Monsieur le ministre, alors que la croissance est là et que les entreprises font des bénéfices, le chômage ne diminue pas et le pouvoir d'achat des salariés stagne.
Malgré ce que prétend la doctrine libérale en vogue au Gouvernement, votre politique ininterrompue de baisse des charges sociales en direction des entreprises n'a eu aucune incidence sur la création d'emplois. Il y a pire : vous êtes le premier gouvernement a avoir réalisé l'exploit historique de faire diminuer l'emploi en France. On estime à 70 000 le nombre d'emplois détruits en 2003, ce qui n'était pas arrivé depuis 1993. Mais ce n'est pas fini : en 2004, ce sont 47 000 emplois qui devraient disparaître sous l'effet du recul des emplois industriels et non marchands. Il est normal, dans ces conditions, que l'annonce de M. Raffarin de voir le chômage baisser de 10 % n'ait pas été inscrite au titre des objectifs de ce projet de loi de finances.
Alors que la mise en place des politiques volontaristes en matière d'emploi est plus que jamais une nécessité, le budget de l'emploi ne progresse pas. L'annonce d'une augmentation de 1, 8 % - augmentation correspondant à l'inflation - n'a d'impact que sur la communication, et encore. Dans la réalité, l'effet est nul. Ce budget est même en baisse puisque les aides provisoires au secteur de l'hôtellerie et de la restauration ponctionnent 550 millions d'euros.
La baisse de la TVA que le Gouvernement n'a pas réussi à arracher à Bruxelles revient sur le tapis sous l'appellation « fallacieuse » d'aide à l'emploi. Si on peut comprendre le contentement des restaurateurs, qui verront leur marge augmenter, on peut douter des effets de cette mesure sur la relance de l'emploi dans ce secteur, mais vous le savez, monsieur le ministre.
Plus grave encore, le financement des mesures consacrées aux publics prioritaires - jeunes, chômeurs de longue durée et travailleurs précaires - est en baisse de 6, 1 %.
Alors que le chômage des moins de 25 ans ne cesse d'augmenter, le budget consacré à l'emploi des jeunes n'est vraiment pas à la hauteur de l'enjeu. Pour mémoire, ce chômage touche 21, 2 % des moins de 25 ans et plus de 40 % dans les quartiers sensibles.
Le remplacement des emplois-jeunes par les contrats d'insertion dans la vie sociale, les CIVIS, illustre bien la démarche en trompe-l'oeil du Gouvernement. A l'heure actuelle, si 300 contrats CIVIS ont été conclus, ce sont 100 000 emplois-jeunes qui ont disparu.
Conscient des situations douloureuses auxquelles sont confrontés les jeunes dans leurs tentatives d'accéder au marché du travail, la gauche, par le biais des présidents de région, a choisi de réagir et de compenser le désintérêt de l'Etat en créant des emplois tremplins sous forme de CDI.
Monsieur le ministre, je ne comprends pas la politique du Gouvernement sur ce point particulier. Qu'ils soient diplômés ou non, les jeunes voient aujourd'hui les portes de l'emploi se fermer devant eux. Comment une société moderne peut-elle envisager sereinement son avenir en laissant sa jeunesse sur le bord de la route ? Ce sont eux qui feront des promesses d'aujourd'hui les réalités de demain, ce sont leurs rêves qui enfantent les changements, ce sont leurs aspirations qui portent les réformes et c'est leur idéalisme qui nourrit la justice. Nous ne pouvons pas les laisser face à un futur où la frustration le dispute à l'immobilisme et le découragement à la colère.
Permettre à ces jeunes d'entrer dans le monde adulte en accédant à un emploi, ce n'est pas seulement répondre à leurs besoins, c'est aussi satisfaire aux exigences de la postérité.
Accéder à un emploi, c'est permettre l'accès à un logement. Vous savez bien que, sans emploi, il n'y a pas non plus de logement pour ces jeunes.
C'est la même inconséquence qui est à l'oeuvre sur ce public particulièrement fragile que sont les chômeurs de longue durée et les emplois aidés.
S'agissant des chômeurs longue durée, si leur nombre a augmenté de 3, 9 % entre 2003 et 2004, les crédits qui leur sont consacrés ne cessent d'être rognés. En 2002, ces crédits atteignaient 395 millions d'euros ; en 2004, 219 millions d'euros ; en 2005, il ne reste plus que 50 millions d'euros.
Vous me direz, monsieur le ministre, que, grâce à la loi de cohésion sociale, ce public particulier pourra avoir accès aux contrats aidés, type contrat d'avenir. Cette offre ne tient cependant pas compte des situations particulières de ce type de public et ne prévoit pas d'accompagnement adapté à ses besoins ; Mme San Vicente est intervenue longuement à ce propos.
Cette offre a toutefois un énorme avantage : elle fait disparaître des statistiques nombre de chômeurs de longue durée, les noyant dans la masse des aspirants ou des détenteurs de contrats d'avenir. Cette disparition statistique, si elle arrange le Gouvernement, n'améliorera certainement pas le sort des hommes et des femmes concernées.
Face à une telle baisse des moyens, alors même que les besoins augmentent, on est en droit de se demander si ce ne sont pas le monde associatif et surtout les collectivités locales qui devront, une fois encore, pallier le désengagement de l'Etat.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer les raisons des restrictions budgétaires portant sur les catégories les plus fragiles de notre population ? Pouvez-vous nous éclairer quant au manque d'ambition de votre Gouvernement s'agissant de l'emploi des jeunes ?