Monsieur le ministre, vous nous présentez un budget consacré à la lutte pour l'emploi et pour l'insertion professionnelle des jeunes. C'est donc un budget très important.
Parmi les moyens prévus pour lutter contre le chômage figure l'apprentissage, dont on sait qu'il peut être un outil efficace. En effet, seulement 10 % des apprentis sont sans emploi trois ans après la fin de leur formation. La relance de l'apprentissage est donc une idée intéressante, d'autant qu'elle affiche des objectifs ambitieux : 500 000 apprentis par an d'ici à 2009 contre 350 000 actuellement.
Malheureusement, aucune précision ne nous a été donnée ni sur les moyens qui seront mis en oeuvre ni sur la méthode. Et l'on peut s'interroger, monsieur le ministre, quand on voit que votre budget pour 2005 ne prévoit que 15 000 entrées supplémentaires en apprentissage, soit 250 000, au lieu des 235 000 programmées en 2004, ce qui correspond davantage à la réalité des dotations budgétaires.
Comment le Gouvernement entend-il atteindre cet objectif, et où va-t-il trouver les crédits nécessaires ?
Les entreprises embauchant des apprentis bénéficieront d'un crédit d'impôt de 1 600 euros pour chacun d'eux. Ce montant sera porté à 2 200 euros pour un jeune sans qualification. Parallèlement, votre budget prévoit une augmentation de 0, 06 % de la taxe d'apprentissage, sous la forme d'une contribution spécifique au développement de l'apprentissage au profit des régions. On peut se demander si ce système sera décisif pour amener les entreprises à augmenter de manière significative leur nombre d'apprentis.
Si tel est le cas, la multiplication du nombre d'apprentis, sans qu'aient été prévus de moyens pour le suivi et l'évaluation des maîtres d'apprentissage, risque d'avoir un effet pervers : l'exploitation des jeunes dans des emplois sous-payés, sans contrôle. Le risque d'un effet d'aubaine, lié au recrutement de jeunes diplômés en contrat d'apprentissage, est à craindre.
C'est pourquoi nous souhaitons savoir si le diplôme sera pris en compte dans le calcul de la rémunération et quel sera le montant de celle-ci pour des apprentis diplômés.
Par ailleurs, si les entreprises recrutent massivement des apprentis, les capacités d'accueil des CFA seront-elles suffisantes ? Les enseignants seront-ils assez nombreux pour assurer les cours ? Comment comptez-vous pallier les manques ?
Concernant le statut et la rémunération des apprentis, l'objectif est de valoriser l'apprentissage et de réduire sensiblement le nombre de résiliations de contrats, qui reste très élevé dans certains secteurs comme l'hôtellerie. Si nombre de ruptures sont liées à des problèmes d'adaptation de certains jeunes, il n'en reste pas moins que des entreprises utilisent au mieux la législation, notamment la période d'essai, pour se doter d'un personnel à faible coût dans des périodes de forte activité et s'en séparer ensuite sans formalité. Comment le Gouvernement entend-il mettre fin à ces abus ?
Lors de la première lecture du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, le Sénat a adopté un amendement de M. Serge Dassault tendant à autoriser le préapprentissage en entreprise aux jeunes dès l'âge de 14 ans. Il s'agit là d'une remise en cause de facto du principe de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans. En outre, ces jeunes pourront constituer une main-d'oeuvre bon marché. Bien évidemment, nous sommes contre.
Actuellement, deux tiers des entreprises ayant recours à des apprentis comptent moins de dix salariés. L'objectif affiché est de faire passer à 2 % de l'effectif le nombre d'apprentis dans les entreprises de plus de cent personnes. Comment le Gouvernement entend-il procéder pour atteindre cet objectif ?
Je l'ai dit au début de mon intervention : les objectifs sont ambitieux, mais votre budget confirme les craintes que nous avions exprimées dès l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. En effet, il n'est pas à la hauteur des ambitions affichées. Témoigne-t-il, en-dehors le l'effet d'annonce, d'une véritable réflexion sur l'apprentissage ?
Telles sont, monsieur le ministre, les questions que je souhaitais vous poser.