Intervention de Jean-Pierre Bel

Réunion du 9 décembre 2004 à 11h00
Loi de finances pour 2005 — Iv. - tourisme

Photo de Jean-Pierre BelJean-Pierre Bel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma collègue Bariza Khiari se réservant d'intervenir dans un instant plus longuement sur ce budget du tourisme, je m'en tiendrai, pour ma part, à quelques éléments d'appréciation.

Monsieur le ministre, nous sommes obligés d'en faire le constat, le budget qui nous est soumis aujourd'hui ne prend pas suffisamment la mesure de la crise que subit le secteur du tourisme en France.

Les chiffres sont clairs et parlent d'eux-mêmes : en 2003, pour la deuxième année consécutive, le nombre des touristes étrangers en France est passé de 77 millions à 75 millions, ce qui a eu pour conséquence la chute de deux milliards d'euros du premier poste excédentaire des échanges français, soit une baisse de 14, 5 %.

Pourtant, car il faut toujours se comparer aux autres, pendant la même période, les arrivées des touristes étrangers en Europe ont progressé de 0, 4 %.

En 2004, selon les premiers indicateurs, les nuitées marchandes sont en baisse de 6 % à 8 %. Le phénomène de désaffection, en tout cas de net ralentissement, des clientèles européennes qui constituent tout de même plus de 80 % de notre clientèle étrangère, semble s'être confirmé, ainsi que la baisse du taux de départ des Français.

Dans un contexte international que chacun juge incertain et face à une situation économique et sociale qui se détériore, le secteur du tourisme dans notre pays continue donc à se fragiliser. La perte d'attractivité de notre offre touristique devient une tendance lourde, dans un marché où les concurrents sont toujours plus nombreux et très compétitifs. Il y a 20 ans, la France, nous le savons, devait affronter 50 destinations concurrentes. Aujourd'hui, il en existe plus de 580.

Eu égard à la situation et à l'importance de l'industrie du tourisme, nous pouvions nous attendre à ce que le Gouvernement mettre tous les moyens en oeuvre pour redynamiser un secteur en difficulté. Mais, alors que nos concurrents les plus directs investissent massivement dans la réorientation de leur offre touristique, le budget du tourisme se maintient en France à un niveau très insuffisant.

Le projet de budget du tourisme pour 2005 qui nous est soumis s'élève aujourd'hui à 75, 2 millions d'euros en moyens d'engagement et à 74, 59 millions d'euros en moyens de paiement.

Pour 2005, seuls les crédits de fonctionnement de l'administration centrale, comme cela a été dit, augmentent de 2, 2 millions d'euros afin de permettre le financement du déménagement de la direction du tourisme dans ses nouveaux locaux.

Faute de moyens supplémentaires, il est fort à craindre que la stratégie de reconquête des touristes, définie lors des deux comités interministériels de septembre 2003 et de juillet 2004, n'ait pas l'efficacité escomptée.

Pour s'en convaincre, il suffit de pointer l'un des objectifs prioritaires mis en avant par le Gouvernement : la promotion de la destination France à l'étranger. En septembre 2003, le Gouvernement s'était engagé à verser, sur deux ans, 8 millions d'euros de crédits supplémentaires pour la promotion. Mais, dans les faits, les crédits ouverts au titre du collectif pour 2003 n'ont été que de 2, 42 millions d'euros, et les crédits votés pour 2004 n'ont augmenté que de 1, 2 million d'euros.

Quant aux crédits supplémentaires alloués au groupement d'intérêt économique Maison de la France, dont je salue le travail en faveur de l'image touristique de notre pays, ils passent de 29, 3 millions à 30, 3 millions d'euros.

Il faut toutefois souligner que cette augmentation n'est que la compensation de l'annulation de la même somme sur le budget pour 2004.

En 2004, l'Espagne, pays que je connais bien, a consacré plus de 100 millions d'euros à la promotion de son offre touristique. Il est intéressant de faire cette comparaison avec notre voisin, car elle nous permet de mieux mesurer l'écart existant entre vos intentions, celles du Gouvernement, et les moyens réellement dégagés pour les atteindre.

Le ministère du tourisme souhaite également, et c'est très positif, faciliter l'accès aux vacances pour tous. En effet, aujourd'hui 35 % de nos concitoyens ne partent jamais en vacances.

Pour y remédier, des politiques ont été mises en place. Mais, là encore, les financements ne suivent pas.

La dotation de la politique d'accès aux vacances pour tous, après avoir diminué de 16 % en 2004, doit baisser à nouveau de 20 % cette année. Alors que le montant de la subvention programmée en faveur de la Bourse Solidarité Vacances au début de 2004 était de 900 000 euros, il s'est en réalité élevé à 200 000 euros.

Enfin, le programme de consolidation des hébergements de tourisme social ne bénéficiera en 2005 d'aucune autorisation de programme. Les crédits de paiement diminueront, eux, de plus de 60 %.

Devant ces arbitrages, je crois nécessaire de me faire le relais de nombreux acteurs du tourisme social qui s'inquiètent de cette quasi-absence des subventions de l'Etat, alors que ces aides conditionnent pour ce secteur du tourisme l'obtention de prêts par les collectivités locales.

Le troisième point de faiblesse de ce budget pour 2005 porte sur le désengagement de l'Etat, qui risque bientôt d'avoir des conséquences dramatiques, au titre des crédits consacrés aux contrats de plan Etat-région. M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques vient de le confirmer à l'instant.

Ces crédits, qui s'élèvent à 2, 5 millions d'euros, sont donc en diminution de 22, 4 % par rapport à 2004. Cette baisse inquiétante, qui fait suite à celle de l'année dernière, risque de compromettre un outil majeur de rééquilibrage de l'offre touristique sur l'ensemble de notre territoire.

Les zones rurales, en particulier, seront certainement les premières à souffrir de cette asphyxie programmée, alors même, et notre collègue M. Mouly vient de le préciser, que ces territoires, au travers de l'action menée par les comités départementaux et régionaux du tourisme, jouent un rôle important dans la mise en valeur de notre patrimoine.

Les inquiétudes qui pèsent, à ce titre, sur le financement des contrats de pays ou même des projets liés aux pôles touristiques de montagne ne peuvent qu'accroître nos préoccupations, et je le constate tout particulièrement dans ma région et dans mon département de l'Ariège.

Faiblesse des moyens consacrés à la promotion de la France à l'étranger, tourisme social en berne, diminution des crédits des contrats de plan : tous ces éléments affaiblissent malheureusement la position de notre pays.

Le ralentissement du marché intérieur ne pourra pas être compensé par le développement de nouveaux marchés, on parle de la Russie ou de la Chine.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, il est fort à craindre que le secteur du tourisme en France ne connaisse un climat aussi morose en 2005 qu'en 2004, et, pour vous inciter à redresser la situation, le groupe socialiste ne votera pas votre budget.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion