Séance en hémicycle du 9 décembre 2004 à 15h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à treize heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, j'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Georges Berchet, qui fut sénateur de la Haute-Marne de 1974 à 2001.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Gisèle Printz, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Monsieur le président, nous regrettons que chaque intervenant ne dispose que de cinq minutes pour intervenir dans la discussion d'un budget portant sur des crédits d'un montant atteignant plusieurs dizaines de milliers d'euros et qui concerne des milliers de salariés dont l'avenir est en jeu.

Par ailleurs, il est tout de même paradoxal que le Premier ministre fasse des annonces relatives aux 35 heures, au compte épargne-temps, aux heures supplémentaires, toutes mesures qui tendent à démanteler les 35 heures et, de ce fait, à ramener la législation du travail soixante ans en arrière, le jour où le Sénat examine le budget consacré à l'emploi et à la formation professionnelle. Ce n'est bon ni pour le Parlement, ni pour l'image du Sénat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Je tiens à élever la plus vive protestation contre l'attitude du Gouvernement, qui, le 5 novembre dernier, a pris des engagements dans cette enceinte lors de la discussion d'un amendement alors qu'ultérieurement, à l'Assemblée nationale, il a laissé la voie libre aux exigences du patronat, singulièrement à celles des patrons de presse.

Ce propos vise l'amendement défendu par M. de Broissia et par Mme Hermange relatif aux horaires définissant le travail de nuit. Personne ne doit être dupe : cet amendement, définitivement adopté par la commission mixte paritaire hier, résulte d'une requête dictée par les dirigeants de la Socpresse notamment.

Au bénéfice d'intérêts privés, une disposition essentielle du code du travail vient de disparaître. C'est inacceptable.

Lors des débats, vous indiquiez, monsieur Larcher : « je rappelle que le Gouvernement s'en est remis à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 174 rectifié quater de M. Dassault, qui a trait à la formation et qui ne présente d'ailleurs par un caractère obligatoire. » Je dénonçais pour ma part cette disposition. Vous poursuiviez, monsieur le ministre : « Par ailleurs, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 183 rectifié. Cela étant, monsieur Muzeau, nous avons le bonheur d'être dans un régime bicamériste. Or, sur ce sujet du travail de nuit, j'ai décidé de consulter les partenaires sociaux. Je vous renvoie donc au Journal officiel de l'Assemblée nationale ! »

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, précisait quant à lui : « tout en indiquant que la commission est défavorable à cette seconde délibération, j'en profite pour dire que je désapprouve l'adoption par le Sénat de l'amendement n° 183 rectifié sur le travail de nuit. Je souhaite donc que l'on revienne sur cette disposition, qui n'est pas normale. »

Lors de l'interruption de la séance, M. Borloo m'a indiqué que cette disposition n'apparaîtrait plus après les débats à l'Assemblée nationale. Or, comme je viens de vous le dire, la commission mixte paritaire a, hier, définitivement entériné ces avantages anormaux et cette casse du code du travail. Je tiens à préciser que M. Dassault n'est pas étranger à cette prise de décision.

Monsieur le ministre, je vous demande de déposer, au nom du Gouvernement, un amendement de suppression de cette disposition particulière lors de l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire la semaine prochaine.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur celles du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je vous donne acte de vos rappels au règlement, madame Printz, monsieur Muzeau. .

Je vous rappelle, mes chers collègues, que l'organisation de nos travaux est décidée par la conférence des présidents, dont je suis chargé d'appliquer les conclusions.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, la santé et la cohésion sociale : I. - Emploi et travail.

J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentale fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.

Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis, et enfin à chaque orateur des groupes.

Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.

Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.

J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.

La parole est à M. Serge Dassault, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les crédits affectés à l'emploi et au travail, quasiment reconduits à l'identique pour 2005, s'élèvent à plus de 32 milliards d'euros. C'est le troisième budget de 1a France après celui de l'éducation nationale et le service de la dette. C'est dire l'importance qu'il représente. Compte tenu d'un changement de périmètre, il marque une hausse de 1, 8 %, en totale conformité avec la norme « zéro volume ».

Je vous rappelle qu'en 2004 ces crédits avaient doublé en raison de la suppression du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, au travers duquel la compensation des allégements généraux de charges auprès de la sécurité sociale avait été largement débudgétisée.

Je souhaite vous faire part de quelques observations que m'inspire ce budget de l'emploi et du travail pour 2005.

Tout d'abord, malgré les énormes moyens financiers mis en oeuvre, le taux de chômage ne diminue pas. Depuis 2001, la situation de l'emploi s'est largement détériorée. Elle a fini par se stabiliser au premier semestre 2004, s'établissant à un taux de 9, 9 %. La France entretient ainsi, en sa défaveur, un différentiel de près de 1, 5 point avec l'Union européenne à quinze.

La stagnation observée au premier semestre 2004 n'a malheureusement pas empêché une nouvelle dégradation du chômage des moins de vingt-cinq ans, qui affiche le taux impressionnant de 21, 5 %.

En vérité, nous souffrons d'un chômage structurel très élevé, qui appelle des réformes impératives pour que les entreprises acceptent de réembaucher.

En effet, avec les 35 heures imposées, la rigidité de l'emploi, un dollar trop bas, ce qui n'arrange rien pour les exportations, des charges sur salaires trop élevées, les chefs d'entreprise, qui acquittent des impôts qu'ils sont les seuls à supporter en Europe, sont obligés de sous-traiter de plus en plus à l'étranger pour rester compétitifs.

Ces remarques appellent ma deuxième observation.

Le budget pour 2005 s'inscrit dans le cadre du plan de cohésion sociale, qui cherche à s'orienter vers le modèle danois de « flex-sécurité ». Ce modèle condamne de façon absolue le traitement social du chômage que nous pratiquons et qui, en réalité, ne crée que peu d'emplois.

Au Danemark, où le taux de chômage est inférieur à 6 %, les deux piliers de la « flex-sécurité » sont, d'une part, un marché de l'emploi libéralisé, avec la liberté d'embaucher et de licencier ainsi que l'absence de salaire minimum et de durée légale du travail, et, d'autre part, une assurance chômage généreuse en contrepartie d'un renforcement des obligations en matière de recherche d'un travail.

Ce modèle d'efficacité est exemplaire. En effet, ce n'est pas dans l'entreprise que les salariés peuvent trouver une véritable protection en matière d'emploi, c'est au dehors.

Si l'on persiste à croire que la garantie de l'emploi consiste à rigidifier l'emploi, on se trompe lourdement. En effet, si une entreprise qui manque de travail dispose d'un personnel surabondant qu'elle ne peut pas licencier, elle n'embauche plus et risque de disparaître avec tous ses salariés. C'est pour cela que le chômage augmente en France.

Le rapport Virville a proposé un contrat de projet permettant d'embaucher du personnel pour l'exécution d'une mission. Sa mise en place serait très utile. Ce dispositif serait bien préférable aux actuels contrats à durée déterminée. Le personnel ainsi embauché sait qu'il restera en poste tant que la charge de travail demeurera. C'est d'ailleurs ce qui se passe pour les vendangeurs embauchés pour la durée des vendanges.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous éclairer sur l'assouplissement du contrat de travail résultant de la mise en place du contrat de projet, qui me paraît être une excellente mesure ?

J'en viens à ma troisième observation.

Dans le cadre du plan de cohésion sociale, le budget pour 2005 traduit une simplification bienvenue des aides aux publics prioritaires. Sept dispositifs succéderont aux quatorze actuels.

Pour les jeunes, un contrat de professionnalisation unique, exonéré totalement de charges sur salaires pour les moins de vingt-cinq ans, coexiste désormais avec le contrat d'apprentissage et le contrat jeune en entreprise.

S'agissant des publics en difficulté, les chômeurs de longue durée disposeront, pour le secteur non marchand, du contrat d'accès à l'emploi, qui succède aux contrats emploi-solidarité et aux contrats emplois consolidés.

Pour le secteur marchand, la dénomination du contrat initiative-emploi est conservée, mais ce contrat fait l'objet d'améliorations sensibles, qui, comme pour le contrat d'accès à l'emploi, vont dans le sens d'une meilleure adaptabilité aux particularités locales.

En outre, contrat initiative-emploi et contrat d'accès à l'emploi seront gérés à l'échelon régional au moyen d'une enveloppe fongible. Par ailleurs, le revenu minimum d'activité, le RMA, est recentré sur le secteur marchand tandis qu'un contrat d'avenir, pendant du RMA pour le secteur non marchand, est mis en place.

Le Gouvernement souhaite ainsi relancer l'accès à l'emploi pour les minima sociaux. Cependant, je ne partage pas tout à fait son optimisme sur l'efficacité de la réinsertion dans un secteur non marchand qui ne participe pas à la croissance et ne conduit pas le bénéficiaire à une véritable activité professionnelle.

Enfin, les différents stages « occupationnels », peu efficaces pour le retour à l'emploi, sont heureusement en voie d'extinction.

En tout état de cause, 415 000 entrées dans les différentes formes de contrats aidés destinés aux publics en difficulté sont prévues en 2005. Toutefois, il faut savoir que ces plans coûtent chers à notre budget : 17 milliards d'euros.

Je regrette que ce projet de budget, très généreux pour réduire les coûts de fonctionnement des entreprises en prévoyant le paiement à leur place des charges qui pèsent sur les salaires, ne crée que peu d'emplois marchands. Par ailleurs, rien n'est prévu pour faciliter les investissements nécessaires des entreprises et pour permettre la création d'activités nouvelles et d'emplois marchands : ni aides au financement de la modernisation des installations industrielles, ni aides à la recherche et au développement de nouveaux produits, ni aides à l'exportation, ni aides remboursables.

Il est à noter que de telles aides ne sont pas récurrentes, c'est-à-dire qu'elles sont octroyées une fois pour toutes, alors que les aides à l'emploi, les aides au fonctionnement, sont malheureusement récurrentes et répercutées chaque année.

Il est certain que l'affectation de tout ou partie des 17 milliards d'euros que j'ai évoqués précédemment à des aides à l'investissement serait bien plus productive en termes de création d'emplois que les aides au fonctionnement récurrentes.

J'en viens à ma quatrième observation.

L'optimisation du marché du travail se poursuit. Ce marché devrait s'améliorer avec une action sur la formation.

Cette action est d'abord qualitative. L'apprentissage est relancé et facilité, avec un crédit de 600 millions d'euros de moyens nouveaux dès 2005. Je rappelle par ailleurs que l'âge des apprentis sera abaissé. L'article 75 rattaché tend cependant à mettre fin aux exonérations de charges au moment de l'obtention du diplôme, et non à la fin du contrat, ce qui serait pourtant préférable.

Cette action est ensuite quantitative. Est prévu le financement des charges liées aux hausses du SMIC programmées par la loi Fillon, hausses qui interviennent malheureusement sans augmentation d'horaires. Par ailleurs, il est mis fin au « SMIC hôtelier », dispositif très coûteux pour l'Etat et pour les entreprises.

La suppression des dispositifs de préretraite favorise la poursuite de l'activité des personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans. De ce point de vue, en effet, la France se situe en retrait par rapport à la moyenne européenne et très en retrait par rapport aux objectifs fixés lors du Conseil européen de Lisbonne. La préretraite, si elle permet de libérer des emplois, a pour grave inconvénient de priver les entreprises d'un personnel qualifié et compétent, d'une culture et d'un savoir indispensables. La suppression de ces dispositifs est donc une excellente décision.

D'une façon générale, la forte augmentation des minima salariaux sans contrepartie d'augmentation des horaires a eu des conséquences très négatives sur le budget de l'Etat, qui s'est obligé à en payer une partie aux entreprises. Ces charges ont encore aggravé notre déficit budgétaire.

L'article 74 rattaché tend à réduire le champ des rémunérations qui donneront lieu à réduction de charges sociales, d'une fourchette allant de 1 à 1, 7 fois le SMIC horaire à une fourchette allant de 1 à 1, 6 fois le SMIC horaire. L'économie attendue en 2005 est estimée à 1, 2 milliard d'euros. Ce montant est proche du surcoût entraîné par la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale pour 2005 - 681 millions d'euros - et de l'aide à l'emploi dans la restauration -550 millions d'euros. Il serait judicieux de poursuivre cette diminution en 2006, en 2007 et en 2008 en passant progressivement de 1, 6 à 1, 4, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Les salariés devraient travailler gratuitement et dire « Merci, patron ! ».

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

... à 1, 3, 1, 2 ou 1, 1 fois le SMIC. Les économies ainsi réalisées pourraient être utilisées autrement.

Le marché du travail devrait s'améliorer grâce à une meilleure information sur l'offre et la demande, avec la rénovation du service public de l'emploi. Le plan de cohésion sociale remédie heureusement à l'éclatement de l'actuel dispositif d'intervention, dispersé en direction des chômeurs et des entreprises, par la création de maisons de l'emploi. Cette excellente initiative permettra d'aider les chômeurs à trouver plus rapidement un emploi, grâce à un « guichet unique ».

En contrepartie de cette amélioration des prestations offertes aux demandeurs d'emplois, les obligations des chômeurs en matière de recherche d'emploi et les moyens de contrôle sont redéfinis. Par ailleurs, il est heureusement mis fin au « monopole de placement » de l'ANPE, qui était du reste fortement érodé.

J'en viens à ma cinquième observation.

Plus de 60 % des moyens du budget de l'emploi concernent les allégements de charges.

En 2004, les moyens dévolus aux différents dispositifs d'exonération de charges sociales avaient augmenté de 7 %, dépassant ainsi le seuil de 60 % du budget du travail. Pour 2005, la progression des moyens, calculée à périmètre constant, s'établit encore à plus de 4 %. Cela représente la modique somme d'environ 20 milliards d'euros.

Les 35 heures augmentent nos coûts de production, diminuent notre compétitivité et coûtent à notre budget - il ne faut pas l'oublier - 10 milliards d'euros, ce qui me paraît excessif.

Voici, mes chers collègues, en résumé, comment se répartit notre budget, qui s'établit à 32 milliards d'euros : 17 milliards d'allègements de charges générales, 3 milliards d'allègements de charges spéciales, 12 milliards de fonctionnement, pour l'ANPE, la formation professionnelle, les contrats aidés marchands et non marchands.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire remarquer que le traitement social du chômage, qui consiste pour l'Etat à financer une partie des charges pesant sur les salaires, non seulement ne permet pas d'atteindre le but recherché - créer des emplois -, mais représente une dépense énorme dans notre budget et creuse notre déficit budgétaire à un moment où nous n'en avons vraiment pas besoin.

En vérité, tant que la rigidité de l'emploi empêchera les entreprises d'adapter leur personnel à leur charge de travail, celles-ci n'embaucheront pas. C'est une réalité que personne ne peut contester, même si cela ne plaît pas à tout le monde !

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Ah non ! Cela ne plaît pas, je vous l'assure !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Mais si on ne change rien, le chômage continuera de s'aggraver. Il faut savoir ce que l'on veut : ou réduire le chômage par la flexibilité, ou l'augmenter par la rigidité.

Il est un fait que nos entreprises sous-traitent de plus en plus à l'étranger, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

...où les coûts de production sont, comme en Pologne, trois à quatre fois moins élevés, voire, comme en Chine, trente fois moins élevés. Seul le système danois de « flex-sécurité » permettrait de réduire le chômage.

C'est pourquoi je vous propose, monsieur le ministre, de réduire peu à peu, sur cinq ans, le montant élevé - 17 milliards d'euros - des allégements généraux, à raison d'environ 3 milliards d'euros par an.

Il faudrait commencer de réduire ces aides pour l'emploi dès le projet de loi de finances pour 2006.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

L'Etat disposerait ainsi de recettes supplémentaires qu'il pourrait utiliser soit pour réduire son déficit, soit pour financer des investissements, soit pour réduire les impôts des entreprises.

Ainsi, associer une réduction progressive des aides à l'emploi à une mise en oeuvre de la « flex-sécurité » et à une réduction des impôts sur les sociétés permettrait de relancer réellement l'emploi tout en réduisant les dépenses de l'Etat. Il n'y a pas trente-six façons de procéder. Quel accueil réserverez-vous à ces propositions, monsieur le ministre ?

En ce moment critique de graves difficultés financières et de dettes trop élevées, il est de la plus haute importance que l'Etat réduise ses dépenses.

Ceux qui en profitent doivent comprendre qu'il n'est plus possible de continuer ainsi. L'endettement de l'Etat est considérable. Il convient de tout faire pour le réduire, et chacun doit comprendre qu'il faut faire les sacrifices nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Dans un environnement de concurrence internationale et alors que les coûts de production sont plus élevés en France qu'ailleurs, travailler moins est suicidaire, de même que démotiver les cadres et les entreprises par une fiscalité confiscatoire ou des contraintes administratives et syndicales.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Il vaut mieux que l'Etat supprime des impôts que paient les entreprises plutôt que de payer à leur place les dépenses qui leur incombent.

Dépenser 32 milliards d'euros pour ne pas créer d'emplois marchands, ou très peu, alors que le déficit budgétaire est de 45 milliards d'euros me semble déraisonnable.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Il me semble suicidaire de ne pas oser supprimer la rigidité de l'emploi et mettre en oeuvre la « flex-sécurité ». Alors que le taux de chômage augmente, que nos exportations diminuent, que nos coûts de production sont trop élevés, que le dollar baisse, l'hypothèse d'un taux de croissance de 2, 5 % ne sera malheureusement pas tenue, et le déficit risque d'augmenter.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Il faut sortir du cercle vicieux dans lequel nous nous trouvons, c'est une question de volonté. Il n'y a qu'à suivre l'exemple de ceux qui réussissent au lieu de poursuivre dans l'erreur. Cela devient dramatique : nous ne pouvons pas éternellement ne pas travailler, ne pas produire, ne pas vendre, dépenser plus qu'on ne gagne,

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

...alors que notre déficit s'aggrave chaque année, que la dette devient insupportable, que les dispositifs fiscaux démotivent ceux qui produisent et qui embauchent.

Tel est, monsieur le ministre, le tableau, pessimiste mais factuel, que je souhaitais vous présenter. Je vous ai tout de même soumis une proposition qui devrait vous faire plaisir, à savoir économiser progressivement jusqu'à 17 milliards d'euros à partir de l'année prochaine et mettre en place les contrats de projet qui ne coûtent rien.

J'ai constaté néanmoins des points positifs dans votre politique : la rationalisation des instruments de la politique de l'emploi, la perspective d'un assouplissement du code du travail, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

...la création des maisons de l'emploi et l'élimination progressive du problème des 35 heures ; tout cela est en effet porteur d'espoir.

Toutes les oppositions fondées sur des idéologies dépassées ne changeront rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Nous resterons comme nous sommes et nous ne résoudrons rien, ou bien nous ferons comme les autres...

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

...et nous avancerons. Mais il faut abandonner les idées qui ne marchent pas.

Mes chers collègues, je vous propose, au nom de la commission des finances, d'adopter ce projet de budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

M. Roland Muzeau. On a cru que c'était : au nom du MEDEF !

Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. A titre personnel, je souhaite que le projet de loi de finances pour 2006 tienne compte, si possible, des propositions que j'ai faites.

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail, et de la cohésion sociale

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation du projet de budget de l'emploi et du travail intervient alors que le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale vient d'être examiné en commission mixte paritaire.

A l'évidence, le projet de budget qui vous est soumis tient compte du plan de cohésion sociale, dont il assure le financement intégralement, à l'euro près. Le Gouvernement, comme le Parlement, ont parfaitement respecté les engagements qui ont été pris à l'égard de la nation.

S'il a été nécessaire de mettre en oeuvre un plan de cohésion sociale, c'est parce que notre dispositif général, qui est relativement lourd par rapport à ceux des autres pays européens puisqu'il absorbe plus de 30 % de notre PIB, qui est très consommateur d'un point de vue budgétaire, n'a eu qu'une efficacité à peu près normale pour ceux qui en avaient légèrement besoin et une efficacité extrêmement défaillante pour ceux qui en avaient véritablement besoin.

Finalement, le plan de cohésion sociale n'est qu'un énorme dispositif de rattrapage républicain en direction des femmes et des hommes, des jeunes et des séniors, d'un certain nombre de nos territoires qui en avaient le plus besoin.

Nous ne pouvons en effet nous contenter de constater que le RMI a triplé en quinze ans sans préparer l'avenir, d'autant que, nous le savons tous, notre pays doit s'attendre à un important choc démographique, et, pour ma part, je ne fais pas partie de ceux qui pensent que les départs à la retraite entraînent mécaniquement le retour à l'emploi de ceux qui en sont éloignés.

Tout est affaire d'organisation, de préparation, d'adaptation des ressources humaines, et c'est l'objet du plan de cohésion sociale que ce projet de budget vise à mettre en oeuvre pour la première année.

Vous avez manifesté, monsieur le rapporteur spécial, votre satisfaction quant à la simplification des aides, tant aux contrats privés qu'aux contrats publics. C'est évidemment une façon d'optimiser notre dispositif.

Vous avez également souligné la grande évolution que constituait la mise en place des maisons de l'emploi, sujet sur lequel il y avait, voilà encore quelques semaines, un peu de flou. Parce que ces maisons de l'emploi destinées à fédérer les compétences reposent par principe sur la souplesse et sur le volontariat, elles ont, en effet, parfois suscité des interrogations, voire des inquiétudes.

Aujourd'hui, alors que nous avions prévu d'en financer 300 ou 350, nous avons reçu 750 demandes sur tout le territoire national. Il va donc nous falloir être extrêmement professionnels pour nous assurer que l'implantation d'une maison de l'emploi correspond bien aux besoins locaux et permet d'assurer l'intégration de toutes les fonctions, la formation, la prévision des besoins, l'accueil, la mise en relation entre demandeurs d'emploi et entreprises, etc.

Vous avez déclaré soutenir en termes budgétaires les orientations du projet de loi, monsieur le rapporteur spécial. Mais en fait c'est une question plus large, de politique économique et de politique sociale, que vous soulevez.

Vous le savez, les exonérations, les soutiens, les crédits remboursables à l'innovation ou à l'exportation, toutes ces aides qui sont à la fois ponctuelles et nécessaires à l'activité ne ressortissent pas au budget du ministère de l'emploi et des affaires sociales mais au budget du ministère de l'économie et des finances. J'observe qu'un certain nombre de dispositifs sont prévus cette année, sauf en ce qui concerne l'export. Le Sénat le sait pour en avoir d'ores et déjà délibéré, un effort a été accompli en faveur des contrats spécifiques à l'export de trois ans.

En définitive, la question plus large qui se pose est la suivante : que reste-t-il à faire dès lors que les efforts préalables de cohésion sont engagés et sachant que nous sommes confrontés à la compétition mondiale ?

Nous devons en fait résoudre deux problèmes.

Le premier est d'assurer l'adaptation nécessaire tout en respectant les talents des collaborateurs des entreprises concernées par des mutations. C'est bien là la question de fond. Aujourd'hui, quand il y a licenciement, il y a en général isolement, et le « retour » dans le monde du travail, des compétences est rarement suffisamment rapide. Voilà la difficulté en même temps que la cause de la forte rigidité de notre système et des limites des procédures qui ont été mises en place.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est attaché à chercher, avec les partenaires sociaux et les dirigeants de plusieurs entreprises, une formule qui permette aux collaborateurs licenciés de recommencer rapidement à exercer leurs talents. Les entreprises de leur secteur ont besoin d'eux et, parallèlement, cela permettra d'éviter des situations extrêmement douloureuses.

Cette formule porte pour l'instant un nom technique impropre, à savoir « contrat intermédiaire ». Nous allons continuer à y travailler, car il n'y aura pas de développement économique sans optimisation des talents, compétences et ressources humaines de ce pays.

Le second problème tient à ce que le modèle français fait peser sur le contrat de travail l'ensemble du dispositif ; c'est en effet un sujet qui appelle une réflexion plus large.

En fait, si l'on considère l'ensemble du dispositif, il va de la protection sociale au logement. Dans le domaine du logement, nous avons déjà fait des avancées spectaculaires.

Je me permets de rappeler que c'est bien sur le contrat de travail que reposait le financement du logement conventionné puisque le bénéfice du dispositif du 1 % logement était réservé aux salariés des entreprises éventuellement fédérées par branche d'activité et relevant de l'UESL, l'Union d'économie sociale pour le logement. Un tel mode de financement du logement social « marche » bien en période de plein emploi, mais on voit bien qu'il ne fonctionne plus quand 4, 5 millions de personnes ne sont plus en situation d'emploi et sont donc purement et simplement écartées du dispositif, d'où la crise du logement social ou conventionné que nous avons connue.

La loi du 1er août 2003 a réformé en profondeur notre système. Elle a à la fois porté sur la gouvernance des organismes et sur l'utilisation des fonds. L'aide n'est plus réservée aux seuls titulaires de contrat de travail à proprement parler, mais accordée à tous les salariés ou ex-salariés qui en ont besoin en France. C'est donc une évolution profonde.

La question est de savoir si on peut envisager une assiette plus large que celle qui découle du seul contrat de travail pour d'autres éléments de la protection sociale au sens large. Plusieurs sénateurs et plusieurs présidents de commission y réfléchissent, le Gouvernement également. L'ancien ministre des finances a lancé une piste et engagé un travail d'études sur cette question. Notre ministère y travaille également. Nous devons examiner objectivement les conséquences de cette évolution que l'internationalisation des échanges et la compétitivité rendent probablement nécessaire.

En résumé, monsieur le rapporteur spécial, nous nous attachons à apporter une double réponse aux problèmes auxquels nous sommes confrontés : d'une part, rendre le système social plus performant pour aller vers ceux qui en ont vraiment besoin, car il n'est plus tenable que, dans ce pays, les difficultés s'accumulent toujours sur les mêmes ; d'autre part, assurer une forme de sécurité des parcours, mieux utiliser les compétences professionnelles, adapter nos entreprises, mener une réflexion approfondie pour redéfinir l'assiette sur laquelle doit reposer l'ensemble de notre système de protection sociale.

Nous travaillons dans ce sens et nous continuerons à le faire. Le contrat intermédiaire devrait constituer une première avancée.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Louis Souvet, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Souvet

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de budget du travail pour 2005 représente un volume de crédits tout à fait considérable, supérieur à 32 milliards d'euros, ce qui en fait le troisième poste de dépenses de l'Etat, derrière l'éducation nationale et la défense. Même en excluant les crédits de la formation professionnelle, les crédits s'élèvent encore à plus de 27 milliards d'euros.

Avant d'analyser les principaux aspects de ce projet de budget, je voudrais brièvement rappeler le contexte dans lequel il s'inscrit.

Après une année 2003 particulièrement difficile, marquée par la perte de 80 000 emplois salariés, l'économie française a renoué en 2004 avec les créations d'emploi. Cette amélioration, soutenue par la reprise économique, n'a cependant pas été suffisante pour faire baisser le taux de chômage, qui s'est maintenu au niveau élevé de 9, 9 % de la population active, taux supérieur à celui des grands Etats comparables.

On sait néanmoins que l'emploi suit toujours la croissance avec retard, ce qui permet d'envisager l'année 2005 avec plus d'optimisme. Le Gouvernement en attend une baisse de 10 % du taux de chômage. Cet objectif ambitieux n'est pas irréaliste, surtout si l'on tient compte des futurs contrats d'avenir, qui permettront de ramener vers l'emploi les chômeurs de longue durée.

Le contexte étant posé, j'aimerais maintenant concentrer mon intervention sur deux thèmes : l'impact du plan de cohésion sociale sur les crédits de l'emploi, d'une part, et la politique d'allégement des charges sociales, d'autre part.

Tout d'abord, je vous confirme que ce projet de budget permet de financer l'ensemble des mesures du plan de cohésion sociale. C'est suffisamment rare, monsieur le ministre, pour que nous nous en réjouissions avec vous.

Il arrive même - c'est le cas pour la dotation du fonds départemental pour l'insertion - que les crédits inscrits en loi de finances aillent au-delà des engagements du plan de cohésion sociale.

Le projet de loi de finances anticipe la réforme des contrats aidés prévue par le projet de loi de cohésion sociale.

L'économie qui résultera de la baisse du nombre d'emplois-jeunes permettra de financer les mesures nouvelles proposées par le Gouvernement, en particulier les contrats d'avenir.

Les contrats emploi-solidarité et les contrats emploi consolidé vont être remplacés par le contrat d'accompagnement vers l'emploi, qui offrira un meilleur suivi des chômeurs.

Des contrats déjà existants seront rénovés.

Le contrat initiative-emploi deviendra le seul contrat aidé dans le secteur marchand et son régime sera assoupli afin qu'il puisse s'adapter aux situations locales.

Le contrat d'insertion-revenu minimum d'activité, qui n'a pas pour l'instant répondu aux attentes, sera désormais ouvert aux titulaires de l'allocation spécifique de solidarité et les droits sociaux des bénéficiaires seront renforcés.

Enfin, le contrat d'insertion dans la vie sociale, ou CIVIS, ne comportera plus de volet « emplois d'utilité sociale ».

Je voudrais m'attarder un instant sur le volet « accompagnement » du CIVIS pour rappeler que le Sénat a voté, lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, un amendement qui transfère la gestion du CIVIS des régions vers l'Etat. Cette mesure vise à sauvegarder un instrument que les régions semblent peu enclines, et c'est le moins que l'on puisse dire, à utiliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Souvet

Si ce transfert devait être confirmé dans le texte définitif, il faudrait en tirer les conséquences sur le plan budgétaire. En effet, une dotation de plus de 110 millions d'euros est inscrite dans le projet de loi de finances pour permettre aux régions de financer ce dispositif.

J'aimerais que le Gouvernement nous indique, dans cette éventualité, à quel usage il compte réaffecter ces crédits.

Par ailleurs, la mesure phare du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale reste la création du contrat d'avenir, qui s'adresse aux bénéficiaires de minima sociaux.

Il s'agit d'un contrat d'une durée maximale de trois ans, signé avec des employeurs du secteur non marchand. Il comprend un accompagnement personnalisé pour son bénéficiaire et débouche sur une qualification. Dans le projet de budget, 383 millions d'euros sont inscrits pour financer cette mesure.

La seconde mesure centrale du plan de cohésion sociale porte sur la création des Maisons de l'emploi. Elles doivent favoriser la coordination entre les différents acteurs du service public de l'emploi, l'ANPE, l'UNEDIC, les missions locales, l'AFPA, etc.

En 2005, 75 millions d'euros seront consacrés au fonctionnement de ces nouvelles structures, notamment pour assurer le recrutement de 7 500 agents supplémentaires, et 45 millions d'euros seront affectés aux investissements nécessaires à leur mise en place.

L'autre nouveauté de ce projet de budget réside dans le recentrage du dispositif d'allégements de charges sociales, qui absorbe plus de la moitié des crédits disponibles.

La politique d'allégement du coût du travail peu qualifié, menée depuis une dizaine d'années, a produit des résultats positifs. Les estimations varient, mais l'on peut estimer qu'au bas mot 250 000 emplois ont été créés ou sauvegardés grâce à cette politique.

La loi « Fillon » du 17 janvier 2003 lui a donné une nouvelle impulsion en créant un mécanisme d'allégement dégressif de cotisations sociales pour les salaires compris entre 1 et 1, 7 SMIC. Ce dispositif a permis d'atténuer de 60 % l'impact de l'augmentation rapide du salaire minimum, décidée par le Gouvernement, pour sortir du système, que l'on peut qualifier d'aberrant, des SMIC multiples. La convergence des SMIC sera achevée l'an prochain : le SMIC horaire aura, au total, progressé de 18 % en trois ans.

Il n'est pas question de remettre en cause aujourd'hui cette orientation, mais simplement de recentrer le dispositif sur sa cible privilégiée, c'est-à-dire sur les plus basses rémunérations. L'expérience comme la théorie montrent en effet que c'est pour les postes les moins qualifiés, rémunérés autour du SMIC, que le coût du travail est un facteur déterminant de la création d'emplois.

Le projet de loi de finances prévoit donc de limiter le bénéfice de l'allégement de cotisations aux rémunérations inférieures à 1, 6 SMIC, au lieu de 1, 7 SMIC actuellement. Cette mesure permettra à l'Etat d'économiser 1, 2 milliard d'euros.

J'ajoute que la charge supplémentaire qui en résultera pour les entreprises sera compensée par d'autres mesures, notamment la suppression de la majoration de l'impôt sur les sociétés décidée en 1995.

Toujours dans le but de mieux cibler la politique d'allégement du coût du travail, le Gouvernement a décidé de consacrer 550 millions d'euros à une nouvelle aide à l'emploi destinée aux secteurs de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration. Ces secteurs rencontrent en effet des difficultés de recrutement particulièrement aiguës en raison de la faiblesse des rémunérations et de la dureté du travail.

Cette mesure n'est que transitoire, dans l'attente d'une dérogation européenne pour appliquer un taux réduit de TVA à ces entreprises. Je serais heureux, monsieur le ministre, que le Gouvernement puisse nous apporter quelques indications sur l'état d'avancement de ces négociations.

Pour terminer mon propos, je souhaiterais évoquer la maquette budgétaire que le Gouvernement a présentée pour préparer l'entrée en vigueur, l'an prochain, de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.

Les crédits du travail seront répartis en cinq « programmes », eux-mêmes subdivisés en une vingtaine « d'actions ». Ils seront accompagnés de plusieurs dizaines d'indicateurs de performance, qui doivent nous permettre de mieux évaluer l'efficacité des politiques publiques.

A ce propos, j'aimerais vous faire part de quelques commentaires.

D'abord, la variété des indicateurs retenus permet bien de couvrir l'ensemble des politiques de l'emploi et du travail. Ils sont à la fois quantitatifs, fondés sur des données statistiques, et qualitatifs, construits à partir « d'enquêtes-qualité », menées régulièrement auprès des usagers du service public. Quelques-uns, toutefois, seront difficiles à interpréter, comme celui, par exemple, mesurant le pourcentage d'emplois situés dans les secteurs « délocalisables ». L'idée est séduisante, mais de multiples facteurs, notamment fiscaux, entraînant la délocalisation, il sera malaisé d'isoler l'impact propre de la politique de l'emploi.

Ensuite, certains indicateurs sont davantage des indicateurs de moyens que des indicateurs de performance : il est utile d'informer les parlementaires du nombre de maisons de l'emploi, mais, pour juger de la bonne utilisation des crédits, il serait plus instructif de connaître le taux de retour vers l'emploi des personnes concernées.

Ces quelques réserves ne ternissent cependant pas le jugement globalement positif que la commission a porté sur cette maquette budgétaire. Les quelques défauts de jeunesse que j'ai pu discerner pourront sans doute être corrigés d'ici à la présentation du prochain budget.

Au total, messieurs les ministres, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l'adoption des crédits du travail pour 2005, ainsi que sur les articles 75 et 76 qui y sont rattachés, sous réserve, pour le second, de l'adoption d'un amendement que je vous présenterai à l'issue de la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis l'ouverture de cette session budgétaire, j'ai observé avec satisfaction la part essentielle qu'occupent la formation professionnelle et l'apprentissage dans la politique de l'emploi du Gouvernement.

Plusieurs de ses membres, le Premier ministre lui-même, sont venus à cette tribune témoigner de l'importance qu'ils attachent à la formation et qui s'est traduite par l'adoption de nombreux textes, sans compter le projet de loi pour la cohésion sociale actuellement en cours d'examen.

Ces textes ont permis de clarifier la répartition des compétences au profit des régions, d'améliorer la formation en alternance grâce au contrat de professionnalisation, de surveiller les organismes de formation ou d'assainir les sources de financement et de collecte des fonds de la formation.

En analysant ce projet de budget pour 2005, je vais essayer de vous présenter de la façon la plus claire possible - le Gouvernement reconnaît lui-même qu'une grande confusion règne dans la présentation des crédits - tous les espoirs que je mets dans le développement de la formation professionnelle, élément majeur de notre cohésion sociale. Nous espérons que l'entrée en vigueur de la LOLF rendra plus lisibles les lignes budgétaires, grâce à leur présentation par missions, programmes et actions, même si, d'ores et déjà, je me demande pourquoi le programme 3, consacré aux crédits de la formation professionnelle s'intitule « accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques » et non pas, plus simplement, « formation professionnelle ».

Dans sa présentation actuelle, le budget de la formation professionnelle pour 2005 semble baisser de 3 %. Toutefois, si on l'examine à périmètre constant, il est en hausse de 1, 9 % et ouvre 5, 1 milliards d'euros de crédits. C'est presque 100 millions d'euros de plus qu'en 2004, ce dont nous pouvons nous féliciter.

Les crédits consacrés à la formation en alternance augmenteront - il faut le souligner - de 27 % et ceux de l'apprentissage de 50 %. Ils sont la traduction budgétaire de l'objectif du plan de cohésion sociale de porter à 500.000 le nombre d'apprentis en cinq ans. Pour les contrats de professionnalisation destinés aux jeunes et aux chômeurs de plus de 45 ans, le Gouvernement prévoit de relever les crédits de 22, 5 %.

S'agissant des crédits finançant les formations des demandeurs d'emploi mises en place par l'Etat, leur baisse résulte de transferts de crédits vers le budget du travail. En revanche, et c'est un bon point, les crédits consacrés à l'illettrisme et aux ateliers de pédagogie personnalisée augmenteront sensiblement. La subvention de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA est, quant à elle, reconduite en 2005, étant précisé que cette association évoluera dans un contexte totalement inédit, plus concurrentiel et tourné vers un financement régional.

J'en viens aux dotations que l'Etat accordera en 2005 aux régions dans le cadre de la décentralisation de la formation professionnelle. Elles progresseront de plus de 10 %, en raison des transferts parallèles de crédits pour la prime d'apprentissage, de la création de la contribution au développement de l'apprentissage et du financement du CIVIS, promis d'ailleurs à d'importantes évolutions d'ici à la fin de l'année, comme vient de le souligner mon collègue M. Souvet.

Cet ambitieux programme et les efforts financiers qui l'accompagnent montrent bien que l'emploi est notre principale préoccupation et qu'il requiert une formation initiale, puis continue, tout au long de la vie, pour s'adapter aux nouveaux produits, aux nouvelles pratiques et aux nouvelles technologies.

Je pense, monsieur le ministre, qu'il faut réserver un large écho à toutes ces mesures et notamment changer les mentalités dès l'école, si l'on veut atteindre l'objectif de 500.000 apprentis en cinq ans. Nous attendons beaucoup de ce grand projet sur l'école que prépare le ministre de l'éducation nationale, car l'école est la base de lancement du futur. Il faut savoir dire aux enfants de l'école primaire, comme on l'enseignait autrefois au travers des leçons de morale, que travailler est essentiel dans la vie et qu'on ne se réalise pleinement que dans une tâche noblement accomplie, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

que travailler de ses mains est aussi gratifiant qu'exercer un métier intellectuel ou scientifique et que nos cathédrales et toutes nos richesses historiques ont été le fruit d'efforts, de volonté, de courage qui ont fait la grandeur de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

Les enfants ont besoin qu'on leur explique ces choses-là, mais il faut aussi faire changer la mentalité des parents, des enseignants et des éducateurs qui, depuis des décennies, ont dévalorisé le travail manuel et ignoré ou vilipendé le monde des entreprises. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

Tant pis si cela fait mal : c'est la vérité ! (Applaudissementssur les travées de l'UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

C'est scandaleux d'accuser les enseignants. C'est trop facile !

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

II faut faire bénéficier les éducateurs, les formateurs, les enseignants d'une formation continue périodique pour qu'eux aussi s'adaptent aux nouvelles techniques et technologies. D'ailleurs, notre Haute Assemblée a fait une proposition en ce sens dans le texte de cohésion sociale.

Sur le plan financier, monsieur le ministre, votre budget s'accompagne une fois encore d'une pression financière accrue sur les entreprises pour alimenter le fonds d'apprentissage. N'allons-nous pas trop loin ? Le crédit d'impôt de 1 600 euros par apprenti, avec lequel nous souhaitons les appâter, ne doit pas, à mon sens, être affaibli par votre proposition de suspendre les exonérations de cotisations si le diplôme est obtenu rapidement. Nous risquons de décourager les entreprises qui se seront investies dans des référents ou des tuteurs de l'apprentissage et obtenir l'effet inverse du but recherché.

L'apprentissage est une filière de réussite dans laquelle les élèves, notamment ceux qui sont en difficulté scolaire, peuvent trouver une voie valorisante. Il faut encourager cette façon de s'élever par sa compétence et son savoir.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part de notre rencontre, à Orléans, avec les jeunes du centre de formation des apprentis du bâtiment, à laquelle participait M. Laurent Hénart. Une trentaine de ces jeunes sont venus témoigner de leur travail, de leurs espoirs et de la joie que leur procurait leur réussite. Certains étaient là pour apprendre un métier après des études universitaires qui ne leur convenaient pas. Tous ont dit ? et M. le secrétaire d'Etat en était presque agacé ? qu'ils n'avaient pas été écoutés et qu'ils avaient été mal orientés à l'école, uniquement parce qu'ils n'étaient pas de mauvais élèves...

Nous avons également reçu ce même jour le témoignage de la fédération des bâtiments et travaux publics, qui souffrait de besoins criants de main-d'oeuvre et était prête à consentir beaucoup d'efforts pour améliorer la situation matérielle des apprentis, notamment par une adaptation des structures d'accueil pour les filles et par un développement des internats.

Le « Papy boom » va priver la France d'une main- d'oeuvre de qualité. Des milliers d'entreprises vont disparaître faute d'employés formés et motivés. La fédération des BTP, celle de la métallurgie et bien d'autres sont prêtes à s'investir. Ne les démotivons pas. ! Elles souhaitent donner aux hommes de demain la passion de ce qu'ils font et le goût de bien faire.

Bien évidemment, certains de mes collègues ont pu dire que votre réforme, monsieur le ministre, inquiétait les prestataires de formation comme les organismes privés ou l'AFPA. J'ai auditionné les plus hauts responsables de ces structures et, à ma grande surprise, j'ai rencontré des gens attentifs, intéressés, motivés et sereins.

Evidemment, la régionalisation de l'AFPA doit être bien préparée. D'ici à 2008, cette dernière bénéficiera de subventions publiques pour lui permettre de faire face à la concurrence des autres établissements privés. Le climat est, selon ses représentants, « calme et grave » puisqu'ils doivent envisager avec lucidité des licenciements inévitables.

Pour ce qui est de l'ANPE, qui approuve les contrats de professionnalisation, elle souhaite qu'une communication étroite s'installe avec l'UNEDIC, grâce aux technologies informatiques.

S'agissant des nombreuses associations qui gravitent autour de l'emploi, il faudrait établir un contrôle d'efficacité et de rentabilité pour encourager celles qui se mobilisent pour l'emploi et non pas celles qui vivent du manque d'emploi.

Pour conclure, messieurs les ministres, mes chers collègues, je traduirai ici les recommandations de la commission des affaires sociale : aucune insertion durable dans l'emploi ne peut réussir sans un accompagnement et/ou un temps de formation ; les organismes de formation ne doivent pas orienter la demande, mais répondre aux besoins des entreprises, je pense notamment à l'hôtellerie, au bâtiment ; il faut assouplir et revoir la durée et les horaires de travail des apprentis au moment où la branche BTP notamment s'est engagée à relever substantiellement leurs rémunérations ; il faut aussi améliorer la lisibilité des aides et organiser une mise en réseau de l'ensemble des acteurs de la formation et de l'insertion ; il faut que les futures maisons de l'emploi favorisent cette mise en réseau et qu'elles ne soient pas une « maison des chômeurs », mais « une niche pour l'emploi » ; il convient, enfin, de ne pas renforcer la pression financière sur les entreprises, c'est la raison pour laquelle je présenterai un amendement de suppression de l'article 75 rattaché.

Telles sont les inflexions que nous suggérons au projet volontariste que vous soutenez, monsieur le ministre, et auquel vous affectez les moyens financiers nécessaires. Nous gagnerons ainsi la bataille de l'emploi, car celui qui veut et entreprend trouve toujours un moyen, celui qui ne fait rien trouve toujours une excuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Quatre millions de chômeurs, cela fait beaucoup d'excuses !

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable sur le budget de la formation professionnelle pour 2005. (Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre

Plusieurs des questions qui m'ont été posées touchent, sous des formes différentes, au même problème.

Je répondrai à M. Souvet sur l'utilisation des 110 millions d'euros, et par là même à Mme Rozier qui a déposé un amendement concernant l'apprentissage. Cette somme était affectée initialement à trois volets de notre action : premièrement, au recrutement des référents, à l'implantation des maisons de l'emploi et à l'apprentissage, ce qui est toujours le cas ; deuxièmement, au développement des permanences d'accueil, d'information et d'orientation, les PAIO, ce qui est toujours le cas ; troisièmement, au financement de l'exonération des cotisations sociales entre l'obtention du diplôme et la fin du contrat, ce qui n'est plus le cas.

Certaines dépenses ont dépassé ce qui avait été prévu, le solde global restant identique. En fait, il y a eu un « reclassement » entre les différentes missions.

Concernant les HCR - les hôtels, cafés et restaurants -, monsieur le rapporteur, vous savez que nos propositions tiennent compte des conditions du secteur : conditions de travail, SMIC, conditions de vacances, de formation et de repos hebdomadaire.

Un accord professionnel a été signé, qui répond pour l'essentiel aux attentes liées à ces conditions ; il concerne notamment l'abandon du SMIC hôtelier, donc l'augmentation de la rémunération des personnels de l'hôtellerie.

Cet accord est la contrepartie de l'effort de l'Etat, dans l'attente de la réduction de TVA qui exige une approbation au niveau communautaire. En fait, il n'est pas question d'obtenir une réponse positive ou négative, il s'agit de déterminer parmi les deux niches qu'utilise la France laquelle doit disparaître.

Nous avons obtenu le soutien implicite de nos collègues allemands, et le ministre des finances continue à se battre sur ce front.

En attendant, les efforts réalisés en compensation de charges afin de permettre l'augmentation des salaires dans l'hôtellerie, les cafés et la restauration paraissent avoir d'ores et déjà commencé à produire des effets.

De surcroît, ces efforts ont permis de signer une convention professionnelle fixant le temps global de travail à 39 heures hebdomadaires dans la profession.

Voilà une profession qui était dans l'inquiétude et qui va mieux aujourd'hui, grâce à l'effort de l'Etat.

En ce qui concerne les indicateurs de performance, nous partageons votre avis, monsieur le rapporteur pour avis. Il est exact que les maisons de l'emploi ne constitueront qu'un indicateur « apparent », mais cet indicateur sera suffisant pendant un an. Après cela, c'est la qualité et le nombre des contrats d'avenir, « de sortie » et non pas « d'entrée », qui seront les bons indicateurs de la performance de ce nouvel outil. Je vous remercie d'avoir parlé d'erreur de jeunesse, et nous promettons de grandir dans l'année qui vient.

Sourires

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre

Merci, en tous les cas, monsieur le sénateur, de vous être penché personnellement sur ces sujets complexes. Parfois, lorsque l'objectif est de tendre vers plus de simplification et de transparence, il est nécessaire de faire des détours avant d'en arriver aux choses simples.

Je répondrai maintenant plus particulièrement à Mme Rozier, rapporteur pour avis.

S'agissant de la suppression de l'exonération de charges avant le terme du contrat d'apprentissage dès l'obtention du diplôme, je viens de m'en expliquer à l'instant. Elle s'inscrit dans une réorganisation générale. Vous avez déposé un amendement à ce sujet, ce que je comprends, même si je ne peux y donner un avis favorable.

Quand à la formation professionnelle, nous avons appliqué la loi de 2004. L'Etat garde le contrôle des titres et, surtout, celui de la validation des acquis de l'expérience, sujet sur lequel nous avons du retard et éprouvons une incroyable difficulté à faire progresser nos idées.

Chaque fois que nous voulons faire avancer le processus qui permettrait de valider l'acquis de l'expérience, nous avons l'impression de remettre en cause toute la philosophie des diplômes français, secteur par secteur, comme s'il s'agissait d'instituer une sous-qualification. Cette question de la validation des acquis de l'expérience est un véritable problème culturel. Les services de M. Trégouët ainsi que les services de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle y travaillent.

Quant au partenariat, madame le rapporteur pour avis, il s'impose évidemment avec les régions, dans le cadre que nous avons indiqué.

Vous nous avez fait part de vos inquiétudes sur le coût de l'apprentissage pour les entreprises. Nous nous sommes employés à faire en sorte que l'augmentation de la taxe par tiers se fasse sur trois ans alors que l'exonération intégrale est prévue dès la première année. Ce n'était pas, au départ, la position de certains ministères : nous avons tenu bon, pour prendre en compte les réalités microéconomiques, et je ne doute pas que nous serons soutenus par le Sénat sur ce point

Je profiterai enfin de ma présence en cette enceinte pour lancer un appel aux entreprises françaises.

En France, le taux d'apprentis dans les entreprises de plus de vingt salariés est de 0, 6 % alors que les Allemands envisagent de faire passer ce taux de 6 % à 8 %, et ce de manière impérative.

Le taux d'emploi des jeunes en Allemagne n'a rien à voir avec le nôtre ; c'est une des grandes réussites allemandes. Nous voulions nous en rapprocher et atteindre 2 %. Le modèle fiscal a été construit sur cette base. Nous avons même envisagé, à une époque, d'imposer ce taux de 2 %, qui aurait dû être atteint en deux ou trois ans ; ce serait resté tout de même l'un des plus faibles d'Europe.

Nous avons préféré la procédure incitative, mais j'en appelle aux entreprises françaises pour qu'elles s'engagent dans la formation en alternance, formation royale pour les jeunes et pour les entreprises, à un moment où la pyramide des âges nous impose de préparer l'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous passons aux questions des orateurs des groupes.

Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.

La parole est à M. Georges Mouly.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Mouly

Monsieur le ministre, vous avez organisé, en novembre dernier, la Conférence nationale pour le développement des services à la personne, ce qui a abouti à la signature d'une convention entre l'Etat et les principaux représentants du secteur.

L'objectif était de faire de ce secteur un pôle d'excellence, par l'engagement des acteurs en matière de qualité, de diversité et de facilité d'accès des services, mais aussi par l'instauration d'enseignes nationales afin d'offrir au public une meilleure lisibilité, par la valorisation des salariés grâce à la professionnalisation et par l'amélioration des conditions de travail. L'enjeu consistait à casser le déficit d'image et à créer 500 000 emplois en trois ans, sachant que le « gisement » est bien supérieur.

Un programme cadre sera présenté dans quelques semaines. On lui souhaite de réussir, car voilà des années que l'on parle de gisements d'emplois et que la situation n'a pas évolué.

Les quelques responsabilités que j'exerce sur le terrain me permettent de témoigner des difficultés rencontrées. Les réalisations donnent des satisfactions, mais que d'efforts déployés pour faire vivre et développer les services à la personne !

Permettez-moi, monsieur le ministre, à la lumière de cette expérience, de vous poser quelques questions.

Les premières ont trait à l'insertion par l'activité économique. L'agrément, préalable à l'embauche, est délivré pour une période de vingt-quatre mois incompressibles. C'est là un élément trop rigide, inadapté, notamment lorsqu'il s'agit d'insertion en intérim. Cette rigidité est surtout préjudiciable en cas de mauvaise orientation professionnelle.

Pour éviter de pénaliser un parcours d'insertion, il conviendrait d'introduire un peu plus de souplesse en comptabilisant différemment les périodes d'activité en insertion. Ne pourrait-on, par exemple, étendre la durée sur laquelle peut courir l'agrément, garder une période de vingt-quatre mois en activité sur une période de référence de quarante-huit mois, dans certaines conditions ? Cela permettrait de valoriser le parcours d'insertion.

Il existe en effet un réel problème de valorisation des parcours d'insertion. Les dispositifs d'insertion se font concurrence et ne permettent pas toujours une hiérarchisation du parcours. Situation paradoxale parfois quand on constate des retours à 1a case départ.

Dans le secteur marchand, notamment dans les services à la personne, l'entreprise d'insertion est une réelle passerelle, à condition qu'il existe un véritable partenariat autour du demandeur d'emploi. Quelle place peut être réservée à l'insertion par l'activité économique au sein du pôle d'excellence national ?

Une deuxième série de questions concernent les services à la personne. L'image de ces services n'est pas très bonne. L'ambition est de les rendre attractifs, d'offrir un service de qualité et de professionnaliser les acteurs.

Pour illustrer les difficultés rencontrées, je prendrai l'exemple d'un salarié qui intervient chez une personne âgée en qualité d'aide ménagère, chez une autre comme auxiliaire de vie et, chez une troisième, comme garde à domicile : non seulement sa rémunération est variable selon le type d'intervention, mais cette rémunération, même avec cette diversité d'employeurs, n'est pas assurée de façon stable.

Il y a là un manque de lisibilité, auquel s'ajoute des difficultés de formation et un foisonnement des modules. Un bon toilettage s'impose. L'occasion est sans doute donnée de réfléchir au mode de rémunération correspondant à un travail partiel et temporaire.

Enfin, mes dernières questions concernent la formation des personnels, garantie d'un service de qualité. Ce n'est qu'un aspect des choses, certes, mais il est important. Comment intégrer la notion de progression de carrière, de validation de l'expérience ?

Il est sans doute illusoire d'envisager - mais on peut toujours rêver - l'existence d'un statut pour ce genre de personnel, proche de celui qui existe pour les assistants maternels.

Pour les employés de maison, la contribution des employeurs à l'effort de formation continue constitue une difficulté supplémentaire. La multiplicité des employeurs rend la procédure complexe. En effet, une personne âgée n'est pas incitée à autoriser, sous sa seule responsabilité et à ses seuls frais, l'absence pour formation d'une aide à domicile employée de maison, alors que cette dernière partage son temps entre plusieurs employeurs. Il faudrait peut-être mutualiser les contributions, afin de permettre à ces personnes « multi-employées » de prétendre, elles aussi, à la formation continue. Cela contribuerait à rentre le secteur plus attractif.

Voilà une série de questions à plusieurs tiroirs, mais comment faire autrement sur un sujet si important, d'une telle implication humaine et sociale, que le Gouvernement porte, nous le savons, avec conviction.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail

Monsieur Mouly, vous avez souligné que les emplois de proximité représentent 70 000 emplois supplémentaires chaque année et nous savons qu'il existe une réserve importante en la matière. Nous sommes déterminés à faire en sorte que ces emplois soient multipliés par deux chaque année, afin d'atteindre l'objectif de 500 000 emplois créés dans les trois ans à venir.

Une convention nationale sur le développement des services à la personne a été signée le mois dernier, soit six semaines après le lancement de la mission, afin de mieux définir ce secteur qui manquait de reconnaissance et de centrer les projecteurs sur le potentiel qu'il représente.

Vous avez mis l'accent sur les nombreux efforts qui ont dû être faits par les communes et les cantons dans le cadre des centres communaux d'action sociale, les CCAS, et des associations, pour développer ce secteur des services à la personne en dépit du scepticisme qu'il suscite.

La convention structure le plan de développement autour d'un premier programme visant la constitution d'enseignes nationales issues de coopérations entre les différentes catégories de partenaires.

Le second programme touche à la nécessaire réorganisation de l'Etat face à l'enjeu du développement des services.

Nous sommes face à certaines incohérences : par exemple, les délais d'obtention de l'agrément, dispositif très complexe et encore en place aujourd'hui, ne sont pas compatibles avec ceux qui sont prévus par les dispositifs de créations d'entreprise de services à la personne, qui ne sont que de deux mois.

Vous avez évoqué la rigidité des contrats d'insertion et son impact sur les services à la personne.

Nous voulons prolonger la durée de ces contrats au-delà de vingt-quatre mois. La circulaire de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la DGEFP, en date du 3 octobre 2003, a assoupli les modalités de l'agrément des publics accueillis dans les structures d'insertion. Par ailleurs, l'ANPE a la faculté d'étendre l'agrément. Nous avons là les outils qui devraient permettre de répondre à vos préoccupations, monsieur le sénateur. De plus, mon ministère et le pôle de cohésion sociale se tiennent à votre disposition pour vous aider à résoudre des difficultés que vous pourriez rencontrer à ce sujet.

J'en viens à la question du remplacement des salariés en formation. Les efforts de qualification des salariés du secteur des services à la personne relèvent notamment de la loi du 29 janvier 1996 et de celle du 4 mai 2004, qui ont précisément pour objet de permettre l'accès à la formation professionnelle tout au long de la vie.

Les particuliers employeurs visés sont désormais assujettis au financement de la formation des salariés et soumis à la contribution spécifique de 0, 15 % de la masse salariale. La loi de 2004 ne modifie pas ce taux, mais elle précise qu'une contribution complémentaire de 0, 10 %, destinée à financer les actions de professionnalisation peut être envisagée si un accord de branche est conclu.

J'ai signé, au début de l'été, un accord avec les fédérations professionnelles et les organisations syndicales afin de mettre en place cette nécessaire formation.

Le remplacement d'un salarié parti en formation est un sujet difficile, qu'il nous faudra approfondir, car nous n'avons pas aujourd'hui de véritable réponse globale au problème que vous posez, monsieur le sénateur.

Tels sont les éléments que je suis en mesure de vous apporter.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Mouly

Je vous remercie de vos réponses, monsieur le ministre.

Vous avez qualifié d'ambitieux l'objectif de 500 000 emplois. En réalité, les besoins sont exponentiels, liés à l'évolution démographique, au nombre de personnes âgées ou handicapées. Nous pouvons atteindre cet objectif quantitatif. Le problème est celui de la simplification des procédures.

Vous avez mis l'accent sur quelques éléments essentiels, en particulier sur la coopération entre les partenaires. Cette coopération ne va pas de soi, et je ne sais comment l'encourager. Pourtant, elle est absolument nécessaire si l'on veut éviter une trop grande diversité de situations et des chevauchements. La réorganisation de l'Etat est un vaste programme !

Vous avez insisté sur l'agrément. Deux aspects sont déterminants en la matière : l'un est quantitatif, voire administratif puisqu'il s'agit de la durée de l'agrément, l'autre est qualitatif et c'est le plus délicat. A cet égard, je rends hommage à la volonté manifestée par le Gouvernement et je ne doute pas qu'il réussira, car si cette étape était manquée, les conséquences de l'échec seraient durables dans un domaine essentiel sur le plan social et humain.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle San Vicente-Baudrin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte de restriction à tous les niveaux, le budget que nous examinons aujourd'hui est supposé recentrer les politiques de l'emploi pour que nos entreprises retrouvent leur compétitivité et leur dynamisme pour embaucher !

Quatre millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté en France ! L'INSEE indique que ce taux est mesuré en fonction des conditions de vie portant sur les contraintes financières des ménages, les retards de paiement, les restrictions à la consommation et, enfin, les difficultés liées au logement, ce que l'on peut lire dans l'exposé des motifs du plan de cohésion sociale.

L'un des objectifs de ce plan est le retour à l'activité de 200 000 personnes par an pendant cinq ans. On dénombre, en effet, près de 1 100 000 RMIstes aujourd'hui : 9 % de plus qu'il y a un an ! Les crédits consacrés aux publics en difficulté s'élèvent à 113 millions d'euros.

La France compte énormément d'emplois non satisfaits. Le nouveau contrat d'avenir est censé y remédier, mais, monsieur le ministre, si ces postes ne sont pas pourvus, c'est parce que la majeure partie d'entre eux sont mal payés ! S'il ne protège toujours pas de la pauvreté, à quoi sert, dès lors, un salaire ?

Cet arsenal de mesures de retour à l'emploi et leurs financements apparaissent, pour les milliers de personnes éloignées du travail, moins comme une nouvelle chance que comme un nouveau dispositif de politique fiscale assez avantageux pour les entreprises. La compensation des allégements de cotisations sociales s'élèvera, dans le projet de budget pour 2005, à 17, 7 milliards d'euros, soit plus de la moitié du budget du ministère du travail !

Les abaissements de cotisations sociales sur les bas salaires, qui avaient été prévus par les lois Aubry, ont été transformés par François Fillon, sous couvert de convergence, en dispositif de compensation de la hausse du SMIC. Au passage, ce tour de passe-passe fait économiser à l'Etat 1 milliard d'euros par an, tandis que l'enveloppe budgétaire ajustant cette hausse reste, quant à elle, plafonnée à 17, 1 milliards d'euros.

A ce stade du débat, il est intéressant de rappeler les propos de Mme Debonneuil, conseillère technique de M. Borloo, qui déclarait il y a peu : « Au premier rang des difficultés que rencontre notre pays, se trouve la compétitivité, c'est-à-dire la capacité à faire augmenter le revenu par habitant. »

Dans l'un de ses rapports, le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, ou CERC, notait que la population au smic d'aujourd'hui n'est plus la même qu'au moment de sa création. A l'époque, le SMIC s'adressait aux salariés les moins qualifiés pour les faire profiter des fruits de la croissance. (...) Le pouvoir d'achat est lié à plusieurs facteurs : le marché du travail, l'évolution du coût de la vie et la politique sociale. »

Des milliers d'emplois sont détruits depuis deux ans, les prix à la consommation flambent et la croissance ne redémarre pas. Malgré cela, le Gouvernement n'hésite pas à inscrire 6 milliards d'euros de prélèvements obligatoires, dont 900 millions d'euros au titre de l'élargissement de la CSG sur les salaires.

Voici ma question : le Gouvernement s'est fixé comme objectif l'austérité budgétaire et l'efficacité économique. Votre ministère fait actuellement la promotion du contrat d'avenir dans la presse : vingt-six heures rémunérés au SMIC, une formation et un suivi. De quel suivi s'agit-il, monsieur le ministre ? Ou, plus précisément, l'ambition sociale qu'exige ce suivi a-t-elle encore de l'avenir ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Madame la sénatrice, votre question recouvre de nombreux sujets.

Tout d'abord, vous avez rappelé que le plan de cohésion sociale représente un budget de plus de 13 milliards d'euros, sans parler des crédits affectés au dispositif de renouvellement urbain sur une durée de cinq ans. Permettez-moi de souligner que jamais un tel effort n'a été fait pour la cohésion sociale de notre pays !

Dans ce budget, nous avons obtenu tous les moyens que nous avions demandés pour mettre en place le plan de cohésion sociale et lui donner la dimension que nous avions souhaitée. Avec 185 000 contrats d'avenir et 115 000 contrats de retour à l'emploi, il ne s'agit pas d'un simple dispositif occupationnel, mais bien d'un parcours de retour à l'emploi. C'est la raison pour laquelle nous avons placé la formation au coeur des contrats d'avenir.

Vous avez souligné un paradoxe : nous comptabilisons 2 400 000 chômeurs alors que plus de 300 000 emplois ne sont pas pourvus. Je me rends au Mans demain pour étudier ce sujet avec l'ANPE.

Dans certains secteurs, il a été nécessaire de faire des efforts en termes d'attractivité financière et de formation. C'est le cas du secteur du bâtiment et je dois rendre hommage aux organisations professionnelles, qui, depuis trois ans, ont revalorisé la formation et les niveaux de rémunérations.

C'est également le cas du secteur HCR - hôtellerie, café, restauration - qui a pris des mesures analogues sur l'initiative du Gouvernement. Je rappelle que la disparition du SMIC hôtelier a conduit à une hausse de 11 % des rémunérations dans un secteur comportant de nombreux emplois disponibles.

Vous avez évoqué la compensation de 17, 6 milliards d'euros. Dois-je vous rappeler qu'elle résulte, pour 10 milliards d'euros, de l'application des mesures prises par Mme Aubry ? Il est tout de même singulier de reprocher à ce gouvernement d'honorer les engagements du gouvernement précédent !

Protestations sur les travées du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Nous avons recentré le dispositif sur les bas salaires afin de permettre aux entreprises de faire un effort en matière salariale et de les inciter à créer des emplois. Je vous renvoie à la phrase suivante du rapport de M. Dutheillet de La Mothe : « Le dispositif sur les bas salaires a créé plus d'emplois que les 35 heures n'en avaient transitoirement créés. »

Telles sont, madame la sénatrice, les réponses que je suis en mesure d'apporter à vos questions.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle San Vicente-Baudrin

Le public de RMIstes auquel vous vous adressez requiert un fort encadrement. Croyez-vous vraiment que, dans le secteur du bâtiment appelé à redémarrer avec le plan de cohésion sociale, des maçons auront la patience de prendre ce public en charge ? Je sais que cela se pratique à Valenciennes, notamment pour la construction du métro.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Oui, également à Lyon !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle San Vicente-Baudrin

Comprenez-moi bien, monsieur le ministre, je ne souhaite pas voir échouer le dispositif. Mais je suis sceptique quant à la capacité des ouvriers ou des employés d'aider ce public à se réinsérer dans la société. Je compte davantage sur les entreprises d'insertion à cet égard.

Par ailleurs, parmi les nombreux RMIstes, certains sont diplômés : les salaires et les contrats d'avenir que vous proposez ne s'adressent pas à eux.

Mon propos est beaucoup plus large et je rejoins à cet égard Mme Printz, qui a souligné, dans son rappel au règlement, que l'on ne pouvait débattre en cinq minutes de masses financières aussi importantes, qui concernent un si grand nombre de concitoyens.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos et la question qui s'ensuivra concernent particulièrement l'insertion professionnelle des jeunes.

La formation est un gage d'épanouissement professionnel pour le salarié et un outil essentiel du dynamisme économique. Je suis convaincue que, face aux fluctuations accélérées du marché de l'emploi et aux évolutions technologiques qui affectent les méthodes de travail, la compétitivité des entreprises et la protection des salariés dépendront moins d'un foisonnement de textes législatifs, que de la faculté d'adaptation et d'évolution de ces salariés.`

Dans ce cadre, je me félicite que la formation par alternance soit un axe fort de la politique du Gouvernement en matière de formation professionnelle, ainsi que le présent budget l'illustre.

Ainsi, en 2005, des crédits à hauteur de 1, 9 milliard d'euros seront mobilisés pour les formations par alternance, soit une hausse de 27 % par rapport à la loi de finances de 2004. Ces crédits seront utilisés pour financer 434 000 contrats en alternance.

L'augmentation significative de ces crédits est à la hauteur des enjeux. En effet, environ 60 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans aucune qualification ; ils rencontrent donc des difficultés pour s'insérer sur le marché du travail, comme en témoigne hélas ! le taux de chômage très élevé - de l'ordre de 40 % - de cette catégorie de la population. Cette situation est d'autant plus regrettable que nous connaissons, depuis quelques années déjà, des difficultés de recrutement dans certains secteurs d'activité.

M. Borloo a indiqué qu'une éclaircie se dessinait dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration ; je m'en félicite dans la mesure où la question avait été abordée ce matin, lors de l'examen des crédits relatifs au tourisme.

Au demeurant, les pénuries sectorielles et locales que nous rencontrons risquent de s'accentuer si nous ne faisons rien. La formation des jeunes par alternance semble être l'une des meilleures solutions pour veiller à l'adaptation des compétences des jeunes aux besoins présents et futurs.

Parmi les différentes mesures envisagées, le développement de l'apprentissage est certainement l'une des plus intéressantes.

Pour 2005, si l'on intègre toutes les mesures visant à favoriser l'apprentissage, les crédits s'élèveront à 3, 12 milliards d'euros. En outre, ainsi que Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, l'a souligné, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale a prévu trois nouvelles sources de financement de l'apprentissage : la nouvelle contribution sur l'apprentissage, le crédit d'impôt et le produit de la suppression des exonérations.

De fait, les crédits de l'apprentissage sont portés à 4, 12 milliards d'euros, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2004, augmentation justifiée par le souhait du Gouvernement de porter de 364 000 à 500 000 le nombre d'apprentis en cinq ans.

L'ensemble de cette politique d'insertion professionnelle des jeunes dans le monde économique me semble très encourageante pour l'avenir. Toutefois, je souhaiterais vous faire part de ma perplexité quant à une mesure annoncée dans le plan de cohésion sociale.

Dans le cadre de la hausse des crédits, vous avez prévu, monsieur le ministre, le financement à hauteur de 10 millions d'euros des exonérations de cotisations sociales en faveur du recrutement en apprentissage des jeunes dans la fonction publique territoriale, hospitalière et d'Etat : il s'agit du dispositif PACTE. Dès à présent, vous avez prévu, pour cette filière, 4 000 entrées supplémentaires en apprentissage.

Si l'apprentissage semble avoir vocation à permettre au jeune d'acquérir une formation, un savoir-faire, et d'apprendre un métier auprès d'un tuteur qui le guide dans son apprentissage, je me pose toutefois la question de savoir quelle réponse peut réellement apporter la fonction publique eu égard à l'articulation d'une telle mesure avec le principe d'accès à la fonction publique par le biais de concours. Quel sera alors le statut de ces apprentis dans un cadre qui est déjà très complexe ?

Ce dispositif a fait l'objet d'une négociation le 6 décembre dernier, me semble-t-il, entre le Gouvernement et les organisations syndicales sur les conditions de sa mise en place. Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître l'état d'avancement de ces négociations ainsi que les premières pistes envisagées pour mettre en oeuvre ce dispositif.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Madame la sénatrice, je connais votre préoccupation quant à l'entrée des jeunes dans la vie active. Nous ne pouvons en effet nous résoudre à figurer parmi les derniers pays européens pour ce qui concerne le taux d'activité des jeunes ; nous y figurons déjà pour celui des séniors.

Le Gouvernement a donc décidé d'engager sur ces deux fronts une bataille qu'il est nécessaire de livrer pour que nous retrouvions, tant pour les jeunes que pour les séniors, un taux d'activité compatible avec la situation démographique que nous allons connaître dans notre pays. Il s'agit tout simplement de promouvoir des facteurs d'inclusion. Le plan de cohésion sociale ne vise-t-il pas à remédier à toutes les formes d'exclusion de notre société, que ce soit dans le domaine du logement, du travail ou du système éducatif ?

