Intervention de Jack Ralite

Réunion du 4 février 2009 à 15h00
Communication audiovisuelle — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Jack RaliteJack Ralite :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, hier, le ministère de la culture a eu cinquante ans. C’est un anniversaire qui compte. Pourtant, aucune manifestation d’intérêt, de sentiment, d’histoire et d’avenir à son propos n’a eu lieu, si ce n’est un rendez-vous que vous avez eu, madame la ministre, avec quelques artistes.

Je veux dire cela, parce que la symbolique du ministère, son histoire aussi, même si elle fut tourmentée, est d’une grande originalité pour notre pays et a été marquée par de très grandes initiatives et de très beaux résultats. J’ajoute que l’une des raisons de sa création ne peut pas être oubliée : c’est aussi le fruit des grandes luttes populaires pour la culture marquées par les dates de 1936 et de 1945.

Le jour anniversaire – un demi-siècle, je le rappelle –, on fête ce qui a été heureux. Or il n’y a rien eu, ou plutôt si, il y a eu un discours du Président de la République, la veille, installant un Conseil pour la création artistique – disons la vérité : un ministère de la culture bis – « aux côtés du Président de la République à l’Élysée ».

Aujourd’hui, je ne vais pas analyser les propos de M. Sarkozy, sauf à retenir quelques phrases significatives : « Nous allons faire de la culture l’un des éléments majeurs de la lutte pour surmonter la crise. Et pour que ce soit vrai, il faut que la création soit au cœur de cette politique culturelle […]. »

C’est une instrumentalisation de la culture et de la création, et non leur liberté ! Des expressions du discours le corroborent : « évaluer les artistes », « l’union de l’utilité et de la beauté », « […] j’ai besoin […], et même, des résultats ».

Parlant de la commande publique, le Président la juge « à l’aune de l’excellence artistique de l’œuvre, conjuguée à une forme de générosité pour permettre son accès le plus large ». Il ajoute : « C’est donc à moi de donner un coup de pied dans la fourmilière. »

Quelle différence avec le premier titulaire du ministère de la culture, André Malraux, quand il disait, avec son style inimitable : « les grands artistes ne sont pas les transcripteurs du monde, ils en sont les rivaux » !

Tout cela accompagne fortement aussi la politique audiovisuelle. Avant d’aborder celle-ci, je formulerai deux remarques.

En premier lieu, au moment où le ministère de la culture est minoré, doublé, et où sa suppression est même envisagée par un ancien ministre, 224 536 pétitionnaires réclament à Barack Obama un ministère de la culture aux États-Unis. Triste ironie !

En second lieu, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, a eu vingt ans hier. Il a eu droit à une très grande réception – j’y étais – marquée par un discours de son président, Michel Boyon, dont je retiens une seule phrase, mais combien significative ! Alors qu’on nous dit en haut lieu que tout est assuré, garanti et pérennisé quant au financement du service public, Michel Boyon a déclaré : « l’audiovisuel français est en état de sous-financement ».

Au passage, il faut noter que le Président Sarkozy, qui devait parler – un minutage avait été annoncé –, n’a fait que passer sans dire un mot. Les mille participants ont eu l’impression d’une présence absente. À analyser !

C’est dans ce contexte que j’aborde la réunion de la commission mixte paritaire à laquelle j’ai participé comme membre suppléant, c’est-à-dire parlant mais non votant. J’y ai évoqué les cinq domaines dans lesquels la loi sur l’audiovisuel portait de graves conséquences : premièrement, les conditions de nomination du président de France Télévisions, directement par le Président de la République ; deuxièmement, l’insuffisance du financement de l’audiovisuel public, aléatoire pour la période qui s’étend jusqu’en 2011, puis une grande béance, un saut dans l’inconnu à partir de 2012 ; troisièmement, un pluralisme étriqué et quasiment défini par le pouvoir politique – voir l’exposé des motifs du projet de loi et le contenu du cahier des charges ; quatrièmement, une politique de création sous-financée, non pérennisée et contrainte par l’esprit des affaires qui continue de l’emporter sur les affaires de l’esprit ; cinquièmement et enfin, deux grands points d’interrogation quant aux conventions collectives des personnels administratifs, artistiques, des journalistes, et aux risques de licenciements dont n’hésitent pas à parler certaines personnalités de l’UMP.

Tout cela a été évoqué, mais il faut le dire, pour le regretter : les pressions élyséennes comme celles de Matignon ont porté leurs fruits. Presque toutes les avancées légitimes obtenues par le Sénat et auxquelles nous nous étions associés se sont évanouies.

Et pourtant, lors du vote de la Haute Assemblée, il n’y eut que onze voix d’écart en faveur de la position gouvernementale, onze voix d’écart qui tenaient à certaines abstentions visant à encourager les deux principales avancées sénatoriales : le fait que la redevance soit le principal financement de la télévision publique et la nécessité de tenir compte de l’opposition si le Président de la République révoquait celui qu’il avait nommé discrétionnairement à la tête de France Télévisions.

J’ai d’ailleurs constaté l’émotion des intéressés. C’est pourquoi il y aurait un grand intérêt pour le Sénat, déjà bafoué par l’affaire du 5 janvier, de ne pas approuver le texte de la CMP et de rester debout.

Sur le financement, par exemple, les jours que nous vivons confirment totalement ce que j’ai inlassablement dit depuis le début du débat. L’article paru hier dans est terrible pour les laudateurs de la loi qui répètent toujours, sans jamais le prouver, que l’État compense à l’euro près.

Considérons cet article : il démontre irrécusablement que les 450 millions d’euros ne seront que 325 millions et que cette année, comme la taxe sur la publicité ne sera effective qu’après la publication de la loi, les 325 millions deviendront 270 millions.

Ajoutons que les lobbies – ils ont été multiples pendant le débat, à l’Assemblée nationale comme ici – ont obtenu une espèce d’échelle mobile de la taxe. Le rabotage de la taxe sur les opérateurs de télécommunications « a été plus discret, mais pas moins efficace », note .

C’est dire que, dès cette année, la télévision publique amorce sa marche vers l’abîme, et que personne de sérieux ne peut se soustraire à ce fait et ne peut donc s’abstenir de rejeter ce texte gouvernemental, d’autant que l’avancée sur la redevance que nos deux rapporteurs avaient peaufinée est sortie certes encore vivante de la CMP, mais avec un correctif qui n’est pas négligeable.

Nos deux rapporteurs avaient prévu une augmentation de la redevance qui n’avait rien à voir avec l’indexation. Or M. Copé, qui a eu la malencontreuse idée de déclarer que, lui vivant, jamais la redevance ne serait augmentée, a obtenu pour survivre un « bougé » du vocabulaire.

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