Je tenais à souligner l'intérêt d'une telle démarche plurielle.
Si nous avons déposé des amendements sur cette excellente proposition de résolution, c'est parce que, alors que nous sommes encore tout imprégnés de notre travail, nous avons pensé pouvoir le pousser plus loin encore pour améliorer la clarté et la cohérence du texte.
C'est également dans cet esprit que je rappellerai dans leurs grandes lignes les observations que nous avons formulées et à partir desquelles il conviendra de caler la rédaction du texte qui nous est soumis.
Cela a été dit et répété, mais il faut le redire, la proposition de directive est bonne dans son objectif. Elle comporte, par ailleurs, des dispositions intéressantes, notamment en matière de simplification. C'est tout particulièrement vrai chaque fois qu'elle consolide des dispositions sectorielles horizontales, liées, par exemple, au détachement des travailleurs, à l'harmonisation des qualifications ou aux conditions d'établissement, toutes choses qui vont dans le bon sens et qui sont très constructives pour l'Europe.
La proposition de directive présente également de graves défauts.
Ainsi, concernant la méthode, nous ne pouvons pas considérer comme une marque de respect que l'on traite globalement toute une série de secteurs professionnels, faute de pouvoir leur consacrer un traitement particulier. Ce n'est pas une bonne pratique, car elle n'est de nature à inciter ni lesdits secteurs à rejoindre l'Europe, ni l'ensemble des Européens à y adhérer.
En effet, à partir du moment où l'on s'engage dans une démarche du type « voiture-balai », il ne faut pas s'étonner si de nombreux secteurs professionnels demandent à être exclus de la démarche. On ne construit pas plus l'Europe en conseillant à ceux qui ne veulent pas la rejoindre de surtout ne pas le faire ; c'est une manière de construire l'Europe à reculons qui ne nous convient pas. C'est un point qu'il faut rappeler et que nous soulignerons en défendant nos différents amendements.
Vous me permettrez de formuler deux autres observations de caractère général et « horizontal ».
Premièrement, il est essentiel que, sur un tel texte, les mots aient le même sens dans toutes les langues. Il faudrait prévoir que, dans un article zéro, figure la définition des expressions « services », « services publics », « services d'intérêt général » et « services économiques d'intérêt général ». Aussi longtemps que l'on fera l'économie de cet exercice, chaque pays lira la directive à sa manière, ce qui donnera lieu à des contentieux sans fin et retardera d'autant la construction de l'Europe.
Deuxièmement, sur les directives d'une importance comparable à celle de la directive Bolkestein, la Commission ne peut pas compter ses efforts et s'abstenir d'engager une étude d'impact pour détailler les conséquences de son projet. A la faveur de l'examen de cette proposition de résolution, nous souhaitons, madame la ministre, que le Gouvernement rappelle fermement à la Commission qu'elle doit consentir cet effort, étant entendu que l'étude d'impact pourra être analysée par les gouvernements et par les parlements nationaux pour que chacun puisse, ensuite, en toute connaissance de cause et en toute clarté, à la fois prendre position et informer ses concitoyens.
Telles sont les trois observations que je tenais à formuler, car elles sous-tendent les amendements que nous avons déposés.
Pour conclure, je rappelle que le principe du pays d'origine a, bien entendu, retenu toute notre attention, d'autant plus qu'il nous inspire les plus sérieuses réserves. Que l'on fasse référence au pays d'origine, que l'on tente de voir jusqu'à quel point il est possible de prendre en compte la spécificité et la diversité des situations, je peux l'admettre, mais il me paraît philosophiquement dangereux d'ériger cette référence en principe de base de la construction européenne.
Poussé à l'extrême, le raisonnement qui consiste à conforter chaque pays dans ses pratiques ôterait toute sa raison d'être à cette construction européenne que nous appelons de nos voeux, et la référence au pays d'origine, une fois érigée en principe, affaiblirait l'Europe et détériorerait son image.
J'ai pris connaissance des nombreuses analyses parues depuis quelques jours sur ce qu'avaient pu dire, sur le principe du pays d'origine, la Commission européenne, son président et l'auteur de la proposition de directive. Les uns et les autres prétendent que leurs propos ont été dénaturés et qu'il n'est pas question d'adopter la règle du « moins-disant ». Bien sûr que si !
En effet, dès lors qu'une entreprise aura le choix de s'établir dans le pays d'Europe où les conditions sont les plus faciles, où le droit du travail est le plus souple, où les contraintes sont les moins lourdes et où les prélèvements obligatoires sont les plus supportables, elle s'y installera. Voilà le moins-disant ! Et ce n'est pas là le moindre risque : la référence à cette règle du moins-disant pourrait conduire les pays, soucieux de conserver et de protéger leurs entreprises; à se dresser les uns contre les autres, et à transformer l'Union européenne, qui n'aurait plus d'union que le nom, en une sorte de vaste champ de bataille.
Par ailleurs, dans la mesure où les entreprises choisiront de s'installer dans le pays où il leur sera plus facile de le faire, il va de soi que l'on va baisser la garde et démanteler tous les systèmes de protection sociale ou écologique, par exemple, qui ont pu être construits pays par pays. Cela reviendra à dire globalement que l'Europe a choisi la facilité plutôt que l'exigence, ce qui donnera d'elle une bien piètre image et dressera les Etats de l'Union les uns contre les autres.
Ce n'est pas la façon dont nous entendons construire l'Europe, et je suis heureux de constater que le Président de la République lui-même s'est, aujourd'hui, rangé à nos analyses.
Après ce bref rappel, j'en arrive à l'amendement n° 1, qui doit être compris à la lumière des propos que j'ai tenus concernant les approches sectorielles, puisqu'il vise notamment la question du rattachement des travailleurs.
La commission des affaires économiques souhaite, fort opportunément, le maintien de l'application de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs. En l'occurrence, je ne peux que lui donner raison. La Commission européenne affirme que cette directive sera maintenue, et qu'il n'y a pas lieu de se faire du souci : tant mieux !
Pour que cette situation juridique soit traduite dans les faits, l'Etat d'accueil doit pouvoir exercer des contrôles et donc être informé du détachement d'un travailleur sur son territoire. C'est la raison pour laquelle la délégation pour l'Union européenne souhaite le maintien de la déclaration préalable au détachement des travailleurs. C'est une mesure très importante pour apaiser un certain nombre d'inquiétudes dont l'écho s'est fait entendre ces derniers jours dans notre pays.
Je rappelle, en effet, que, si nous rédigeons une résolution, c'est non seulement pour éclairer le Gouvernement, qui paraît d'ailleurs ne plus en avoir besoin, mais également pour rassurer les Français : c'est dans cette optique que je me situe en présentant cet amendement au nom de la délégation et sous le contrôle de son président.