Cet amendement vise à supprimer l'article 6, qui crée le Conseil des droits et devoirs des familles, instance consultative, de concertation, d'écoute, nous dit-on.
La réalité est que cet article confie au maire des pouvoirs d'intervention éducative dans la vie des familles. Il n'y a plus, souligne la commission des lois, « de réponse simple et unique à un problème social ou éducatif ». Certes ! C'est bien la raison pour laquelle il faut non par répondre par la seule répression, mais favoriser la prévention, ce que ne fait pas cet article.
Le dispositif proposé nous semble inutile. De nombreux maires ont souligné qu'ils pouvaient d'ores et déjà dialoguer avec les habitants, ce qu'ils font concrètement.
Ce dispositif sera d'autant plus inefficace qu'il entretiendra une dangereuse confusion des rôles. Il concerne, en réalité, des enfants en danger ; autrement dit, il ressort de la compétence du conseil général en matière de protection de l'enfance.
De plus, il se surajoute à d'autres dispositifs, y compris récents et non expérimentés, comme le contrat de responsabilité parentale.
Il est stigmatisant, car dirigé vers les familles les plus en difficulté. Or, comment élever des enfants dans des conditions normales quand on évolue dans une économie de survie, ce qui est le cas d'un nombre toujours plus grand de nos concitoyens ?
Quarante-sept pour cent de familles monoparentales, essentiellement des femmes avec enfants, ont des revenus, hors prestations familiales, inférieurs au seuil de pauvreté ! Comment ces femmes doivent-elles faire quand leurs horaires de travail ne leur permettent pas d'être présentes au domicile au même moment que leurs enfants ? Je pense à celles qui font des ménages, aux caissières des grands magasins. Va-t-on leur reprocher de ne pas s'être occupées suffisamment de leurs enfants durant les dimanches de décembre au cours desquels elles auront été obligées de travailler ?
Certes, certaines familles ont besoin d'être aidées. Il faut développer, par exemple, les structures d'aide à la parentalité, d'aide aux devoirs, de soutien scolaire. Ce serait, à notre sens, bien plus constructif que de leur suspendre les prestations familiales et d'aggraver encore leur situation. Des associations le font d'ailleurs très bien. Le problème, c'est qu'elles manquent de moyens ; c'est également le cas du service public, qui ne s'investit pas comme il le devrait.
Il n'est donc pas étonnant que de nombreux maires, dont ceux du bureau de l'Association des maires de France, l'AMF, aient souhaité que ce Conseil des droits et devoirs des familles reste facultatif et assorti des moyens nécessaires.
Ce dispositif est également dangereux. Le Conseil aura compétence pour proposer des « mesures d'aide à la fonction parentale » ou pour demander au maire de saisir le président du conseil général. Il le fera à partir d'informations portées à sa connaissance. Mais qui l'informera ? Comment ?
Les informations recueillies par les membres de ce Conseil seront, le cas échéant, répercutées auprès de professionnels ou d'autres instances. L'article 6 organisera donc une implication légale des travailleurs sociaux dans un climat qui fait de toutes les anicroches de la vie des situations stigmatisant celles et ceux qui sont en situation précaire. Il participera à un nouvel accroissement de la pénalisation des problèmes sociaux. Il est inacceptable que le travail social soit confondu avec l'exercice des pouvoirs de police du maire.
Je rappelle, enfin, que la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, s'est inquiétée de la création d'un dispositif de signalement des mineurs et des familles à problèmes, sans garantie sur l'origine des informations utilisées, sur les critères déclenchant ce signalement, sur les modalités de transmission et de traitement des informations ou sur l'exigence de confidentialité.
Pour toutes ces raisons, ce dispositif, même facultatif, ne saurait recueillir notre agrément.