Bien au-delà de notre assemblée, et notamment dans les différentes associations de maires, l'article 8 du présent projet de loi a suscité de longues discussions.
L'Assemblée nationale a adopté, sur l'initiative de M. Jean-Christophe Lagarde, un amendement précisant que le rappel à l'ordre ne pouvait intervenir qu'à la suite d'une convocation écrite du maire, ce qui nous paraît une disposition aggravante par rapport au texte voté par notre assemblée.
Quoi qu'il en soit, nous sommes hostiles au rappel à l'ordre. Il nous semble donc nécessaire de repréciser les choses s'agissant de cette pratique courante de la part des maires, même si elle ne s'appelle pas forcément ainsi, qu'il nous paraît dangereux d'encadrer dans un formalisme aussi important que celui de l'article 8.
Comme nous l'avions dit en première lecture, le rappel à l'ordre par le maire tel que le prévoit cet article est discutable.
En premier lieu, il ne s'appuie pas sur des infractions prévues par le code pénal, mais vise, sans précision, tous faits « susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques », ce qui nous paraît battre en brèche le principe fondamental de légalité des délits et des peines.
En second lieu, quelle est la portée de cette admonestation verbale ? On nous indique que ce nouveau pouvoir du maire s'inscrit dans ses missions de police administrative, mais on nous dit dans le même temps qu'il peut indirectement concerner ses pouvoirs de police municipale.
Il existe déjà une procédure judiciaire, qui est encadrée et qui constitue une première réponse solennelle afin que ne perdure pas l'idée d'immunité dans l'esprit de l'auteur des faits, et il ne semble donc pas nécessaire d'ajouter quoi que ce soit à cet égard.
La question des délégations n'est par ailleurs pas tranchée. Dans les grandes villes, présenter le maire comme un acteur personnel qui agit auprès des familles est une mystification que nous avons dénoncée à plusieurs reprises lors de la première lecture. Or, la majorité de la population vit dans les grandes villes. Considérer que le maire connaît le mieux la population dans ces dernières et qu'il sera à même de recevoir tous les gamins qui font des sottises pour les admonester est un leurre et correspond à une vision complètement fausse de la réalité : le maire sera obligé de déléguer à des adjoints, à des conseillers municipaux et probablement même à ses services, ce qui dénature l'esprit du texte tel qu'il nous est présenté.
De petites améliorations ont été apportées au cours de la navette. Ainsi, la présence des parents n'est plus facultative mais s'impose, sauf impossibilité bien sûr, cas dans lequel la présence d'une personne exerçant une responsabilité éducative est prévue pour les suppléer.
Cependant, avec la convocation préalable instituée par l'Assemblée nationale, la crainte que nous avons émise en première lecture est fortement confirmée : la convocation écrite va permettre de conserver des traces du rappel à l'ordre, lesquelles pourraient être transmises à la justice s'il devenait nécessaire de saisir le juge.
En outre, si le maire n'agit pas, se pose la question de son éventuelle responsabilité pénale : le rappel à l'ordre étant facultatif, sa responsabilité pourra-t-elle être engagée en cas d'inaction de ce qu'il convient toujours, nous semble-t-il, de désigner comme le premier maillon de la chaîne pénale ?
L'instauration d'un rappel à l'ordre sous cette forme change la nature des relations d'un maire avec ses concitoyens. Il n'est plus le médiateur, mais devient le premier maillon de la chaîne judiciaire. Je n'insiste pas, car ce dernier argument est bien connu.
N'entretenons donc pas la confusion des compétences et, surtout, évitons que ne se généralise la « défausse » sur les mairies, d'autant que les maires sont déjà quelque peu submergés par toutes les responsabilités qui leur incombent.