Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits affectés à l'emploi et au travail, quasiment reconduits à l'identique pour 2005, s'élèvent à plus de 32 milliards d'euros. C'est le troisième budget de 1a France après celui de l'éducation nationale et le service de la dette. C'est dire l'importance qu'il représente. Compte tenu d'un changement de périmètre, il marque une hausse de 1, 8 %, en totale conformité avec la norme « zéro volume ».
Je vous rappelle qu'en 2004 ces crédits avaient doublé en raison de la suppression du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, au travers duquel la compensation des allégements généraux de charges auprès de la sécurité sociale avait été largement débudgétisée.
Je souhaite vous faire part de quelques observations que m'inspire ce budget de l'emploi et du travail pour 2005.
Tout d'abord, malgré les énormes moyens financiers mis en oeuvre, le taux de chômage ne diminue pas. Depuis 2001, la situation de l'emploi s'est largement détériorée. Elle a fini par se stabiliser au premier semestre 2004, s'établissant à un taux de 9, 9 %. La France entretient ainsi, en sa défaveur, un différentiel de près de 1, 5 point avec l'Union européenne à quinze.
La stagnation observée au premier semestre 2004 n'a malheureusement pas empêché une nouvelle dégradation du chômage des moins de vingt-cinq ans, qui affiche le taux impressionnant de 21, 5 %.
En vérité, nous souffrons d'un chômage structurel très élevé, qui appelle des réformes impératives pour que les entreprises acceptent de réembaucher.
En effet, avec les 35 heures imposées, la rigidité de l'emploi, un dollar trop bas, ce qui n'arrange rien pour les exportations, des charges sur salaires trop élevées, les chefs d'entreprise, qui acquittent des impôts qu'ils sont les seuls à supporter en Europe, sont obligés de sous-traiter de plus en plus à l'étranger pour rester compétitifs.
Ces remarques appellent ma deuxième observation.
Le budget pour 2005 s'inscrit dans le cadre du plan de cohésion sociale, qui cherche à s'orienter vers le modèle danois de « flex-sécurité ». Ce modèle condamne de façon absolue le traitement social du chômage que nous pratiquons et qui, en réalité, ne crée que peu d'emplois.
Au Danemark, où le taux de chômage est inférieur à 6 %, les deux piliers de la « flex-sécurité » sont, d'une part, un marché de l'emploi libéralisé, avec la liberté d'embaucher et de licencier ainsi que l'absence de salaire minimum et de durée légale du travail, et, d'autre part, une assurance chômage généreuse en contrepartie d'un renforcement des obligations en matière de recherche d'un travail.
Ce modèle d'efficacité est exemplaire. En effet, ce n'est pas dans l'entreprise que les salariés peuvent trouver une véritable protection en matière d'emploi, c'est au dehors.
Si l'on persiste à croire que la garantie de l'emploi consiste à rigidifier l'emploi, on se trompe lourdement. En effet, si une entreprise qui manque de travail dispose d'un personnel surabondant qu'elle ne peut pas licencier, elle n'embauche plus et risque de disparaître avec tous ses salariés. C'est pour cela que le chômage augmente en France.
Le rapport Virville a proposé un contrat de projet permettant d'embaucher du personnel pour l'exécution d'une mission. Sa mise en place serait très utile. Ce dispositif serait bien préférable aux actuels contrats à durée déterminée. Le personnel ainsi embauché sait qu'il restera en poste tant que la charge de travail demeurera. C'est d'ailleurs ce qui se passe pour les vendangeurs embauchés pour la durée des vendanges.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous éclairer sur l'assouplissement du contrat de travail résultant de la mise en place du contrat de projet, qui me paraît être une excellente mesure ?
J'en viens à ma troisième observation.
Dans le cadre du plan de cohésion sociale, le budget pour 2005 traduit une simplification bienvenue des aides aux publics prioritaires. Sept dispositifs succéderont aux quatorze actuels.
Pour les jeunes, un contrat de professionnalisation unique, exonéré totalement de charges sur salaires pour les moins de vingt-cinq ans, coexiste désormais avec le contrat d'apprentissage et le contrat jeune en entreprise.
S'agissant des publics en difficulté, les chômeurs de longue durée disposeront, pour le secteur non marchand, du contrat d'accès à l'emploi, qui succède aux contrats emploi-solidarité et aux contrats emplois consolidés.