Laurent Hénart, qui, je le dis en passant, rencontre cet après-midi des représentants des missions locales en vue de déterminer comment permettre à des personnes qui ont connu des échecs dans diverses voies de suivre un apprentissage, a fixé, à la demande de M. le Premier ministre et de Jean-Louis Borloo, un objectif de 500 000 apprentis en cinq ans.

Pour ce faire, nous avons souhaité nous inspirer de l'expérience allemande : en Allemagne, la question est de savoir si les entreprises prennent 6 % ou 7 % d'apprentis. Je le rappelle, dans nos très grandes entreprises, les chiffres sont particulièrement bas puisque ce taux est de 0, 6 %.

Le plan de cohésion sociale concerne très clairement les trois fonctions publiques - et je ne doute pas que vous apporterez, mesdames, messieurs les sénateurs, votre soutien au texte issu des travaux de la commission mixte paritaire - pour les postes vacants qu'elles offrent, car il ne s'agit pas de créer de nouveaux postes au sein de la fonction publique.

Aujourd'hui, il faut bien le dire, l'accès aux emplois publics des jeunes qui sortent sans qualification du système éducatif est extrêmement difficile, voire impossible, même si l'on a connu, notamment dans la fonction territoriale, un certain nombre d'expériences positives.

Au terme d'une période de formation alternée, pendant laquelle les jeunes auront le statut d'apprenti pour une durée maximale de deux ans, il leur sera proposé d'intégrer la fonction publique en qualité de fonctionnaire par le biais d'un examen professionnel. Il s'agira d'un contrat de droit public ouvert pour des corps et cadres d'emploi de catégorie C. Par ailleurs, ce dispositif ne remet pas en cause le principe de l'égalité d'accès aux emplois publics.

La question était inscrite, voilà trois jours, à l'ordre du jour du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat. Les organisations syndicales ont souhaité poursuivre la concertation sur ce dispositif. L'examen de la proposition législative par le Conseil supérieur interviendra au début de l'année prochaine. Mais je puis vous dire, madame Dupont, la détermination qui est la nôtre de faire en sorte que les fonctions publiques participent à la mise en place de l'alternance.

Après avoir procédé aux concertations nécessaires, nous prendrons des décisions qui bouleverseront peut-être certains cloisonnements, mais qui sont essentielles pour faire en sorte que le défi de l'apprentissage soit relevé aussi bien par le secteur privé que par le secteur public.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Toutefois, je tiens à vous dire que les représentants syndicaux et les représentants des personnels qui ont passé les concours de la fonction publique voient arriver d'un mauvais oeil les personnes qui y accèdent par des voies détournées. D'une façon générale, dans la fonction publique territoriale, fonction publique que je connais, on les oblige à passer ces concours.

Monsieur le ministre, j'aimerais savoir si les négociations ont vraiment eu lieu et si les représentants syndicaux se sont exprimés sur ce point. Je pense d'ailleurs que ces discussions ne s'éterniseront pas dans la mesure où chacun se sent suffisamment concerné.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Les discussions sont entamées, madame la sénatrice, et c'est naturel : les instances de concertation sont là pour échanger. Cela dit, madame Dupont, ce qui a été possible à Sciences-Po doit l'être aussi dans la fonction publique territoriale !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais revenir sur un sujet qui a été très largement au coeur de la discussion budgétaire de l'an dernier : il s'agit des conditions d'attribution de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS.

La réforme proposée dans la loi de finances de 2004 portait sur trois points : elle limitait la durée de versement de l'allocation pour les allocataires âgés de moins de cinquante-cinq ans, elle supprimait l'accès à la majoration de l'ASS à compter du 1er janvier 2004 pour les nouveaux entrants, elle modifiait le barème de l'ASS pour les bénéficiaires vivant en couple et entrés dans le dispositif avant le 1er janvier 1997.

Le groupe UDF, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat, n'avait pas manqué de souligner toute l'injustice qu'il y avait à pénaliser ainsi les chômeurs de longue durée.

La mise en oeuvre de la réforme a provoqué une émotion très forte, et nous avons tous en mémoire l'intervention de M. le Président de la République le 1er avril dernier annonçant la suspension de la « mise en oeuvre de la mesure relative à l'ASS ».

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Les Français qui ont entendu cette déclaration ont compris que la réforme de l'ASS était suspendue et, par voie de conséquence, que les trois mesures de restriction que je viens de citer étaient effectivement retirées.

Dans les faits, il apparaît que seule la mesure touchant à la durée d'indemnisation ait été rapportée, les deux autres restant en vigueur.

En conséquence, depuis le 1er janvier 2004, les chômeurs âgés de plus de cinquante-cinq ans ne perçoivent plus la majoration de six euros par jour qui s'ajoutait à l'allocation de base, dont le montant maximum est lui-même de 13, 76 euros.

Or, même si le taux d'activité des personnes âgées de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans a cessé de diminuer, ce qui fut constamment le cas jusqu'en janvier 2000, il reste encore faible en France puisqu'il est inférieur de près de quinze points à la moyenne des pays de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques. Le chômage des salariés âgés est une réalité sociale qui est toujours douloureuse.

Comme l'indiquait dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 mon collègue Dominique Leclerc, « les entreprises demeurent globalement passives face au vieillissement démographique et l'image des séniors n'a guère évolué ».

Dans cet environnement très difficile, la suppression de la majoration de l'ASS représente une pénalisation supplémentaire pour des personnes que leur âge et souvent leur défaut de qualification rendent déjà particulièrement fragiles sur le marché de l'emploi.

Ma question sera triple, monsieur le ministre.

Entendez-vous revenir sur les dispositions de la réforme de l'ASS qui sont restées en vigueur depuis le 1er janvier 2004 malgré l'engagement présidentiel de suspendre cette réforme ?

Comment comptez-vous donner un contenu réel aux déclarations de principe invitant à développer le travail des séniors au moment où le Gouvernement invite les partenaires sociaux à ouvrir une négociation interprofessionnelle sur les relations individuelles et collectives de travail visant à favoriser des pratiques innovantes dans la gestion des ressources humaines ?

Enfin, comment analyser cet objectif lorsque, dans le même temps, le dispositif d'aide public d'appui à l'élaboration des plans de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences dans les PME, dispositif prévu par la loi de modernisation sociale, n'a fait l'objet d'aucun décret d'application ?

Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Madame la sénatrice, la réforme de l'allocation de solidarité spécifique instaurée par le décret du 30 décembre 2003 limitait la durée de bénéfice de cette allocation à trois ans pour les bénéficiaires en cours et à deux ans pour les nouveaux entrants, mis à part les allocataires âgés de plus de cinquante-cinq ans.

Le Président de la République a demandé au Gouvernement, le 1er avril dernier, de suspendre cette limitation afin de prendre en compte la situation des personnes concernées dans le contexte plus général de la réforme de l'assurance chômage, sujet que nous aborderons au début de l'année prochaine avec les partenaires sociaux. Dans le projet de budget pour 2005, cela représente 500 millions d'euros.

Les autres dispositions du décret restent en vigueur ; il s'agit notamment de l'uniformisation du plafond de ressources et de la majoration de l'ASS.

L'hypothèse retenue dans le projet de loi de finances pour 2005 représente un peu plus de 2, 27 milliards d'euros, si l'on tient compte des ressources propres du fonds de solidarité.

Un nouveau décret, qui est actuellement en préparation, sera très prochainement pris pour ce qui concerne la durée de versement de l'ASS.

Dans le cadre du plan de cohésion sociale, le contrat d'avenir et le CIRMA, le contrat d'insertion-revenu minimum d'activité, s'adresse aux « bénéficiaires », si je puis dire, de l'ASS. En effet, nous voulons non pas seulement verser à ces derniers des allocations de solidarité, mais également et surtout les aider à retrouver un emploi.

Demain matin, au Mans, avant de me rendre dans une ANPE innovante en matière d'emplois non pourvus, je participerai à l'un des six séminaires interrégionaux que nous avons organisés pour préparer, non seulement l'ensemble des services, mais également les ANPE et les ASSEDIC à mettre en place ces nouveaux contrats. Quel que soit l'âge des titulaires de l'ASS, il faut les accompagner dans leur démarche de retour vers un emploi.

Vous avez évoqué la négociation interprofessionnelle pour les séniors. Nous allons devoir être innovants et ne pas nous limiter à la question de la pénibilité. Il faut prendre en compte le rôle et la place des séniors dans la transmission de la connaissance, dans le tutorat, et mettre en place un dispositif de cessation progressive d'activité pour qu'ils puissent contribuer à l'accompagnement des jeunes.

La place des séniors dans notre société doit être reconnue. Nous devons mettre fin à cette habitude vieille de trente ans consistant à en faire la variable d'ajustement des plans sociaux ou des restructurations, qui sont monnaie courante dans toutes les économies ouvertes.

Sur ce point, en tout cas, nous partageons votre préoccupation, madame la sénatrice.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Je remercie M. le ministre de sa réponse. Je salue, bien évidemment, le travail et les efforts accomplis en ce domaine, notamment les mesures prises dans le cadre de la loi de cohésion sociale, qu'elles visent à favoriser l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi ou à trouver des solutions pour les ramener dans un dispositif d'insertion professionnelle, et ce quel que soit leur âge.

Il n'en reste pas moins que les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, quand cette solution ne leur est pas offerte, ne disposent alors que d'un revenu extrêmement faible. Sont principalement visées par cette mesure les personnes de plus de cinquante-cinq ans, c'est-à-dire celles qui ont le plus de mal à revenir vers l'emploi.

Si le montant de l'ASS pour une personne seule est équivalent à celui du RMI, les droits liés ne sont pas les mêmes.

Ainsi, un bénéficiaire du RMI est exonéré de la taxe d'habitation, alors qu'un bénéficiaire de l'ASS, lui, doit l'acquitter. La disparité entre ces deux situations est énorme : le fait de percevoir six euros quotidiens serait une compensation.

Ce n'est là qu'un exemple parmi d'autres ; je pourrais en citer bien d'autres. La commission des affaires sociales ne manquera pas d'étudier de près ces différents cas. Elle envisage d'ailleurs d'établir un diagnostic global de l'ensemble des minima sociaux et des droits qui y sont liés, afin de lutter contre les trop nombreux effets pervers du système : non seulement il est très malaisé de vivre décemment en ne percevant qu'une allocation minimale, mais, de plus, les droits liés varient selon les allocations, ce qui ne va pas sans entraîner de grandes difficultés.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur celles du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré les apparences - des crédits affichés en hausse et l'engagements du Premier ministre de faire passer le taux de chômage sous la barre des 9 % en 2005 - ce projet de budget ne reflète pas une véritable volonté de mobilisation en faveur d'un plein emploi de qualité. Il est, au contraire, marqué par la « patte » ultralibérale de M. Sarkozy.

Comment prétendre sans rougir vouloir favoriser le pouvoir d'achat des Français et, dans le même temps, augmenter les prélèvements sociaux, en raison, notamment, des contre-réformes des retraites et de la sécurité sociale, tout en développant des solutions de contournement des 35 heures, via le compte épargne-temps ?

Ce dernier a en effet pour objet, non de permettre à ceux qui le désirent de pouvoir travailler plus pour gagner plus, mais d'officialiser, au sein de l'entreprise, l'accomplissement d'heures supplémentaires non majorées et non rémunérées, comme le souhaite le MEDEF.

Aux cadeaux fiscaux déjà prévus en faveur des entreprises ou des familles les plus aisées, le Gouvernement ajoute de nouveaux cadeaux, dont la réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune.

En revanche, lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins immédiats, quasiment vitaux, des chômeurs, des personnes en situation précaire, des bénéficiaires de minima sociaux, les réactions sont lentes et moins sécurisantes.

L'exemple de la « prime de Noël », d'un montant dérisoire quasiment inchangé depuis 1997, qui n'est accordée qu'aux bénéficiaires de l'ASS, du RMI et de l'allocation de parent isolé, l'API, et qui doit être reconduite chaque année, au bon vouloir des gouvernements, est révélateur.

Monsieur le ministre, les 32 milliards d'euros qu'affiche votre projet de budget ne peuvent nous convaincre que l'emploi a été épargné par la rigueur budgétaire et qu'un infléchissement, un « cap nouveau » sont donnés à la politique de l'emploi.

Comme l'an passé, je remarque que la principale masse de dépenses est constituée par des compensations d'allégements de cotisations sociales, soit 17, 6 milliards d'euros ou 54, 6 % des crédits.

Si je me réfère au rapport de la commission des finances, après les retraitements opérés, les exonérations de cotisations sociales s'élèveraient, cette année, à 60, 6 % des moyens dévolus au travail. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner les raisons d'une telle situation ?

J'attends également que vous m'expliquiez pourquoi le Gouvernement a décidé de dispenser l'Etat de respecter l'obligation de compensation intégrale à la sécurité sociale des exonérations consenties au titre de dispositifs nouveaux, en l'occurrence, le contrat d'accompagnement dans l'emploi.

Des précisions quant aux sommes en jeu seraient, elles aussi, les bienvenues.

Votre politique de l'emploi reste centrée sur un seul axe : l'abaissement du coût du travail, dont le bilan est pourtant catastrophique, et qui est responsable, aujourd'hui, du développement de l'emploi faiblement qualifié, sous-rémunéré et complètement précarisé.

Le Premier ministre s'est ému du récent rapport du Secours catholique, soulignant que le travail n'était plus un rempart contre la pauvreté. Il aurait dû lire également celui de Médecins du monde !

Qu'à cela ne tienne ! Vous restez, mes chers collègues de la majorité, dogmatiquement attachés à la baisse du coût du travail, à laquelle vous ajoutez le panel de mesures fiscales dont bénéficieront les entreprises au titre de ce projet de loi de finances ou de la loi de cohésion sociale, mesures qui représentent 1, 15 milliard d'euros d'allégements supplémentaires.

Bien décidés à évacuer toute réforme des cotisations sociales pour ne pas toucher à la répartition actuelle des richesses, avec les ultra-libéraux, vous avez relancé le débat sur l'instauration d'une TVA sociale, destinée à remplacer une partie des cotisations patronales, pour, une fois de plus, alléger les « contraintes » pesant sur les entreprises, en vue prétendument de libérer l'emploi.

Si vous rivalisez d'imagination en remettant en scène des contrats aidés, c'est avant tout pour servir la flexibilité du marché du travail, déréguler les normes « classiques » d'emploi, dégonfler les chiffres du chômage et diminuer, par là même, les dépenses sociales d'indemnisation.

J'évoquerai, à titre d'illustration, le nouveau contrat initiative-emploi, qui devrait permettre de réduire d'un quart à un tiers le coût du travail par rapport au droit commun, représenté par le SMIC avec « allègement Fillon ».

J'en viens à la seconde raison de fond motivant notre rejet du présent projet de budget.

En traduisant financièrement le plan de cohésion sociale, les crédits de votre ministère, monsieur le ministre, confortent un concept dangereux, celui de la « flex-sécurité », d'inspiration danoise, reposant sur un compromis bancal entre les exigences de fluidité, de souplesse, et une pseudo-sécurité économique des individus.

M. Dassault, rapporteur spécial, s'en félicite, appelant de ses voeux d'autres réformes structurelles visant, dans la logique des rapports Cahuc-Kramanz, Camdessus ou Marimbert, à expliquer « le décrochage français par les rigidités du droit du travail ».

Nous nous inquiétons, quant à nous, des mesures coercitives en passe d'être mises en oeuvre à l'encontre, notamment, des chômeurs, et de celles qui sont à l'étude concernant l'instauration d'un contrat de travail unique.

Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence les articles inclus dans la loi de cohésion sociale dont l'objet est d'accélérer les licenciements tout en déchargeant les employeurs de leurs responsabilités.

Le constat sans appel d'une croissance en berne et d'un chômage en hausse, frisant les 10 %, justifiait d'autres choix économiquement plus efficaces, socialement plus justes, et moins dévastateurs.

Pourtant, vous persévérez à agir dans le même sens, entretenant le cercle infernal de l'exclusion.

Voilà un an, votre prédécesseur lançait la réforme de l'ASS. Je ne reviens pas sur les développements judiciaires. Je rappellerai simplement que, lors de la manifestation de samedi dernier, les associations de chômeurs et de personnes en situation précaire ont déploré l'absence de parole ou le double langage du Gouvernement.

Nonobstant l'annulation du décret visant à limiter dans le temps le versement de l'ASS aux personnes de moins de cinquante-cinq ans ou à revoir les conditions de ressources, le plafond aurait été abaissé et la majoration de 40 % versée sous certaines conditions aux chômeurs de plus de cinquante-cinq ans aurait été bel et bien supprimée. Monsieur le ministre, qu'en est il exactement ?

Allez-vous enfin mettre un terme à ces injustices et décider d'agir en faveur d'une renégociation positive de la convention d'assurance chômage ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Monsieur le sénateur, je vais apporter quelques éléments de réponse aux questions que vous m'avez posées.

Vous avez évoqué le compte épargne-temps. M. le Premier ministre a annoncé, ce matin, que son utilisation serait assez libre, la possibilité étant ouverte aux bénéficiaires de ce compte de choisir entre, soit sa monétarisation annuelle, soit l'utilisation de passerelles en direction du plan d'épargne pour la retraite collectif, le PERCO, ou du plan d'épargne entreprise, soit l'accumulation du temps, sans plafond de vingt-deux jours par an, ni limitation à cinq ans. Ceux qui le souhaiteraient pourraient ainsi prendre un congé sabbatique ou s'accorder un temps de formation. De toute façon, cette mesure sera soumise à l'examen du Parlement.

Avec le compte épargne-temps, les entreprises comme les salariés peuvent être gagnants. Tel est bien l'état d'esprit qui a présidé à notre réflexion.

Il est inexact de prétendre que ce serait une manière de faire faire aux salariés des heures supplémentaires qui ne seraient pas rémunérées comme telles, puisque, si les jours de RTT sont, en quelque sorte, rachetés à la demande de l'employeur, les dispositifs de rémunération relatifs aux heures supplémentaires s'appliqueront.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Le député Pierre Morange a d'ailleurs déposé une proposition de loi sur ce sujet.

J'en viens à la politique du Gouvernement en faveur des bas salaires.

Pardonnez-moi de vous rappeler que la convergence sur les SMIC, réalisée en moins de trois années, ...

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

...c'est le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui l'a mise en place !

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

Cela équivaut, pour ceux qui étaient à l'échelle basse, au versement d'un réel treizième mois.

Et l'amplification de la prime pour l'emploi, elle a été décidée, elle aussi, par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin !

En ce qui concerne les moyens financiers, je répéterai ce que M. Borloo n'a eu de cesse de dire, à savoir que nous disposons des moyens de mettre en oeuvre le plan de cohésion sociale, et ce dès le projet de budget pour 2005. Si nous y ajoutons les crédits de l'ANRU, c'est une véritable explosion du chiffre total sur cinq ans !

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Gérard Larcher, ministre délégué

A propos de l'ANRU, j'ajouterai que jamais autant de crédits n'ont été mobilisés pour le logement sous les gouvernements précédents.

Enfin, monsieur le sénateur, vous déplorez une absence de compensation des exonérations attachées aux nouveaux contrats ; il est important que je fasse le point sur ce sujet.

Le contrat d'accompagnement dans l'emploi, le CAE, remplace deux anciens contrats : le contrat emploi solidarité, le CES, et le contrat emploi consolidé, le CEC. Il en reprend les caractéristiques en les rénovant et en les améliorant. L'exonération de cotisations sociales est reprise telle quelle. Elle avait été instituée avant la loi Veil du 25 juin 1994 et ne doit pas être soumise à l'obligation de compensation.

Le contrat d'avenir, quant à lui, s'adresse, en remplacement des CES et des CEC, aux bénéficiaires du RMI, de l'ASS et de l'API. C'est un élément important du dispositif ; il sera techniquement financé par l'activation des minima sociaux, c'est d'ailleurs ce qui a rendu nécessaire de le distinguer des CAE. Pour ce qui est des exonérations, elles sont soumises aux mêmes dispositions que celles du CES et du CEC.

Les erreurs que nous entendons parfois proférées sur cette absence de financement sont dues en fait à la méconnaissance des sources, des origines, des racines de ces nouveaux contrats. Le contrat d'avenir, par exemple, est tout simplement une adaptation renforcée des CES et des CEC.

Monsieur Muzeau, je n'ai pas répondu à l'ensemble de vos questions, mais soyez assuré que nous avons les moyens budgétaires de conduire une politique pour l'emploi et de cohésion sociale digne ce nom.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

M. Roland Muzeau. Le contrat « France 2005 », présenté par le Premier ministre, soulève déjà la réprobation unanime des organisations syndicales de salariés du secteur public comme du secteur privé, cela ne vous aura pas échappé, monsieur le ministre !

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

C'est terrible ! Dès que l'on parle des travailleurs dans cette enceinte, on provoque immanquablement vos hurlements, mesdames, messieurs de la droite !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Je sais bien que c'est une catégorie de Français que vous voudriez voir disparaître.

Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Je croyais que les communistes avaient évolué !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur Gournac, je sais que vous préférez le MEDEF, vous l'avez encore démontré hier soir lors de la réunion d'une commission mixte paritaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous confirmez, monsieur le ministre, que le droit aux 35 heures est désormais un droit virtuel, comme, d'ailleurs, celui de prendre la retraite à soixante ans ! Vous confirmez que les heures supplémentaires dans les entreprises de moins de vingt salariés seront encore, pour trois ans, sous-rémunérées à seulement 10 %, alors même que le code du travail les valorisait à 25 % !

Vous confirmez que, au lieu d'augmenter enfin les salaires et le pouvoir d'achat des salariés, le Gouvernement a décidé de transformer les jours de repos compensateur en rémunération. A quand les jours de congé payés ?

Le choix sera-t-il possible, comme vous venez de le déclarer, monsieur le ministre ? Bien évidemment, non ! C'est tout simplement une astuce pour faire travailler plus, pour « foutre les 35 heures par terre » !

Vous tablez sur un contexte assez facile, sur les contraintes que subissent les travailleurs et leurs familles qui ont les plus grandes difficultés à boucler leurs fins de mois. Un peu moins de congés payés et un peu moins de repos compensateur leur permettra de gagner un peu plus d'argent et de boucler leurs fins de mois, mais cela sans augmentation de salaire et sans reconnaissance de leurs qualifications. §

Monsieur Dassault, vous savez de quoi je parle : vous l'appliquez dans votre entreprise !

Vous confirmez que le nombre d'heures supplémentaires passera de 180 à 220, et que ce quota pourra encore être élargi par un accord collectif dont chacun sait qu'il résulte désormais d'une terrible pression et d'un chantage à l'emploi. A cet égard, vous refusez toujours, monsieur le ministre, de condamner les décisions des grands groupes ou des entreprises qui ont imposé, ces derniers mois, un chantage à l'emploi aux salariés en leur disant qu'ils devaient accepter une baisse de leurs salaires sous peine qu'un certain nombre d'emplois soient supprimés.

Concernant la non-compensation au budget de la sécurité sociale, votre réponse n'est pas acceptable. Je vous renvoie simplement au débat que nous avons eu il y a quelques semaines sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS, au cours duquel votre collègue M. Douste-Blazy disait que la compensation était toujours totale. Nous voyons bien qu'il n'en est plus question une fois le projet de loi voté.

