Comment ne pas s’inquiéter de l’avenir de l’Agence France-Presse, la seule agence d’information mondiale non anglo-saxonne, dont le statut unique est aujourd’hui menacé ?
Le Gouvernement demande en effet au président-directeur général de cette agence, récemment réélu à son poste, d’ouvrir son capital, ce qui passe par la remise en cause de son statut actuel.
Le statut en vigueur depuis 1957 prévoit que l’Agence France-Presse ne peut passer sous le contrôle d’aucun groupe économique, politique ou idéologique.
Après la Libération, la France a souhaité se doter d’une agence pour s’assurer d’une source indépendante d’information. Il s’agissait de donner aux médias français un réseau international, pour informer le monde autrement. Alors que l’information est plus que jamais stratégique dans nos sociétés, l’AFP est incontestablement l’un des plus remarquables fleurons planétaires dans ce domaine, au service du droit de savoir des citoyens.
Faut-il rappeler que l’information n’est pas une marchandise ?
Cette décision d’ouvrir le capital, si elle était maintenue, constituerait une atteinte grave au rôle du législateur, puisque le statut a été voté en 1957 par le Parlement français. Les pères fondateurs de ce texte avaient eu la sagesse de ne pas doter l’Agence France-Presse d’actionnaires, afin de la faire échapper aux lois « sans conscience ni miséricorde » du marché.
Ce statut particulier a permis, depuis plus d’un demi-siècle, le succès et l’indépendance rédactionnelle de cette agence, présente en continu pour informer, par des textes, des photos, des vidéos et en six langues, des centaines de journaux, de télévisions, de radios, de sites internet, d’institutions, de dirigeants, de décideurs.
L’AFP démontre en permanence son efficacité et sa pertinence. La preuve en est que la productivité de son personnel a progressé de 65 % ces quinze dernières années. C’est aussi par une dépêche de l’AFP que le chef de l’État a appris la libération d’Ingrid Betancourt.
Dans ces conditions, pourquoi vouloir changer une affaire qui marche et faire un premier pas vers une privatisation qui ne dit pas son nom ?
Alors que la contribution de l’État n’a pas été revalorisée en 2008, le nouveau contrat d’objectifs et de moyens vient enfin d’être signé : il prévoit une évolution régulière des abonnements de l’État et 20 millions d’euros d’investissements. C’est une bonne chose, d’autant que les profondes mutions technologiques nécessitent la modernisation numérique de l’AFP, que nous encourageons.
Or le statut de l’AFP, loin d’être un obstacle, constitue un atout pour son développement. C’est pourquoi la déstabilisation de ce qui a été construit année après année dans le domaine stratégique de l’information, qui est un bien public, n’est pas admissible.
Il est important par ailleurs de répondre aux légitimes inquiétudes des 2 000 salariés. Pourquoi remettre en question le statut de l’AFP ? Pourquoi vouloir ouvrir le capital qu’elle n’a pas et compromettre ainsi son indépendance ?