Séance en hémicycle du 11 janvier 2011 à 9h30

Sommaire

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord, en ce début d’année, à vous présenter, ainsi qu’au personnel du Sénat, tous mes vœux, persuadé que nos travaux seront empreints, cette année encore, du respect mutuel auquel je suis très attaché.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Le procès-verbal de la séance du mercredi 22 décembre 2010 a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mes chers collègues, je vous rappelle le décès de nos anciens collègues Jean Chamant, qui fut sénateur de l’Yonne de 1977 à 1995 et vice-président du Sénat de 1989 à 1995, et René Martin, qui fut sénateur des Yvelines de 1982 à 1986.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 décembre 2010 d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante sénateurs de la loi portant réforme de la représentation devant les cours d’appel.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 28 décembre 2010, les textes de deux décisions rendues par le Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 2011 et de la loi de finances rectificative pour 2010.

Acte est donné de ces communications.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat, par lettres en date du 31 décembre 2010 et du 5 janvier 2011, de lui faire connaître l’avis des commissions du Sénat compétentes en matière de santé publique et en matière d’activités financières sur les projets :

- de nomination par M. le Président de la République de M. Jean-Luc Harousseau à la présidence de la Haute Autorité de santé ;

- et de reconduction de M. François Drouin à la présidence du conseil d’administration de l’établissement public OSEO.

Ces demandes d’avis ont été respectivement transmises à la commission des affaires sociales et à la commission des finances.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :

- le rapport sur la mise en application de la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales, établi en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit ;

- le rapport sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux pour les années 2007 à 2009, établi en application des articles L. 2131-7, L. 3132-2 et L. 4142-2 du code général des collectivités territoriales ;

- le rapport 2009 retraçant l’évolution des missions de surveillance et de financement du cantonnement exercées par l’Établissement public de financement et de restructuration, établi en application de l’article 4 du décret n° 95-1316 du 22 décembre 1995 ;

- le rapport sur la mise en œuvre des mécanismes de conditionnalité des allégements et exonérations de cotisations sociales instaurés par les articles 26 et 27 de la loi n°2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail, établi en application de l’article 27 de ladite loi.

Le premier a été transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, le deuxième à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le troisième à la commission des finances et le dernier à la commission des finances et à la commission des affaires sociales.

Il a également reçu de Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, le rapport 2009 du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières.

Ce document a été transmis à la commission des finances.

Acte est donné du dépôt de ces rapports. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat :

- le 3 janvier 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel trois décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-108, 2010-109 et 2010-110 QPC) ;

- le 5 janvier 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-111 QPC).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J’informe le Sénat que la question n° 1122 de Mme Claire-Lise Campion est retirée de l’ordre du jour de la séance de ce jour, à la demande de son auteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, auteur de la question n° 1129, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Monsieur le secrétaire d'État, en exergue à ma question et pour mémoire, je rappelle que la France est membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, qu’elle est signataire de la quatrième convention de Genève relative aux règles d’occupation militaire d’un territoire étranger et qu’elle est partie à l’accord de partenariat entre l’Union européenne et l’État d’Israël. Elle doit donc promouvoir le respect de tous ces instruments internationaux dans sa réglementation commerciale entre autres.

À ce titre, la France doit exclure la production des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée des exemptions de droits de douane accordées actuellement aux produits israéliens.

Alors que l’extension des colonies provoque chaque jour exactions, spoliations, blessures et mort de civils palestiniens, la France ne peut pas continuer à ignorer le détournement des accords dont elle est partie en faveur de cette politique.

Agir ainsi, c’est apporter un appui concret à une politique de colonisation que l’on dénonce verbalement et contribuer à priver de tous les éléments de viabilité territoriale et économique le futur État palestinien, dont la France et l’Union européenne financent les institutions. En somme, cela revient à détruire d’une main ce que l’on prétend construire de l’autre.

Dans ce contexte, le statut réservé aux produits provenant des colonies israéliennes dans les territoires occupés palestiniens revêt un caractère déterminant. Je souhaiterais que vous me répondiez au nom du Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État, sur les deux points suivants.

Le 25 février 2010, la Cour de justice de l’Union européenne a statué que les produits en provenance des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés ne peuvent pas bénéficier du traitement préférentiel accordé aux produits israéliens en vertu de l’accord d’association Union européenne-Israël. Qu’entend faire le Gouvernement pour que les produits agricoles et industriels en provenance de ces colonies cessent, en vertu de cet accord, de bénéficier de l’exonération de droits de douane ?

En outre, ces produits, qui sont issus de l’agriculture et de l’industrie des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens, sont commercialisés en infraction à la quatrième convention de Genève. Une réelle traçabilité géographique des produits commercialisés constituerait un rappel fort et sans ambiguïté de la France à l’État d’Israël sur cet état de fait.

