Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 9 décembre 2004 à 15h30
Loi de finances pour 2005 — I. - emploi et travail

Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail, et de la cohésion sociale :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation du projet de budget de l'emploi et du travail intervient alors que le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale vient d'être examiné en commission mixte paritaire.

A l'évidence, le projet de budget qui vous est soumis tient compte du plan de cohésion sociale, dont il assure le financement intégralement, à l'euro près. Le Gouvernement, comme le Parlement, ont parfaitement respecté les engagements qui ont été pris à l'égard de la nation.

S'il a été nécessaire de mettre en oeuvre un plan de cohésion sociale, c'est parce que notre dispositif général, qui est relativement lourd par rapport à ceux des autres pays européens puisqu'il absorbe plus de 30 % de notre PIB, qui est très consommateur d'un point de vue budgétaire, n'a eu qu'une efficacité à peu près normale pour ceux qui en avaient légèrement besoin et une efficacité extrêmement défaillante pour ceux qui en avaient véritablement besoin.

Finalement, le plan de cohésion sociale n'est qu'un énorme dispositif de rattrapage républicain en direction des femmes et des hommes, des jeunes et des séniors, d'un certain nombre de nos territoires qui en avaient le plus besoin.

Nous ne pouvons en effet nous contenter de constater que le RMI a triplé en quinze ans sans préparer l'avenir, d'autant que, nous le savons tous, notre pays doit s'attendre à un important choc démographique, et, pour ma part, je ne fais pas partie de ceux qui pensent que les départs à la retraite entraînent mécaniquement le retour à l'emploi de ceux qui en sont éloignés.

Tout est affaire d'organisation, de préparation, d'adaptation des ressources humaines, et c'est l'objet du plan de cohésion sociale que ce projet de budget vise à mettre en oeuvre pour la première année.

Vous avez manifesté, monsieur le rapporteur spécial, votre satisfaction quant à la simplification des aides, tant aux contrats privés qu'aux contrats publics. C'est évidemment une façon d'optimiser notre dispositif.

Vous avez également souligné la grande évolution que constituait la mise en place des maisons de l'emploi, sujet sur lequel il y avait, voilà encore quelques semaines, un peu de flou. Parce que ces maisons de l'emploi destinées à fédérer les compétences reposent par principe sur la souplesse et sur le volontariat, elles ont, en effet, parfois suscité des interrogations, voire des inquiétudes.

Aujourd'hui, alors que nous avions prévu d'en financer 300 ou 350, nous avons reçu 750 demandes sur tout le territoire national. Il va donc nous falloir être extrêmement professionnels pour nous assurer que l'implantation d'une maison de l'emploi correspond bien aux besoins locaux et permet d'assurer l'intégration de toutes les fonctions, la formation, la prévision des besoins, l'accueil, la mise en relation entre demandeurs d'emploi et entreprises, etc.

Vous avez déclaré soutenir en termes budgétaires les orientations du projet de loi, monsieur le rapporteur spécial. Mais en fait c'est une question plus large, de politique économique et de politique sociale, que vous soulevez.

Vous le savez, les exonérations, les soutiens, les crédits remboursables à l'innovation ou à l'exportation, toutes ces aides qui sont à la fois ponctuelles et nécessaires à l'activité ne ressortissent pas au budget du ministère de l'emploi et des affaires sociales mais au budget du ministère de l'économie et des finances. J'observe qu'un certain nombre de dispositifs sont prévus cette année, sauf en ce qui concerne l'export. Le Sénat le sait pour en avoir d'ores et déjà délibéré, un effort a été accompli en faveur des contrats spécifiques à l'export de trois ans.

En définitive, la question plus large qui se pose est la suivante : que reste-t-il à faire dès lors que les efforts préalables de cohésion sont engagés et sachant que nous sommes confrontés à la compétition mondiale ?

Nous devons en fait résoudre deux problèmes.

Le premier est d'assurer l'adaptation nécessaire tout en respectant les talents des collaborateurs des entreprises concernées par des mutations. C'est bien là la question de fond. Aujourd'hui, quand il y a licenciement, il y a en général isolement, et le « retour » dans le monde du travail, des compétences est rarement suffisamment rapide. Voilà la difficulté en même temps que la cause de la forte rigidité de notre système et des limites des procédures qui ont été mises en place.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est attaché à chercher, avec les partenaires sociaux et les dirigeants de plusieurs entreprises, une formule qui permette aux collaborateurs licenciés de recommencer rapidement à exercer leurs talents. Les entreprises de leur secteur ont besoin d'eux et, parallèlement, cela permettra d'éviter des situations extrêmement douloureuses.

Cette formule porte pour l'instant un nom technique impropre, à savoir « contrat intermédiaire ». Nous allons continuer à y travailler, car il n'y aura pas de développement économique sans optimisation des talents, compétences et ressources humaines de ce pays.

Le second problème tient à ce que le modèle français fait peser sur le contrat de travail l'ensemble du dispositif ; c'est en effet un sujet qui appelle une réflexion plus large.

En fait, si l'on considère l'ensemble du dispositif, il va de la protection sociale au logement. Dans le domaine du logement, nous avons déjà fait des avancées spectaculaires.

Je me permets de rappeler que c'est bien sur le contrat de travail que reposait le financement du logement conventionné puisque le bénéfice du dispositif du 1 % logement était réservé aux salariés des entreprises éventuellement fédérées par branche d'activité et relevant de l'UESL, l'Union d'économie sociale pour le logement. Un tel mode de financement du logement social « marche » bien en période de plein emploi, mais on voit bien qu'il ne fonctionne plus quand 4, 5 millions de personnes ne sont plus en situation d'emploi et sont donc purement et simplement écartées du dispositif, d'où la crise du logement social ou conventionné que nous avons connue.

La loi du 1er août 2003 a réformé en profondeur notre système. Elle a à la fois porté sur la gouvernance des organismes et sur l'utilisation des fonds. L'aide n'est plus réservée aux seuls titulaires de contrat de travail à proprement parler, mais accordée à tous les salariés ou ex-salariés qui en ont besoin en France. C'est donc une évolution profonde.

La question est de savoir si on peut envisager une assiette plus large que celle qui découle du seul contrat de travail pour d'autres éléments de la protection sociale au sens large. Plusieurs sénateurs et plusieurs présidents de commission y réfléchissent, le Gouvernement également. L'ancien ministre des finances a lancé une piste et engagé un travail d'études sur cette question. Notre ministère y travaille également. Nous devons examiner objectivement les conséquences de cette évolution que l'internationalisation des échanges et la compétitivité rendent probablement nécessaire.

En résumé, monsieur le rapporteur spécial, nous nous attachons à apporter une double réponse aux problèmes auxquels nous sommes confrontés : d'une part, rendre le système social plus performant pour aller vers ceux qui en ont vraiment besoin, car il n'est plus tenable que, dans ce pays, les difficultés s'accumulent toujours sur les mêmes ; d'autre part, assurer une forme de sécurité des parcours, mieux utiliser les compétences professionnelles, adapter nos entreprises, mener une réflexion approfondie pour redéfinir l'assiette sur laquelle doit reposer l'ensemble de notre système de protection sociale.

Nous travaillons dans ce sens et nous continuerons à le faire. Le contrat intermédiaire devrait constituer une première avancée.

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