidemment le poids éventuel d'une décote plus ou moins importante.
On rappellera tout de même que les professions visées ici présentent des caractéristiques de pénibilité avérées, puisqu’il s’agit des sapeurs-pompiers professionnels, des agents de salubrité des collectivités territoriales, ou encore des ouvriers professionnels et des aides soignantes de nos hôpitaux.
Ces personnels connaissent de manière générale des conditions de travail très spécifiques et contraignantes. Ainsi, nombre d’entre eux sont soumis à des contraintes de nuit ou des astreintes de sécurité. De fait, ces contraintes spécifiques participent d’une pénibilité qu’il convient de reconnaître.
On peut d'ailleurs s'étonner que le Gouvernement, qui se vante de faire entrer par la grande porte la prise en compte de la pénibilité dans le calcul de la retraite, commence par imposer à ses propres agents – et aux fonctionnaires des deux autres fonctions publiques – deux ans de services supplémentaires.
Nous sommes évidemment opposés à une telle approche qui néglige, entre autres choses, le fait que travailler dans un milieu insalubre ou dans l'obscurité – je pense par exemple aux égoutiers – est un facteur avéré de réduction de l'espérance de vie.
Ainsi, une étude du comité d'hygiène et de sécurité de la Régie autonome des transports parisiens avait montré que ses personnels employés à l'entretien des installations souterraines du métro – par exemple ceux affectés aux réseaux électriques ou au renouvellement de l’air – avaient une espérance de vie inférieure de cinq ans à la moyenne.
Nous constatons qu’aucune partie du rapport ne fait appel à la moindre statistique pour justifier de la mesure prise en direction des fonctionnaires en service actif. Faut-il croire que ces derniers sont tous en bonne santé ? Il y a dans cet hémicycle un certain nombre d’élus qui connaissent bien les métiers dont il s’agit, et ils savent que la réponse à cette question est malheureusement négative. Ils peuvent témoigner des nombreuses demandes de reclassement professionnel faites, avant leur départ à la retraite, par ces agents de la fonction publique.
Nous ne pouvons évidemment pas accepter une telle orientation du projet de loi et invitons le Sénat à voter notre amendement.
L'amendement n° 342 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
cinquante-sept
par les mots :
cinquante-six
Cet amendement n'est pas soutenu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 136 est présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon et S. Larcher, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 392 rectifié est présenté par M. Milhau, Mme Laborde, M. Collin, Mme Escoffier et MM. Mézard et Plancade.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
, excepté pour les sapeurs pompiers dont la dangerosité du métier et des missions exercés est reconnue à l'article 67 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour défendre l’amendement n° 136.
L'alinéa 5 de l’article 8 cible les fonctionnaires de la catégorie active ayant accompli quinze ans de service et pouvant liquider leur pension dès l'âge de 55 ans.
Le classement en catégorie active ne concerne qu'un nombre d'emplois limité, soumis à un risque particulier ou à des fatigues exceptionnelles, comme les militaires, les policiers et les infirmiers. Il s’agit là de professions exposées, comme le sont également les sapeurs-pompiers professionnels, dont le travail est particulièrement difficile en cette période de grande détresse sociale.
Leur action ne se limite pas aux feux. Ils sont sollicités pour toutes sortes d'urgences. Il est important que le Gouvernement marque sa volonté de rester au plus près de nos compatriotes en prenant en compte la pénibilité du travail de ceux qui aident directement nos concitoyens dans les moments les plus difficiles.
Sans jusqu’ici recevoir de réponse, les sapeurs-pompiers professionnels ont sollicité le Gouvernement plusieurs fois au sujet de la prise en compte de la pénibilité et de la dangerosité de leur métier dans ce projet de loi. La précipitation avec laquelle ce dernier a été mis en place explique sans doute ce silence.
Cet amendement prévoit de maintenir le régime actuel et le droit au départ à la retraite à l'âge de 55 ans. L'exercice du métier de sapeur-pompier au-delà de cet âge posera inévitablement un problème de sécurité pour les intervenants eux-mêmes comme pour les usagers du service public qui les sollicitent.
Les possibilités d'emplois non opérationnels au sein des services départementaux d’incendie et de secours ne permettront pas de couvrir l'ensemble des besoins de la profession, compte tenu notamment du vieillissement lié à la pyramide des âges. Le reclassement dans une autre filière de la fonction publique territoriale ne peut s'envisager comme une alternative satisfaisante pour au moins deux raisons.
La première réside dans l’esprit de corps qui régit la profession des sapeurs-pompiers, et qui induit l’attachement particulier de ceux-ci à leur filière.
La deuxième est que la perte du statut de sapeur-pompier professionnel entraîne aujourd'hui de facto la perte des avantages acquis grâce à une sur-cotisation supportée par l'agent tout au long de sa carrière.
L'amendement n° 136 prévoit donc de maintenir le régime actuel avec, pour tous les sapeurs-pompiers professionnels, un droit au départ à la retraite dès l'âge de 55 ans. Celui-ci témoigne de la reconnaissance de la nation vis-à-vis d'une profession sans cesse plébiscitée par nos concitoyens.
L'amendement n° 392 rectifié n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
La commission a émis un avis défavorable sur les amendements n° 898, 778, 779, 780 et 781. Tous visent en effet à supprimer certains alinéas de l’article 8 et donc à le dénaturer.
Or cet article sur le relèvement de l’âge d’ouverture des droits à la retraite des catégories actives de la fonction publique ne fait que respecter l’esprit du projet de loi, dont l’équilibre repose sur un effort de toute la collectivité, tout en respectant la spécificité de certains métiers.
L’amendement n° 136 vise pour sa part à exclure les sapeurs-pompiers de la mesure du relèvement d’âge. Nous n’y sommes pas favorables car, comme les autres catégories actives, les sapeurs-pompiers conserveront leurs spécificités, à savoir un âge de départ moins élevé.
Sur chacun des amendements proposés, le Gouvernement émet le même avis que celui de la commission.
Dans mes propos liminaires, j’ai déjà eu l’occasion de répondre à plusieurs points à nouveau évoqués dans la défense de ces amendements. Je voudrais donc, maintenant, me limiter à quelques informations complémentaires.
Mme Beaufils vient d’affirmer que le taux de cotisation des agents de la fonction publique est inférieur à celui des salariés du privé. Je placerai ma réponse sous le contrôle du président Guy Fischer, qui avait tenu des propos similaires il y a quelques jours, et auquel j’avais apporté les éléments d’information suivants.
