Intervention de Frédéric Lefebvre

Réunion du 11 janvier 2011 à 9h30
Questions orales — Transférabilité des contrats d'assurance sur la vie

Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation :

Monsieur le sénateur, vous l’avez dit, il s’agit d’un sujet que vous connaissez bien.

Vous interrogez Mme la ministre sur l’opportunité d’autoriser le transfert individuel de contrats d’assurance vie entre compagnies d’assurance. Or Mme Lagarde est assez réservée s’agissant de l’opportunité de ce type de transferts, et ce pour plusieurs raisons.

Le régime de l’assurance vie est lié, dans notre pays, à la nécessité de favoriser l’épargne sur le long terme. Vous avez également rappelé ce point, qui constitue d’ailleurs l’argument principal sur lequel s’articulera ma réponse. Depuis sa création, ce dispositif a eu pour objet la constitution d’une telle épargne, qui est nécessaire à notre économie. Or la transférabilité induirait un certain nombre d’effets pervers.

Premièrement, elle remettrait en cause – vous avez certainement en tête une telle perspective – le financement de nos entreprises, lié à l’existence d’une épargne sur le long terme. Il s’agit d’un enjeu majeur de politique économique. La détention d’une épargne sur le moyen terme est justement ce à quoi incite le dispositif depuis qu’il a été créé.

De fait, on observe que, en raison notamment du régime fiscal associé à l’assurance vie, la maturité moyenne des contrats est d’environ neuf ans. Cette durée permet à l’assureur d’adopter un horizon de gestion de moyen terme et d’investir dans des actifs à long terme, comme la dette et des actions d’entreprises. Ainsi, fin 2009, 53 % des actifs des assureurs étaient investis dans des actifs d’entreprises, qu’il s’agisse de dette ou d’actions.

Si, d’aventure, le transfert individuel de contrats d’assurance vie était autorisé, l’assureur serait dans l’obligation de réduire son horizon de gestion et de détenir des actifs plus liquides, principalement de la dette souveraine, ce qui n’est pas dans l’intérêt de notre économie ni, surtout, de nos PME.

Deuxièmement, le régime fiscal dont bénéficie l’assurance vie a historiquement été introduit pour inciter à la détention d’actifs sur le long terme. Cet aspect n’est pas sans importance. En effet, si l’incitation à la détention de tels actifs ne constituait plus la priorité du dispositif, le bien-fondé du régime fiscal de l’assurance vie risquerait alors d’être remis en cause, ce que ni le Gouvernement ni vous-même, monsieur le sénateur, ne souhaitent.

Troisièmement, la détention d’actifs sur le long terme est normalement source de rendements pour l’épargnant. Vous l’avez vous-même souligné, monsieur le sénateur, ce produit est souvent le préféré des Français. Le transfert individuel de contrats d’assurance vie ayant pour effet de raccourcir l’horizon de gestion des assureurs, les rendements risqueraient de diminuer, ce qui rendrait moins attractif pour les assurés ce type de produits.

Monsieur le sénateur, je connais parfaitement votre engagement – nous le partageons d’ailleurs – dans la défense des consommateurs. Je connais en outre votre attachement au régime de l’assurance vie.

Vous avez plaidé en faveur de la possibilité de rachat d’un contrat, l’épargnant pouvant alors réinvestir son épargne dans un autre contrat. Or rien n’empêche l’épargnant qui ne serait pas satisfait d’un premier contrat d’en souscrire un second ! Ce point est loin d’être négligeable. En effet, il avait été question, à une certaine époque, de « verrouiller » le nombre de contrats d’assurance vie, en le limitant à un seul.

Tels sont les éléments de réflexion que je souhaitais porter à votre connaissance, monsieur le sénateur. Vous l’avez compris, il s’agit non pas d’une opposition de principe, mais plutôt d’une inquiétude très forte liée à la remise en cause du régime lui-même, mais surtout de tous les avantages que ce dernier procure tant à l’assuré qu’aux PME de notre pays. Or une telle perspective, j’en suis convaincu, ne correspond bien évidemment pas à ce que vous souhaitez.

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