La politique choisie par votre Gouvernement est destructrice pour l'emploi et, Mme Létard l'a rappelé, pour tous ceux qui n'en ont pas et qui sont tout de même, je vous le rappelle, quatre millions dans notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Monsieur le ministre, alors que la croissance est là et que les entreprises font des bénéfices, le chômage ne diminue pas et le pouvoir d'achat des salariés stagne.

Malgré ce que prétend la doctrine libérale en vogue au Gouvernement, votre politique ininterrompue de baisse des charges sociales en direction des entreprises n'a eu aucune incidence sur la création d'emplois. Il y a pire : vous êtes le premier gouvernement a avoir réalisé l'exploit historique de faire diminuer l'emploi en France. On estime à 70 000 le nombre d'emplois détruits en 2003, ce qui n'était pas arrivé depuis 1993. Mais ce n'est pas fini : en 2004, ce sont 47 000 emplois qui devraient disparaître sous l'effet du recul des emplois industriels et non marchands. Il est normal, dans ces conditions, que l'annonce de M. Raffarin de voir le chômage baisser de 10 % n'ait pas été inscrite au titre des objectifs de ce projet de loi de finances.

Alors que la mise en place des politiques volontaristes en matière d'emploi est plus que jamais une nécessité, le budget de l'emploi ne progresse pas. L'annonce d'une augmentation de 1, 8 % - augmentation correspondant à l'inflation - n'a d'impact que sur la communication, et encore. Dans la réalité, l'effet est nul. Ce budget est même en baisse puisque les aides provisoires au secteur de l'hôtellerie et de la restauration ponctionnent 550 millions d'euros.

La baisse de la TVA que le Gouvernement n'a pas réussi à arracher à Bruxelles revient sur le tapis sous l'appellation « fallacieuse » d'aide à l'emploi. Si on peut comprendre le contentement des restaurateurs, qui verront leur marge augmenter, on peut douter des effets de cette mesure sur la relance de l'emploi dans ce secteur, mais vous le savez, monsieur le ministre.

Plus grave encore, le financement des mesures consacrées aux publics prioritaires - jeunes, chômeurs de longue durée et travailleurs précaires - est en baisse de 6, 1 %.

Alors que le chômage des moins de 25 ans ne cesse d'augmenter, le budget consacré à l'emploi des jeunes n'est vraiment pas à la hauteur de l'enjeu. Pour mémoire, ce chômage touche 21, 2 % des moins de 25 ans et plus de 40 % dans les quartiers sensibles.

Le remplacement des emplois-jeunes par les contrats d'insertion dans la vie sociale, les CIVIS, illustre bien la démarche en trompe-l'oeil du Gouvernement. A l'heure actuelle, si 300 contrats CIVIS ont été conclus, ce sont 100 000 emplois-jeunes qui ont disparu.

Conscient des situations douloureuses auxquelles sont confrontés les jeunes dans leurs tentatives d'accéder au marché du travail, la gauche, par le biais des présidents de région, a choisi de réagir et de compenser le désintérêt de l'Etat en créant des emplois tremplins sous forme de CDI.

Monsieur le ministre, je ne comprends pas la politique du Gouvernement sur ce point particulier. Qu'ils soient diplômés ou non, les jeunes voient aujourd'hui les portes de l'emploi se fermer devant eux. Comment une société moderne peut-elle envisager sereinement son avenir en laissant sa jeunesse sur le bord de la route ? Ce sont eux qui feront des promesses d'aujourd'hui les réalités de demain, ce sont leurs rêves qui enfantent les changements, ce sont leurs aspirations qui portent les réformes et c'est leur idéalisme qui nourrit la justice. Nous ne pouvons pas les laisser face à un futur où la frustration le dispute à l'immobilisme et le découragement à la colère.

Permettre à ces jeunes d'entrer dans le monde adulte en accédant à un emploi, ce n'est pas seulement répondre à leurs besoins, c'est aussi satisfaire aux exigences de la postérité.

Accéder à un emploi, c'est permettre l'accès à un logement. Vous savez bien que, sans emploi, il n'y a pas non plus de logement pour ces jeunes.

C'est la même inconséquence qui est à l'oeuvre sur ce public particulièrement fragile que sont les chômeurs de longue durée et les emplois aidés.

S'agissant des chômeurs longue durée, si leur nombre a augmenté de 3, 9 % entre 2003 et 2004, les crédits qui leur sont consacrés ne cessent d'être rognés. En 2002, ces crédits atteignaient 395 millions d'euros ; en 2004, 219 millions d'euros ; en 2005, il ne reste plus que 50 millions d'euros.

Vous me direz, monsieur le ministre, que, grâce à la loi de cohésion sociale, ce public particulier pourra avoir accès aux contrats aidés, type contrat d'avenir. Cette offre ne tient cependant pas compte des situations particulières de ce type de public et ne prévoit pas d'accompagnement adapté à ses besoins ; Mme San Vicente est intervenue longuement à ce propos.

Cette offre a toutefois un énorme avantage : elle fait disparaître des statistiques nombre de chômeurs de longue durée, les noyant dans la masse des aspirants ou des détenteurs de contrats d'avenir. Cette disparition statistique, si elle arrange le Gouvernement, n'améliorera certainement pas le sort des hommes et des femmes concernées.

Face à une telle baisse des moyens, alors même que les besoins augmentent, on est en droit de se demander si ce ne sont pas le monde associatif et surtout les collectivités locales qui devront, une fois encore, pallier le désengagement de l'Etat.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer les raisons des restrictions budgétaires portant sur les catégories les plus fragiles de notre population ? Pouvez-vous nous éclairer quant au manque d'ambition de votre Gouvernement s'agissant de l'emploi des jeunes ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre

Madame Le Texier, vous avez parlé de pouvoir d'achat. Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit Gérard Larcher. Cependant, la répétition étant le nerf de l'enseignement, je rappellerai qu'une augmentation de 18 % du SMIC constitue plus qu'un treizième mois ; c'est presque un quatorzième mois, après la stagnation dramatique du pouvoir d'achat des salaires les moins élevés pendant 5 ans !

En ce qui concerne les hôtels, cafés et restaurants, je trouve un peu fort que vous repreniez la rengaine bien classique selon laquelle la mesure va augmenter les marges de profit des restaurateurs. N'avez-vous donc pas lu le texte ? Il s'agit, madame Le Texier, d'une compensation de charges salariales sur l'augmentation des salaires et de l'amélioration des conditions de travail des salariés de la branche ; il n'est pas question d'une augmentation des marges de la profession.

Vous devriez au moins vous féliciter que les nombreux salariés de ce secteur, qui vivent dans des conditions difficiles, bénéficient d'une amélioration de leurs conditions de travail, ce qui, par ailleurs, rendra plus attractive la profession et a vocation à concourir à l'emploi.

Que vous critiquiez une mesure dont le principe même est d'instaurer un SMIC exceptionnel, au-dessus du SMIC national, me paraît stupéfiant de la part d'un très honorable sénateur du parti socialiste.

Enfin, vous affirmez qu'il n'y a pas de logement sans emploi. Vous avez raison, mais permettez-moi d'ajouter qu'il n'y a pas d'emploi sans logement. Dois-je vous rappeler que 1999 a été une année historique avec une diminution de 39 000 logements sociaux en France pour un besoin national de 80 000 ? Multipliez par cinq ans de retard, vous obtenez la plus grande crise que l'on ait connue depuis 1954. Dois-je aussi vous rappeler que, dès cette année, nous avons augmenté la production de 40 % ?

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Monsieur le ministre, vous êtes très convaincant ; néanmoins, vous ne m'avez pas convaincue. Cependant, je vous remercie de m'avoir répondu.

J'ai été sensible à vos arguments au sujet du SMIC, mais, vous le savez aussi bien que moi, le montant du SMIC brut s'élève à 7, 61 euros. Que peut-on faire avec cela une fois que l'on a payé son loyer ? Vous l'avez augmenté, c'est une très bonne chose, mais on peut aller encore plus loin.

J'ai écouté attentivement vos arguments sur les restaurateurs. Je souhaite que vous ayez raison et que la mesure se traduise par une amélioration des conditions de travail des personnes concernées. Je n'en suis pas sûre, mais je suis persuadée que nous en reparlerons bientôt, au vu d'une analyse objective de ce qui se sera passé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jackie Pierre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du travail pour 2005 s'élève à 32, 2 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 1, 8 % à périmètre constant.

Les crédits du travail pour 2005 permettront de mettre en oeuvre une politique de l'emploi dynamique, illustrée par un dispositif de retour à l'emploi plus volontariste - comme en témoignent les évolutions du service public de l'emploi et la création des maisons de l'emploi - ainsi que par une meilleure lisibilité des outils existants, avec la simplification très attendue des contrats aidés.

Cette dernière est mise en place dans le projet de loi de programmation relatif à la cohésion sociale, auquel ce budget participe à hauteur de 681 millions d'euros.

Les CES, les CEC, les CIVIS « emplois d'utilité sociale », les SIFE, les SAE sont ainsi appelés à disparaître. Pour autant, le Gouvernement a prévu une période transitoire afin de ne pas rompre les parcours d'insertion déjà engagés au moment de l'entrée en vigueur de la réforme des contrats aidés.

Ainsi, pour répondre aux inquiétudes de leurs bénéficiaires, il était important que les conventions CES et CEC en cours puissent aller jusqu'à leur terme. Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit fort opportunément 630 millions à cette fin.

Concernant le CIVIS, outre les crédits de 2004 qui n'ont pas été entièrement consommés, 13 millions d'euros sont prévus en 2005 afin de financer les conventions en cours d'exécution.

S'agissant des SAE et des SIFE, des crédits sont prévus pour la mise en oeuvre de ceux qui ont été signés avant la fin de l'année 2004, à hauteur de 50 millions d'euros.

Ces dispositifs disparaissent pour être remplacés par des formules plus souples, offrant un meilleur suivi de leurs bénéficiaires. Elles présentent surtout la caractéristique indispensable d'être axées sur la formation.

D'une part, le projet de loi de cohésion sociale crée de nouveaux contrats : le contrat d'accompagnement dans l'emploi, le CAE, et le contrat d'avenir. D'autre part, le contrat d'insertion RMA, le CIRMA et le contrat initiative-emploi, le CIE, sont aménagés afin de leur conférer une plus grande efficacité.

Cette réforme était indispensable devant le nombre et la complexité des dispositifs proposés.

Les entreprises, comme les demandeurs d'emploi, pourront enfin mieux se situer en fonction de leurs besoins.

A partir de l'an prochain, les crédits relatifs aux SIFE, SAE, CIE, CES et CEC et aux nouveaux contrats CAE et CIE rénové vont donc être regroupés dans une enveloppe unique gérée, au niveau régional, par le préfet, assisté par les services de l'emploi.

Les nouveaux crédits prévus à cet effet en 2005 se montent à 438, 6 millions d'euros, à répartir entre les régions en fonction de différents critères : l'âge des demandeurs d'emploi et leur ancienneté dans le chômage, le nombre de bénéficiaires de minima sociaux et l'état du marché du travail.

Les crédits figurant dans cette enveloppe régionale seront fongibles, ce qui signifie que les gestionnaires pourront affecter la part qu'ils souhaitent à tel ou tel outil. Notre excellent rapporteur Louis Souvet nous a indiqué, dans son rapport écrit, l'intérêt d'une telle politique, à savoir faciliter l'adaptation de la politique de l'emploi aux contextes locaux. Je considère effectivement que l'idée de permettre une telle souplesse est excellente.

Pour autant, nous manquons d'informations sur la répartition des crédits au sein d'une région entre les différents contrats aidés, notamment entre le secteur marchand et le secteur non marchand.

Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez éclaircir ce point, d'autant que l'enjeu est important puisque 230 000 nouveaux contrats seront créés dès 2005.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre

Monsieur le sénateur, je vous remercie d'insister sur l'idée de souplesse. Dès qu'il est question de souplesse, on se demande quelle forme elle doit prendre ! C'est le propre même des systèmes souples.

Nous avons voulu rapprocher l'ensemble du dispositif d'aide des spécificités du terrain, et ce grâce à une ligne budgétaire unique, laquelle est entre les mains des préfets. Il fallait bien faire un choix. Toutefois, cela ne signifie pas que ce sont les préfets qui la gèrent. Cette gestion se fera dans le cadre d'un dialogue permanent avec les maisons de l'emploi et les partenaires locaux pour trouver, chaque fois, la solution adéquate. En effet, la situation est forcément différente à Nice et à Limoges, avec la porcelainerie, dans le Grand-Ouest et le Nord-Pas-de-Calais.

Le dispositif d'aide est un dispositif chiffré de financement. L'adaptation des 240 000 nouveaux contrats, comme des autres d'ailleurs, se fera sur le terrain par le dialogue.

Dans un monde parfait où tout se mettrait en place plus rapidement, la philosophie générale serait que, un jour, les maisons de l'emploi, largement installées en partenariat sur tout le territoire national, finissent par gérer elles-mêmes, sous contrôle public, l'ensemble de ces dispositifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Monsieur le ministre, vous nous présentez un budget consacré à la lutte pour l'emploi et pour l'insertion professionnelle des jeunes. C'est donc un budget très important.

Parmi les moyens prévus pour lutter contre le chômage figure l'apprentissage, dont on sait qu'il peut être un outil efficace. En effet, seulement 10 % des apprentis sont sans emploi trois ans après la fin de leur formation. La relance de l'apprentissage est donc une idée intéressante, d'autant qu'elle affiche des objectifs ambitieux : 500 000 apprentis par an d'ici à 2009 contre 350 000 actuellement.

Malheureusement, aucune précision ne nous a été donnée ni sur les moyens qui seront mis en oeuvre ni sur la méthode. Et l'on peut s'interroger, monsieur le ministre, quand on voit que votre budget pour 2005 ne prévoit que 15 000 entrées supplémentaires en apprentissage, soit 250 000, au lieu des 235 000 programmées en 2004, ce qui correspond davantage à la réalité des dotations budgétaires.

Comment le Gouvernement entend-il atteindre cet objectif, et où va-t-il trouver les crédits nécessaires ?

Les entreprises embauchant des apprentis bénéficieront d'un crédit d'impôt de 1 600 euros pour chacun d'eux. Ce montant sera porté à 2 200 euros pour un jeune sans qualification. Parallèlement, votre budget prévoit une augmentation de 0, 06 % de la taxe d'apprentissage, sous la forme d'une contribution spécifique au développement de l'apprentissage au profit des régions. On peut se demander si ce système sera décisif pour amener les entreprises à augmenter de manière significative leur nombre d'apprentis.

Si tel est le cas, la multiplication du nombre d'apprentis, sans qu'aient été prévus de moyens pour le suivi et l'évaluation des maîtres d'apprentissage, risque d'avoir un effet pervers : l'exploitation des jeunes dans des emplois sous-payés, sans contrôle. Le risque d'un effet d'aubaine, lié au recrutement de jeunes diplômés en contrat d'apprentissage, est à craindre.

C'est pourquoi nous souhaitons savoir si le diplôme sera pris en compte dans le calcul de la rémunération et quel sera le montant de celle-ci pour des apprentis diplômés.

Par ailleurs, si les entreprises recrutent massivement des apprentis, les capacités d'accueil des CFA seront-elles suffisantes ? Les enseignants seront-ils assez nombreux pour assurer les cours ? Comment comptez-vous pallier les manques ?

Concernant le statut et la rémunération des apprentis, l'objectif est de valoriser l'apprentissage et de réduire sensiblement le nombre de résiliations de contrats, qui reste très élevé dans certains secteurs comme l'hôtellerie. Si nombre de ruptures sont liées à des problèmes d'adaptation de certains jeunes, il n'en reste pas moins que des entreprises utilisent au mieux la législation, notamment la période d'essai, pour se doter d'un personnel à faible coût dans des périodes de forte activité et s'en séparer ensuite sans formalité. Comment le Gouvernement entend-il mettre fin à ces abus ?

Lors de la première lecture du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, le Sénat a adopté un amendement de M. Serge Dassault tendant à autoriser le préapprentissage en entreprise aux jeunes dès l'âge de 14 ans. Il s'agit là d'une remise en cause de facto du principe de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans. En outre, ces jeunes pourront constituer une main-d'oeuvre bon marché. Bien évidemment, nous sommes contre.

Actuellement, deux tiers des entreprises ayant recours à des apprentis comptent moins de dix salariés. L'objectif affiché est de faire passer à 2 % de l'effectif le nombre d'apprentis dans les entreprises de plus de cent personnes. Comment le Gouvernement entend-il procéder pour atteindre cet objectif ?

Je l'ai dit au début de mon intervention : les objectifs sont ambitieux, mais votre budget confirme les craintes que nous avions exprimées dès l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. En effet, il n'est pas à la hauteur des ambitions affichées. Témoigne-t-il, en-dehors le l'effet d'annonce, d'une véritable réflexion sur l'apprentissage ?

Telles sont, monsieur le ministre, les questions que je souhaitais vous poser.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre

Madame Printz, vous avez raison : si le programme concernant l'apprentissage se résumait simplement à des moyens budgétaires - peu importe le montant -, il ne résoudrait pas le problème auquel nous sommes confrontés !

Vous n'ignorez pas que trois livres blancs, regroupant tous les partenaires - le Parlement, les chambres de métiers, les collecteurs, les branches professionnelles, les partenaires sociaux -, ont été élaborés et aboutissent à peu près aux mêmes conclusions. Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale répond précisément à tous ces sujets, à l'exception de l'un d'entre eux.

Premièrement, nous n'avons pas de système de référent en France, ce qui est regrettable. C'est la raison pour laquelle le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit de mettre en place - vous l'avez voté ; tout au moins, vous avez assisté au vote ! - les nécessaires référents qui encadreront le jeune jusqu'à la sortie de son contrat d'apprentissage, et ce jusqu'à la réussite définitive de ce plan.

Deuxièmement, la rémunération des apprentis n'a pas été indiquée dans le projet de loi pour les raisons que vous savez. Depuis le mois de mai 2004, en effet, cette rémunération est fixée par négociation entre les partenaires sociaux, qui sont saisis de la question. Néanmoins, comme nous souhaitons que cette rémunération augmente - souhait qui, je crois, est partagé par tous - nous avons prévu dans le projet de loi, madame, la compensation des charges sociales liées à l'augmentation de la rémunération des apprentis.

Troisièmement, en ce qui concerne les rémunérations interstitielles, vous savez que les temps d'apprentissage et les temps de vie du jeune ne sont pas exactement les mêmes. Des périodes entières d'abandon existaient, qui créaient des situations un peu paradoxales. Ce point est réglé dans le plan de cohésion sociale qu'a présenté Laurent Hénart.

Quatrièmement, et en ce sens vous interpellez d'une certaine manière votre collègue Raymonde Le Texier, qui m'a interrogé tout à l'heure sur l'hôtellerie, les cafés et la restauration, la fidélisation des apprentis, c'est-à-dire le taux de réussite, année après année, puis la fidélisation à l'entreprise, sont très élevées en France, sauf dans ce secteur. Les raisons principales tiennent évidemment à la rémunération des maîtres d'apprentis, à l'attrait de la profession, mais surtout à la rémunération et aux conditions de travail.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre

Le taux d' « infidélité professionnelle », si vous m'autorisez cette expression, est de 71 %.

C'est la raison pour laquelle nous avons procédé à l'augmentation du SMIC horaire dans l'hôtellerie, les cafés et la restauration, et que nous avons soutenu la sortie du SMIC dérogatoire hôtelier.

Cinquièmement, enfin, nous mettons en oeuvre une procédure de crédit d'impôt et d'exonération fiscale très élevés. Je rappelle que le plan de cohésion sociale prévoyait initialement un crédit d'impôt de 360 euros par apprenti, qui a été porté à 1 600 euros et à 2 200 euros pour un apprenti sans qualification aucune. Vous êtes suffisamment experte, madame, pour savoir que le mécanisme d'exonération fiscale n'apparaît pas en dépenses budgétaires, du moins pas dans cette partie-là. Néanmoins, vous observerez que la dépense budgétaire globale, qui intègre les compensations, les référents, etc., augmente. Le financement s'appuie en grande partie sur une moindre recette et c'est pourquoi cela n'apparaît pas dans le projet de loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

La réponse de M. le ministre m'a en partie convaincue. Je reviendrai toutefois sur un point.

Vous le savez, l'apprentissage et les jeunes sont des sujets qui me tiennent à coeur. Notre souci est, bien sûr, que les jeunes sortent du chômage et trouvent du travail. Mais pour cela, ils ne doivent pas être exploités. L'apprentissage, s'il est choisi, ne doit pas aboutir à une nouvelle précarisation et à faire de ces jeunes garçons et filles de futurs « travailleurs pauvres ».

L'apprentissage a ses lettres de noblesse : il doit être dispensé dans les conditions les meilleures pour que l'apprenti réussisse au mieux son premier ancrage professionnel. Il ne doit toutefois pas survenir trop tôt. L'apprentissage à 14 ans - c'est sur ce point que vous ne m'avez pas répondu, monsieur le ministre - est un non-sens.

J'appartiens à cette génération où de nombreux jeunes issus de familles modestes ont été enrôlés dans le préapprentissage pour servir de main-d'oeuvre bon marché. Je veux croire que ces temps sont révolus.

Debut de section - PermalienPhoto de Adeline Gousseau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Président de la République a déclaré l'année dernière que l'égalité professionnelle était une priorité, car « c'est une exigence de justice. C'est un puissant facteur de dynamisme, de croissance et d'emplois. Dans les domaines de l'égalité de rémunération et de promotion professionnelle, nous devons rattraper notre retard... »

Ainsi, madame la ministre, depuis près de deux ans, vous avez montré votre détermination à faire progresser une idée simple : « l'économie moderne a besoin de tous ses talents, qu'ils soient portés par les hommes ou les femmes, et l'égalité professionnelle est facteur de performance économique et de cohésion sociale. »

L'image du travail des femmes se modifie progressivement. Le salaire des femmes n'est plus systématiquement considéré comme un revenu d'appoint pour le ménage. Leur activité professionnelle est davantage perçue comme un épanouissement personnel, mais également comme une garantie en termes de revenus et de retraite.

Cependant, des obstacles demeurent. La maternité ne doit plus être ressentie comme un réel handicap en termes d'embauche comme de progression de carrière, privant les femmes d'une légitime ambition professionnelle. De plus, l'égalité des salaires à même niveau de compétence doit être recherchée.

La société évolue, le regard sur le travail des femmes également. Toutefois, ce changement a encore besoin d'être dynamisé.

Pour ce faire, madame la ministre, vous avez engagé une action sans précédent autour de trois axes : donner des signaux forts aux femmes d'aujourd'hui en conduisant une véritable offensive en termes de formation ; soutenir les entreprises dans leur effort de changement pour réconcilier parentalité et emploi ; développer la création d'activités et l'autonomisation des droits.

En effet, comme vous l'avez déjà affirmé : « L'égalité professionnelle ne peut plus être considérée seulement comme une préoccupation des femmes. C'est désormais celle de la société tout entière. »

Tel est l'esprit de l'engagement pris par les partenaires sociaux, dans l'accord national interprofessionnel du mois de mars dernier, signé à l'unanimité, visant à lutter prioritairement contre toutes formes de stéréotypes qui fondent les discriminations auxquelles nous avons à faire face.