Je souhaiterais que l’étiquetage des produits en provenance d’Israël et des territoires palestiniens spécifie la provenance de ceux-ci : Israël, colonies israéliennes, territoires palestiniens. Ainsi, le consommateur pourrait connaître l’origine exacte des biens concernés et accéder à l’information qui lui est due.

Entendez-vous, monsieur le secrétaire d'État, donner des instructions pour mettre en place un étiquetage sans ambiguïté et lisible ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Permettez-moi tout d’abord, monsieur le président, à l’occasion de cette nouvelle année, d’adresser à mon tour des vœux de pleine réussite à la Haute Assemblée. Je souhaite que la collaboration entre le Parlement et le Gouvernement soit fructueuse pour que cette année soit, pour les Français et pour notre pays, une année de sortie de crise réussie !

Madame la sénatrice, vous avez soulevé une question qui préoccupe tout le monde.

Je ne rappellerai pas l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’État d’Israël, d’autre part, car vous l’avez évoqué, pas plus que je ne rappellerai l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne rendu à propos de l’affaire Brita, que vous avez cité.

Il est parfaitement vrai, madame la sénatrice, que les produits originaires des territoires palestiniens ne peuvent pas bénéficier du régime tarifaire préférentiel instauré par l’accord entre l’Union européenne et Israël.

J’ajoute que, dans un avis aux importateurs publié au Journal officiel de l’Union européenne du 25 janvier 2005 énonçant des principes clairs d’indication du lieu de production, l’Union européenne a fait connaître sa position, qui consiste à refuser le régime préférentiel défini par l’accord Union européenne-Israël aux produits originaires des territoires palestiniens qui sont exportés par Israël dans l’Union européenne. Cette position est claire et sans ambiguïté.

Sur ces bases, les services douaniers français, comme les autres services douaniers européens, procèdent à des contrôles réguliers des certificats d’origine, en rejetant les certificats non conformes ou en signalant une origine hors du territoire israélien. Les importations dans l’Union européenne de produits originaires des implantations israéliennes situées dans les territoires palestiniens ne peuvent donc pas bénéficier des avantages tarifaires nés de l’accord Union européenne-Israël.

Vous avez ensuite soulevé, madame la sénatrice, la question de la traçabilité, une question évidemment essentielle à laquelle le Gouvernement attache une importance particulière. Moi-même, je prendrai des initiatives quant à l’appellation made in France, à la marque France et à l’appellation d’origine des produits en France, trois appellations qui concourent à assurer la traçabilité des produits. Toutefois, l’une des difficultés rencontrées, que l’on retrouve également dans le cas que vous avez évoqué, tient au fait que, au sein de l’Union européenne, le marquage de l’origine n’est pas obligatoire, la Cour de justice de l’Union européenne ayant indiqué à diverses reprises qu’une réglementation nationale rendant obligatoire le marquage de l’origine serait de nature à constituer une entrave aux échanges.

Pour cette raison, la France a dû supprimer l’obligation de mentionner l’origine dans le décret n° 86-985 du 21 août 1986 relatif à l’étiquetage des textiles.

De même, la Commission européenne a rejeté la demande de l’Irlande visant à réglementer à l’échelon national la mention du pays d’origine sur l’étiquetage des viandes de volaille, de porc et d’ovins dans la décision 2009/291/CE du 20 mars 2009.

En revanche, rien n’empêche les professionnels de fournir de façon volontaire des renseignements sur l’origine de leurs produits, en l’occurrence sur leur origine française.

Pour répondre à la question précise que vous m’avez posée, on ne peut que faire confiance à nos douaniers pour l’application d’une réglementation qui est aujourd’hui très claire à tous les niveaux de la chaîne, ce dont, visiblement, vous sembliez douter.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Monsieur le secrétaire d’État, on peut toujours répondre que tout va pour le mieux et que rien ne pose problème !

Nous savons qu’un grand nombre des médicaments génériques que nous consommons en France sont produits dans des colonies israéliennes proches de Jérusalem, mais rien ne nous indique la provenance exacte.

Nous estimons, par conséquent, qu’il ne faut pas se voiler la face ! N’agissons pas comme nous l’avons fait pour le régime du président Ben Ali ! Il ne faut pas s’étonner des explosions de colère de la population à la suite des graves injustices qu’elle subit quand, pendant des années et des années, on a tout fait pour que ces injustices perdurent !

Une troisième Intifada n’aura peut-être pas lieu dans les territoires occupés ; mais, à l’instar de ce qui se passe actuellement en Tunisie contre le régime dictatorial du président Ben Ali, des soulèvements sporadiques se produiront, car le régime imposé aux Palestiniens par l’armée israélienne est du même ordre.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Madame Cerisier-ben Guiga, je ne vous suivrai pas sur ce terrain, car la comparaison est un peu osée !

