Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 10 juin 2009 à 14h30
Réforme de la taxe professionnelle — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, deux projets de loi relatifs aux collectivités locales – le premier concerne la réforme du paysage institutionnel et le second la suppression de la taxe professionnelle – sont en gestation. Ils ne peuvent pas être séparés.

Une réforme institutionnelle, même judicieuse, qui serait accompagnée d’une stérilisation des ressources des collectivités locales serait inacceptable pour ces dernières. Elle serait donc vouée à l’échec.

Or, toutes « chapelles » confondues, les élus locaux sont inquiets. En effet, ils mesurent la capacité d’influence des groupes de pression patronaux sur le Gouvernement, pour qui « supprimer » la taxe professionnelle signifie non pas remplacer l’impôt assis sur l’activité économique, mais le faire disparaître. Supprimer, c’est supprimer. Comme tout principe idéologique, celui-ci est d’application absolue.

Mme Parisot propose en toute simplicité aux collectivités locales de « travailler sur des gains de productivité et l’optimisation de leur gestion d’un certain type de dépenses, celles de fonctionnement, pour compenser la suppression de la taxe professionnelle » !

Mais ce n’est pas dans les provocations du MEDEF que réside la source principale d’inquiétude des élus locaux. À l’exception de Mme Parisot, tout le monde sait bien que la perte d’en moyenne un peu plus de 40 % des ressources des collectivités et de l’essentiel des ressources de leurs groupements devra être compensée. Même le Gouvernement le sait – cela a été indiqué tout à l’heure –, et vous nous le confirmerez peut-être dans quelques instants, monsieur le secrétaire d’État.

Le principal motif d’inquiétude des élus locaux procède du constat que, dans le discours dominant, réforme institutionnelle et réforme de la fiscalité des collectivités locales visent clairement le même objectif. Il s’agit de réaliser des économies au nom de la réduction des « prélèvements obligatoires » et des « critères de convergence de Maastricht », en un mot du catéchisme libéral qui tient lieu de prothèse mentale à tout ce qui compte dans ce pays depuis une trentaine d’années !

Les rapports des poissons pilotes de la réforme et la campagne médiatique en cours développent le même thème : « les élus locaux jettent l’argent du contribuable par la fenêtre et c’est par pur corporatisme qu’ils renâclent aux changements » !

Pour parvenir au résultat, deux voies ont été ouvertes.

La première, assez routinière, passe par la suppression ou, à défaut, par le dépérissement d’un échelon administratif, par la réduction du nombre de collectivités ou de leurs regroupements, par la constitution de grandes collectivités concentrant les compétences de plusieurs et par la suppression de la compétence générale des départements et des régions…

Une telle voie risquant d’être peu roulante, un chemin de contournement a été ouvert. Il s’agira de brider l’ardeur dépensière des collectivités, en fixant une norme annuelle de dépense nationale, sur le modèle des dépenses de santé. À cet égard, je vous renvoie au rapport Balladur. D’ailleurs, j’ai noté que notre collègue Charles Guené l’avait repris sous une autre forme.

La deuxième possibilité, celle dont on parle aujourd'hui, consiste à stériliser les ressources des collectivités locales. Il s’agit de remplacer tout ou partie de la taxe professionnelle par des dotations ou des impôts moins dynamiques, comme la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, la TIPP, la taxe spéciale sur les contrats d’assurance, la TSCA, ou la taxe carbone, qui, par construction, a vocation à rapporter de moins en moins, en tout cas si elle est efficace.

Voilà qui nous amène au cœur du problème : par quoi faut-il remplacer la taxe professionnelle ?

Chacun s’accorde à dire que la taxe professionnelle est un « impôt imbécile ». Cela étant, même si tout le monde partage le diagnostic, personne n’a encore remplacé cette taxe par un impôt plus intelligent, comme celui qui est proposé dans le rapport Fouquet et, une fois n’est pas coutume, par le rapport Balladur.

Notre collègue Yves Krattinger a énuméré tout à l’heure les principaux avantages techniques et a évoqué les points essentiels d’un possible accord. Je n’y reviendrai donc pas. Je l’avoue, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les propositions formulées par notre collègue Jean-Pierre Fourcade. Je regrette que nous n’ayons pas plus de temps pour en discuter. Mais il y a tout de même des propositions sur lesquelles nous pourrions, me semble-t-il, parvenir à un accord ou à un compromis.

Vous l’aurez compris, pour beaucoup d’élus, l’essentiel est que ce nouveau prélèvement assure aux collectivités locales une réelle autonomie fiscale, car c’est la forme la plus aboutie de l’autonomie financière.

S’il est tout à fait positif de remplacer une taxe dont la collectivité ne peut pas faire varier le taux, remplacer une taxe dont elle peut faire varier le taux par un impôt d’État serait une régression pour l’autonomie locale. Et remplacer un véritable impôt par une dotation est encore pire.

Je pense notamment à la dernière proposition que nous avons pu découvrir dans la presse. Il est proposé de remplacer une partie, voire la totalité, de la taxe professionnelle par une fraction de l’impôt sur les sociétés. À terme, cela finira comme la part « salaires » de la taxe professionnelle, c'est-à-dire en dotation d’État.

Enfin, je m’adresserai aux experts ès économies et aux prédicateurs de la productivité, en concluant sur un truisme dont la portée semble leur avoir échappé. Les dépenses des collectivités locales et de l’État sont également des salaires, donc du pouvoir d'achat. C’est autant de débouchés pour les entreprises et de perspectives d’emplois.

Monsieur le secrétaire d’État, qu’aura-t-on gagné quand on aura stérilisé la ressource qui a, jusque-là, permis aux collectivités locales d’assurer les trois quarts de l’investissement public en maintenant un niveau d’endettement quasi constant depuis un peu plus de vingt-cinq ans ? Qu’aura-t-on gagné, à part un droit d’entrée au purgatoire de Maastricht pour la France et ses millions de chômeurs et de sous-employés, d’ailleurs en augmentation ?

Le problème auquel nous sommes confrontés est essentiel pour les collectivités locales, mais pas seulement pour elles. La question fondamentale est de savoir quel rôle on veut leur faire jouer dans la dynamique économique de notre pays.

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