Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons en cette fin d'après-midi le volet « ville et rénovation urbaine » du projet de loi de finances pour 2005.
Mes propos seront moins teintés d'optimisme que ceux de mes prédécesseurs même si, par moment, j'aurais pu reprendre à mon compte ce qu'a dit Mme Létard. Hélas ! il ne s'agissait que d'un « grand écart », puisqu'elle appelle à voter ce projet de budget.
Celui-ci est à l'image de la politique du Gouvernement qui, en dépit des effets d'annonce, préconise un désengagement substantiel de l'Etat. En effet, à l'exception des crédits affectés aux grands projets de ville, les GPV, sur lesquels je reviendrai tout à l'heure, l'ensemble des postes budgétaires sont en baisse.
Vous le savez, monsieur le ministre, la politique de la ville repose sur le principe de la géographie prioritaire en faveur des quartiers en difficulté, pour lesquels des moyens exceptionnels doivent être mis en oeuvre. Pour être efficace, cette politique doit être globale et transversale, et comprendre un volet urbain important, car l'image négative qui « colle à la peau » de certaines cités a un effet dévastateur et est facteur d'inertie.
Dans ce contexte, la démolition de tours et de barres d'immeubles, mais aussi la réhabilitation ou la résidentialisation, font partie intégrante de la politique de la ville.
Celle-ci comprend également un volet social important, que vous semblez sous-estimer. En effet, l'action sur l'urbanisme ne se suffit pas à elle-même. Cette politique peut certes permettre de changer l'image d'un quartier que la précarité et l'abandon ont conduit à la dégradation et au « mal vivre », mais, sans accompagnement humain et social fort, cela équivaut à un pansement sur une gangrène.
Il faut donc porter l'effort parallèlement sur l'insertion professionnelle, la prévention, notamment sanitaire, le développement des services publics, l'éducation et les loisirs.
Or force est de constater que votre projet de budget ne prend pas suffisamment en compte ces éléments. Il est regrettable que vous sembliez réduire les effets de votre politique à un simple traitement « par le béton », au détriment de l'accompagnement social des habitants. Il faut en effet rappeler que ceux-ci sont pris en charge par les associations, qui pâtissent de votre politique, et par les services publics locaux.
Je prendrai l'exemple de Paris, un département que je connais bien et que je représente. Il peut paraître paradoxal de parler de la politique de la Ville à Paris ; pourtant, certains quartiers y sont en grande difficulté. Je rappelle que les crédits consacrés aux associations dans ces quartiers difficiles passent de 2, 2 millions d'euros à 1, 1 million d'euros.
Paris, qui compte 100 000 demandeurs de logements, ne peut se permettre de détruire des immeubles. Du reste, la politique de la table rase n'est pas toujours la meilleure, car elle est souvent traumatisante pour les habitants, qui ont vécu parfois une grande partie de leur vie dans ces bâtiments.
L'action coordonnée d'une réhabilitation urbaine et d'un accompagnement social volontariste permet de maintenir les habitants dans leurs quartiers et d'améliorer sensiblement leur environnement.
Les crédits en faveur des dispositifs « adultes-relais » et les opérations « ville-vie-vacances », qui avaient été les seuls crédits préservés l'année dernière, sont en diminution. Les interventions relatives au lien social et aux services publics sont fortement réduites et l'accompagnement humain, qui devrait être la pierre angulaire de ce projet de budget, est largement oublié.
Revenons d'une manière plus précise aux crédits affectés à la rénovation urbaine. La loi du 3 août 2003 avait fixé la contribution annuelle minimale de l'Etat à 465 millions d'euros. Votre projet de budget porte aujourd'hui sur 415 millions d'euros, ainsi répartis : 223 millions au titre du volet « logement » et 192 millions au titre de la ville. Le compte n'y est donc pas. Même si cette loi précise qu'il s'agit d'un engagement pluriannuel, il me semble important que l'Etat respecte ses engagements, et ce dès la première année.
La création de l'ANRU devait marquer une nouvelle étape de la politique de la ville. Quant au dispositif du guichet unique, c'était a priori une bonne idée. Mais cet outil au service de la simplification administrative s'est vite transformé en un instrument de désengagement de l'Etat.
Alors que vous escomptiez la signature de 150 conventions, seuls 60 projets ont été validés par le comité national d'engagement. De plus, des dossiers qui avaient été actés localement seront désormais refusés en bloc, au motif qu'ils ne correspondent pas aux critères de l'ANRU. A cet égard, dois-je vous rappeler que ces critères n'ont toujours pas été portés à la connaissance du public puisque le règlement intérieur de l'Agence doit être publié prochainement ?
Nous serons attentifs à ces critères. En effet, comme vous le savez, monsieur le ministre, l'ancien label « politique de la ville », retenu dans le contrat de ville, permettait de prendre en charge un quartier en difficulté dans sa globalité. Aujourd'hui, avec l'ANRU, seul le périmètre ZUS, qui est beaucoup plus réduit, sera pris en compte.
Par ailleurs, les représentants de l'Etat ont déjà fait savoir qu'un projet de rénovation urbaine ne prévoyant pas de démolition ne serait pas éligible à l'ANRU, à de rares exceptions près.
Cette suppression déguisée des crédits pénalisera certains quartiers en difficulté et créera une distorsion entre les communes en très grande difficulté et celles qui dépassent très peu ce seuil, ce qui risque, dans dix ans ou quinze ans, de nous placer au même niveau de débat.
Ce projet de budget fait donc apparaître une reconcentration de la politique de la ville. En outre, le désengagement financier en matière d'accompagnement humain et social va contraindre in fine les acteurs locaux à se tourner vers les collectivités territoriales qui, comme dans d'autres domaines, seront sollicitées pour prendre le relais de l'Etat, là où celui-ci se désengage de façon importante.
Pour toutes ces raisons, et sur la base des arguments que mes collègues Mme Michèle San Vicente et M. Thierry Repentin présenteront dans quelques instants, le groupe socialiste votera contre ce projet de budget.