Intervention de Odette Herviaux

Réunion du 4 février 2009 à 21h30
Mise en œuvre du grenelle de l'environnement — Article 28

Photo de Odette HerviauxOdette Herviaux :

… et sont des acteurs incontournables. Toutefois, parce qu’ils sont minoritaires, ils voient leurs problèmes, au mieux, méconnus, au pire, incompris.

J’espère donc que ce texte, qui doit confirmer les débats menés lors du Grenelle de l’environnement, permettra à nos concitoyens de mieux comprendre les problèmes du secteur agricole et, donc, de mieux les assumer collectivement.

Quels sont les grands enjeux d’une agriculture durable ?

Force est d’abord de dresser un constat inquiétant : les prix des produits alimentaires de base ont flambé dans le monde, notamment dans les pays en voie de développement. Globalement, selon la Banque mondiale, ils ont progressé, ces trois dernières années, de 83 % !

En France, la remontée de certains prix alimentaires avait suscité de nombreux débats sur le « pouvoir d’achat » avant même que la crise ne fasse parler d’elle.

Pourtant, experts et spécialistes ont été nombreux à alerter sans relâche, depuis plus de vingt ans, sur l’insécurité alimentaire mondiale, problème qui n’était pas résolu malgré un fort développement économique.

Tout le monde a semblé redécouvrir l’importance stratégique de l’agriculture, alors que nous sommes à la veille de devoir relever un défi impressionnant, comme mon collègue l’a dit tout à l’heure : nourrir, en 2050, une population mondiale qui aura augmenté de 50 %, alors que les terres arables ne cessent de diminuer, notamment autour des grandes villes, du fait d’une urbanisation galopante qui prend les meilleures terres.

Il nous faudra donc être capables de quasiment doubler la production alimentaire mondiale d’ici à 2050, et ce dans un contexte de changements climatiques, de manque d’eau, d’érosion des sols et de menaces sur la biodiversité.

Grâce à l’innovation et, surtout, à l’intelligence des hommes, l’agronomie et l’agriculture peuvent répondre à ce défi au plan mondial en combinant techniques anciennes et nouvelles technologies.

Cependant, les technologies nouvelles n’apporteront pas à elles seules la solution. Il nous faut aussi travailler pour promouvoir d’ambitieuses politiques publiques agricoles permettant de réguler les à-coups inhérents à l’agriculture.

L’objectif est de protéger les agriculteurs et de garantir aux consommateurs une alimentation sûre en qualité et en quantité, via une production agricole régulière, non spéculative, évitant hausses puis baisses erratiques des prix et des volumes produits, dans le souci permanent de la préservation de l’environnement.

C’est tout l’enjeu d’une agriculture diversifiée, de qualité, mais aussi, nous le souhaitons, productive et durable.

Les missions que remplissent les agriculteurs sont en effet multiples : assurer l’alimentation de nos concitoyens, occuper et entretenir le territoire, produire des biens non alimentaires, diversifier les produits et les activités.

En résumé, ces missions multiples répondent à des besoins qui se diversifient eux aussi et qui appellent des types d’agricultures complémentaires.

Comme le disait mon collègue Didier Guillaume tout à l’heure, il ne faut pas chercher à opposer les différentes formes d’agriculture entre elles ni tenter de hiérarchiser qualité et quantité.

On peut dénoncer les dérives de l’agriculture « productiviste », ainsi dénommée à l’époque, dont nous subissons les conséquences dans certains territoires, mais fustiger l’agriculture productive, que je préfère qualifier, personnellement, d’ « écoproductive », c’est renoncer à la sécurité alimentaire.

Réduire l’agriculture uniquement à des circuits courts et à des méthodes plus artisanales, c’est risquer d’abandonner irrémédiablement toute ambition économique pour une activité vitale en matière d’aménagement du territoire.

C’est, au contraire, en insistant sur la nécessaire alliance et l’entrecroisement des différentes formes d’agriculture que nous parviendrons à répondre aux défis présents et futurs qui se posent à nous : nourrir les hommes d’aujourd’hui tout en protégeant ce qui permettra de nourrir les hommes de demain.

Conformément à l’esprit même du Grenelle de l’environnement, une politique agricole ambitieuse devra reconnaître et promouvoir l’ensemble des agricultures écologiquement responsables. À cette condition seulement, notre pays garantira sereinement sa sécurité alimentaire, contribuera à réguler efficacement les soubresauts spéculatifs d’une mondialisation aveugle et sera un acteur majeur d’un développement durable et, j’ajoute, solidaire : la solidarité devra s’exercer envers les plus démunis, entre le Nord et le Sud, entre les générations présentes, et, surtout, avec les générations à venir.

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