Dans la fonction publique, le taux de cotisation est un taux « intégré » qui résulte de l’addition au taux de base d’un taux complémentaire ; il s’élève aujourd’hui à 7, 85 %. Dans le secteur privé, le taux de base est de l’ordre de 6, 5 %, auquel il convient d’ajouter le taux de cotisation complémentaire, qui s’élève à environ 4 %.
Ainsi, si l’on compare les taux de cotisation globaux, on constate une différence de l’ordre de 2, 7 % au détriment du secteur privé.
Pour le même ! Je vous remercie de poser des questions comme celle-ci car elles nous permettent au moins de nous accorder sur des éléments factuels.
Le niveau des pensions est sensiblement équivalent. Il est légèrement supérieur dans le secteur public mais l’écart ne justifie pas de revenir sur la règle consistant à retenir comme salaire de référence celui des six derniers mois pour les fonctionnaires, et celui des 25 meilleures années pour les salariés du secteur privé.
À la question de Mme David, j’apporte donc la réponse suivante : oui, les niveaux de pensions sont grosso modo identiques.
En revanche, à la question : « les taux d’acquisition des droits à pension sont-ils les mêmes ? », ma réponse est négative. Pour Mme Beaufils, qui affirme que le taux est de 6, 55 % dans le secteur privé et de 7, 85 % dans le secteur public, je souhaite redire que le taux retenu pour les fonctionnaires est « intégré »: Il est par construction l’addition d’un taux de base et d’un taux complémentaire.
Par conséquent, le taux de 7, 85 % est un taux d’acquisition final dans le secteur public, tandis que celui de 6, 55 % n’est qu’un taux de base pour les salariés du privé ! Si on lui ajoute le taux complémentaire, on parvient à un taux de cotisation final de 10, 55 % !
J’aimerais insister sur cet aspect. Le Gouvernement n’a pas à se reprocher de comparer des choses comparables ! Il n’y a pas lieu de polémiquer sur des éléments simplement factuels.
S’agissant des amendements qui ont été évoqués au sujet de l’équité des mesures d’âge, je ne répéterai pas les arguments de M. Dominique Leclerc, dont je partage l’avis.
J’aimerais cependant préciser un point quant à la part relative des retraites dans le produit intérieur brut de notre pays.
Vous avez raison de le souligner, ce rapport a effectivement légèrement diminué lorsque le produit intérieur brut a beaucoup augmenté. Mais ce dernier ayant à son tour diminué, la part allouée aux dépenses de retraites publiques, de même que la part allouée aux rémunérations, puisque vous évoquiez les deux, rapportée à l’ensemble du PIB sera vraisemblablement en augmentation à la fin de l’année prochaine. Ce n’est pas le numérateur qui a bougé, c’est plutôt le dénominateur.
Évidemment, avec la crise, la croissance étant négative, la part des pensions a augmenté. Madame le sénateur, permettez-moi de vous le rappeler, entre 1, 5 milliard d’euros et 2 milliards d’euros de dépenses supplémentaires sont, chaque année, liés aux pensions de la fonction publique, augmentation d’ailleurs constante depuis dix ans. Dominique Strauss-Kahn l’avait relevé dans le rapport de 1999.
En dernier lieu, je vous ferai remarquer que, si le montant global que l’État consacre au compte d’affectation spéciale Pensions, donc les retraites de l’État, s’élève, comme je viens de vous le dire, à environ 2 milliards d’euros, 800 millions d’euros supplémentaires ont été versés en termes de rémunération, y compris pour cette année, pour un nombre d’agents légèrement inférieur. On peut tout naturellement en déduire que la rémunération a plutôt augmenté. Mais nous reviendrons sur ce débat lors de l’examen d’autres articles.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'amendement n° 898.
Nous voterons en faveur de la suppression de toute la première partie de cet article, qui organise le relèvement du nombre d’annuités nécessaires aux fonctionnaires appartenant aux catégories actives de la fonction publique pour partir en retraite.
À sa lecture, la situation paraît simple et mécanique : selon vous, le principe de ce projet de loi étant de retarder le départ à la retraite à soixante-deux ans, il serait logique d’augmenter de la même manière l’âge de départ à la retraite des personnels en service actif.
Je note que vous profitez de cette automaticité pour mettre en cause la légitimité de l’intervention des syndicats et des partenaires sociaux. La retraite est extrêmement liée au travail. Il n’est pas question pour nous d’accepter que des dispositions aussi structurantes que celles qui sont contenues dans l’article 8 puissent perdurer et se durcir le cas échéant au fil des années, par la loi, hors de toute négociation avec les partenaires sociaux.
Une autre raison pour nous de rejeter cet article est, bien sûr, le fait que vous visez des fonctionnaires qui effectuent un travail difficile dont la pénibilité était reconnue de fait.
Vous aggravez leur situation, alors que, d’un point de vue général, on le sait, on demande toujours plus d’efforts aux 30-50 ans, qui sont la grande majorité des travailleurs, au point qu’ils arrivent usés à l’âge de la retraite. Pour mesurer cette difficulté qui n’est pas prise en compte dans les propositions que vous avancez, il suffit de regarder, dans nos collectivités territoriales, le nombre de reclassements sollicités pour raison de santé par les éboueurs-ripeurs, les égoutiers, les infirmières, les sapeurs-pompiers...
Mais, bien évidemment, c’est plus globalement que nous rejetons l’accroissement du nombre d’annuités nécessaires pour prétendre à la retraite.
Votre logique n’est pas la nôtre. Ce n’est pas aux salariés, qu’ils soient fonctionnaires ou du privé, de payer toujours plus quand les plus riches savent s’exonérer, avec votre aide, de la solidarité nationale.
L’allongement de l’espérance de vie n’est pas un problème ; elle est une chance, mais une chance qui n’est pas la même pour tout le monde. Elle a tendance à s’accroître pour les catégories qui bénéficient déjà d’une espérance de vie élevée. La possibilité de partir en retraite avant soixante ans pour certains corps de métier de la fonction publique tient compte de cette situation ; vous la remettez en cause.
