Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, mais je m’efforcerai, en quelques mots, d’expliquer pourquoi et de répondre aux objections qui ont été formulées.
Monsieur Fischer, je vous ferai tout d’abord remarquer que le texte relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, que j’ai eu l’honneur de défendre ici même avec Éric Woerth, a la particularité de comporter trente articles sur quarante-six qui sont directement issus des accords de Bercy, conclus entre les organisations syndicales et le Gouvernement. C’est une réalité nouvelle dans la fonction publique : le système d’administration permet dorénavant d’aboutir à des points d’accord par la discussion. Je tenais à souligner cette évolution importante.
Le Gouvernement doit-il s’interdire pour autant d’introduire une disposition complémentaire lorsqu’il la juge nécessaire, sachant que nous parlons du statut de la fonction publique, et non de positions contractuelles ? La réponse est non.
Personne ne peut contester ce droit au Gouvernement, et il ne viendrait d’ailleurs pas à l’esprit des organisations syndicales de le faire, elles qui considèrent le statut de la fonction publique comme un formidable acquis. Je voudrais donc, si vous m’y autorisez, mesdames, messieurs les sénateurs, tordre une bonne fois pour toutes le cou à cette idée selon laquelle il serait scandaleux d’introduire un dispositif complémentaire à un accord conclu. Le Gouvernement a parfaitement la légitimité pour le faire, justement parce que nous sommes dans un cadre statutaire. Il en irait évidemment autrement si, un jour, une formation politique d’opposition voulait passer d’une position statutaire dans la fonction publique à un régime purement contractuel – cela me surprendrait beaucoup et, bien évidemment, je m’y opposerais. Mais, pour l’instant, ce n’est pas le cas.
Vous avez évoqué en second lieu la question des primes dans la rémunération, monsieur Fischer. C’est un vrai sujet. C’est précisément pour cette raison que nous n’avons pas modifié, dans la fonction publique, la règle des six derniers mois pour établir la pension. Il aurait été très facile de céder à des sirènes dogmatiques – force est de reconnaître qu’elles ne s’expriment en aucun cas au Sénat en ce moment, pas plus qu’elles ne se sont exprimées à l’Assemblée nationale voilà quelques semaines – qui préconisaient d’aligner le statut de la fonction publique sur le régime général en retenant, par exemple, les vingt-cinq meilleures années pour calculer la pension.
Si nous ne l’avons pas fait, c’est tout simplement parce que le taux de remplacement de 75 % dans la fonction publique se calcule sur une assiette qui exclut les primes, tandis que, dans le régime général, les vingt-cinq meilleures années englobent la totalité de la rémunération.
Le fait que nous n’ayons pas retenu la convergence des régimes sur ce point rend donc votre question de l’intégration des primes dans les salaires moins pertinente, monsieur Fischer. Nous devrons peut-être à l’avenir engager une réflexion à ce sujet. Ce n’est toutefois pas la logique que nous avons privilégiée dans ce projet de loi.
Madame Demontès, vous vous interrogez sur la question des infirmières. Je formulerai trois observations.
Première observation : on peut présenter les choses de façon négative. Je répète que nous leur laissons le choix. Pour ma part, je suis profondément convaincu que la meilleure façon de départager les personnes qui polémiquent sur ce sujet est de savoir si les infirmières vont opter majoritairement pour l’entrée en catégorie A, et donc abandonner la catégorie active, ou si elles vont préférer rester en catégorie B et donc, par définition, faire un choix tout à fait déterminé.
Vous avez présenté le tableau de façon très noire, madame la sénatrice, en affirmant que tout est à perdre dans cette affaire. Je vous rappelle que le choix de la catégorie A correspondra au versement d’un treizième mois, soit à peu près 2 500 euros. Cette somme n’est pas négligeable en termes de pouvoir d’achat.
Deuxième observation : il s’agit de la reconnaissance d’un diplôme à « bac + 3 » selon le schéma licence, master, doctorat, qui implique une véritable trajectoire universitaire et professionnelle. L’on peut dire que c’est un mauvais choix, il n’empêche que les infirmières pourront le faire en toute connaissance de cause et avoir des perspectives intéressantes.
Troisième observation, j’y insiste, le critère de l’espérance de vie n’est pas le meilleur pour essayer de mesurer la pénibilité du métier.
J’ai sous les yeux le tableau établi par l’INSEE sur l’espérance de vie en années. Je parle sous votre contrôle, monsieur Domeizel : en 2007, l’espérance de vie à 60 ans des infirmières pensionnées de la CNRACL était de 27, 1 ans et de 27 ans pour l’ensemble des femmes. En 2008, elle s’établissait à 27 ans pour les infirmières et à 27, 1 ans pour l’ensemble des femmes. À un mois près, elle est donc plutôt favorable aux infirmières. Il existe par conséquent une parfaite corrélation entre l’espérance de vie des infirmières et celle de la population féminine dans son ensemble.
Je persiste à penser, premièrement, que la meilleure façon de nous départager, c’est de laisser le choix aux infirmières ; deuxièmement, que la meilleure façon d’apprécier les catégories actives, c’est de déterminer celles qui relèvent du service public stricto sensu plutôt que de commencer à élaborer des appréciations en termes de pénibilité et d’espérance de vie ; troisièmement, si l’on est cohérent – je ne vous reproche en aucun cas un manque de cohérence –, c’est de bien mesurer que si vous prenez en compte l’espérance de vie pour cette catégorie professionnelle, vous devez en tirer les conséquences et partir de l’idée selon laquelle il n’y a plus de catégorie active d’infirmières.