Intervention de Yves Krattinger

Réunion du 10 juin 2009 à 14h30
Réforme de la taxe professionnelle — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Yves KrattingerYves Krattinger :

…des fonds départementaux.

La communauté de communes concernée a aménagé cette zone avec des subventions du conseil général, de la région et de l’État. Je remercie donc le Gouvernement au passage, monsieur le secrétaire d'État ! Grâce à ces aides financières, elle a mis à disposition, dans le cadre d’un bail à construction, le terrain sur lequel est installé l’hôtel d’entreprises et a réalisé la plateforme et les parkings.

Aujourd'hui, deux mois après sa mise en service, deux des quatre cellules de l’hôtel d’entreprises sont occupées, et une troisième le sera dans quelques semaines, par de jeunes entreprises bénéficiant d’un soutien de la région et d’un prêt d’honneur consenti par la plateforme « Haute-Saône initiative ». Il s’agit d’un fonds en faveur des créateurs d’entreprise, qui rassemble l'Europe, l’État, la région, le département, ainsi qu’un certain nombre d’autres partenaires, notamment des banquiers.

À cette inauguration étaient donc évidemment présents l’État, les collectivités territoriales et les chambres consulaires. Chacun s’est félicité du travail commun réalisé en faveur de l’économie et de l’emploi dans un contexte, c’est vrai, de mobilisation générale – le conseil général a d’ailleurs lui-même signé, comme d’autres, la convention relative au FCTVA –, et personne n’a songé à remettre en cause le lien fiscal entre le territoire et les entreprises.

Une telle situation n’est pas du tout spécifique à ce département ou à cette communauté de communes. Au sein de la mission temporaire du Sénat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales, nous débattons notamment de la fiscalité locale, sujet ô combien central. Et tous les témoignages que nous avons entendus vont dans ce sens.

C’est pourquoi toute reforme de la taxe professionnelle doit être conduite en ayant à l’esprit que les destins des entreprises et des territoires sont étroitement liés. Couper le lien fiscal qui les unit serait donc, d’après un point de vue assez largement partagé, dangereux pour leur avenir commun.

Or, monsieur le secrétaire d'État, je suis éminemment convaincu qu’une telle réforme sera de toute manière imposée au Parlement à l’automne prochain, à l’occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2010.

Dans ces conditions, je souhaite proposer une solution de remplacement au projet défendu jusqu’à présent par le Gouvernement. À cet égard, un certain nombre de principes doivent nous guider.

Il faut ainsi maintenir un lien fiscal étroit entre l’activité économique et les collectivités territoriales. Le temps des abus, que nous avons effectivement pu connaître autrefois, est désormais révolu. Il n’y a plus de contentieux entre collectivités et entreprises.

Nous sommes favorables à la suppression de l’imposition sur les investissements, mais il nous semble tout à fait possible de maintenir une imposition assise sur la valeur ajoutée, conformément, d’ailleurs, aux orientations retenues par M. Fouquet dans son rapport. Lors de son audition, récente, par la mission sénatoriale, celui-ci nous a brillamment exposé les conclusions du travail qui avait été effectué. À écouter les uns et les autres, j’ai eu l’impression que ses conclusions étaient assez largement partagées.

Il importe également de maintenir le niveau actuel des ressources des collectivités territoriales. Le contexte vient de nous être largement rappelé, celles-ci se sont vu transférer des compétences supplémentaires, de façon plus ou moins officielle, qui sont autant de besoins de financement supplémentaires.

Il convient, en outre, de maintenir et de renforcer l’autonomie fiscale des collectivités territoriales, inscrite dans notre loi fondamentale.

Il s’agit, encore, de ne pas opérer de transfert de la fiscalité de l’État. Cela reviendrait à l’appauvrir, et, actuellement, il n’a vraiment pas besoin de cela !

Il faut, de plus, supprimer l’interposition permanente entre l’État, les collectivités territoriales et les entreprises dans le paiement, notamment, de la taxe professionnelle, par la suppression des dégrèvements et des compensations. En la matière, d’ailleurs, l’actuel Gouvernement n’est pas le seul responsable, les torts sont partagés.

Il importe, aussi, d’assurer des gains significatifs à l’industrie, secteur le plus soumis à la concurrence internationale, ce qui devrait, à mon sens, recueillir un large consensus.