Vous nous opposez régulièrement la situation des régimes de retraite dans les autres pays européens, mais vous omettez de dire que votre réforme est la plus dure ! En effet, elle augmente à la fois les limites d’âge et la durée de cotisation. Celle-ci sera bientôt la plus longue d’Europe : quarante et un ans et demi, alors qu’elle est de trente ans au Royaume-Uni, de trente-cinq ans en Allemagne et en Espagne, de quarante ans en Suède et de trente-sept ans en Autriche.
La question réelle est ailleurs. Elle consiste à trouver, là où elles se trouvent, les ressources nécessaires pour faire face à des problèmes de financement : dans les profits financiers, les exonérations de cotisations patronales, le relèvement de ces cotisations patronales à hauteur de celles des salariés, cela avec une politique de croissance et non de régression sociale !
Si le nombre d’actifs, et donc de cotisants, est insuffisant, ce n’est évidemment pas parce que les taux d’activité au-delà de soixante ans nécessiteraient d’être augmentés. C’est en raison du nombre élevé de chômeurs qui est en augmentation constante. C’est en raison des taux d’activité relativement faibles entre cinquante ans et soixante ans, ce qui invalide vos prétextes pour allonger la durée des cotisations. Nous savons que le plein-emploi réduirait de moitié le besoin de financement des caisses de retraite.
Concernant précisément les fonctionnaires, on assiste aujourd’hui à un départ massif à la retraite de générations nombreuses de fonctionnaires embauchés dans les années soixante-dix. Mais votre obstination à considérer la dépense publique comme un coût et donc à la réduire, ce qu’illustre la révision générale des politiques publiques, fait que vous ne remplacez qu’une partie d’entre eux.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de voter notre amendement.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Je voterai contre l’ensemble des amendements présentés à l’article 8.
En effet, mes chers collègues, pour vous la réflexion sur la ressource humaine, l’analyse des tâches et l’évolution de l’organisation de ces tâches, n’existent pas.
Tous les métiers que vous nous avez présentés ont des caractéristiques différentes. Et il est de la responsabilité de l’employeur, en l’occurrence la fonction publique de l’État, de gérer l’évolution de ces carrières qui changent.
Je prendrai l’exemple des enseignants. Les instituteurs étaient recrutés après le primaire supérieur, sans même envisager d’aller jusqu’au baccalauréat. Aujourd’hui, ils sont en réalité à bac + 5.
Vous avez plaisir à rappeler des règles qui remontent au temps de la machine à vapeur et vous récusez totalement les évolutions de l’organisation du travail qui, heureusement, depuis un siècle et de façon constante, ont amélioré les conditions d’exercice de ces différentes professions.
Dans cet effort de solidarité nationale, chacun doit prendre sa part du fardeau pour assurer l’équilibre des régimes de retraite par répartition. Aussi considérons-nous que l’État employeur a la responsabilité d’ouvrir avec les organisations syndicales un débat permanent sur les conditions d’activité.
On ne peut pas ne pas prendre en compte l’évolution des activités, les conditions de les exercer et l’amélioration de la formation !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Justement ! Les effectifs par classe n’ont cessé de baisser et, dans l’enseignement primaire, on est passé des classes uniques comportant plusieurs niveaux – situation complexe ! – à des classes de niveaux différents et, grâce au regroupement pédagogique intercommunal, à un travail collectif qui permet aux maîtres d’école d’aujourd’hui...
M. Gérard Longuet. ... de travailler en équipe et de mieux assurer leur métier.
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Non seulement vous considérez les métiers comme étant figés, mais vous nous présentez en permanence une vision archaïque de la réalité de ces métiers, méconnaissant une réalité simple : le régime des retraites n’a pas vocation à se substituer au droit du travail ou aux négociations sur l’organisation du travail.
Les entreprises privées, par le biais des négociations d’entreprise, des conventions collectives, comme l’État employeur, avec les négociations d’ensemble, ont l’obligation de faire progresser la condition des travailleurs. Le système de retraite ne peut en aucun cas remplacer à lui seul ces négociations !
Force est de constater que, s’il y a eu des accès à la retraite à des âges différenciés, les métiers eux-mêmes ont évolué et l’État employeur s’est efforcé, comme les entreprises privées, de proposer aux salariés des conditions d’activité plus acceptables pour les uns et pour les autres.
Nous ne pouvons pas, comme vous le faites avec vos dizaines d’amendements, évoquer la situation de chaque branche ! Mais ce serait vraiment méconnaître la réalité du dynamisme syndical, la responsabilité des employeurs qui ont intérêt à faire évoluer les emplois vers la plus forte valeur ajoutée pour rendre les métiers attractifs, et la responsabilité des directions de personnel de la fonction publique que d’oublier qu’ils s’efforcent de faire évoluer ces métiers pour les rendre attractifs et, dans la bataille pour sélectionner les meilleurs éléments, favoriser et améliorer le recrutement.
Voyez comme à France Télécom leur façon de travailler s’est modernisée !
Votre passéisme systématique, votre méconnaissance des efforts des ressources humaines des entreprises publiques, des collectivités locales et, naturellement, du secteur privé, nous découragent, car vous avez une vision totalement figée de la société, comme s’il n’y avait dans ce pays aucune volonté d’améliorer la situation de ceux qui travaillent.
C’est la raison pour laquelle, dans cet effort partagé, nous considérons qu’à l’article 8 les propositions faites à la fonction publique sont tout à fait raisonnables. En revanche, en effet, le dialogue et la négociation doivent continuer pour l’amélioration des conditions de travail en amont des régimes de retraite.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Parler à notre sujet d’une approche passéiste remontant au temps de la machine à vapeur relève tout simplement de la provocation !
Je vous incite à aller dialoguer sur le terrain avec les infirmières, qui n’en peuvent plus de leurs conditions de travail et qui sont de moins en moins nombreuses pour soigner tout le monde !
Allez discuter aussi avec les gardiens de prison, qui gardent de plus en plus de détenus – politique répressive oblige ! – avec moins de moyens !
Allez voir les policiers, qui souffrent aujourd’hui de sous-effectif !
Allez voir encore les enseignants !
Et je pourrais continuer l’énumération !
Vous êtes frappé d’un autisme sidérant.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Oui, allez sur le terrain, regardez la réalité et arrêtez de nous assommer avec des arguments...
... aussi éculés que ceux que vous venez d’avancer.
Aujourd’hui, la question des retraites est difficile, mais la manière dont vous la posez est rigoureusement inacceptable.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mon intervention sera très brève, monsieur le président. Je souhaite seulement répondre à ce que nous venons d’entendre.