La charte de l'égalité entre les hommes et les femmes est un document réalisé en partenariat, par lequel toutes les composantes de la société française s'engagent en faveur des droits des femmes et de leur égalité effective avec les hommes. Dans ce document de référence, chacun s'est appliqué à formuler des propositions d'actions qu'il s'engage à réaliser au cours des trois prochaines années pour bâtir une société plus égalitaire. II s'agit là d'un outil extraordinaire que chacun doit s'approprier.

Cette approche transversale et partenariale de l'égalité repose sur le constat que toute politique, tout dispositif, toute mesure, loin d'être neutres dans leurs effets, sont susceptibles d'avoir des incidences différentes sur la situation des hommes et sur celle des femmes, compte tenu des rôles sociaux et familiaux qui sont souvent dévolus aux uns et aux autres dans la société.

Dès lors, la préoccupation de l'égalité entre les hommes et les femmes doit être intégrée non seulement dans toutes les politiques publiques, à l'échelon national comme à l'échelon régional et local, mais aussi irriguer tous les secteurs, politique, économique, social.

A cette occasion, je regrette qu'il n'existe pas de document budgétaire retraçant l'ensemble de la politique que vous menez en faveur de l'égalité professionnelle. Les crédits afférents sont en effet répartis entre les différents budgets de manière transversale et sans document de synthèse ; ils sont donc très difficiles à évaluer. Le « jaune » budgétaire, dont nous disposons tous les deux ans, est insuffisant. Pensez-vous, madame la ministre, que la réforme de la loi organique relative aux lois de finances pourra remédier à cette difficulté ?

Sur le fond, nous nous félicitons également qu'un label « égalité professionnelle » soit créé, avec le soutien du ministère délégué à l'industrie, afin de valoriser la prise en compte de la mixité et de l'égalité professionnelle par les entreprises, les administrations ou tout autre organisme générant une activité.

Elaboré avec les partenaires sociaux, il doit permettre de reconnaître la promotion de la mixité et de l'égalité professionnelle dans la gestion des ressources humaines et dans l'organisation de l'activité ou de la production par les organismes qui en auront fait un élément fort de leur engagement en termes de responsabilité sociale et de développement durable.

Ce label doit participer à la sensibilisation des acteurs socio-économiques et faciliter la diffusion de bonnes pratiques. Il repose sur l'évaluation d'une conduite du changement, qui doit faire l'objet d'une démarche intégrant la qualité du dialogue social et la question de l'égalité professionnelle.

La mise en place de ce label doit maintenant se concrétiser sur le terrain. Je souhaiterais donc connaître les initiatives que vous avez prises dans ce sens, madame la ministre.

Plus généralement, quelles actions comptez-vous entreprendre pour poursuivre avec autant de dynamisme la politique que vous menez en faveur de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - Permalien
Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle

Madame la sénatrice, vous avez raison de le rappeler, l'égalité professionnelle est une chance pour la France ; c'est une chance pour l'économie moderne, qui a besoin de tous ses potentiels ; c'est une chance pour la démocratie, puisque l'on souhaite concilier - le débat de ce jour l'illustre assez bien - l'idée de justice, la cohésion sociale et la dynamique de croissance.

S'il fallait définir l'égalité professionnelle, je dirais que c'est l'innovation sociale au service de l'emploi, mais aussi la réussite du dialogue social.

J'insisterai sur ce dernier point car, depuis 1989, les partenaires sociaux ne s'étaient pas réunis dans un esprit aussi positif que celui qui a prévalu à la conclusion de l'accord du printemps 2004. Celui-ci permet d'ouvrir une étape nouvelle dans cette démarche concertée, partagée, qui est avant tout une responsabilité collective.

En effet, aujourd'hui, la France s'engage sur l'égalité professionnelle. Notamment, vous l'avez rappelé, j'ai pris l'initiative d'un « tour de France de l'égalité professionnelle », qui nous a d'ores et déjà conduits dans une douzaine de villes de France, et qui, je l'espère, ne va pas en rester là. Ce tour de France permettra de faire la preuve que, dans des domaines où la seule impulsion émanant du sommet de l'Etat ne suffit évidemment pas, c'est aussi sur le terrain que la démarche doit se vérifier.

Nous nous sommes dotés de nouveaux outils : d'une part, l'accord national interprofessionnel, signé à l'unanimité et qui est notre référence ; d'autre part, le « label égalité », qui est la marque distinctive des entreprises résolument engagées sur cette idée simple mais formidablement moderne, fondée sur une dynamique nouvelle entre les hommes et les femmes dans l'entreprise pour créer de nouveaux atouts de performance, de compétitivité, d'efficacité économique.

Ce « label égalité », qui a été présenté par le Premier ministre au mois de juin dernier, sera décerné pour la première fois à des entreprises dès le mois de janvier prochain. Je me réjouis du succès remporté par cette démarche, gérée par les partenaires sociaux et par l'AFAC, l'organisme certificateur, notamment, des normes ISO 9000.

Ce « label égalité », c'est aussi la traduction des nouvelles valeurs de l'entreprise : la qualité et la sécurité, bien entendu, mais aussi, de plus en plus, l'environnement social et le facteur humain. C'est si important, me semble-t-il, au moment où nous retrouvons la croissance, où nous entrons dans une véritable culture de la compétence et dans l'économie du capital humain !

Pour conforter cette analyse, j'évoquerai le revirement démographique qui va priver la France de centaines de milliers de compétences dans les années qui viennent, qui rend nécessaire une nouvelle approche de la compétence et de la richesse des hommes et des femmes qui constituent notre pays.

Ce label va donc marquer l'exemplarité gagnante et permettre à tous de discerner les entreprises qui, en France, petites et grandes, font le jeu de cette diversité des compétences et de cet enrichissement.

Cette démarche s'inscrit d'ailleurs pleinement dans le « contrat 2005 » que vient d'exposer le Premier ministre. Si elle est aujourd'hui bien engagée, elle doit néanmoins, vous avez raison de le souligner, être approfondie sur des thèmes aussi sensibles que l'égalité salariale ou bien la réconciliation de la maternité et de l'emploi.

Sachons le dire tout net, aujourd'hui, la maternité n'est pas véritablement vécue comme une valeur ajoutée, alors qu'elle représente à la fois un enrichissement exceptionnel de la nation tout entière, un épanouissement personnel, et qu'elle devrait être considérée comme un élément positif au sein même de l'entreprise.

Mais l'égalité professionnelle ne repose pas seulement sur les entreprises, vous l'avez d'ailleurs évoqué, madame la sénatrice. C'est à la société tout entière de trouver les facilités, les solutions neuves qui permettent aux femmes et aux hommes de trouver dans l'entreprise un contexte d'investissement positif, durable, dans un rapport de productivité mais aussi de justice sociale. La notion d'« ergonomie sociale » pourrait être invoquée, car il convient de progresser au sein même de la société sur cette question.

Nous avons donc des progrès à faire en matière d'éducation, de culture générale. Tout ce qui concourt à la lutte contre les discriminations et les violences sert naturellement cette démarche.

C'est tout le défi de l'éducation, de la culture, l'enjeu des valeurs sur lesquelles fonder notre société. Ces valeurs sont celles du respect, de l'affirmation de soi, de la valorisation de la différence qui doit être perçue comme un enrichissement et non plus comme un facteur d'exclusion.

Enfin, je veux vous dire combien je suis sensible au fait que le modèle français, dans le domaine de l'égalité professionnelle, offre à des femmes des perspectives résolument plus en rapport avec leurs compétences, mais leur permet aussi d'avoir des enfants. Car la France a l'un des meilleurs taux de natalité européens, avec 1, 9 enfant par femme.

Eh bien, ce modèle peut être affirmé et inspirer l'Europe moderne. Nous devons en être fiers et, bien qu'il y ait encore beaucoup de progrès à réaliser, nous avons aussi de bonnes raisons d'espérer. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre soutien.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Adeline Gousseau

Au nom des femmes, je remercie Mme la ministre, et j'espère que nous rattraperons le retard que nous avons pris !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant le travail, la santé et la cohésion sociale : I. - Emploi et travail..

Titre III : 137 104 835 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° II-89, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Majorer les crédits du titre III de 2 640 931 euros.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre

Le Gouvernement présente deux amendements d'ajustements aux titres III et IV.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Sur l'initiative du Sénat, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale est revenu sur la compétence attribuée aux régions en matière d'accompagnement et d'insertion professionnelle.

Le présent amendement procède donc au « rapatriement » des crédits correspondants, qui étaient inscrits dans la dotation de décentralisation.

La commission des finances n'a pas examiné les deux amendements présentés par le Gouvernement. Ceux-ci tirent logiquement les conséquences de modifications apportées au projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, modifications confirmées par la commission mixte paritaire qui s'est réunie hier.

J'y suis évidemment favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre III.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Titre IV : moins 254 748 074 €.

L'amendement n° II-88, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Augmenter cette réduction de 2 640 931 euros.

En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 257 389 005 euros.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre

Il est défendu.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre IV.

Ces crédits sont adoptés.

Titre V. - Autorisations de programme : 16 291 000 € ;

Crédits de paiement : 8 998 000 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Titre VI. - Autorisations de programme : 366 050 000 €,

Crédits de paiement : 74 877 000 €.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J'appelle en discussion les articles 74 à 76, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés au travail.

I. - Dans la troisième phrase du troisième alinéa du III de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, le taux : « 70 % » est remplacé par le taux : « 60 % ».

II. - La dernière phrase du premier alinéa du I de l'article 10 de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Ce coefficient devient nul pour une rémunération horaire égale au montant de ce rapport majoré de 70 % jusqu'au 31 décembre 2004. Le taux de cette majoration est ramené à 60 % pour les gains et rémunérations versés à compter du 1er janvier 2005. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° II-45, présenté par Mmes Printz, San Vicente et Le Texier, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Michèle San Vicente.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle San Vicente-Baudrin

L'article 74 a pour objet de ramener le montant maximal du salaire auquel sont applicables les allégements généraux de cotisations sociales patronales à 1, 6 SMIC et non plus à 1, 7 SMIC. Le Gouvernement en attend, comme je l'ai dit précédemment, 1, 2 milliard d'euros d'économies.

Cet article pose d'abord le problème de l'efficacité des allégements de cotisations sociales patronales sur les bas salaires et les emplois non qualifiés. Le Gouvernement et le MEDEF - M. Dassault aussi ! - affirment en effet que le coût du travail est trop élevé dans notre pays, particulièrement pour les emplois peu qualifiés, et que ce fait est largement responsable du chômage. Telle est donc la racine principale de la généralisation de l'allégement des cotisations sociales patronales instaurée par la loi Fillon du 17 janvier 2003.

On constate néanmoins une apparente contradiction dans cette politique puisque le Gouvernement, d'une part, généralise l'allégement et, d'autre part, réduit l'assiette de 1, 7 à 1, 6 SMIC. Ce faisant, non seulement il va à l'encontre de son premier mouvement dans un but d'économie, mais il s'apprête à exercer une pression à la baisse sur les salaires, puisqu'il ne faudra pas dépasser le seuil de 1, 6 SMIC, et non plus de 1, 7 SMIC, pour bénéficier de l'allégement. Les employeurs seront donc poussés dans cette voie.

Finalement, ce dispositif profite au Gouvernement, qui réalise ainsi une économie substantielle, et aux employeurs, que l'on incite à ne pas augmenter les salaires. En revanche, les salariés en sont véritablement les victimes, puisque c'est à nouveau sur eux seuls que va peser la pression !

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Cet amendement tend à supprimer l'article 74, qui réduit le champ des rémunérations donnant lieu à réduction des charges sociales, d'une fourchette allant de 1 à 1, 7 fois le SMIC à une fourchette allant de 1 à 1, 6 fois le SMIC.

La commission des finances n'a pas examiné cet amendement.

Les mesures d'allégement des cotisations sociales sont d'autant plus efficaces sur l'emploi qu'elles sont resserrées autour des bas salaires.

La décision de recentrer « l'aide Fillon » là où elle est la plus efficace, c'est-à-dire sur les salaires situés entre 1 et 1, 6 fois le SMIC, ne devrait avoir qu'un effet négligeable sur l'emploi...

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

...et la dynamique des rémunérations les plus basses.

L'économie attendue est importante puisqu'elle est estimée à 1, 2 milliard d'euros, ce qui correspond à peu près au surcoût entraîné par le plan de cohésion sociale - 650 millions d'euros - et par l'aide à l'emploi dans la restauration, que vous réclamiez tout à l'heure - 550 millions d'euros - et qui est donc financée.

Ces mesures, très efficaces pour l'emploi, justifient largement le maintien de l'article 74. L'avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre

Tout d'abord, il convient de rappeler que l'amendement déposé, dès lors qu'il accroît les charges de l'Etat sans prévoir une économie d'un montant correspondant, est irrecevable car il ne respecte pas l'équilibre général du projet de loi de finances.

Sur le fond, rassurez-vous, il n'y a pas de contradictions. Moi, en revanche, j'ai un peu de mal à vous suivre. Ce n'est pas vous qui avez augmenté le SMIC, c'est nous. Et nous l'augmentons fortement, de 5, 3 % et même de 5, 8 % ! L'Etat continue à compenser une partie de l'exonération des charges ; simplement, la compensation est limitée aux salaires de 1 à 1, 6 fois le SMIC.

Je vous croyais favorable à l'augmentation du SMIC ; si c'est le cas, vous vous contredisez ! L'Etat augmente l'aide mais, comme il faut être raisonnable, il la recentre.. Les compensations de charges représentent un effort massif de l'Etat qui ne pèse pas sur la rémunération des salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n°II-45 est-il maintenu, madame San Vicente ?

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 74 est adopté.

I. - Le premier alinéa de l'article L. 118-6 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L'Etat prend en charge les cotisations sociales patronales jusqu'à la date de l'obtention du diplôme ou du titre de l'enseignement technologique préparé. »

II. - L'article 18 de la loi n° 87-572 du 23 juillet 1987 modifiant le titre Ier du livre Ier du code du travail et relative à l'apprentissage est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'Etat prend en charge les cotisations sociales patronales jusqu'à la date de l'obtention du diplôme ou du titre de l'enseignement technologique préparé. »

III. - Le VI de l'article 20 de la loi n° 92-675 du 17 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'Etat prend en charge les cotisations sociales patronales jusqu'à la date de l'obtention du diplôme ou du titre de l'enseignement technologique préparé. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° II-10, présenté par Mme Rozier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

Comme je l'ai dit lors de la présentation de mon rapport, je propose la suppression de l'article 75, qui tend à réviser le dispositif des exonérations de cotisations patronales au titre des salaires versés aux apprentis.

Actuellement, les entreprises qui emploient des apprentis bénéficient de ces avantages jusqu'à l'expiration du contrat d'apprentissage. Or, celui-ci peut prendre fin avant le terme initialement fixé, sur l'initiative de l'apprenti s'il a obtenu le titre ou le diplôme préparé. Dès lors, l'exonération ne se justifie plus. Le Gouvernement propose, par conséquent, d'interrompre l'exonération consentie au moment de l'obtention du diplôme.

Si cette mesure repose sur une intention louable - faire une économie budgétaire - , elle présente, selon moi, moins d'avantages que d'inconvénients J'en relève au moins cinq.

Premier inconvénient, elle accroît les prélèvements sur les entreprises. Si le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale a prévu une mesure importante de crédit d'impôt, il a aussi accru les charges qui pèsent sur les entreprises, par exemple en supprimant de nombreuses exonérations de taxe d'apprentissage et en relevant cette même taxe de 0, 18 %. Par conséquent, le gain net pour les entreprises reste à vérifier. Celles qui embauchent des apprentis pourront, sans doute, être gagnantes, mais celles qui ne le font pas verront leurs prélèvements croître. Or, si les entreprises n'embauchent pas d'apprentis, ce n'est pas toujours parce qu'elles ne le veulent pas, c'est souvent parce qu'elles ne le peuvent pas, par exemple, à cause de l'absence de centres de formation d'apprentis.

Deuxième inconvénient : la suppression de l'exonération prévue s'apparente à une mesure de redistribution, avec tous les risques d'effets pervers que cela comporte.

Troisième inconvénient : cette interruption implique un coût administratif supplémentaire pour l'entreprise, qui devra informer l'URSSAF de la date d'obtention du diplôme par le jeune. Les petites entreprises et les artisans seront démotivés par ces contraintes de secrétariat très lourdes. C'est aussi une contrainte de plus pour l'administration, qui devra gérer ces informations et procéder à des contrôles.

Quatrième inconvénient : cette mesure introduit une incertitude de gestion pour l'employeur, qui, lors de l'embauche, ne saura pas quand il perdra le bénéfice de cette exonération.

Cinquième inconvénient : elle découragera les maîtres d'apprentissage, qui ont pourtant fait la preuve de leur capacité à conduire rapidement leurs apprentis à un emploi.

L'ensemble de ces raisons a conduit la commission des affaires sociales à vous proposer, mes chers collègues, la suppression de cet article 75.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas examiné cet amendement.

Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Les députés ont adopté un amendement de suppression de l'article 75, qui a été rétabli en seconde délibération sur l'initiative du Gouvernement.

Les arguments opposés à l'article 75 sont les suivants : le dispositif complexifie la gestion des contrats d'apprentissage pour les entreprises ; il serait paradoxal que le succès de l'apprenti prive l'entrepreneur d'un avantage alors que son échec lui permettrait d'en conserver le bénéfice ; enfin, les entreprise seraient tentées de raccourcir les contrats de deux mois, de telle sorte que leur terme coïncide avec la date d'obtention habituelle du diplôme, privant ainsi l'Etat de l'économie escomptée.

Mes chers collègues, cette mesure se situe dans le contexte beaucoup plus général d'une relance de l'apprentissage, à laquelle je suis vivement attaché, et se traduit notamment par la création d'un crédit d'impôt minimal de 1 600 euros par apprenti, disposition qui figure dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale présenté par M. Borloo. Ainsi, les nouvelles mesures prises en faveur de l'apprentissage procureront aux entreprises un allégement fiscal net de 152 millions d'euros en 2005. Or, donner et retenir ne vaut.

Il me semble donc que le présent dispositif, dans le seul but d'afficher un budget du travail en croissance zéro, conduit, pour un bénéfice finalement assez théorique, à une complexification préjudiciable à la relance de l'apprentissage.

La commission des finances est donc favorable à cet amendement.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je croyais qu'elle ne s'était pas prononcée...

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre

Je reconnais bien volontiers qu'il serait plus heureux que le parcours qui va du diplôme au contrat bénéficie jusqu'au bout de l'exonération.

Le dispositif proposé à l'article 75 peut paraître paradoxal quand le diplôme est obtenu deux mois avant le terme du contrat et que l'embauche est définitive. En outre, il sera probablement assez difficile de l'appliquer.

Pour vous rassurer, madame Rozier, je dirai que, en l'absence d'apprentis, ce qui représente un certain nombre de cas, le problème ne se pose pas ! Nous savons tous que des entreprises souhaitent embaucher des apprentis et que des jeunes souhaitent entrer en apprentissage, mais que cela n'est pas toujours possible, par exemple, parce que le centre de formation est trop éloigné ou qu'il n'est pas assez doté.

Je rappelle que le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale a prévu l'instauration d'un fonds de modernisation de l'apprentissage doté de 215 millions d'euros, dont 150 millions d'euros dès cette année, justement pour faire face à ces difficultés dans le cadre d'une convention entre l'Etat déconcentré et les différentes régions en charge de la question.

Nous avons donc les moyens de résoudre le problème que vous soulevez sur les trois ans, sachant que l'augmentation de la taxe, ou sa modification, interviendra, elle aussi, en trois ans. Par conséquent, la première année, l'entreprise est largement bénéficiaire de l'énorme effort global qui est consenti en faveur de l'apprentissage.

Cela dit, la difficulté est réelle, je le concède volontiers.

Dans un plan d'ensemble où les arbitrages ont été largement favorables à l'apprentissage, j'ajoute que, pour les entreprises de moins de six salariés, le bénéfice est intégral, puisque l'exonération est complète ; il n'y a aucune taxe. Pour la grande partie des maîtres d'apprentissage, c'est vraiment un cadeau, justifié par les efforts qu'ils consentent.

Dans le cadre de l'accord général, nous avons beaucoup obtenu pour l'apprentissage. J'aurais préféré qu'il en soit autrement sur le point que vous évoquez. Néanmoins, compte tenu de l'enveloppe générale, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n°II-10 est-il maintenu, madame Rozier ?

L'amendement est adopté.

I. - Au premier alinéa de l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles, les mots : « par le montant limitatif inscrit à ce titre dans la loi de finances initiale de l'exercice considéré » sont remplacés par les mots : « par le total du montant limitatif inscrit à ce titre dans la loi de finances de l'année de l'exercice considéré et, à titre complémentaire, s'agissant des établissements et services mentionnés au a du 5° du I de l'article L. 312-1, des crédits inscrits à ce titre dans le budget du même exercice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ».

II. - La dernière phrase du second alinéa de l'article L. 323-31 du code du travail est ainsi rédigée :

« Ils peuvent recevoir des subventions en application des conventions passées avec l'Etat, les départements, les communes, les organismes de sécurité sociale ou la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-46, présenté par Mmes Printz, San Vicente et Le Texier, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

L'article 76 a pour objet de permettre à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, créée par la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, d'apporter son concours au financement des centres d'aide par le travail et des ateliers protégés, à hauteur, selon les montants annoncés, de 48 millions d'euros.

Ce faisant, il tend à affecter les sommes obtenues au moyen de la journée de travail supplémentaire, imposée aux salariés, d'une manière qui n'est pas conforme aux orientations communiquées à l'opinion publique.

En effet, la journée de travail supplémentaire, même si elle était dans les projets du MEDEF et du Gouvernement depuis plusieurs années, a été présentée à nos concitoyens comme une conséquente directe et fortuite du drame de la canicule, comme le moyen de protéger les personnes âgées dépendantes d'un nouveau drame sanitaire.

Aujourd'hui, on observe que les sommes ainsi prélevées sont, en réalité, affectées à plusieurs actions parmi lesquelles la dépendance mais aussi le comblement du déficit de la sécurité sociale et l'apport de moyens supplémentaires pour les centres d'aide par le travail et les ateliers protégés.

Nul ne peut contester la nécessité d'augmenter les moyens de la politique d'insertion des personnes handicapées. Néanmoins, il n'est pas convenable de présenter la politique gouvernementale comme volontariste et innovante dans ce domaine, sans y consacrer des moyens nouveaux.

Or, les crédits proposés par la loi de finances initiale ne sont que la simple reconduction des crédits ouverts en 2004. Les seules mesures nouvelles sont obtenues dans leur intégralité par le prélèvement sur le travail et le salaire des Français alors même que ceux-ci croient que la journée de travail supplémentaire et la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont consacrées au financement des soins afférents à la dépendance.

Cette manipulation n'est pas sans rappeler ce que fut, en son temps, la vignette automobile ou, plus récemment, le hold up sur les finances de l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées afin de financer la garantie de ressources.

Elle est, de plus, particulièrement malvenue, l'opinion croyant que la question du handicap est un chantier prioritaire du Président de la République alors que la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a été examinée par le Parlement.

Notre amendement a plusieurs objets : appeler l'attention sur ce procédé, demander au Gouvernement de dégager véritablement les moyens d'une amélioration de la politique en faveur des personnes handicapées en augmentant directement les dotations et faire preuve de plus de clarté sur le sort réservé aux sommes prélevées sur la journée supplémentaire de travail des salariés.

