Intervention de Claude Biwer

Réunion du 10 juin 2009 à 14h30
Réforme de la taxe professionnelle — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Claude BiwerClaude Biwer :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, annoncée voilà quelques mois par le Président de la République, la réforme, voire la disparition de la taxe professionnelle a suscité de grands espoirs chez les dirigeants d’entreprise, mais également – il faut bien le dire – une certaine inquiétude chez les élus locaux.

De grands espoirs chez les chefs d’entreprise, car ils sont bien placés pour savoir combien cet impôt, à l’origine fondé sur les salaires et les investissements, était antiéconomique et pénalisait la compétitivité de leurs entreprises, même s’ils se demandent par quoi et quand cette taxe sera remplacée.

Une certaine inquiétude chez les élus locaux, parce que, même si le Gouvernement a pris l’engagement que cette perte de recettes serait intégralement compensée par l’État, ils craignent, instruits par l’expérience, que cette compensation ne soit pas totale et, surtout, progressive et ne se traduise une fois de plus par une réduction de leur autonomie fiscale. Ils se posent aussi la question du remboursement des dettes contractées par les collectivités locales, afin d’investir pour l’économie et l’emploi. Cela repose essentiellement sur les recettes de taxe professionnelle.

Il faut bien le dire, pour l’heure, nous ne savons pas exactement quels seront l’ampleur et le calendrier de la réforme. Tout au plus avons-nous appris que celle-ci pourrait être progressive et se traduire dans la loi de finances pour 2010 par un dégrèvement de taxe professionnelle sur les équipements et biens mobiliers et que s’ensuivrait une période de transition de deux ou trois ans, afin de préparer un nouveau schéma de financement des collectivités territoriales.

Ainsi donc, la disparition de la taxe professionnelle serait actée avant que l’on ne connaisse plus précisément les compensations appliquées. Un tel calendrier n’est ni souhaitable ni soutenable.

Il faut quand même s’en souvenir, la taxe professionnelle représente une ressource essentielle pour les communes, les communautés de communes, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines, les départements et les régions, soit 44 % du produit des quatre taxes directes locales et 17 % des recettes réelles de fonctionnement.

Par ailleurs, la taxe professionnelle constitue une recette dynamique et stable, mais également une source importante de flexibilité fiscale permettant aux collectivités territoriales d’ajuster le niveau de leurs recettes et de leurs dépenses.

Or, comme l’a fait observer à juste titre une agence de notation des collectivités territoriales, les ressources envisagées pour remplacer la taxe professionnelle incluraient à la fois des dotations budgétaires et le transfert de recettes fiscales existantes, qui seraient moins dynamiques que la taxe professionnelle et dont les collectivités ne pourraient pas, ou pourraient très peu, modifier la base ou le taux d’imposition.

Ces ressources de substitution réduiraient donc considérablement la marge de manœuvre fiscale des collectivités locales. Ainsi, les taxes modifiables pourraient ne plus représenter que 24 % des recettes de fonctionnement des régions, contre 38 % aujourd’hui et 19 % de celles des départements, contre 34 % à ce jour.

Cette agence de notation conclut que la suppression de la taxe professionnelle pourrait affecter la solvabilité des collectivités territoriales, ce qui pourrait avoir des conséquences néfastes sur leur future capacité d’endettement et d’investissement.

Dans un esprit de modernité, nous ne sommes pas a priori hostiles à la suppression de cette taxe, mais nous nous étonnons qu’une telle annonce ait pu être faite alors que, manifestement, ses conséquences n’avaient pas été correctement mesurées.

Cela étant dit, si le projet de loi de finances pour 2010 doit acter cette suppression, il faut impérativement que, dans le même temps, la représentation nationale ait à statuer sur les recettes de substitution.

Notre collègue Jean-Pierre Fourcade a bien cerné ce problème et a fait des propositions concrètes, sur lesquelles nous aurons l’occasion – j’en suis sûr – de revenir.

Par ailleurs, parmi les recettes de substitution, il faut absolument que les exécutifs des collectivités territoriales puissent disposer d’une marge de manœuvre, sinon leur autonomie fiscale ne sera plus qu’un vague souvenir.

Enfin, même si l’on comprend les préoccupations des entreprises, surtout à un moment où elles souffrent terriblement, l’idée de mettre en place un impôt économique local, avancée par les associations d’élus et combinant, par exemple, le foncier et la production des entreprises, ne doit pas être totalement écartée ; elle doit être étudiée sérieusement avec ses avantages et ses inconvénients, en concertation avec les chefs d’entreprise et les collectivités territoriales elles-mêmes.

J’ajoute qu’il me paraît souhaitable non pas de figer à un moment donné la compensation de la suppression de la taxe professionnelle, mais de continuer à encourager les collectivités territoriales à investir pour l’emploi.

En effet, sans ce retour, qui permettra d’assurer les financements dans l’avenir, les collectivités territoriales ne consentiront plus les efforts utiles pour favoriser l’essor économique.

Or sans recherche et sans approche industrielle comme savent le faire les élus territoriaux, il n’existe pas de solution industrielle, donc pas d’investissement pour l’avenir et, par conséquent, pas d’emplois.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler sur cette réforme très importante, qui engage l’avenir de nos entreprises et de nos collectivités territoriales.

Nous attendons des réponses précises, voire des propositions, et nous souhaitons qu’une réflexion soit lancée sur ce sujet dès que possible, à laquelle nous pourrions participer le cas échéant.

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