Qu’il s’agisse d’une machine à vapeur, que certains peuvent regretter, ou d’un TGV, permettez-moi de dire que, dans les deux cas, encore faut-il savoir conduire la machine !
Lorsque vous évoquez le problème des enseignants, au moins ne parlez plus de formation, puisqu’il n’y en a plus ! C’est très bien d’exiger le niveau bac+5.
Je suis d’accord. Mais à quoi cela sert-il si l’on n’est pas capable de transmettre la matière que l’on a étudiée à fond, ...
... si l’on n’est pas capable de faire prendre conscience aux enfants que l’on a en face de soi de l’importance de cette matière et de ce qu’elle peut apporter. Tout cela s’apprend grâce à la pédagogie et à la didactique.
Si nos formateurs n’ont plus cette formation-là, je crains malheureusement que le fait d’attendre quinze ans pour qu’ils s’en sortent sur le terrain ne constitue un retour en arrière, cette fois non vers la machine à vapeur, mais bien plutôt vers les chars à bœuf !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Je serai également très brève, monsieur le président.
Monsieur Longuet, vous nous provoquez sans arrêt !
Rires et exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Ce matin, pour décrire la façon dont le débat finirait par s’accélérer, vous nous compariez, nous et nos amendements, à des éviers bouchés qui se déboucheraient tout à coup ! Et encore, vous ne parliez que des éviers ! Cela aurait pu être pire !
Je pense que vous n’êtes pas allé dans un hôpital depuis très longtemps…
Sauf peut-être au Val-de-Grâce. Tant mieux pour vous !
Vous n’êtes pas non plus allé dans une grande surface. Vous ne faites probablement pas les courses !
Vous n’êtes pas allé voir ce qui se passe sur les plateformes d’appel de France Télécom. C’est normal, vous ne faites qu’appeler !
Bien sûr, vous n’êtes pas allé dans un lycée, un collège, une école primaire, une école maternelle – peut-être n’avez-vous plus d’enfant en âge d’être scolarisé –, voire une crèche, où, Mme Morano oblige, on va augmenter le nombre d’enfants par auxiliaire de puériculture.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous invite à réaliser un tour de France des professions modernes aujourd'hui. Vous comprendrez alors ce que signifie la souffrance au travail dont parlent nombre de médecins et de psychologues.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai écouté avec attention : à vos yeux, tout est parfait. Je continuerai cependant à défendre la situation des sapeurs-pompiers et formulerai trois remarques qui seront autant de propositions.
Premièrement, les sapeurs-pompiers bénéficient actuellement d’un système de surcotisation grâce auquel ils peuvent partir à la retraite à 55 ans. Pendant 25 ans en effet, tous les cinq ans, ils paient une surcotisation qui leur permet de racheter chaque fois un an de cotisation. Ils souhaitent continuer à bénéficier de ce système et demandent que celui-ci soit déplafonné de manière à pouvoir racheter plus d’années.
Deuxièmement, les sapeurs-pompiers dénoncent le fait de perdre le bénéfice de ces années de surcotisation lorsque, au cours de leur carrière, ils sont reclassés dans une autre administration que celle des sapeurs-pompiers. Or il n’est pas rare qu’après de nombreuses années de carrière un sapeur-pompier demande à travailler dans une autre administration, en particulier lorsque son état physique ne lui permet plus d’aller au feu. N’est-il pas absurde qu’il perde alors le bénéfice de quinze ans de surcotisation ?
Troisièmement, les sapeurs-pompiers demandent que le système permettant leur classement en catégorie active soit complété de manière à ce que ceux qui ont effectué quinze années d’activité opérationnelle, dont dix au moins de manière continue, bénéficient d’un départ à 55 ans avec un niveau de pension décent.
Monsieur le secrétaire d'État, vos réponses étaient floues, les dispositions prévues sont injustes. Par conséquent, nous ne voterons pas cet article.
Mme Gisèle Printz applaudit.
Madame Borvo, vous semblez dire que vous êtes les seuls à connaître la vie réelle.
Je pense être le dernier dans cet hémicycle à avoir exercé un métier puisque, il y a deux ans, j’enseignais encore, à 61 ans.
Je ne me lassais d’ailleurs pas d’avoir des élèves.
On peut tout dire des enseignants et des IUFM : je ne pense pas que la pédagogie s’apprenne véritablement dans les instituts universitaires de formation des maîtres. Qu’on le veuille ou non, elle s’apprend sur le terrain. Croyez mon expérience : j’étais agrégé dans la botte, j’ai enseigné en classe préparatoire avant de faire le choix personnel et volontaire d’intégrer un lycée technique.
Cela reste mes meilleures années professionnelles.
(Sourires.) Aussi, je peux vous dire que, quand la pièce est mauvaise, le public quitte la salle, que ce soit à Avignon ou à Paris.
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Tout à l’heure, vous vous êtes émus du départ de certains de nos collègues. Comme Guy Fischer le sait bien, mon autre spécialité, c’est le spectacle vivant. C’est d’ailleurs pour cela que je suis de permanence pour le groupe de l’Union centriste : la nuit m’appartient ! §
Vous avez un bon scénario, vos propos ne sont pas dénués d’intérêt, mais, à force de les diluer, vous rendez le spectacle insupportable, comme c’est le cas du Mahâbhârata ou de certaines œuvres de Claudel qui se donnent au théâtre de l’Odéon. Je vous en prie, je sais bien que votre technique, c’est l’obstruction, mais, si vous étiez un peu plus concis, nos collègues resteraient à vous écouter et tout le monde y gagnerait !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Quand on voit l’évolution du monde, on mesure à quel point la France a de la chance de pouvoir se payer un article 8. Croyez-vous que, dans la compétition mondiale que l’on connaît actuellement, beaucoup de pays puissent le faire ?
Prenez conscience du fait que le monde change !
Mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, j’ai été moi-même fonctionnaire. Vos propos me stupéfient : arrêtez d’infantiliser les fonctionnaires comme vous le faites !
C’est un monde intelligent, plein d’énergie, qui a envie de travailler, de faire bouger les choses.
Pensez-vous vraiment que les salariés du privé ne regardent pas avec envie cet article 8 et toutes les catégories professionnelles qui bénéficient de ces avantages ?
M. Yves Pozzo di Borgo. Sortez un peu de la pesanteur dans laquelle vous mettez notre pays ! Nous parlons d’un problème important. Vous ne vous rendez pas compte qu’en appréhendant le monde et la fonction publique de cette façon, vous infantilisez le pays tout entier !
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
M. Claude Domeizel. Monsieur Longuet, j’aurais beaucoup à dire sur les propos scandaleux que vous avez tenus. Vous feriez bien d’aller sur le terrain voir ce qui se passe.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Cet après-midi, j’ai évoqué le cas de l’éboueur qui devra travailler deux ans de plus avant de partir à la retraite. S’il est devenu éboueur-chef, ce sera pire : il perdra le bénéfice de la catégorie active et sera contraint de courir après la benne à ordures ménagères jusqu’à 67 ans. Quelle chance !
Monsieur Longuet, on vous l’a suggéré : allez voir les infirmières ! Nous avons évoqué tout à l’heure les infirmières retraitées de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, ou appelées à le devenir, et, monsieur le secrétaire d'État, vous avez rappelé que leur espérance de vie était quasiment identique à celui des femmes en général. C’est incontestable : les chiffres émanent de cet organisme. Mais on fait dire aux chiffres ce que l’on veut ! Car il ne faut pas omettre de préciser que cela concerne le personnel hospitalier féminin, plus précisément les femmes qui partent à la retraite à jouissance immédiate, c'est-à-dire après quinze ans de carrière et trois enfants. En d’autres termes, cela ne vaut que pour celles qui ont interrompu ou réduit leur carrière. Il faut tout de même le dire. §Si !
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai déjà demandé de revoir l’arrêté de 1969, qui est complètement obsolète ; cela fait d’ailleurs des années que je le réclame. Il faut entièrement le reprendre et, s’il est vrai que certains métiers n’y ont plus leur place et doivent être retirés de la liste, d’autres méritent d’y être ajoutés. Car il y aura toujours dans la fonction publique, qu’elle soit territoriale, hospitalière ou de l’État, des métiers pénibles qui justifient que ceux qui les exercent partent à la retraite plus tôt que vous ne le prévoyez.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Je ne mets absolument aucun esprit polémique dans mes propos.
Si, ça l’est ! J’entends simplement que vous me respectiez dans les fonctions qui sont les miennes – vous le faites, monsieur Domeizel, et je vous en remercie – comme je respecte votre point de vue, même quand il est critique.
Je souhaite que nous soyons bien d’accord sur les faits. Après, nous pouvons avoir des divergences quant à leurs conséquences.
Tout à l’heure, je me suis permis de rappeler ce qu’était le différentiel en taux de cotisation et je remercie d’ailleurs Mme Beaufils de m’avoir donné l’occasion de le faire.
Madame Schillinger, la bonification dont disposent les sapeurs-pompiers n’est pas une surcotisation, c’est une validation gratuite. Ce n’est pas la même chose ! Ce sera d’ailleurs tout l’enjeu du débat que nous aurons à ce sujet : dans la fonction publique active en général, le dispositif des bonifications gratuites est-il modifiable ou non ? Je précise d’emblée que nous ne le mettons pas en cause en tant que tel.
Monsieur Domeizel, je sais tout ce que vous avez fait et tout ce que vous continuez de faire pour la fonction publique en général, et pour la fonction publique hospitalière et territoriale en particulier. Je le dis parce que je le pense du fond du cœur. Les chiffres que nous avons tous deux rappelés – je parle sous votre contrôle – sont clairs et précis. Mais, et je tiens à votre disposition ces données, à peu près 60 % des infirmières qui font jouer le dispositif actuellement en vigueur – quinze ans, trois enfants, deux mois d’interruption – reprennent une activité salariée juste après avoir pris leur retraite de la fonction publique.
Il a par ailleurs été constaté qu’une partie d’entre elles reprenaient une activité libérale ; je ne puis vous communiquer le chiffre exact, mais il est de l’ordre de 10 % à 15 %. En d’autres termes, 70 % à 75 % des infirmières continuent à travailler après avoir quitté la fonction publique.
Et c’est très bien ainsi.
Les chiffres qui émanent des services de la CNRACL le mettent bien en exergue : en termes d’espérance de vie après 60 ans, les infirmières se trouvent exactement dans la moyenne des Français. Je ne suis pas dans la polémique, je me contente simplement de rappeler ces données qui nuancent pour le moins, sans les contredire, les propos que vous avez tenus sur la pénibilité propre à cette profession.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 781.
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
Exactement !
Le pilier financier est au cœur du débat sur les retraites du secteur public.
Comme la loi organique fait obligation à l’État, aux collectivités territoriales et aux hôpitaux de faire face aux dépenses tant de personnel que de pensions, la seule attitude que puisse avoir un Gouvernement comme celui qui conduit aujourd’hui les affaires du pays, c’est de procéder à la mise en œuvre de toute mesure permettant d’en réduire le poids financier.
Le service des pensions consomme, ce qui semble excessif aux yeux de beaucoup – vous me contredirez, monsieur le secrétaire d'État, si ce n’est pas exact – plus de 50 milliards d’euros tous les ans.
Je n’aurai pas la mauvaise grâce de rappeler à quelques-uns de nos collègues les discours sentencieux et emplis de componction qu’ils ont pu prononcer dans un hémicycle quasiment vide le jour du débat budgétaire sur les crédits du compte spécial.
Mais je me permettrai seulement, avant toute chose, de rappeler l’une de ces évidences qu’il ne faut jamais perdre de vue : au terme d’une simple logique comptable, ce qui est une dépense pour l’État, pour les collectivités territoriales ou pour les hôpitaux, est aussi un revenu pour les bénéficiaires, c’est-à-dire les pensionnés. Le fait de rationner et limiter les pensions consiste, de fait, à réduire le revenu de plus de 2, 3 millions de nos compatriotes qui procèdent du régime de retraite des fonctionnaires.
Les 50 milliards d’euros de pensions des agents du service public viennent compléter nettement l’assiette de l’impôt sur le revenu. Et je dois d’ailleurs faire observer, à ce stade de la réflexion, que le niveau moyen des pensions étant plus important que celui des retraites du régime général, les pensionnés de la fonction publique participent plus nettement au produit de l’impôt sur le revenu.
On peut même, sans se tromper de beaucoup, estimer que les pensionnés du secteur public apportent d’ores et déjà à l’État, d’après mes estimations, le dixième du produit de l’impôt sur le revenu perçu chaque année dans notre pays !