Il est à craindre, comme c'est devenu une habitude en matière sociale, que cette manipulation ne soit que le début d'un nouveau désengagement de l'Etat et d'un délestage sur les collectivités territoriales, dans un domaine particulièrement sensible.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° II-11, présenté par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. Au titre de l'exercice 2005, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie peut participer au financement des centres d'aide par le travail et des ateliers protégés.

II. Le montant limitatif prévu à l'article L. 314-4 du code de l'action sociale et des familles s'entend, pour 2005, comme la somme des crédits inscrits au titre des centres d'aide par le travail en loi de finances initiale et de la contribution de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie mentionnée au I.

La parole est à M. Louis Souvet, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Souvet

Le présent article ouvre la possibilité, pour la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, de financer les centres d'aide par le travail et les ateliers protégés.

Bien évidemment, la commission n'est pas opposée à cette mesure, mais l'amendement tel qu'il est rédigé pose un problème. Il vise, en effet, des articles du code de l'action sociale et des familles et du code du travail qui sont simultanément modifiés par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

C'est pourquoi il nous paraît préférable d'adopter ici une simple mesure transitoire, autorisant le financement des centres d'aide par le travail et des ateliers protégés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour le seul exercice 2005. De plus, il nous paraît préférable de renvoyer les modifications de fond des différents codes au projet de loi spécifiquement consacré au handicap, afin d'éviter les risques de contradiction entre ces textes.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

La commission est défavorable à l'amendement n° II-46 et favorable à l'amendement n° II-11.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° II-46, car les budgets de financement globaux sont maintenus et ils sont, en ce qui concerne l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés, dans ce budget que vous votez vous-mêmes, en augmentation de 56, 4 millions d'euros.

En revanche, le Gouvernement est très favorable à la pertinente rédaction proposée par M. Souvet.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

En conséquence, l'article 76 est ainsi rédigé.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je voudrais exprimer ma satisfaction à l'issue de ce débat extrêmement riche.

J'ai bien noté l'ambition et la pugnacité qui animent le ministre chargé de l'emploi ; la commission des finances partage totalement sa préoccupation.

Il n'est pas facile, monsieur le ministre, d'examiner votre budget et de discuter les dispositions fiscales ; vous y avez fait référence. En effet, notre modèle fiscal et, plus globalement, notre modèle de prélèvements obligatoires ont un impact direct sur l'attractivité du territoire et l'employabilité de ces femmes et de ces hommes que nous souhaitons voir entrer dans le monde du travail afin que la France se dirige le plus vite possible vers le plein emploi.

Tout à l'heure, nous avons eu une discussion, sur un amendement de Mme Printz, à propos de l'exonération des bas salaires. Je voudrais dire, une nouvelle fois, à quel point cette mesure a été utile en son temps, mais elle a progressivement créé des trappes à bas salaires dont il est très difficile de sortir.

Nous devons aller plus loin afin d'être attentifs à la corrosivité que peut avoir l'impôt de production ;c'est le sens de la réflexion que la commission des finances a proposée lors du débat sur les prélèvements obligatoires.

L'impôt de production, c'est la taxe professionnelle, ce sont les charges sociales qu'acquittent les employeurs. Cela nous impose d'imaginer un autre modèle fiscal et social. Sans doute faudra-t-il aller vers la fiscalisation des ressources de l'assurance maladie comme de la politique familiale et, alors, imaginer d'asseoir, au moins en partie, un impôt de solidarité sur la consommation ; c'est l'idée de TVA sociale que nous défendons.

Je voudrais également me réjouir du vote de l'amendement de la commission des affaires sociales, relatif à l'apprentissage. Nous avons ainsi fait disparaître une disposition qui aurait freiné sa montée en puissance.

Naturellement, cela coûte quelques fonds publics, mais nous faisons confiance au ministre du travail pour redéployer, à l'intérieur de son budget substantiel, les moyens dont il dispose afin que, au total, cela ne coûte pas un euro supplémentaire à l'Etat.

Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'emploi et le travail.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 9 décembre 2004, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi portant diverses dispositions relatives au sport professionnel.

Acte est donné de cette communication.

Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, la santé et la cohésion sociale : III. - Ville et rénovation urbaine.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget qu'il nous est proposé d'adopter pour l'année 2005 est le premier qui suivra le vote de la loi de programmation pour la cohésion sociale et le second depuis la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003.

C'est dire, mes chers collègues, s'il est logique de constater l'augmentation sensible des crédits du budget de la ville, puisque ceux-ci passeront de 344 millions d'euros en 2004 à 423 millions d'euros en 2005, soit une progression de 23 %, alors que la règle budgétaire édictée pour l'année 2005 est bien le « zéro volume », je dirais même le « nécessaire zéro volume » ; cela suffit à démontrer la volonté qu'a le Gouvernement de tenir ses engagements.

Si certains d'entre vous doutaient encore du bien-fondé de cette proposition d'augmentation, qui n'est que la conséquence du vote par le Parlement des deux lois de programmation, je les renverrai à la lecture du rapport que vient de faire paraître l'observatoire des zones urbaines sensibles, tout récemment créé.

Ce rapport montre, de manière très claire, combien l'écart entre la situation des populations vivant en ZUS et celle des populations n'y vivant pas s'est accentué entre 1990 et le début des années 2000. Il démontre, chiffres à l'appui, que les dispositifs mis en oeuvre depuis plus de dix ans n'ont fait que freiner la lente mais certaine dérive de ces quartiers difficiles.

Les 13 milliards d'euros sur cinq ans prévus par la loi Borloo, dont nous commençons à voir la traduction budgétaire dans ce projet de loi de finances, doivent permettre de stopper la dérive de ces parts importantes du territoire national où vivent plusieurs millions de nos concitoyens.

L'ambition de ce plan est bien d'inverser le cours des choses et de faire revenir ces territoires, autant que faire se peut, dans la moyenne nationale.

Voilà, mes chers collègues, ce qu'un sénateur de Seine-Saint-Denis, département ô combien emblématique de ces problèmes, souhaitait rappeler en préambule à nos débats.

Revenons maintenant aux chiffres et voyons tout d'abord comment s'expliquent ces 23 % d'augmentation, qui correspondent à 78 millions d'euros supplémentaires pour 2005, sachant que ce chiffre doit être relativisé puisque le budget que j'ai l'honneur de rapporter devant vous ne représente qu'une petite part des crédits publics relatifs à la politique de la ville, qui s'élèvent maintenant à plus de 6, 3 milliards d'euros.

Les principales variations pour ce budget 2005 concernent tout d'abord les crédits destinés à l'éducation, qui passeraient de 20 millions à 60 millions d'euros, soit un solde net de 40 millions d'euros.

Cela résulte principalement de la création des différents « dispositifs de réussite éducative » prévus dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Pour ce faire, la ligne « programme de réussite éducative », telle qu'elle est intitulée dans le projet de loi de finances pour 2005, se voit dotée de 62 millions d'euros.

Cette somme permettra de financer la création des premières « équipes de réussite éducative », prévue par l'article 55 du projet de loi, et de renforcer l'encadrement des jeunes accueillis dans des internats ou des structures d'accueil équivalentes, tel que le prévoit l'article 56 de ce même texte.

Je me dois cependant de noter que cette inscription de 62 millions d'euros ne permettra qu'une montée en charge très progressive de ces nouveaux dispositifs puisque, selon ce que notre collègue Paul Girod nous avait indiqué dans son rapport, il faudrait 750 millions d'euros pour financer les 750 équipes prévues par le projet de loi, soit un million d'euros par équipe. Mais, là aussi, il convient de relativiser ce chiffre puisqu'il s'agira d'un cofinancement entre l'Etat et ses partenaires. Ces 62 millions d'euros sont donc un premier pas significatif.

Les autres crédits en augmentation sensible sont ceux destinés à financer l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, puisqu'ils passeraient de 57 millions d'euros en 2004 à 128 millions d'euros en 2005, soit plus qu'un doublement.

Cependant, malgré cet accroissement important, la totalité des crédits n'augmenterait que de 17 millions d'euros, compte tenu du phénomène de vases communicants entre le budget du logement et celui de la ville, qui contribuent tous les deux aux dotations de l'Etat à l'ANRU.

Les crédits de l'ANRU passeraient, en fait, de 210 millions d'euros en 2004 à 227 millions d'euros en 2005, montant inférieur, je me dois de le souligner, à celui de 465 millions d'euros prévu par la loi de programmation de 2003, que le Gouvernement a manifestement décidé d'interpréter en autorisations de programme plutôt qu'en crédits de paiement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Par ailleurs, même en autorisations de programme, la dotation de l'ANRU pour 2005 serait inférieure à ce chiffre de 465 millions, puisqu'elle serait de 415 millions d'euros.

Il convient cependant de tempérer ce propos puisque l'article 58 du projet de loi de finances rectificative prévoit de majorer de 100 millions d'euros la dotation de l'ANRU pour 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Ces précisions étant apportées, il faut tout de même rappeler que les objectifs fixés par la loi de programmation sont volontaristes et ambitieux, notamment pour les opérations de démolition-reconstruction, qui sont par nature difficiles à mettre en oeuvre.

Rien ne servirait d'inscrire des crédits s'ils n'étaient pas consommés, mais il faudra donc, dans les années à venir, une accélération sensible du rythme de ces opérations ainsi qu'une augmentation des crédits de paiements pour tenir les objectifs annoncés.

Voilà, mes chers collègues, pour ce qui est des augmentations, bien réelles, prévues dans ce budget. Toutefois, elles seront compensées en partie, mais en partie seulement, par la diminution ou la suppression d'autres crédits.

A cet égard, la mesure la plus importante concerne les crédits destinés aux communes en grand projet de ville, ou GPV, qui connaissent des difficultés financières particulièrement aiguës et qui bénéficiaient, depuis 1999, d'une dotation exceptionnelle qui s'élevait encore à 20 millions d'euros l'année dernière, mais dont le montant avait déjà sensiblement diminué depuis 2003.

Cette dotation serait supprimée à partir de 2005. Cette mesure est présentée par le ministère, à juste titre, me semble-t-il, comme la contrepartie de la réforme de la DSU qui va permettre une hausse très importante de cette dernière pour les villes concernées.

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues pour ce qui est des crédits en diminution.

Cela étant dit, l'arbre ne doit pas cacher la forêt : le budget que nous examinons est en hausse très sensible pour l'année 2005 de même que l'ensemble des crédits consacrés à la politique de la ville, qui progresseront de près de 400 millions d'euros cette année pour atteindre 6, 4 milliards d'euros.

J'en viens maintenant à la deuxième partie de mon intervention, relative à la mise en oeuvre de la LOLF.

Il y a un an, le précédent rapporteur spécial, notre collègue Eric Doligé, vous expliquait à quel point cette mise en oeuvre était difficile. On peut dire, cette année, que des progrès considérables ont été accomplis, puisqu'elle se fait maintenant dans des conditions satisfaisantes.

Tout d'abord, comme cela n'aura pas échappé, mes chers collègues, à ceux d'entre vous qui ont consulté le « bleu », les crédits destinés aux moyens des services quadruplent presque.

Ce quadruplement résulte d'un simple redéploiement interne qui a pour objet d'expérimenter trois budgets opérationnels de programme, ou BOP. Ces BOP concerneraient trois régions : Bretagne, Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes. Concrètement, cela signifie que certains crédits de la future mission « ville et logement » seront gérés directement par les préfets de région concernés dès 2005.

Autre sujet de satisfaction, le Gouvernement a suivi les préconisations de la commission des finances pour ce qui est de la structuration de la mission « ville et logement ». En effet, le projet de constituer une vaste mission interministérielle uniquement consacrée à la politique de la ville et qui aurait regroupé la quasi-totalité des crédits du « jaune », soit environ 6 milliards d'euros, a été abandonné, non pas à cause du montant de ces crédits, mais du fait de l'impossibilité de les identifier précisément.

Après l'abandon de ce projet de mission interministérielle, le Gouvernement avait ensuite envisagé, dans ses propositions de janvier 2004, la constitution d'une mission ministérielle « ville » stricto sensu, dotée seulement de 650 millions d'euros. Ce faible montant avait amené le président de la commission des finances et son rapporteur général, dans leur rapport d'information relatif à la mise en oeuvre de la LOLF, à juger ce projet de mission inapproprié.

Aussi, conformément aux préconisations de notre commission, le Gouvernement propose désormais de mettre en place une mission ministérielle « ville et logement », dotée d'environ 7 milliards d'euros, qui joindrait aux principaux crédits de la politique de la ville les principaux crédits de celle du logement.

Cette mission réunirait quatre programmes.

Les deux principaux, intitulés « aide à l'accès au logement » et « développement et amélioration de l'offre de logement », porteraient sur plus de 6 milliards d'euros.

Les deux autres programmes, intitulés « équité sociale et territoriale et soutien » et « rénovation urbaine » porteraient sur environ 1 milliard d'euros.

Ces programmes sont globalement satisfaisants, tant par leur structuration que par les objectifs et les indicateurs retenus.

On peut simplement regretter que certaines préconisations de notre collègue Eric Doligé ne soient pas mises en oeuvre. En effet, il suggérait que soient pris en compte, dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, les « indicateurs globaux » et l'objectif de « réduction progressive des écarts constatés avec les autres villes ou quartiers, et de retour au droit commun », inscrits, sur son initiative, dans la loi d'orientation et de programmation pour la ville du 1er août 2003.

Or ces indicateurs globaux ne figurent pas dans l'avant-projet annuel de performances, et, contrairement à ce que suggérait notre collègue, l'objectif précité ne fait l'objet d'aucune « finalité d'intérêt général ».

Il me semble, monsieur le ministre, que la mise en oeuvre de ces préconisations apporterait une plus grande clarté aux objectifs visés par la politique de la ville.

Mais, sur ce point aussi, si quelques remarques doivent être faites, nous notons avec satisfaction que les principales propositions de la commission des finances ont été suivies.

J'en viens maintenant au troisième et dernier point de mon intervention, qui concerne le zonage de la politique de la ville et le financement de la péréquation.

Vous le savez, mes chers collègues, la politique de la ville stricto sensu repose sur deux zonages concurrents.

Le premier est celui des zones urbaines sensibles, les ZUS, des zones de revitalisation urbaine, les ZRU, et des zones franches urbaines, les ZFU. Le second est celui, plus large, des quartiers prioritaires des contrats de ville.

A ce double zonage de la politique de la ville vient s'ajouter celui de la DSU et l'on pourrait également évoquer, dans un autre registre, mais en termes de moyens financiers il n'est pas neutre, celui qui est propre à l'éducation nationale, avec les zones d'éducation prioritaire, les ZEP, ou les zones de remplacement, les ZRE, qui se superposent encore, sans toujours coïncider, aux précédents.

Dans son rapport de 2002 relatif à la politique de la ville, la Cour des comptes estime que cette coexistence de deux zonages « n'améliore pas la lisibilité du dispositif pour les citoyens ».

Outre les problèmes de délimitation de territoire, le zonage ZFU est déjà ancien puisqu'il repose sur le recensement de 1990 et sur les conditions économiques et sociales de 1996, qui ne sont plus celles d'aujourd'hui. Il me semble donc que tous ces zonages, difficiles à comprendre, devraient faire l'objet, dans les années qui viennent, d'une réforme d'ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Un autre sujet sur lequel, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais revenir concerne les mécanismes de péréquation.

Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit de porter la DSU, qui est d'environ 600 millions d'euros aujourd'hui, à 1, 2 milliard d'euros en 2009. C'est une très bonne chose en soi.

Cela étant, cette réforme ne concerne pas les conditions d'éligibilité à la DSU. Il me semble, monsieur le ministre, que ces conditions sont peut-être aujourd'hui trop peu restrictives puisque, rappelons-le, les trois quarts des communes de plus de 10 000 habitants sont éligibles à la DSU. Cela signifie, par contrecoup, que c'est sur le quart restant que l'on fait porter l'effort, puisque le doublement de la DSU d'ici à 2009 sera financé, entre autres, par une progression de la DGF notoirement inférieure à l'inflation.

Peut-on sérieusement estimer, que dans notre pays, trois quarts des villes de plus de 10 000 habitants seraient en difficulté alors qu'un quart d'entre elles seraient suffisamment riches pour être mises à contribution ? Si tel était le cas, la notion de moyenne aurait purement et simplement disparu de nos manuels de mathématiques, ce qui serait pour le moins surprenant !

Il faut bien évidemment aider les villes en difficulté - et la loi que vous proposez permet de le faire - parce qu'elles supportent des charges importantes en matière sociale, mais les critères d'éligibilité à la DSU doivent être revus.

Et pour démontrer la justesse de mon propos, permettez-moi, une nouvelle fois, de faire état de ma qualité de sénateur de Seine-Saint-Denis, département où trente-trois communes sur quarante sont éligibles à la DSU et vont voir, en cinq ans, celle-ci progresser de 28 % pour certaines jusqu'à 455% pour celles les plus en difficulté, ce qui est normal.

Parmi ces trente-trois communes éligibles, monsieur le ministre, je relève une poignée de noms que je suis surpris de trouver dans la liste. En effet, connaissant bien ces villes, connaissant leur urbanisme, leur sociologie et, surtout, leurs ressources, notamment en matière de taxe professionnelle, je ne peux comprendre qu'elles figurent dans la liste des communes dont il était urgent d'augmenter la DSU !

Il faudrait se livrer à cet exercice, département par département, et je suis certain que nous trouverions bien d'autres exemples.

Je suis entré au Sénat voilà à peine plus de deux mois. On m'a dit à plusieurs reprises, et j'ai constaté que cela était vrai, qu'il régnait dans cette assemblée une grande liberté de parole. Alors, permettez-moi d'en faire usage, monsieur le ministre, pour vous demander de revoir ces mécanismes de péréquation qui ne sont pas véritablement équitables.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

A mon sens, il conviendrait, à tout le moins, de classer les communes en trois catégories : d'abord, celles qui sont en difficulté parce qu'elles ont des quartiers difficiles et des ressources faibles ne leur permettant pas d'y faire face, et qu'il faut aider par une DSU fortement accrue ; ensuite, les communes qui sont dans la moyenne, pour lesquelles les dotations de l'Etat devraient progresser au rythme de l'inflation afin de ne pas les mettre en difficulté au fil du temps ; enfin, celles dont les ressources sont au-dessus de la moyenne, en tenant compte de leurs charges, et qui doivent nécessairement contribuer à aider financièrement les communes en difficulté.

Le système actuel crée des injustices flagrantes qu'il faudra, à mon sens, rapidement faire disparaître, d'autant qu'en cas de baisse de la croissance, ce que personne ne souhaite bien évidemment, les communes ne percevant que la part forfaitaire seraient encore plus pénalisées.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, comme cela a été réclamé par beaucoup d'élus lors de la discussion de l'article 29 du projet de loi de finances mais aussi lors de l'examen de la loi Borloo, il faut remettre à plat les mécanismes de péréquation.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques observations que m'a inspirées ce budget.

Pour en revenir directement à ce qui nous préoccupe, je vous propose, au nom de la commission des finances, en raison de l'ambition affichée par le Gouvernement en matière de politique de la ville, ambition traduite dans les chiffres, d'adopter le budget de la ville et de la rénovation urbaine.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Pierre André, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre André

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les zones urbaines sensibles comptent trois fois plus de ménages pauvres que le reste de l'espace urbain, trois fois plus de logements sociaux et un taux de chômage qui atteint 20 % de la population active, soit le double du taux national.

C'est à la lumière de ce constat, mes chers collègues, que je vous invite à examiner le projet de budget qui nous est soumis. Plus que jamais, en effet, la politique de la ville est sollicitée pour résorber la fracture territoriale et ramener dans les quartiers en difficulté une cohésion sociale qui fait aujourd'hui encore défaut.

Nous avons collectivement, depuis deux ans, pris la mesure de ce constat et mis en place les outils d'une refondation de la politique de la ville, sous l'impulsion de Jean-Louis Borloo, et nous sommes heureux aujourd'hui, monsieur Daubresse, que vous preniez la suite et que l'on vous ait confié, outre la politique de la ville, celle du logement. Nous n'oublions pas que vous avez été un brillant rapporteur de la politique de la ville à l'Assemblée nationale. Nous allons donc pouvoir travailler dans la continuité.

Le premier volet de cette refondation est un effort financier conséquent de la part de l'Etat, dans un contexte budgétaire difficile, comme cela a été rappelé par le rapporteur spécial de la commission des finances.

Au-delà de ces chiffres, nous pouvons saluer l'effort de rationalisation accompli, puisque les crédits d'investissement sont privilégiés par rapport aux crédits de fonctionnement. Cette évolution nous permet d'engager des moyens importants.

Il convient de bien souligner cet effort en faveur de la rénovation urbaine. Ainsi, les crédits de paiement sont en augmentation de 123 %. En outre, ce sont bien 465 millions d'euros qui sont inscrits en autorisations de programme : 415 millions d'euros au titre de l'ANRU et 50 millions au titre du fonds de restauration urbain. Nous veillerons, quand l'agence aura atteint son régime de croisière, à ce que les crédits de paiement rejoignent les autorisations de programme.

Toutefois, notre principale préoccupation aujourd'hui n'est pas de nature financière. Elle concerne plutôt l'aptitude des services déconcentrés à prendre la mesure du changement de culture que représente l'ANRU. Faites en sorte, monsieur le ministre, que l'ensemble de vos services s'attachent à simplifier et à fluidifier les procédures de mise en oeuvre des projets.

Le deuxième volet de la refondation concerne le ciblage des crédits sur les zones les plus en difficulté.

Le saupoudrage des crédits est un écueil qu'il faut éviter, surtout dans le domaine de la politique de la ville. Certes, on pourra toujours épiloguer pour savoir si tel ou tel quartier a droit ou n'a pas droit aux crédits. Cependant, il existe des critères objectifs d'attribution.

Nous pouvons nous réjouir que quarante et une nouvelles zones franches urbaines soient créées et que la réforme de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, recentre l'effort de la collectivité nationale sur les villes les plus en difficulté, celles dont les besoins sont les plus grands.

Le troisième volet de cette refondation, bien que situé à un stade embryonnaire, revêt pourtant une importance capitale si nous voulons que les efforts en faveur de la ville atteignent leur pleine efficacité. Il s'agit des procédures de mise en oeuvre de la politique de la ville. En effet, cette mise en oeuvre constitue aujourd'hui, monsieur le ministre, le talon d'Achille de cette politique.

Une réflexion doit être rapidement menée sur la simplification des procédures. La multiplication des études préalables, parfois redondantes, et la lourdeur des procédures d'appel d'offres sont autant de facteurs qui freinent la réalisation des projets.

Comme l'avait montré le rapport que la Cour des comptes avait consacré en 2002 à la politique de la ville, les associations sont également victimes de la complexité des procédures et des mesures de régulation budgétaire, qui affectent la disponibilité des crédits. Le manque de lisibilité des procédures et la complexité des démarches à accomplir sont des sources de déperdition financière.

C'est un fait que les associations manquent de moyens. Je pense notamment à celles oeuvrant dans les domaines de l'insertion, de l'immigration ou de la promotion sociale. Dans le même temps, nous ne savons pas utiliser le fonds social européen, le FSE.

Monsieur le ministre, je pense qu'il est temps, dans ce domaine comme dans d'autres, de prendre des mesures.

Dans cette perspective, la commission des affaires économiques m'a chargé de mener une réflexion sur les contrats de ville. Ceux-ci s'apparentent trop souvent à des usines à gaz.