Pour le secteur marchand, la dénomination du contrat initiative-emploi est conservée, mais ce contrat fait l'objet d'améliorations sensibles, qui, comme pour le contrat d'accès à l'emploi, vont dans le sens d'une meilleure adaptabilité aux particularités locales.
En outre, contrat initiative-emploi et contrat d'accès à l'emploi seront gérés à l'échelon régional au moyen d'une enveloppe fongible. Par ailleurs, le revenu minimum d'activité, le RMA, est recentré sur le secteur marchand tandis qu'un contrat d'avenir, pendant du RMA pour le secteur non marchand, est mis en place.
Le Gouvernement souhaite ainsi relancer l'accès à l'emploi pour les minima sociaux. Cependant, je ne partage pas tout à fait son optimisme sur l'efficacité de la réinsertion dans un secteur non marchand qui ne participe pas à la croissance et ne conduit pas le bénéficiaire à une véritable activité professionnelle.
Enfin, les différents stages « occupationnels », peu efficaces pour le retour à l'emploi, sont heureusement en voie d'extinction.
En tout état de cause, 415 000 entrées dans les différentes formes de contrats aidés destinés aux publics en difficulté sont prévues en 2005. Toutefois, il faut savoir que ces plans coûtent chers à notre budget : 17 milliards d'euros.
Je regrette que ce projet de budget, très généreux pour réduire les coûts de fonctionnement des entreprises en prévoyant le paiement à leur place des charges qui pèsent sur les salaires, ne crée que peu d'emplois marchands. Par ailleurs, rien n'est prévu pour faciliter les investissements nécessaires des entreprises et pour permettre la création d'activités nouvelles et d'emplois marchands : ni aides au financement de la modernisation des installations industrielles, ni aides à la recherche et au développement de nouveaux produits, ni aides à l'exportation, ni aides remboursables.
Il est à noter que de telles aides ne sont pas récurrentes, c'est-à-dire qu'elles sont octroyées une fois pour toutes, alors que les aides à l'emploi, les aides au fonctionnement, sont malheureusement récurrentes et répercutées chaque année.
Il est certain que l'affectation de tout ou partie des 17 milliards d'euros que j'ai évoqués précédemment à des aides à l'investissement serait bien plus productive en termes de création d'emplois que les aides au fonctionnement récurrentes.
J'en viens à ma quatrième observation.
L'optimisation du marché du travail se poursuit. Ce marché devrait s'améliorer avec une action sur la formation.
Cette action est d'abord qualitative. L'apprentissage est relancé et facilité, avec un crédit de 600 millions d'euros de moyens nouveaux dès 2005. Je rappelle par ailleurs que l'âge des apprentis sera abaissé. L'article 75 rattaché tend cependant à mettre fin aux exonérations de charges au moment de l'obtention du diplôme, et non à la fin du contrat, ce qui serait pourtant préférable.
Cette action est ensuite quantitative. Est prévu le financement des charges liées aux hausses du SMIC programmées par la loi Fillon, hausses qui interviennent malheureusement sans augmentation d'horaires. Par ailleurs, il est mis fin au « SMIC hôtelier », dispositif très coûteux pour l'Etat et pour les entreprises.
La suppression des dispositifs de préretraite favorise la poursuite de l'activité des personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans. De ce point de vue, en effet, la France se situe en retrait par rapport à la moyenne européenne et très en retrait par rapport aux objectifs fixés lors du Conseil européen de Lisbonne. La préretraite, si elle permet de libérer des emplois, a pour grave inconvénient de priver les entreprises d'un personnel qualifié et compétent, d'une culture et d'un savoir indispensables. La suppression de ces dispositifs est donc une excellente décision.
D'une façon générale, la forte augmentation des minima salariaux sans contrepartie d'augmentation des horaires a eu des conséquences très négatives sur le budget de l'Etat, qui s'est obligé à en payer une partie aux entreprises. Ces charges ont encore aggravé notre déficit budgétaire.
L'article 74 rattaché tend à réduire le champ des rémunérations qui donneront lieu à réduction de charges sociales, d'une fourchette allant de 1 à 1, 7 fois le SMIC horaire à une fourchette allant de 1 à 1, 6 fois le SMIC horaire. L'économie attendue en 2005 est estimée à 1, 2 milliard d'euros. Ce montant est proche du surcoût entraîné par la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale pour 2005 - 681 millions d'euros - et de l'aide à l'emploi dans la restauration -550 millions d'euros. Il serait judicieux de poursuivre cette diminution en 2006, en 2007 et en 2008 en passant progressivement de 1, 6 à 1, 4, ...