Notre assemblée compte suffisamment de retraités – regardons-nous !
Sourires
Le projet de loi entend donc réaliser des économies. Il s’agit, aujourd’hui, de jouer sur les 3 milliards d’euros consacrés pour l’heure par le budget général afin de tenir l’obligation, fixée par la loi organique, de l’équilibre du compte spécial.
Cette érosion du pouvoir d’achat des pensions se double d’ailleurs d’une érosion du pouvoir d’achat des agents en activité. Car, à la logique de mise en question des pensions, de leurs conditions de versement et de leur quotité, la politique gouvernementale ajoute, en effet, celle du gel des traitements pour les trois années à venir.
C’est une réalité : le Gouvernement a décidé de geler les traitements des fonctionnaires durant les trois années qui viennent ! Cela signifie que les seules espérances de revalorisation des rémunérations des agents du secteur public résideront dans le fameux « glissement vieillesse technicité », dit GVT. Un GVT bien utile pour oublier que le traitement, lui, va végéter en valeur indiciaire là où il est aujourd’hui !
Ainsi donc, les fonctionnaires verront d’une manière insidieuse leur pension remise en cause et la durée de leur carrière s’allonger. Cette ligne, on la sent de plus en plus puisque la liquidation des pensions intervient à présent en moyenne à 61, 5 ans.
Monsieur Fischer, là encore, je voudrais qu’on soit bien d’accord sur les chiffres. Après quoi, chacun d’entre nous en tire les conclusions qu’il veut.
Mais il ne faut pas donner les chiffres de façon tellement globale qu’on ne soit pas capable, ensuite, de savoir ce qu’ils représentent.
J’illustre mon propos par une question : quel est le montant global des pensions de l’État ? Il s’élève à 45 milliards d’euros stricto sensu, auxquels vous ajoutez 2 milliards d’euros pour la retraite des ouvriers de l’État et 2, 5 milliards d’euros pour la pension militaire d’invalidité.
Sur les 45 milliards d’euros, vous calculez qu’à peu près 5 milliards sont affectés au régime particulier de La Poste et que 5 milliards d’euros sont issus directement des 7, 85 %, c’est-à-dire des cotisations salariales. Si vous rapportez 5 milliards à 45 milliards, vous obtenez à peu près un neuvième. Vous voyez ce que cela représente : cela fait à peu près 11 % qui sont issus des cotisations.
Le différentiel est issu directement des impôts. Quand vous regardez le compte d’affectation spéciale Pensions, vous vous apercevez très concrètement que le taux de cotisation employeur pour l’État est de 62 %. Je parle sous le contrôle du président Domeizel : il pourra vous dire que, dans la fonction publique territoriale ou hospitalière, on est très loin de ce chiffre de 62 % !
Qu’est-ce que cela signifie ? Tout naturellement que nous ne sommes pas du tout dans la logique que vous évoquiez ! La réalité, c’est que si on l’extrapolait, ce que je ne fais pas, on s’apercevrait que le solde des cotisations est payé par l’impôt de façon générale !
Je ne dis pas que ce n’est pas normal ! Je dis que la façon de les présenter laisse entendre que, par le taux de cotisations, on a un abondement supérieur à ce qu’il devrait être.
Je vous dis très clairement que le taux de cotisation à 7, 85 % correspond à un taux de cotisation employeur de 62 %. Il est de 27 % à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, CNRACL, il est de 16 % dans le privé.
Donc, remettons les choses à leur juste place ! Nous ne sommes pas du tout dans la même logique de chiffres ! Les chiffres, il faut être précis quand on les utilise !
Ensuite, vous dites que les rémunérations sont gelées pour trois ans. Mais ce n’est pas du tout le cas ! La négociation que nous avons menée conjointement, Éric Woerth et moi-même, au mois de juillet a abouti à une augmentation du point d’indice de 0, 5 sur l’année 2010. Le gel que nous avons annoncé concerne 2011. Il porte donc non sur trois ans, mais sur une année.
Pouvez-vous confirmer que cela ne se poursuivra pas en 2012 et en 2013 ?
Je vous ai dit très clairement ce qu’il en a été ! Ce qui est en cause, c’est le point d’indice. La rémunération basée sur le point d’indice est gelée sur 2011, après une augmentation de 0, 5 en 2010.
Par ailleurs, il y a l’augmentation catégorielle, dont le retour de plus de 50 % – 73 % en fait – sur l’année précédente issue du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, plus le GVT. Cela veut dire que le pouvoir d’achat, au cours des dix dernières années – y compris dans les années blanches, il y en a eu une seule, en 2003 – a toujours connu une augmentation supérieure à 0, 5 %, net de l’inflation.
Donc, vous ne pouvez pas dire que nous sommes dans une logique qui consiste à geler les rémunérations des fonctionnaires sur trois ans ! Vous ne pouvez pas dire davantage qu’il y a en conséquence gel sur le CAS Pensions.
Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous voulez qu’on se comprenne, je vous soumets une interrogation. Elle porte sur votre façon de calculer le 60 % de la cotisation employeur.
Lorsqu’on parle de la cotisation employeur dans le secteur privé, on parle de sa cotisation mensuelle sur le salaire du salarié. Là, vous prenez la part prise en charge par l’État pour la totalité des pensions à payer sur l’année.
Nous n’avons pas le même mode de calcul. Je fais du mensuel, vous faites du global. En mathématiques, ce n’est pas la même chose. Vous faites un global général : nous ne sommes pas sur les mêmes modes de calcul.
Faites-moi le calcul sur le salaire mensuel du salarié. Moi, qui ai été détachée de l’éducation nationale et qui ai payé ma cotisation employeur pendant tout le temps de mon détachement, je sais que ce n’est pas du 60 % !
L'amendement n'est pas adopté.
L’amendements n’est pas adopté.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mes chers collègues, à ce stade du débat, je voudrais intervenir pour vous dire mon inquiétude.
Le Sénat est un lieu de débat où la parole est traditionnellement respectée.
Mais que devient cette image de raison et de sagesse quand les débats trainent en longueur sans rien apporter de vraiment neuf sur le fond de chaque argument ?
Beaucoup d’entre vous se sont déjà, aux détours d’une prise de parole, de la défense d’un amendement ou d’une explication de vote, exprimés sur une grande partie du texte bien au-delà des vingt articles déjà adoptés. Je rappelle qu’il y en a 121 !