Vous m’avez posé une question claire : les produits en provenance des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens bénéficient-ils, sur le plan tarifaire, des conditions avantageuses accordées aux produits israéliens en vertu de l’accord d’association Union européenne-Israël ? Ma réponse, qui sera également très claire, est non !

Quant au sujet que vous avez évoqué dans votre réponse, il est d’une autre nature et ne relève absolument pas de la question posée aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 1103, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Parlement et le Conseil européen ont, le 25 novembre 2009, adopté des dispositions relatives aux communications électroniques. Ces dispositions regroupées sous l’appellation « troisième paquet Télécom » sont constituées de trois textes.

D’abord, une directive intitulée « Mieux légiférer », qui modifie les directives « Cadre », « Accès » et « Autorisation » ; ensuite une directive intitulée « Droits des citoyens », qui révise les directives « Vie privée » et « Service universel » ; enfin, un règlement relatif à l’organe des régulateurs européens des communications électroniques.

Ce dispositif législatif doit être transposé en droit interne d’ici au 25 mai 2011.

Lors du conseil des ministres du 15 septembre 2010, le Gouvernement a décidé de présenter un projet de loi « portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques ».

Ce texte, qui a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale et qui sera examiné en procédure accélérée, contient donc onze articles portant sur des sujets très divers visant à transposer en droit interne des directives par voie d’ordonnance. Il s’agit d’une loi d’habilitation.

Dans ce projet, un seul article est consacré aux communications électroniques. Il autorise le Gouvernement à transposer la directive 2009/140/CE « Mieux légiférer », à transposer la directive 2006/136/CE « Droits des citoyens », à prendre des mesures « nécessaires à l’accroissement de l’efficacité de la gestion des fréquences radioélectriques », à prendre des mesures nécessaires à la lutte contre certaines infractions et à procéder à des corrections et clarifications dans le code des postes et des communications électroniques… Rien que cela pour un seul article de loi !

Pourtant, en raison de la place des télécommunications dans la vie quotidienne, la transposition en droit français du troisième « Paquet Télécom » me paraît relever de la procédure législative normale, à savoir l’article 34 et non l’article 38 de la Constitution.

En conséquence, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas jugé bon de présenter un projet de loi spécifique sur un sujet aussi important ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Monsieur Teston, le Gouvernement a souhaité en effet être habilité à transposer par ordonnance les directives dites du troisième « paquet Télécom ».

Vous avez détaillé, et je vous en remercie, le contour de cette demande d’habilitation par le biais d’un projet de loi en cours d’examen « portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne », comportant un article d’habilitation. C’est la procédure classique.

Le Gouvernement a préféré procéder à la transposition par voie d’ordonnance plutôt que par voie parlementaire, comme vous l’y invitiez à l’instant, et ce pour deux raisons principales.

D’abord, l’obligation de respecter l’échéance de transposition nous laisse un délai très bref – jusqu’au 25 mai 2011 – et expose notre pays à des sanctions significatives, en particulier financières, en cas de retard dans la transposition au-delà de cette date.

Ensuite, ce « paquet Télécom » s’inscrit dans la continuité du précédent. Les règles et principes majeurs applicables au secteur des communications électroniques, adoptés dans les directives de 2002 et transposés par la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques, restent valides et n’appellent pas de changement particulier. Il ne s’agit donc que d’ajustements.

Voilà pourquoi le Gouvernement a souhaité agir par voie d’ordonnance.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Selon M. le secrétaire d’État, la transposition en droit interne du troisième « Paquet Télécom » par le biais d’un projet de loi comportant un article d’habilitation et faisant l’objet de la procédure accélérée est justifiée non seulement par l’urgence, mais aussi par le fait que ce troisième « paquet Télécom » s’inscrit dans la continuité des deux précédents qui ont été examinés par le Parlement et transcrits en droit interne.

Je ne conteste pas la nécessité de transposer avant le 25 mai 2011 les deux directives que j’ai citées et qui le prévoient d’ailleurs expressément.

Mais il convient de rappeler que ce troisième « paquet Télécom » a été adopté par le Parlement et le Conseil européen le 25 novembre 2009. Par conséquent, si le gouvernement français n’avait pas attendu le 15 septembre 2010, il aurait été possible d’engager la transposition selon la procédure législative normale. Ce ne sera pas le cas et je le déplore !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 1095, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

J’attire l’attention de Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la question – il est vrai récurrente, hélas ! – des frais et de la mobilité bancaires des consommateurs.

Dans mon département de Meurthe-et-Moselle, l’association de consommateurs de Nancy et des environs vient de rendre publique une enquête sur les frais et la mobilité bancaires. Les résultats démontrent à l’évidence que les établissements bancaires ne jouent pas le jeu de la concurrence, les clients qui souhaitent changer de banque rencontrant de nombreux obstacles !

