Intervention de Jean-Claude Danglot

Réunion du 1er avril 2010 à 14h30
Avenir de l'industrie du raffinage en france — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Jean-Claude DanglotJean-Claude Danglot, auteur de la question :

Monsieur le ministre, j’ai effectivement parlé tout à l’heure de malhonnêteté politique ; il me semble être en droit d’exprimer un tel jugement, qui ne constitue en aucun cas une attaque personnelle contre vous.

Les salariés du secteur du raffinage, ceux de Dunkerque en particulier, ont raison de ne pas faire confiance aux propositions du groupe Total. Je pense que les propos que vous avez tenus aujourd’hui seront loin de suffire à les rassurer, parce que vous n’avez pas abordé le fond du problème et restez prisonnier des dogmes du libéralisme.

Le Président de la République a récemment déclaré, devant de jeunes universitaires américains, qu’un pays se dirige comme une entreprise et que seuls les résultats comptent. En parlant ainsi de résultats, je ne pense pas qu’il fasse référence à la courbe du chômage ou à celle du pouvoir d’achat, car en la matière les chiffres sont tout à fait négatifs ! Non, les résultats en question sont bien sûr ceux du CAC 40 et des profits de la haute finance, seuls indicateurs à ses yeux de la bonne santé du pays.

Les salariés de Dunkerque mènent une lutte exemplaire. Dans le Nord, nous connaissons trop bien les conséquences des fermetures d’entreprises et la valeur réelle des belles paroles qui les accompagnent. On remet d’abord un chèque au salarié pour qu’il accepte son licenciement – pécule vite épuisé dans une famille modeste ; ensuite viennent des promesses de maintien d’activité, plus ou moins tenues, les nouveaux emplois ne valant en tout état de cause jamais ceux qui ont été perdus, en termes de stabilité, de salaires et d’acquis ; enfin, des cellules de reclassement sont mises en place, mais, dans des secteurs où le taux de chômage est des plus élevés, de nombreux salariés licenciés restent sur le bord du chemin.

Voilà le scénario envisagé par Total si on laisse fermer le site de Dunkerque. Quant aux nombreux sous-traitants, dont le cas n’est guère évoqué, on les laissera tomber ! Ce qui est proposé aujourd’hui à tous ces salariés, c’est du « sang et des larmes », pour reprendre l’expression d’un ancien ministre de droite issu du Pas-de-Calais.

S’il faut redynamiser l’industrie en France, il faut surtout reprendre en main les industries stratégiques lorsque l’intérêt national est menacé par de grands groupes privés qui ne pensent qu’à la courbe de leurs profits.

Total n’est pas un groupe industriel quelconque, car il maîtrise ce qui reste la ressource énergétique essentielle, même si des substituts se mettent progressivement en place. La seule réponse pour enrayer le désengagement progressif et calculé de Total du territoire français passe par la maîtrise publique, et donc par une rupture idéologique.

Dans ce cas précis, l’État doit entrer au capital de Total et se donner le pouvoir d’intervenir dans les choix stratégiques, auxquels les salariés et leurs représentants doivent être pleinement associés. À mon sens, tout le reste n’est que du baratin ! Il n’est plus possible de laisser les requins de la finance décider de la vie ou de la mort de territoires entiers !

Monsieur le ministre, il me semble que vous n’avez pas répondu aujourd’hui à l’attente des syndicats et des salariés, mais un examen de rattrapage se tiendra le 15 avril ! En tout cas, nous ne nous fondons pas sur les mêmes éléments : selon moi, les arguments relatifs aux marges et à l’existence de surcapacités de production avancés par la droite au cours de ce débat sont faux.

En outre, monsieur le ministre, vous caricaturez l’analyse de l’opposition sénatoriale : nous savons très bien que des évolutions sont inéluctables et qu’il existe d’autres options que le « tout pétrole ». Mais, pour l’heure, nous n’en sommes pas au « tout sauf le pétrole ». Trop d’intérêts sont d’ailleurs en jeu.

Enfin, vous passez sous silence l’évolution de la courbe des profits de Total et celle du taux de chômage. Vous appelez de vos vœux une « révolution industrielle » ; quant à moi, je vous propose de nationaliser Total : ce serait là une véritable révolution !

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