Nous voyons presque autant de raisons de supprimer cet article 1er qu'il comporte d'alinéas. Afin d'éviter une énumération qui serait longue et fastidieuse, je ne dresserai pas la liste de nos griefs et m'en tiendrai à une critique générale de la teneur du dispositif.
En premier lieu, nous rejetons l'amalgame entre délinquance et difficultés sociales qui sous-tend de façon insidieuse votre discours, monsieur le ministre.
En effet, vous demandez aux conseils généraux d'inscrire dorénavant leurs actions de prévention de la délinquance dans leur politique sociale et familiale. Vous donnez ainsi à entendre que c'est au sein des familles en difficulté que naît la délinquance. C'est inacceptable !
En deuxième lieu, par le biais de différents projets de loi et par touches successives, un nouveau paysage institutionnel se met en place dans notre pays. Au nom de la nécessaire proximité de l'action publique, le Gouvernement se défausse de ses responsabilités sur les collectivités locales.
Ainsi, vous avez d'ores et déjà fait voter une loi visant à associer le maire aux missions de sécurité. Vous proposez maintenant qu'il concoure aussi à l'exercice des missions de prévention de la délinquance, en devenant l'animateur et le coordonnateur, sur le territoire de sa commune, de l'ensemble des intervenants publics.
J'attire l'attention sur le fait qu'il s'agit là d'une mesure non pas de décentralisation, mais plutôt de déconcentration, puisqu'elle prévoit que le maire devra mettre en oeuvre les politiques de prévention définies par le préfet, dont il deviendra donc un simple auxiliaire.
Pourtant, les maires ont pris depuis longtemps leurs responsabilités dans ce domaine, en développant des politiques locales de prévention, sur le fondement de choix réfléchis, dans le cadre de leur compétence globale en matière de gestion des affaires communales. Pour mettre en place ces actions, ils se sont appuyés sur le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
Or, si cet article est adopté, les maires ne seront plus libres de mettre en oeuvre leurs choix de gestion, puisqu'ils devront appliquer des politiques déterminées par les autorités de l'État. Les libertés communales et la liberté de gestion des maires seront ainsi mises à mal.
L'attribution de ces nouvelles missions constitue un double piège : non seulement elle porte atteinte à la libre administration des communes, mais elle crée des charges nouvelles, que les budgets communaux devront assumer. Nous ne pouvons accepter ce nouvel encadrement de la fonction de maire.
En troisième lieu, le ministre de l'intérieur nous explique depuis des années que la délinquance reculera grâce à un droit plus répressif, à une justice moins laxiste et à une police plus agressive. Devant l'échec de cette politique, il invoque aujourd'hui la nécessaire prévention. Or, chacun le sait, les mesures de prévention coûtent cher : elles nécessitent une présence sur le terrain et des actions diversifiées et continues.
Néanmoins, le projet de loi prévoit le désengagement financier de l'État dans ce domaine, en faisant supporter aux collectivités territoriales le coût des actions que le ministère de l'intérieur continuera de définir.
En contraignant ainsi les communes à dégager des moyens pour animer et coordonner les actions sur leur territoire, en obligeant les conseils généraux à assumer l'organisation et le financement des services et des actions qui concourent à la mise en oeuvre de la politique de prévention de la délinquance, en imposant aux conseils régionaux d'assumer la sécurité dans les transports et d'inscrire dans leur politique de formation professionnelle des actions favorisant la prévention de la délinquance, ce texte méconnaît le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : il y a transfert de compétences, sans transfert de moyens permettant de les assumer.
Telles sont les trois raisons de fond qui justifient à nos yeux la suppression de cet article.