Intervention de Jean-Paul Amoudry

Réunion du 23 mars 2005 à 16h00
Transposition du droit communautaire à la fonction publique — Adoption d'un projet de loi

Photo de Jean-Paul AmoudryJean-Paul Amoudry :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui tend à mettre notre droit de la fonction publique en conformité avec différentes directives européennes.

Il faut regretter, une nouvelle une fois, que nous soyons obligés de légiférer dans l'urgence, après divers rappels à l'ordre et mises en demeure. En effet, nous savons bien qu'il est indispensable d'intégrer dans notre environnement normatif ces textes européens qui sont devenus l'une des principales sources de notre droit. Et pourtant, combien de fois, comme je viens de le dire, les transpositions de directives ont-elles été effectuées dans l'urgence !

Je voudrais néanmoins saluer les efforts entrepris par le Gouvernement en la matière, ce qui devrait permettre à la France de passer du dernier au dixième rang des Etats de l'Union européenne pour la transposition du droit communautaire.

Venons-en au texte qui nous est soumis, dont les dispositions sont de trois ordres : promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes dans la fonction publique, ouvrir davantage la fonction publique aux ressortissants européens et réduire le nombre des contrats à durée déterminée.

S'agissant du premier objectif, les dispositions proposées permettent, d'une part, de placer les hommes et les femmes sur un pied d'égalité en matière de recrutement dans la fonction publique, d'autre part, à toute personne de bénéficier des régimes relatifs aux congés de maternité, de paternité et d'adoption.

De manière plus générale, le projet de loi offre la possibilité de protéger les fonctionnaires dans les mêmes conditions, quelles que soient les différences entre les personnes.

Nous ne pouvons que saluer ces dispositions dans la mesure où elles posent le principe d'une véritable égalité de traitement des fonctionnaires, à savoir : à situation égale, traitement égal.

Notre société a largement évolué, impliquant que notre législation s'adapte aux mutations du mode de vie des citoyens. Ce qui était encore inconcevable voilà quelques années, comme le fait pour un homme d'élever seul un enfant, est devenu aujourd'hui une réalité. Même si celle-ci est encore peu fréquente, elle oblige toutefois notre législation à en tenir compte, pour éviter de créer des inégalités de traitement.

Pour ce qui est, ensuite, de l'ouverture de la fonction publique aux ressortissants européens, la famille politique, résolument européenne, à laquelle j'appartiens, ne peut que souscrire aux différentes mesures proposées, l'Etat devant, en sa qualité d'employeur, tracer la voie.

En permettant désormais à tous les corps et cadres d'emplois d'être accessibles aux ressortissants communautaires, le projet de loi inverse le principe actuellement retenu. Comme le soulignait Mme le rapporteur, il s'agit d'un « facteur d'enrichissement » pour la fonction publique.

Mais, pour que ce principe soit véritablement une avancée, il conviendra, monsieur le ministre, de veiller à ce que nos partenaires européens adoptent la même attitude et ouvrent la réciprocité aux ressortissants français.

En effet, si l'entrée dans la fonction publique française de citoyens communautaires est un enrichissement, à l'inverse, l'accès à l'emploi public d'un Français dans les autres Etats membres doit être également considéré comme une source d'enrichissement, à la fois personnel mais également, nous pouvons le dire sans orgueil, pour le service public du pays d'accueil.

S'agissant du dernier objectif, qui vise à réduire le nombre des contrats à durée déterminée et fait l'objet de controverses, je voudrais tout d'abord apporter le soutien du groupe UC-UDF au Gouvernement, car cette disposition permettra incontestablement de lutter contre la précarité des agents non titulaires.

En effet, il n'est plus possible de laisser des personnes dépendantes d'une reconduction éventuelle de leur contrat les empêchant d'avoir un projet de vie sur plusieurs années. Cette situation est particulièrement contraignante et contestable.

