Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen au Sénat des deux projets de loi relatifs à l’audiovisuel n’aura finalement été qu’un coup d’épée dans l’eau. Quasiment toutes les « avancées » apportées par la Haute Assemblée ont été sacrifiées dans l’accord négocié à Matignon et adopté par la majorité de la commission mixte paritaire réunie mercredi 28 janvier dernier.
Aux oubliettes, donc, notre amendement visant à empêcher la fusion des rédactions et à garantir que chaque chaîne de France Télévisions aura une rédaction propre dirigée par un journaliste, dès lors qu’elle diffuse des journaux télévisés !
Par conséquent, nous n’avons plus aucune garantie sur la pérennité des rédactions propres de France 2 et de France 3, ce qui corrobore nos craintes pour l’avenir quant au périmètre de France Télévisions et au risque, à terme, de suppression d’une chaîne : France 3 ou France 4 au choix, en tout cas celle qui sera le plus profitable pour le privé au moment voulu.
Nous considérons qu’il s’agit là d’une confirmation très forte, a contrario pour ainsi dire, des intentions réelles du Gouvernement, car nous ne connaissons que trop bien ses moyens radicaux de faire des économies : réduction, régression, suppression, disparition…
L’adoption de cet amendement était pourtant le résultat d’un vrai travail collectif avec la commission, au cours duquel, dans un esprit constructif, nous avions accepté un compromis sur sa rédaction. À cet égard, je vous rappellerai, mes chers collègues, les propos de M. Thiollière : « En effet, il est important que les rédactions des différentes chaînes du service public restent indépendantes, bénéficient d’une autonomie de fonctionnement et soient dirigées par des journalistes ; nous pouvons d’ailleurs imaginer que tel sera le cas. »
À la trappe également la reprise, toujours sur notre initiative, des dispositions de la convention collective garantissant aux journalistes le droit de ne pas céder aux pressions et de protéger leurs sources.
À un moment où l’indépendance de l’information et de la programmation dans les sociétés de programme se trouve menacée par les dispositions de ce projet de loi, particulièrement du fait des conditions de nomination et de révocation de leurs responsables, il était indispensable de faire contrepoids en conférant une valeur législative à la charte des devoirs professionnels des journalistes. La CMP en a décidé autrement. C’est encore un frein de moins aux immixtions incessantes de l’exécutif dans les médias audiovisuels !
Il en est allé de même pour le maintien de la publicité sur RFO. Il sera donc inscrit dans la loi que, outre-mer, les intérêts des chaînes privées prévaudront sur ceux du service public… Peu vous importent les conséquences sociales et économiques de cette suppression de la publicité ! Rappelons que cette disposition du texte initial du Gouvernement avait été « retoquée » par le Conseil d’État. C’est la raison pour laquelle elle a été représentée à l’Assemblée nationale par le biais d’un amendement gouvernemental. Outre qu’elle fragilise encore RFO, cette disposition aggrave la non-compensation intégrale de la suppression de la publicité pour tout l’audiovisuel public.
À la trappe, enfin, la majorité des trois cinquièmes des commissions compétentes du Parlement requise pour la révocation des présidents de France Télévision et de Radio France. La majorité s’était déjà couchée devant le caprice présidentiel de la nomination. Elle avait fait preuve de courage, certes de façon minimaliste, concernant la révocation, puisqu’un verrou avait été malgré tout instauré. La CMP l’a fait sauter ! Il est vrai qu’il est insupportable, pour M. Nicolas Sarkozy, au cas où l’idée saugrenue – mais « tout est possible », pour reprendre un slogan bien connu de l’UMP – lui viendrait de révoquer Patrick de Carolis, que de simples parlementaires puissent faire échec à une telle décision.
Le seul amendement sénatorial finalement sauvegardé, par le biais d’un artifice de forme, porte sur l’augmentation de la redevance. L’indépendance de l’audiovisuel public était prétendument un casus belli pour le groupe centriste.
Résultat de ces petits arrangements entre amis : pour préserver une pseudo-victoire symbolique sur la redevance, qui d’ailleurs ne résout en rien le problème du sous-financement chronique de l’audiovisuel public, on assiste à une capitulation en rase campagne sur tout le reste, y compris le verrou en matière de révocation. Si la CMP a eu un mérite, c’est celui de faire tomber les masques !