Intervention de Philippe Richert

Réunion du 6 décembre 2010 à 14h30
Loi de finances pour 2011 — Article 59

Philippe Richert, ministre :

Quelle justification pourrait-on donner aux communes et aux EPCI qui ont maintenant délibéré et qui ne pourraient plus revenir sur ces délibérations ? Quelle prévisibilité leur donner à l’avenir ?

C’est, enfin et surtout, une impossibilité juridique, et un risque constitutionnel.

Je voudrais insister sur les mérites du dispositif de neutralisation proposé par le Gouvernement et sur les risques constitutionnels, en reprenant l’analyse de M. Olivier Fouquet, consulté à votre demande, monsieur le rapporteur général.

« Premièrement, le mécanisme de neutralisation ne peut, dans les circonstances de l’espèce, être regardé comme portant atteinte au principe de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales.

« D’une part, il n’interdit pas aux collectivités de modifier leur politique d’abattement pour 2011. D’autre part, la neutralisation des effets de la réforme en 2011 pour les contribuables, qui a un objectif d’intérêt général, n’est susceptible d’avoir qu’un coût marginal pour les communes. En tout état de cause, ce coût sera intégralement compensé par l’État.

« Deuxièmement, l’amendement aura nécessairement un effet rétroactif, mais cette rétroactivité est justifiée par l’objectif d’intérêt général poursuivi par le législateur : l’objectif de neutralisation.

« Par ailleurs, les collectivités intéressées ont été dûment averties en temps utile de la mesure de neutralisation envisagée et la date limite des délibérations relatives aux abattements a été reportée d’un mois, pour leur permettre d’en tenir compte.

« La rétroactivité ne porte donc pas atteinte au principe de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales.

« Troisièmement, quel est le sort des délibérations relatives aux abattements adoptées avant l’annonce de l’amendement de neutralisation ? »

C’est l’objet de cet amendement.

« Puisque l’amendement ne peut être regardé comme contraire à la Constitution, la neutralisation s’appliquera à toutes les communes, y compris celles qui ont adopté une délibération avant l’annonce de la mesure de neutralisation. »

Je le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est l’analyse du Conseil d’État, non celle du Gouvernement ou du Sénat.

« D’une part, une telle délibération est nécessairement affectée par une mesure législative postérieure de portée générale, qui est applicable à la taxe d’habitation de la même année.

« D’autre part, la sanctuarisation d’une telle délibération serait de nature à porter atteinte au principe de l’égalité devant l’impôt.

« En l’absence d’atteinte au principe de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales, et compte tenu du caractère constitutionnel de la rétroactivité, il paraît exclu de reconnaître aux collectivités qui ont pris une délibération avant l’annonce de la mesure de neutralisation, une sorte de droit acquis au maintien de l’applicabilité en l’état de cette délibération, sans tenir compte des effets concurrents de la mesure de neutralisation. »

J’ai donc cité les propos du constitutionnaliste.

Il s’agit d’une question d’égalité du citoyen devant le droit, mesdames, messieurs les sénateurs. Pour cette raison, si demain le Conseil constitutionnel avait à s’exprimer, les experts nous indiquent clairement que le Conseil ne pourrait pas accepter un tel amendement.

Sous le bénéfice de ces explications, j’espère, monsieur le rapporteur général, vous avoir convaincu de retirer l’amendement, compte tenu des risques juridiques et constitutionnels qu’il présente. À défaut, le Gouvernement en demandera le rejet.

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