Nous comprenons fort bien les craintes exprimées, en particulier par des représentants syndicaux, de voir multiplier le nombre de contrats à durée indéterminée, ce qui risquerait de remettre en cause les fondements du statut de la fonction publique. Toutefois, monsieur le ministre, il est possible de les rassurer, car le recours au contrat à durée indéterminée permet, avant toute chose, d'améliorer la situation de personnes particulièrement vulnérables.

De plus, comme le soulignait Mme le rapporteur, le recours aux agents contractuels est très encadré par la législation française et permet ainsi de prévenir les abus éventuels.

Seulement, monsieur le ministre, nous voudrions que vous nous assuriez que le nouveau régime prévoyant la consolidation des contrats à l'issue de deux périodes de trois ans ne créera pas un autre type de précarité et que les six années de CDD ne seront pas, en pratique, réduites à une sorte de période d'essai.

C'est ainsi que d'aucuns peuvent craindre que ne soit amplifié le phénomène de spoil system, apparu lors des dernières élections municipales, cantonales et régionales, selon lequel la durée des contrats proposée correspond effectivement à la durée des mandats locaux.

En tout état de cause, au-delà de ces interrogations, je crois indispensable que notre fonction publique, sans remettre en question les grands principes qui la fondent et la gouvernent, parvienne à se réformer, ne serait-ce que parce que ses missions évoluent, rendant nécessaire l'embauche de personnes expertes en certains domaines et que la voie du concours ne permet pas toujours de recruter.

En l'espèce, tout est question de mesure : nous devons savoir, d'une part, recourir aux contrats à durée indéterminée avec raison et réflexion pour ne pas déséquilibrer la structure des recrutements de la fonction publique et, d'autre part, conserver une capacité d'adaptation et créer une nouvelle dynamique.

Pour terminer sur cette question, je voudrais saluer la proposition de Mme le rapporteur de réduire à six ans au cours des huit dernières années, au lieu de huit ans au cours des dix dernières années, la durée des services effectifs conditionnant la possibilité pour un agent non titulaire âgé d'au moins cinquante ans de bénéficier automatiquement d'un contrat à durée indéterminée.

Monsieur le ministre, en conclusion, si ce projet de loi ne soulève pas d'objection majeure de la part des membres du groupe UC-UDF, je voudrais cependant mettre en avant un certain nombre de questions qui illustrent la nécessité de réformer de manière plus globale et très vite la fonction publique, et plus particulièrement la fonction publique territoriale.

Il est très regrettable que les différentes dispositions contenues dans le texte présenté aujourd'hui ne soient pas débattues à l'occasion de l'examen du futur projet de loi, comme cela était prévu à l'origine. Nous l'avons dit, la fonction publique a besoin de se moderniser, et nous déplorons que le Gouvernement n'ait pas prévu d'inscrire prochainement à l'ordre du jour du Sénat ou de l'Assemblée nationale la discussion du projet de loi relatif à la modernisation de la fonction publique territoriale.

Les attentes sont nombreuses et légitimes, et je vous invite, monsieur le ministre, à rappeler avec insistance à M. le Premier ministre que le groupe UC-UDF attend avec beaucoup d'impatience la programmation de ce texte.

En effet, le traitement de questions telles que la formation initiale, la formation continue, la mobilité, les seuils et les quotas, la validation des acquis de l'expérience professionnelle, le recrutement sur titres dans certains cas, la répartition des compétences entre le Centre national de la fonction publique territoriale et les centres de gestion est très attendu.

Il s'agit de sujets majeurs dans la mesure où les collectivités territoriales, qui connaissent une évolution profonde et sans précédent depuis les lois de décentralisation de 1982-1983, éprouvent un impérieux besoin de modernisation, à la hauteur du rôle qui leur incombe désormais.

Toutefois, sachez, monsieur le ministre, que pour le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, vous pouvez compter sur le soutien du groupe UC-UDF.

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