France Télévisions est déshabillée par la loi d’une part énorme de son budget et le secteur privé reçoit une véritable garde-robe ! C’est la fragilité pour le service public, sa mise le dos au mur, et le renforcement pour le secteur privé, dans le cadre de la stratégie de soutien aux grands groupes.
Encore quelques mots sur la CMP : quand on n’est pas énergique sur le refus de voir le Sénat bafoué, cela pèse jusque dans la tenue de la commission mixte paritaire elle-même.
C’est ainsi qu’à un moment donné le président Copé a demandé une interruption pour mettre en harmonie des positions UMP et centristes. Les autres membres de la commission ont attendu, de même que les journalistes présents dans le couloir. Quand M. Copé est revenu, manifestement heureux, il a tout de suite exposé à la télévision le résultat des tractations internes à la majorité. Comme un journaliste lui faisait remarquer qu’il n’en avait pas encore parlé avec ses collègues de l’opposition, il a répondu : la décision, ce sera comme je vous le dis. Après seulement, il est venu nous informer – je n’ose plus dire « consulter ».
Ajoutons que la partie de ping-pong entre l’urgence d’abord, puis la non-urgence ensuite sur la loi organique montre à quelle improvisation on a été conduit à cause de l’agitation élyséenne.
Maintenant, abordons une autre question que je voudrais approfondir : celle du recours devant le Conseil d’État qui a fait l’objet de mon rappel au règlement.
En effet, à l’audience du Conseil d’État, avec nos avocats, mon collègue Ivan Renar et moi-même voulions montrer que la lettre de Mme Albanel au président de France Télévisions était une lettre de décision, une lettre qui enjoignait.
Or j’ai là une délibération du conseil d’administration de France Télévisions, en date du 16 décembre, où je lis ceci : le conseil « prend acte du courrier de la ministre arrêtant les orientations relatives à la suppression de la publicité entre vingt heures et six heures à compter du 5 janvier 2009 et confie au président-directeur général la responsabilité de sa mise en œuvre ».
Vous avez entendu : le conseil d’administration prend acte du courrier de la ministre ! C’est donc bien une décision du Gouvernement ; c’est donc bien le Gouvernement qui a joué à saute-mouton par-dessus le Sénat. C’est peut-être un agréable jeu d’enfants, mais c’est intolérable dans le jeu démocratique des institutions !
Cela a fortement ébranlé l’argumentaire ministériel lors de l’audience, mais il y a plus. Comme vous le savez, dans ce type de délibération, les avocats font tout par écrit et commentent généralement en réponse et à fins d’approfondissement les questions du président.
Or l’avocat du ministère avait tu une chose, dans son document écrit : la référence à un arrêté dit « Joxe » qui, disait-il, n’habilitait pas un sénateur ou un groupe de sénateurs à poser une question telle que celle du recours. Or le texte de l’arrêté Joxe indique qu’un sénateur ou un groupe de sénateurs n’est pas habilité à faire des recours sur tout, mais il ne nie pas la possibilité, pour un sénateur ou un groupe de sénateurs, de former un recours concernant la mise en cause du fonctionnement du Sénat, donc du Parlement. Plusieurs jurisprudences avalisent d'ailleurs mon propos.
Toujours au cours de l’audience, les avocats du ministère se sont limités à un argumentaire procédural tournant autour de l’intérêt pour agir, du caractère décisoire, de l’épuisement des effets de la pratique contre laquelle il est requis. Autrement dit, « vous êtes bien gentils, mais c’est trop tard » ! Dernier argument invoqué : « je ne peux pas vous dire que ce que vous appelez la décision ministérielle n’est pas illégale, puisque je considère que ce n’est pas une décision »…
Vous voyez comment d’une atteinte aux libertés on tente de faire un jeu de société. Eh bien, nous ne jouons pas dans cette cour-là ! Nous sommes les législateurs et nous entendons voir protéger et garantir nos droits.