Si la prévention de la délinquance, qui, comme chacun le sait, est nécessaire, est efficace quand elle relève des collectivités territoriales, et surtout de la commune, il reste que cette efficacité - je pense, notamment, aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance - doit être améliorée. C'est pourquoi la généralisation de ces conseils doit être encouragée.
Or, même dans ce domaine, vous choisissez de privilégier le rôle répressif du maire, en en faisant un shérif doté de l'obligation de réprimander les voyous dans les quartiers, sans d'ailleurs lui octroyer de nouveaux moyens. Ces mesures seront inefficaces : un cautère sur une jambe de bois !
Aujourd'hui, le partage des compétences entre le maire, le président du conseil général et l'État, entre autres acteurs, est si peu clair que les citoyens ont bien du mal à s'y retrouver ! Or, le texte que nous examinons le rend plus complexe et confus encore, comme notre collègue Aymeri de Montesquiou l'a souligné tout à l'heure.
Ainsi, monsieur le ministre délégué, vous accordez au maire un pouvoir de rappel à l'ordre. Mais cette mission ne relève-t-elle pas de tous les acteurs concernés, et surtout de la justice ? En outre, vous faites du maire le responsable du conseil pour les droits et devoirs des familles, une tâche qui paraît relever des compétences du président du conseil général, en tant que coordinateur de l'action sociale, même s'il la délègue parfois aux services sociaux.
En fait, chacun de ces acteurs doit continuer à jouer le rôle qui est le sien, même s'il est parfois nécessaire que le législateur clarifie celui-ci, et nous devons nous garder à tout prix de compliquer encore le dispositif.
Je prendrai un autre exemple : dans le cadre des CLSPD, vous étendez tellement les compétences du maire, monsieur le ministre délégué, que celui-ci sera susceptible de se trouver en possession d'informations confidentielles concernant certaines familles. Or le maire a-t-il réellement besoin de ces renseignements pour exercer son mandat ? Rien n'oblige à en faire systématiquement le détenteur d'informations relevant du secret professionnel entre les acteurs sociaux !
Le maire doit continuer à être un acteur central de la prévention de la délinquance et de l'action sociale, mais il doit rester à sa place et exercer sa mission de coordination des politiques publiques sans s'immiscer dans la vie privée de ses concitoyens.
Certes, la frontière est ténue en pratique, mais il est important de préserver les rôles de chacun. Sinon, mes chers collègues, comme Raymonde Le Texier l'a brillamment rappelé, gare aux dérives possibles et aux tentatives d'abus !
En réalité, je le répète, ce texte constitue une énième loi d'affichage. À l'Assemblée nationale, la première lecture a d'ailleurs permis au Gouvernement de continuer à modifier le présent projet de loi, afin de répondre à l'actualité, sans cesse renouvelée, en ajoutant des dispositions supplémentaires. Ces dernières constituent d'ailleurs, elles aussi, des mesures d'affichage, qui resteront lettre morte et ne feront que compliquer le travail des magistrats et des policiers !
Monsieur le ministre délégué, j'en fais le pari devant vous : demain et après demain, vous continuerez à nous présenter sans cesse de nouveaux textes, simplement mis au goût du jour !
Les paradoxes de ce projet de loi se trouvent résumés dans les mesures qui concernent la consommation de cannabis. Quel est l'intérêt de renforcer des sanctions qui sont obsolètes depuis trente ans et qui, de ce fait, ne sont pas appliquées, tout simplement parce que, comme cela a été souligné tout à l'heure, elles ne sont pas applicables ?
Monsieur le ministre délégué, nous avons vraiment l'impression que vous travaillez dans le virtuel ! Or vous vous exprimez comme si vos propos correspondaient à une réalité.
Au lieu de prévoir une réforme en profondeur des dispositifs qui ne fonctionnent pas, vous apportez des modifications à la marge, avec la certitude qu'elles ne changeront rien. Voilà quatre ans que vous agissez toujours de cette façon et, dans ce domaine comme dans celui de la sécurité en général, d'ailleurs, la dégradation est permanente, quoi que vous affirmiez.
Enfin, monsieur le ministre délégué, vous annoncez déjà les mesures par lesquelles vous réformerez de nouveau ce texte, à peine entré en vigueur, si vous passez le cap des cinq prochains mois. C'est tout de même assez inattendu !
Votre méthode, qui consiste à toujours promettre que les problèmes seront résolus dans l'avenir, et à toujours reporter les torts sur vos opposants, revient à enchaîner les effets de tribune.
Aujourd'hui, chacun se rend compte qu'en quittant le ministère de l'intérieur vous laisserez bientôt un bilan déplorable.