Enfin, il est primordial de limiter le nombre des perdants dans le mouvement de réforme qui va être engagé. Faut-il le rappeler, d’après le scénario du Gouvernement et les hypothèses annoncées, il y aurait 212 000 perdants, ce qui est loin d’être négligeable !

Pour atteindre tous ces objectifs, je propose, et je ne suis pas le seul, de découpler l’assiette actuelle de la taxe professionnelle en deux impositions distinctes.

Il s’agirait, d'une part, d’un impôt assis sur les valeurs locatives foncières des propriétés bâties des entreprises, celles qui sont comprises actuellement dans l’assiette de la taxe professionnelle et que M. Fouquet a proposé de prendre davantage en compte. Des minorations seraient prévues pour l’industrie, pour lui permettre de profiter pleinement de la réforme. Tout le monde, à mon avis, pourrait s’accorder sur ce point.

Il s’agirait, d'autre part, d’un impôt assis sur la valeur ajoutée, avec un taux fixé par les collectivités et encadré par un plancher et un plafond. Le Gouvernement nous propose un taux fixe, ce qui priverait les collectivités territoriales de toute liberté.

Le taux de la cotisation minimale de taxe professionnelle payée par les entreprises est aujourd’hui de 1, 5 % pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 7, 6 millions d'euros. Ce seuil pourrait être ramené à un million d'euros, ce qui permettrait de retrouver des bases beaucoup plus larges et de faire contribuer le maximum d’entreprises. En effet, plus la fiscalité se concentre sur un petit nombre, plus les taux appliqués sont importants et contestés.

En ce qui concerne le partage de cette fiscalité, l’imposition sur les valeurs locatives foncières irait aux communes et aux intercommunalités – d’ailleurs, toutes les impositions foncières, à l’exception de la part départementale, pourraient aller au bloc communal – et l’imposition sur la valeur ajoutée irait aux régions et aux départements. Après calcul, je ne suis pas le seul à le dire, cette réforme serait beaucoup moins coûteuse pour les finances de l’État que celle qui est proposée. Le solde pourrait être compensé, comme certains l’ont suggéré, par une modification supportable de l’impôt sur les sociétés, en particulier de la tranche la plus élevée.

Je veux faire une observation complémentaire.

Les communes et les intercommunalités pourraient modifier l’imposition sur les valeurs locatives foncières en fixant localement les taux. Le bloc communal ne disposerait pas de recettes assises sur la valeur ajoutée, mais l’imposition basée sur le foncier aurait sa propre dynamique, car il y aura toujours des constructions. Ce serait donc, pour le bloc communal – communes et intercommunalités –, une situation plutôt favorable.

Le plafonnement global à 3, 5 % de la valeur ajoutée pourrait être maintenu pour les impositions cumulées. Ainsi, une entreprise ne pourrait pas payer, au titre de ces deux impôts, un montant supérieur à 3, 5 % de sa valeur ajoutée. Si certaines venaient à payer plus, il pourrait être envisagé, comme c’est le cas actuellement, un remboursement de la part excédant 3, 5 %.

L’évolution des taux entre les impositions « ménages » et l’imposition économique sur les valeurs locatives foncières devrait être liée afin d’éviter tout dérapage au profit de l’un et au détriment de l’autre.

Je veux souligner les points les plus positifs de ces propositions.

Tout d’abord, elles sont réellement favorables à l’industrie, alors que le Gouvernement propose de réduire l’imposition de l’ensemble des entreprises au détriment des recettes des collectivités locales, ce qui serait douloureux.

Ensuite, elles sont plus justes pour les entreprises, puisque le nombre supposé de perdants serait inférieur aux hypothèses issues de la réforme gouvernementale.

Par ailleurs, elles favorisent une consolidation de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales, puisque le montant des dotations allouées aux collectivités serait beaucoup moindre que dans le projet du Gouvernement.

Enfin, comme beaucoup le souhaitent, l’intervention de l’État dans les recettes des collectivités territoriales serait beaucoup plus réduite qu’aujourd’hui.

Je ne veux pas engager de polémique. Je reconnais que des évolutions dans le calcul et la mise en œuvre de la taxe professionnelle sont indispensables ; elles sont même souhaitées par la quasi-totalité des acteurs. Je vous invite, monsieur le secrétaire d’État, à prendre en compte autant que faire se peut dans les projets que vous avez à l’esprit les propositions que je viens de formuler. Je vous remercie par avance de ce que vous pourrez faire en ce sens.

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