Notre travail se délite et perd toute saveur et consistance comme un pastis qu’on arrose indéfiniment jusqu’à le noyer. Remarquez, je n’ai jamais bu de pastis, mais j’imagine qu’il puisse, à force, n’avoir plus aucun goût. §
Je ne pense pas que les mêmes arguments développés dix fois soient plus convaincants qu’un bon argument exposé clairement une seule fois.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Nous avons déjà siégé plus de 68 heures dans l’hémicycle et 17 heures en commission sans compter le temps consacré aux auditions.
Je vois bien que la fatigue qui nous gagne nous amène à des réactions parfois vives, totalement disproportionnées avec leur objet.
J’ai évoqué le sujet avec le président Larcher et lui ai demandé de me soutenir dans cet appel à la raison et à la sagesse que nos concitoyens attendent de leurs sénateurs.
Mes chers collègues, je souhaite avoir été entendue et que nos débats puissent se poursuivre à un rythme plus soutenu et plus conforme à la dignité et au sérieux que le sujet de la réforme des retraites exige.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
L'amendement n° 782, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Cet amendement porte sur la méthodologie suivie pour aboutir, à l’horizon de 2018, à la mise en œuvre du dispositif d’allongement de carrières prévu par l’article 8.
Nous avons d’ores et déjà indiqué à quel point nous étions opposés à ce processus, et ce par le pur parallélisme des formes qui veut que nous étions opposés au contenu de l’article 5, comme de l’article 6, qui ont allongé la peine des salariés du privé, en faisant payer aux salariés le prix de la notation accordée à la dette publique française par les agences de notation !
Avouez tout de même, mes chers collègues, qu’un tel degré de soumission aux marchés financiers constitue, d’une certaine manière, une défaite du politique devant la finance ! Une défaite qui met à mal le discours volontariste de la France au moment de la crise financière de l’été et de l’automne 2008 et augure mal de ce que pourra changer la présidence française du G20.
Pour en revenir à la question posée par cet article, j’indique que le rapport pour avis de la commission des finances indique que les catégories de fonctionnaires concernés par la faculté de partir en retraite de manière anticipée ont une espérance de vie globalement identique de celle des autres fonctionnaires. Il précise même : « Or ces avantages résultent principalement de situations historiques. Les conditions de travail de ces professions ont, pour certaines, fortement évolué depuis grâce aux progrès des normes de protection, à l’amélioration des équipements individuels et collectifs ou encore aux modifications de l’organisation du travail. À cet égard, selon les données du ministère du travail, l’espérance de vie des catégories actives est identique à celle des autres fonctionnaires ».
Mais faute d’éléments plus précis – aucune étude précise n’est expressément citée pour étayer cette thèse –, il apporte toutefois une précaution utile : « C’est pourquoi votre rapporteur pour avis souhaite que le débat sur la pénibilité qui, après la présente réforme, sera prise en compte dans le calcul des droits à la retraite des salariés du secteur privé, soit également l’occasion, du côté de la fonction publique, de procéder à un réexamen complet des actuelles catégories actives. Pour chacune d’elles, il conviendrait d’évaluer précisément l’impact sur l’espérance de vie de certains facteurs d’exposition auxquels ces agents peuvent être confrontés pendant leur période d’activité. »
Avant que de nous dire véritablement pourquoi tout cela est mené, il est précisé : « Afin de disposer d’un ordre de grandeur global des économies à attendre d’une révision des catégories actives de la fonction publique, votre rapporteur pour avis a demandé au ministère du travail de simuler les effets résultant de la fermeture dès 2011 de la possibilité de partir en retraite avant 60 ans en catégorie active. La mesure atteindrait son plein effet en 2015 et représenterait une économie globale de 1, 2 milliard d’euros. Un réexamen au cas par cas serait bien évidemment nécessaire et réduirait d’autant les économies à attendre de cette mesure. »
Dans ce cadre, la démarche mise en œuvre par le Gouvernement permettrait, dans les faits, par exemple, de couvrir avec cette récupération le surcoût actuel du Fonds spécial de pensions des ouvriers des établissements industriels de l’ État ou une bonne part du décalage actuel de la prise en charge de la retraite des personnels militaires. C’est bien pour refuser cette perspective que nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement.
Monsieur le président, la commission émet un avis défavorable dans la mesure où il s’agit encore d’une suppression, en l'occurrence du dernier alinéa de l’article.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 899, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
- Cet article n'est pas applicable aux sapeurs pompiers professionnels dont la dangerosité du métier est reconnue à l'article 67 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.
La parole est à Mme Annie David.
Avec cet amendement, je voudrais revenir sur la situation des pompiers. Permettez-moi de rappeler les termes de l’un des articles de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, déposée à l’époque par M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales : « La présente loi reconnaît le caractère dangereux du métier et des missions exercés par les sapeurs-pompiers ».
Permettez-moi de citer également quelques mots extraits de l’exposé des motifs de ce texte : « le caractère dangereux des missions des sapeurs-pompiers justifie une reconnaissance de la Nation envers tous ceux, professionnels et volontaires, civils et militaires, qui se dévouent pour porter secours à leurs concitoyens ».
Chacune, chacun en convient : les sapeurs-pompiers sont particulièrement exposés au danger dans le cadre de leurs missions.
Ils sont aussi, au-delà des dangers qu’ils encourent, confrontés en permanence à l’urgence de situations souvent difficiles. Ils se trouvent sans cesse face à des responsabilités importantes puisque leurs actions ont des conséquences sur la vie de personnes en danger.
Ils pallient d’ailleurs bien souvent la casse du service public de santé, une casse que vous organisez, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous et votre Gouvernement considérez la santé, à l’instar de la retraite, comme un marché à offrir au privé.
J’ai souvenir que, lors du débat sur le projet de loi de modernisation de la sécurité civile, un vibrant hommage leur avait été rendu ici-même, dans cet hémicycle. Toutes et tous, dans une belle unanimité, avions alors salué leur compétence, leur courage et leur dévouement.
Cependant, nos collègues de la majorité semblent l’avoir oublié, puisqu’ils n’ont aujourd’hui aucun état d’âme à prolonger la durée de la carrière des sapeurs-pompiers ni aucun égard pour les difficultés et les dangers auxquels ces derniers doivent faire face dans leurs missions quotidiennes.
