Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 6 décembre 2010 à 14h30
Loi de finances pour 2011 — Article 59

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article constitue en fait la « clause de revoyure » prévue dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle adoptée voilà un an.

À la vérité, il n’y a pas eu de « revoyure », sauf à considérer que le rapport – et les propositions qu’il contient – réalisé par certains de nos collègues de la majorité, tous issus du groupe UMP du Sénat et de celui de l’Assemblée nationale, en fait office.

En fait, avec l’article 59, nous risquons fort d’être placés devant le fait accompli, c'est-à-dire de nous voir imposer une réforme bâclée, aux effets incertains. La seule chose qui soit certaine, c’est que, par bien des aspects, cette réforme aura des effets durablement pervers.

En effet, aucun élément de l’article 59 ne vient remettre en cause la disparition de la taxe professionnelle et son remplacement par une contribution économique territoriale dont la plus grande partie ne sera décidée qu’au niveau national.

Autant qu’une réponse à une ancienne revendication du MEDEF, la suppression de la taxe professionnelle est donc une remise en cause de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales, puisque seule la cotisation foncière des entreprises, votée par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, demeure de la pleine responsabilité des élus.

L’autonomie fiscale est battue en brèche. Même notre collègue Philippe Richert, qui est devenu ministre, l’a pleinement reconnu devant notre Haute Assemblée voilà quelques jours.

Autre problème, les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle sur les comptes publics en 2010 sont de 12, 5 milliards d’euros. C’est beaucoup, et cela pose une question récurrente : le jeu en valait-il la chandelle ?

Pour notre part, nous ne le pensons pas. Premièrement, c’est le budget général qui supporte la charge créée par cette suppression ; deuxièmement, cela crée évidemment de la dette supplémentaire, dette sur laquelle M. le président de la commission des finances vient d’attirer notre attention ; troisièmement, cette mesure n’a pas permis de créer réellement des emplois.

En résumé, d’un côté, la suppression de la taxe professionnelle représente une baisse de fiscalité de 12, 5 milliards d’euros pour les patrons ; de l’autre, elle ne crée aucun emploi

En effet, la suppression de la taxe professionnelle n’a pas interrompu la réduction des emplois dans l’industrie ou la construction. Vous savez bien que le nombre d’emplois salariés dans notre pays végète depuis 2002 sur les mêmes bases.

Tout au plus pouvons-nous constater que les créations de postes sont aujourd'hui essentiellement portées par le secteur de l’intérim. D’ailleurs, cela montre que les gestions d’entreprises font de plus en plus de place à une conception du travail humain comme « matière première à consommer avec modération », en fonction des impératifs de la production et des nécessités de la productivité.

En d’autres termes, nous risquons fort d’avoir supprimé la taxe professionnelle et consacré plus de 12 milliards d’euros à fonds perdus, sans effet autre que celui d’avoir permis à quelques entreprises de trouver les moyens financiers de leur réorganisation.

Enfin, parmi les questions qui demeurent latentes figure celle de la péréquation des ressources, qui ne peut pas être considérée comme réglée par la répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE. D’autant plus que les entreprises s’attacheront désormais, selon toute probabilité, à trouver à la CVAE les mêmes défauts qu’à l’ancienne taxe professionnelle, afin de pouvoir justifier sa remise en cause et d’obtenir progressivement son atténuation de la part d’un gouvernement toujours attentif aux demandes du MEDEF…

Et je ne parle même pas des effets pervers contenus dans la définition « fiscale » habituelle de la valeur ajoutée, qui ne s’attache pas, par exemple, à examiner plus précisément les opérations purement financières aujourd'hui menées par nombre d’entreprises, au-delà de leurs activités économiques normales.

Car la vérité commande de dire que le mouvement de financiarisation de l’économie ne se trouvera aucunement mis en cause par la taxe professionnelle, devenue contribution économique territoriale. Bien au contraire !

Nous ne voterons pas cet article 59, même s’il fait l’objet de quelques ajustements, car ces modifications ne règlent aucun des problèmes de fond qui font aujourd’hui de l’action publique locale un exercice de plus en plus difficile et périlleux.

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