Enfin, ma dernière interrogation porte sur les fonds structurels européens, qui ne sont pas et ne seront pas neutres sur la politique de la ville. Ils feront l'objet, dans le cadre de la nouvelle programmation, et dans le contexte de l'élargissement de l'Union européenne, d'une profonde réforme. A cet égard, il serait intéressant de connaître, dans les semaines à venir, la position du Gouvernement sur l'avenir des fonds structurels et, surtout, sur leur utilisation au plan national. Quel sera le principe de subdélégation retenu et quelle sera la part des crédits consacrée à la politique de la ville ?

En conclusion, consciente des restrictions budgétaires qui affectent, de manière générale, les marges de manoeuvre de l'Etat, la commission des affaires économiques a émis un avis très favorable à l'adoption des crédits de la ville pour 2005. Nous souhaitons qu'ils servent à régler les problèmes de ceux qui sont le plus en difficulté.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique de la ville est enfin dotée, cette année, des moyens d'agir en faveur des quartiers les plus défavorisés. Après trois années de stagnation et une baisse de 7 % en 2004, son budget s'élève en effet à 423 millions d'euros, soit une hausse de 23 %.

Ce budget est un peu particulier, car les crédits qui y sont spécifiquement consacrés ne constituent qu'une petite fraction - 6 % seulement - de l'ensemble des fonds publics. D'autres ministères, les fonds européens, les collectivités territoriales, la Caisse des dépôts et consignations et la DSU contribuent aussi, chacun pour sa part, à la politique urbaine. En conséquence, le ministère de la ville ne dispose que d'une marge de manoeuvre réduite pour mettre en oeuvre une politique globale dans les quartiers.

Vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, quels étaient les points saillants de ce budget. Ce sont notamment la hausse sensible de la DSU prévue par le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, destinée à donner aux communes les plus défavorisées les moyens de cofinancer des actions de la politique de la ville sur leur territoire ; la relance des zones franches urbaines ; la préparation de l'entrée en vigueur de la LOLF, qui rassemblera, à partir de 2006, les crédits de la ville et du logement en une mission unique, l'objectif étant de réinsérer les zones urbaines sensibles dans la dynamique des agglomérations auxquelles elles appartiennent.

Cette mission comprendra quatre programmes, dont deux intéressent plus particulièrement la politique de la ville : le programme « rénovation urbaine », qui inclura la participation de l'Etat à l'agence nationale de rénovation urbaine, l'ANRU, et le programme « équité sociale et territoriale », qui a pour objectif de réduire la vulnérabilité sociale et économique des habitants des quartiers. Ce dernier programme fera l'objet d'une première expérimentation en 2005 dans les régions Nord-Pas-de-Calais, Bretagne et Rhône-Alpes.

La politique de la ville soutiendra, en 2005, trois priorités : la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale, les actions de rénovation urbaine et la revitalisation économique des quartiers.

Nous avons étudié récemment le plan de cohésion sociale. Il a notamment pour objectif de lutter contre l'échec scolaire, qui frappe plus particulièrement les élèves des zones urbaines sensibles, les ZUS, où près d'un tiers des habitants déclare ne posséder aucun diplôme.

Ce plan prévoit la création de dispositifs de réussite éducative, rassemblant, autour des enseignants, les différents professionnels de l'enfance. Sur la période 2005-2009, 1, 5 milliard d'euros leur seront affectés, dont 62 millions d'euros budgétés pour 2005.

Ce plan réforme également la DSU. D'une part, il prévoit un nouveau mode de calcul, plus favorable aux communes situées en territoire prioritaire de la politique de la ville ; d'autre part, il abonde exceptionnellement et temporairement cette dotation de 120 millions d'euros par an pendant cinq ans. En contrepartie, les crédits de fonctionnement des grands projets de ville, les GPV, sont supprimés, car les villes qui en bénéficient actuellement seront celles qui, demain, seront éligibles à la nouvelle DSU.

Je souhaiterais tout de même faire une remarque concernant l'avenir des contrats de ville. Il ne faudrait pas, en effet, que l'année 2006 sonne la fin du financement de ces contrats.

J'ai bien entendu la remarque de M. André, que je partage totalement : il sera important de veiller à ce que les contrats de ville soient bien cadrés et suivis. En effet, ces crédits visent à l'accompagnement social des populations concernées par l'ANRU. Pour cette raison, leur mission est essentielle.

Il faut voir ce à quoi doit servir ce dispositif. N'oublions pas, en effet, les régies de quartier, l'accompagnement scolaire et les dispositifs de réussite éducative, ainsi que toute une série d'autres actions, telles que les fonds de participation des habitants ou les fonds de travaux urbains. Ce sont des outils essentiels pour l'accompagnement des populations dans la proximité et au quotidien.

Je considère vraiment qu'un chantier doit être ouvert dans ce domaine avant que le contrat de ville soit supprimé purement et simplement, car c'est une population fragile qui habite les quartiers renouvelés. Vous vous y attelez sans doute actuellement, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Il serait particulièrement dommageable que l'accompagnement de l'ingénierie acquise par les communes ou les autres collectivités locales dans le cadre de ces maîtrises d'oeuvre urbaines et sociales liées au contrat de ville soit trop brutalement ou trop rapidement abandonné. Ces collectivités, qui sont en contrat de ville, ne sont pas nécessairement en ANRU, et moins encore en GPV puisque ceux-ci sont intégrés à l'ANRU.

Aussi, il faudrait être attentif à ce qu'une petite part de l'accompagnement puisse être maintenue pour ne pas les laisser tomber du jour au lendemain.

Les crédits d'investissement de ces mêmes GPV ont été majoritairement versés à l'ANRU depuis 2004. Ce transfert n'est pas illogique dès lors que ces deux dispositifs concernent les mêmes territoires. C'est pourquoi notre commission souhaite une montée en puissance plus rapide de l'ANRU, afin que toutes les villes aujourd'hui en GPV bénéficient des financements de l'agence pour leurs projets de rénovation urbaine.

En effet, depuis la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, la politique de la ville est très majoritairement orientée vers le financement d'opérations de renouvellement urbain via l'ANRU.

Cette agence a été créée pour la période 2004-2008 et elle devait être dotée, par ses différents partenaires, de 6 milliards d'euros, soit 1, 2 milliard par an. Or sa mise en oeuvre ayant été très lente, il est rapidement apparu qu'elle devrait poursuivre son activité au-delà de son terme initial. C'est la raison pour laquelle le Sénat a reporté cette date à 2011, lors de l'examen du projet de loi de cohésion sociale. A cette même occasion, la contribution globale de l'Etat au programme de rénovation urbaine a été portée à 4 milliards d'euros.

Pour l'instant, en effet, la dotation de l'Etat est restée bien inférieure au minimum prévu. Toutefois, il semble que ces crédits ont suffi au financement des besoins véritables de 1'ANRU pour sa première année d'existence, en raison du temps pris par la sélection et la mise en oeuvre de dossiers souvent complexes.

A ce propos, j'aimerais recevoir l'assurance que le goulet d'étranglement, conséquence de l'examen au compte-gouttes des dossiers, sera rapidement résorbé par un renforcement de l'ingénierie de l'ANRU. Nous comprenons bien que, au niveau national, cette montée en puissance des dossiers déposés pose problème et nécessite des moyens supplémentaires. Cependant, il faut prendre garde de trop concentrer les dossiers en fin de programme au motif qu'il est difficile de les instruire au fur et à mesure, car l'on porterait préjudice au dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

De la même manière, il me semble que, au niveau régional, pour aider les collectivités concernées à monter leurs dossiers dans les meilleurs délais, un soutien serait nécessaire.

Dès 2005, toutefois, les financements vont augmenter. La participation de l'Etat devrait alors atteindre 173 millions d'euros en crédits de paiement, dont 74, 5 millions pour le budget de la ville.

Enfin, ultime priorité, la politique de la ville sera largement orientée vers la revitalisation économique des quartiers qui présentent systématiquement un taux de chômage élevé, notamment chez les jeunes. Des tentatives d'encouragement à l'économie et au commerce dans les quartiers ont été lancées, mais sans réelle efficacité.

Les efforts seront donc désormais concentrés sur les zones franches urbaines, dont le bilan est largement positif grâce à un régime d'exonérations sociales avantageux. Cela a conduit la loi du 1er août 2003 à prévoir la création de quarante et une nouvelles zones à compter du 1er janvier 2004.

Ces orientations favorables de la politique de la ville ont conduit la commission des affaires sociales à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la ville et de la rénovation urbaine pour 2005.

Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le ministre, après les interventions extrêmement denses et clarificatrices du rapporteur spécial et des deux rapporteurs pour avis, je voudrais, au nom de la commission des finances, vous poser une question tout en saluant la promptitude de votre communication.

Nous débattons véritablement en temps réel puisque, dès hier, vous avez fait connaître aux élus le montant de la DSU pour la période 2005-2009 et avez indiqué quel serait son taux de progression.

Cependant, nous rencontrons une difficulté d'ordre technique, liée au fait que le projet de loi pour la cohésion sociale était examiné hier en commission mixte paritaire et reviendra en ultime lecture dans quelques jours devant l'Assemblée nationale et le Sénat.

La semaine dernière, examinant les dispositions du projet de loi de finances relatives à la dotation de solidarité urbaine, nous avons privilégié le potentiel financier, alors que les simulations que vous avez rendues publiques prennent appui sur le potentiel fiscal, comme vous le précisez dans la note qui accompagne cette information.

J'émets pour ma part l'hypothèse que les écarts seront marginaux. Il serait cependant opportun que soient mis rapidement en relation les services informatiques du ministère de l'intérieur, de la DGCL, la direction générale des collectivités locales, et de vos services, afin que nous puissions faire connaître aux intéressés le montant de la DSU sur la base du potentiel financier, et non pas du potentiel fiscal, et ce pour éviter des déconvenues.

J'ai en effet pris conscience qu'il n'était pas toujours facile pour le Parlement, et notamment pour le Sénat, qui est pourtant le grand Conseil des collectivités territoriales, d'accéder en temps réel à ces simulations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je réitère donc le souhait que j'ai formulé la semaine dernière à l'occasion du débat relatif à l'affectation des recettes de l'Etat aux collectivités territoriales : il serait bon que le Sénat puisse disposer de la banque de données des collectivités territoriales, répertoriant leurs ressources tant financières que fiscales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il y a urgence ! Certes, le Comité des finances locales accomplit sa tâche excellemment mais, encore une fois, le grand Conseil des collectivités territoriales, c'est le Sénat !

Monsieur le ministre, lorsque vous répondrez aux différents intervenants, je vous saurais gré de nous indiquer si vous disposez de telles simulations et, dans ce cas, si vous avez connaissance d'écarts éventuels résultant de la substitution du potentiel financier au potentiel fiscal, sinon, dans quel délai vous estimez être en mesure de nous en faire part.

Mais en tout état de cause, monsieur le ministre, je salue votre capacité à communiquer en temps réel et rapidement, presque plus rapidement que le vote de la loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;

Groupe socialiste, 21 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 7 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.

Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Roger Madec.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons en cette fin d'après-midi le volet « ville et rénovation urbaine » du projet de loi de finances pour 2005.

Mes propos seront moins teintés d'optimisme que ceux de mes prédécesseurs même si, par moment, j'aurais pu reprendre à mon compte ce qu'a dit Mme Létard. Hélas ! il ne s'agissait que d'un « grand écart », puisqu'elle appelle à voter ce projet de budget.

Celui-ci est à l'image de la politique du Gouvernement qui, en dépit des effets d'annonce, préconise un désengagement substantiel de l'Etat. En effet, à l'exception des crédits affectés aux grands projets de ville, les GPV, sur lesquels je reviendrai tout à l'heure, l'ensemble des postes budgétaires sont en baisse.

Vous le savez, monsieur le ministre, la politique de la ville repose sur le principe de la géographie prioritaire en faveur des quartiers en difficulté, pour lesquels des moyens exceptionnels doivent être mis en oeuvre. Pour être efficace, cette politique doit être globale et transversale, et comprendre un volet urbain important, car l'image négative qui « colle à la peau » de certaines cités a un effet dévastateur et est facteur d'inertie.

Dans ce contexte, la démolition de tours et de barres d'immeubles, mais aussi la réhabilitation ou la résidentialisation, font partie intégrante de la politique de la ville.

Celle-ci comprend également un volet social important, que vous semblez sous-estimer. En effet, l'action sur l'urbanisme ne se suffit pas à elle-même. Cette politique peut certes permettre de changer l'image d'un quartier que la précarité et l'abandon ont conduit à la dégradation et au « mal vivre », mais, sans accompagnement humain et social fort, cela équivaut à un pansement sur une gangrène.

Il faut donc porter l'effort parallèlement sur l'insertion professionnelle, la prévention, notamment sanitaire, le développement des services publics, l'éducation et les loisirs.

Or force est de constater que votre projet de budget ne prend pas suffisamment en compte ces éléments. Il est regrettable que vous sembliez réduire les effets de votre politique à un simple traitement « par le béton », au détriment de l'accompagnement social des habitants. Il faut en effet rappeler que ceux-ci sont pris en charge par les associations, qui pâtissent de votre politique, et par les services publics locaux.

Je prendrai l'exemple de Paris, un département que je connais bien et que je représente. Il peut paraître paradoxal de parler de la politique de la Ville à Paris ; pourtant, certains quartiers y sont en grande difficulté. Je rappelle que les crédits consacrés aux associations dans ces quartiers difficiles passent de 2, 2 millions d'euros à 1, 1 million d'euros.

Paris, qui compte 100 000 demandeurs de logements, ne peut se permettre de détruire des immeubles. Du reste, la politique de la table rase n'est pas toujours la meilleure, car elle est souvent traumatisante pour les habitants, qui ont vécu parfois une grande partie de leur vie dans ces bâtiments.

L'action coordonnée d'une réhabilitation urbaine et d'un accompagnement social volontariste permet de maintenir les habitants dans leurs quartiers et d'améliorer sensiblement leur environnement.

Les crédits en faveur des dispositifs « adultes-relais » et les opérations « ville-vie-vacances », qui avaient été les seuls crédits préservés l'année dernière, sont en diminution. Les interventions relatives au lien social et aux services publics sont fortement réduites et l'accompagnement humain, qui devrait être la pierre angulaire de ce projet de budget, est largement oublié.

Revenons d'une manière plus précise aux crédits affectés à la rénovation urbaine. La loi du 3 août 2003 avait fixé la contribution annuelle minimale de l'Etat à 465 millions d'euros. Votre projet de budget porte aujourd'hui sur 415 millions d'euros, ainsi répartis : 223 millions au titre du volet « logement » et 192 millions au titre de la ville. Le compte n'y est donc pas. Même si cette loi précise qu'il s'agit d'un engagement pluriannuel, il me semble important que l'Etat respecte ses engagements, et ce dès la première année.

La création de l'ANRU devait marquer une nouvelle étape de la politique de la ville. Quant au dispositif du guichet unique, c'était a priori une bonne idée. Mais cet outil au service de la simplification administrative s'est vite transformé en un instrument de désengagement de l'Etat.

Alors que vous escomptiez la signature de 150 conventions, seuls 60 projets ont été validés par le comité national d'engagement. De plus, des dossiers qui avaient été actés localement seront désormais refusés en bloc, au motif qu'ils ne correspondent pas aux critères de l'ANRU. A cet égard, dois-je vous rappeler que ces critères n'ont toujours pas été portés à la connaissance du public puisque le règlement intérieur de l'Agence doit être publié prochainement ?

Nous serons attentifs à ces critères. En effet, comme vous le savez, monsieur le ministre, l'ancien label « politique de la ville », retenu dans le contrat de ville, permettait de prendre en charge un quartier en difficulté dans sa globalité. Aujourd'hui, avec l'ANRU, seul le périmètre ZUS, qui est beaucoup plus réduit, sera pris en compte.

Par ailleurs, les représentants de l'Etat ont déjà fait savoir qu'un projet de rénovation urbaine ne prévoyant pas de démolition ne serait pas éligible à l'ANRU, à de rares exceptions près.

Cette suppression déguisée des crédits pénalisera certains quartiers en difficulté et créera une distorsion entre les communes en très grande difficulté et celles qui dépassent très peu ce seuil, ce qui risque, dans dix ans ou quinze ans, de nous placer au même niveau de débat.

Ce projet de budget fait donc apparaître une reconcentration de la politique de la ville. En outre, le désengagement financier en matière d'accompagnement humain et social va contraindre in fine les acteurs locaux à se tourner vers les collectivités territoriales qui, comme dans d'autres domaines, seront sollicitées pour prendre le relais de l'Etat, là où celui-ci se désengage de façon importante.

Pour toutes ces raisons, et sur la base des arguments que mes collègues Mme Michèle San Vicente et M. Thierry Repentin présenteront dans quelques instants, le groupe socialiste votera contre ce projet de budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Demuynck

Monsieur ministre, je souhaite tout d'abord saluer l'ampleur de la tâche que vous avez accomplie depuis que vous avez pris vos fonctions, le 10 avril dernier. Je suis en effet, comme Philippe Dallier, issu du département de la Seine-Saint-Denis, et je dois dire que vous avez redonné de l'espoir aux élus.

Cet espoir n'est pas seulement d'ordre philosophique. Il ne repose pas que sur des mots, il est également soutenu par des moyens et des actions. Et lorsque les élus retrouvent le moral, les familles qui vivent dans les quartiers difficiles reprennent aussi espoir.

Par ailleurs, vous avez eu la volonté d'associer tous les élus, quelle que soit leur tendance politique, à votre action et vous n'avez pas souhaité faire de la politique de la ville un enjeu politicien, ce que je trouve très positif.

Monsieur le ministre, je partage tout à fait votre façon d'aborder les problèmes des quartiers difficiles et de leurs habitants. J'en veux pour exemple le concours « Talents des cités », qui a réuni, le 20 novembre dernier, dans cet hémicycle, plus de trois cents jeunes issus des quartiers difficiles.

Au côté de sénateurs de toute tendance, vous avez remis des trophées pour aider des jeunes qui souhaitaient créer une entreprise. Vous avez ainsi souhaité démontrer que, malgré les difficultés qui existent dans ces cités - car les problèmes existent, il ne faut pas se voiler la face -, des jeunes femmes et des jeunes gens qui en sont issus avaient envie de travailler. Au-delà de la question de l'urbanisme, la preuve existe que, dans les cités, des personnes veulent se sortir de leurs difficultés et y parviennent.

Ma question, monsieur le ministre, a pour point de départ une constatation : dans notre pays, il existe, d'une part des cités ou des quartiers en très grande difficulté, pour lesquels on injecte beaucoup d'argent - 400 millions d'euros de plus cette année - et, d'autre part, les autres quartiers qui, par définition, sont censés bien se porter.

Maire d'une ville de 18 000 habitants, je souhaite évoquer le cas de ces quartiers intermédiaires, c'est-à-dire de ces cités gérées soit par des sociétés d'HLM, soit par des copropriétés et qui, au fur et à mesure du temps qui passe, ne parviennent plus vraiment à réhabiliter le bâti existant, faute de moyens suffisants. Je crains que ces quartiers ne deviennent à leur tour, avec le temps, des cités totalement ingérables, comme celles dont vous tentez de régler les problèmes actuellement.

Certes, il y a l'ANAH et les OPAC, mais, parfois, cela ne suffit pas.

Monsieur le ministre, je sais que les contraintes budgétaires auxquelles vous êtes soumis sont importantes, et je ne vous demande des crédits supplémentaires. Mais, partant du principe qu'il vaut mieux prévenir que guérir, ne pourrait-on prévoir qu'une somme soit réservée, dans le cadre du budget qui vous est alloué, pour ces quartiers intermédiaires qui risquent de dégénérer ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en nous présentant le volet « ville et rénovation urbaine » du projet de budget pour 2005, le Gouvernement a particulièrement insisté sur la prétendue « énorme » augmentation de 22, 7 % de ce budget. Pour être plus réaliste, il faudrait relativiser les chiffres, ce que quelques-uns des rapporteurs ont fait tout à l'heure, avec beaucoup d'honnêteté.

Tout d'abord, cette hausse intervient après une baisse de 7 % du même budget, l'année dernière. Par ailleurs, cette augmentation des crédits est plus une compensation qu'une réelle attribution de nouveaux moyens : si, d'un côté, les crédits spécifiques de la ville augmentent de 78, 22 millions d'euros, de l'autre, les crédits des autres ministères baissent de 34, 68 millions d'euros.

A cela, il faut ajouter les nombreuses diminutions budgétaires qui, étrangement, ne bénéficient pas de la même publicité : en effet, le fonds d'intervention pour la ville, le FIV, passe de 131, 6 millions d'euros à 83, 1 millions d'euros, les grands projets de villes inscrits au budget du logement baissent d'environ 54 millions d'euros, les crédits pour les dispositifs « adultes-relais » de 17 %, et les crédits alloués aux opérations « ville-vie-vacances » de 22 %.

Quoi qu'il en soit, qu'il y ait ou non augmentation, le budget du volet « ville et rénovation urbaine », par sa minceur et son étroitesse, ne reste qu'un budget d'affichage. A titre de comparaison, le budget alloué aux dépenses fiscales et aux compensations, essentiellement composé d'exonérations fiscales pour les entreprises, est presque deux fois supérieur.

Transversale et interministérielle par essence, la politique de la ville proprement dite devrait associer l'Etat, les collectivités locales et les associations. Dans les faits, une énorme confusion règne. A titre d'exemple, le dernier comité interministériel des villes, expression la plus évidente de la transversalité, s'est réuni en 2001 ! Et les associations, comme dans mon département des Hauts-de-Seine et dans ma ville, souffrent de graves retards, voire aujourd'hui de diminutions de subventions, notamment dans le cadre du fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations. Comment concevoir que des associations puissent vivre avec une année de retard de subventions ?

Pourtant, les problèmes sociaux que doit prendre en charge ce projet de budget sont massifs !

Sur les conditions de logement, par exemple : vous avez annoncé, l'année dernière, 200 000 démolitions et 200 000 réhabilitations. Avec seulement 26 000 constructions et 29 000 démolitions réalisées, vous êtes bien loin du compte ! De plus, vous créez un solde négatif de 3 000 logements, ce qui ne fait qu'empirer les choses.

Il en va de même du programme de réussite éducative, que vous avez doté d'un budget de 62 millions d'euros : ce programme ne pèse pas lourd, en termes tant budgétaires que de qualité de service public, face aux graves reculs que constituent notamment la disparition de milliers de postes d'aides éducateurs et d'enseignants du secondaire, et le manque évident de personnel péri-éducatif, de travailleurs sociaux, de médecins ou d'infirmiers scolaires.

En matière d'emploi, les quartiers populaires, qui ont été les derniers à ressentir les effets bénéfiques de la décrue du chômage entre 1998 et 2001, sont aujourd'hui en première ligne pour affronter sa recrudescence. Or l'aggravation du chômage, avec un taux voisin de 10 %, la fin des emplois- jeunes, la réduction de plusieurs mois des droits à l'assurance chômage, ainsi que les mesures facilitant les licenciements, fragilisent encore la situation de centaines de milliers de personnes parmi les plus modestes et empêchent, par conséquent, de résoudre les problèmes qui devraient être pris en charge par ce budget.

Nous voterons donc contre ce projet de budget qui, malgré sa présentation flatteuse, s'inscrit dans une politique globale ne pouvant qu'aggraver la situation des quartiers populaires et de leurs habitants.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Michèle André.