Pour notre part, nous considérons qu’il serait inacceptable de refuser de prendre en considération la dangerosité de leurs missions, pourtant inscrite dans la loi présentée par M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur.
C’est pourquoi cet amendement a pour objet de maintenir le droit au départ à la retraite dès 55 ans pour les sapeurs-pompiers. Malgré les explications que vous avez bien voulu nous donner tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, il me semble tout de même que la situation de ces derniers, qui est bien particulière, mériterait d’être mieux prise en compte dans ce projet de loi. Je rappelle que l’on déplore chaque année des morts dans leurs rangs !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit.
Monsieur le secrétaire d’État, même dans les rangs de la majorité, certains parlementaires s’interrogent sur le bien-fondé de la remise en cause du droit à la retraite à 55 ans pour les sapeurs-pompiers.
À l’Assemblée nationale, Etienne Pinte n’a-t-il pas rappelé qu’il serait juste de « concrétiser la reconnaissance de la Nation vis-à-vis d’une profession particulièrement exposée au danger, comme l’a reconnu à l’article 67 la loi du 13 août 2004 » ?
Les pompiers bénéficient déjà d’un système dérogatoire. Ils partent à 55 ans, mais ils financent eux-mêmes ce départ anticipé par une surcotisation versée tout au long de leur carrière. Pourquoi refuser, à tout le moins, de maintenir ce système ?
De plus, remettre en question la retraite à 55 ans pour cette profession ne manquera pas de poser des problèmes de sécurité pour les intervenants comme pour les usagers du service public qui les sollicitent.
Tout sapeur-pompier, volontaire ou professionnel, est amené à exercer plusieurs fois au cours de sa carrière des missions dangereuses.
L’exposé des motifs de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile rappelait d’ailleurs les « comportements héroïques » et les « accidents », et notait en outre : « Il convient de ne pas oublier les vingt-cinq sapeurs-pompiers qui ont perdu la vie en 2002 et les quatorze décédés en service en 2003. »
D’ailleurs, il n’est hélas pas besoin de remonter si loin. Chaque année connaît son lot de pompiers morts en service, l’année 2010 comme les autres.
La représentation nationale doit s’en faire l’écho en confirmant son attachement à la prise en compte de la situation particulière des sapeurs-pompiers. Dans ce métier, toute défaillance physique ou nerveuse peut mettre en danger le sauveteur, ses équipiers ou les personnes secourues.
Il est évident que, dans ces conditions, accroître le nombre d’années de travail pour ceux qui exercent cette profession est évidemment une bien mauvaise solution. Où est ici la reconnaissance de la Nation pour leur dévouement ? Doit-elle se contenter de paroles et se passer d’actes concrets ?
Il est vrai que, déjà en 2004, il avait fallu la mobilisation de plusieurs milliers de sapeurs-pompiers pour obtenir enfin que cette reconnaissance légitime soit inscrite dans la loi.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous appelons à maintenir le droit à la retraite à 55 ans pour les pompiers en adoptant cet amendement.
Monsieur le secrétaire d’État, contrairement à ce que vous affirmiez voilà quelques instants, la difficulté du métier de sapeur-pompier tient non pas à la pénibilité, mais à la pression psychologique et à la dangerosité des situations auxquelles sont exposés ces personnels.
En effet, ils exercent un métier particulièrement contraignant sur le plan psychologique ; ils sont constamment sous pression, avec des horaires aléatoires, et doivent se tenir prêts à intervenir de nuit comme de jour.
Ils ne font pas qu’éteindre des incendies ; ils interviennent dans tous les domaines de la sécurité qui concernent nos concitoyens. Ce stress permanent doit être pris en compte, et ce d’autant plus que des vies humaines sont en jeu.
L’autre aspect de ce métier, c’est qu’il présente des risques évidents. Les interventions exposent les sauveteurs au danger. En témoignent les accidents dont sont victimes les sapeurs-pompiers et qui ont pour conséquence que, au final, l’espérance de vie de ces corps de fonctionnaires est inférieure à la moyenne.
Enfin, je voudrais souligner le paradoxe suivant : le projet de loi en discussion prévoit le recul de l’âge de la retraite des personnels concernés, alors que ces derniers souhaitent que la dangerosité de leur profession soit reconnue.
Il existe bien la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, qui reconnaît le caractère dangereux du métier. Mais ce texte n’a eu qu’une portée symbolique. La preuve en est que, depuis plusieurs semaines, les corps de sapeurs-pompiers concernés sont en grève tous les mercredis, pour que la loi, tout simplement, soit appliquée et prise en compte.
Murmures sur les travées de l ’ UMP.
Je n’ai pas l’habitude d’interrompre les autres. C’est le minimum de la courtoisie. Il me semble que Mme la présidente nous a appelés à un peu plus de sérénité. Monsieur le président, il n’est pas acceptable de se faire interrompre !
Monsieur le secrétaire d’État, je vous invite à regarder la réalité en face : les sapeurs-pompiers aujourd’hui connaissent un vrai malaise ; en témoignent les mouvements sociaux qui portent sur la reconnaissance effective de la dangerosité de leur métier.
Vous comprendrez que, dans ce contexte, je voterai cet amendement.
L’explication de vote vaudra pour l’article 8. Monsieur le président, soyez rassuré, je serai très bref.
Je souhaiterais dire à M. le secrétaire d’État, afin qu’il dorme en toute quiétude, que nous sommes d’accord sur trois points.
Premièrement, l’espérance de vie des infirmières est identique à celle des femmes en général.
Deuxièmement, il faut nuancer cette affirmation, car, dans le personnel hospitalier, beaucoup de femmes ayant trois enfants bénéficient de la retraite après quinze années de service.
Troisièmement, il est vrai que des infirmières qui ont la possibilité de partir à la retraite dans ces conditions vont dans le privé ou s’installent en libéral.
Cependant, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi croyez-vous qu’elles quittent la fonction publique alors qu’elles aiment leur métier ? Elles préfèrent s’en aller tout simplement pour trouver un emploi beaucoup plus souple, temporaire, à mi-temps, qui sera moins pénible. Si elles quittent la fonction publique, c’est donc parce que leur travail dans la fonction publique est pénible.
Je mets aux voix l'amendement n° 899.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 33 :
Le Sénat n'a pas adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 15 octobre 2010 à neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010).
Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 733, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).
Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 727, 2009-2010).
Rapport d’information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 721, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.