Cette association a sollicité douze agences de Meurthe-et-Moselle pour vérifier le prix des services et tester l’effectivité du service d’aide à la mobilité bancaire mis en place au 1er novembre 2009. Croyez-moi, ce n’est pas simple, et l’on se perd aisément dans la lecture du fascicule regroupant l’ensemble des tarifs bancaires de ces dernières années !

L’évolution des prix entre 2004 et 2010 de trois produits considérés par les consommateurs comme stratégiques – la carte bleue classique, la commission d’intervention par incident et le retrait au distributeur – met en évidence une hausse pouvant aller jusqu’à 18, 6 % en six ans pour certaines banques, hausse donc très supérieure à l’inflation constatée sur cette période, soit 8 %.

De plus, malgré l’engagement pris par les banques, le changement d’établissement s’avère particulièrement difficile pour les consommateurs. D’après l’enquête locale, 90 % des conseillers financiers n’en parlent pas spontanément à un client venant les solliciter pour changer de banque. Dans 50 % des établissements, le client doit effectuer lui-même toutes les démarches, et dans 30 % le travail est partagé avec la banque.

Quant au délai nécessaire avant activation du compte, le consommateur de Meurthe-et-Moselle ou de la Meuse doit attendre plus d’un mois dans 43 % des cas, alors que les banques s’étaient engagées à un délai de cinq jours ouvrés au plus.

Au vu de l’échec de l’autorégulation, je souhaite savoir dans quelle mesure le Gouvernement envisage une réforme d’ampleur du secteur bancaire qui soit susceptible de dynamiser la concurrence, en particulier d’assurer une véritable mobilité bancaire pour les consommateurs.

Je vous remercie par avance de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Monsieur Daniel Reiner, vous avez parfaitement raison ; je ne peux pas vous dire mieux !

Mon portefeuille ministériel comprend la consommation, et chacun sait que la défense des consommateurs est l’une de mes préoccupations.

Le Gouvernement est particulièrement attentif aux difficultés rencontrées par les clients et bien décidé à agir.

Dès 2008, Christine Lagarde a demandé au Comité consultatif du secteur financier, le CCSF, d’examiner les meilleures pratiques européennes en matière d’aide à la mobilité bancaire. À la suite de ces travaux, les banques se sont engagées en mai 2008 à mettre en place dès 2009 un service d’aide à la mobilité.

Concrètement, lorsqu’un client veut changer de banque, c’est la banque d’accueil qui doit lui assurer ce service : elle doit fournir au client une information complète sur le processus de transfert le plus rapidement possible et dans un délai maximum de soixante-douze heures suivant sa demande ; elle doit contacter la banque de départ pour assurer le transfert des prélèvements et des virements périodiques ; elle doit aider son client à vérifier attentivement qu’il n’y a pas d’opération en circulation. Par ailleurs, je rappelle que les banques ne facturent plus les clôtures de compte.

Christine Lagarde a souhaité qu’une évaluation régulière de ce dispositif soit conduite. Le CCSF s’est donc réuni le 4 novembre 2010, afin de faire le bilan de la mise en œuvre de ces engagements après un an de fonctionnement. Les conclusions du CCSF sont plus que mitigées.

D’un côté, selon les représentants de la profession bancaire, des outils internes ont été mis en place en application de leurs engagements et, de l’autre, les associations de consommateurs considèrent que ces engagements n’ont pas été respectés et que des efforts très significatifs restent à accomplir.

Dans ces conditions, nous demandons nous-mêmes des améliorations sur un certain nombre de points, notamment sur l’existence et la nature du service offert dès le guichet ou en très peu de clics sur les sites Internet, sur le renforcement de la prise en charge par la banque d’accueil de l’ensemble des opérations prévues, auquel les banques s’étaient engagées, et sur la formation des personnels, dont l’insuffisance explique en partie que les résultats, malgré la volonté des établissements d’améliorer leurs pratiques, n’aient pas été au rendez-vous.

En conséquence, Christine Lagarde a demandé que soit conduit un véritable audit du respect des engagements pris par les banques en matière de mobilité. Elle fera ainsi usage, pour la première fois, de la compétence qui lui a été donnée par la loi de régulation bancaire et financière adoptée en octobre dernier, en matière de contrôle du respect de leurs engagements par les banques. C’est l’Autorité de contrôle prudentiel, chargée de la surveillance du secteur bancaire, qui conduira cet audit. Elle rendra son rapport à Christine Lagarde, ainsi qu’au CCSF lui-même, en juillet 2011. Comme vous pouvez le constater, le Gouvernement n’a pas perdu de temps ! Nous sommes donc parfaitement en phase avec vos propres positions, monsieur le sénateur.

En fonction de cet audit, Christine Lagarde décidera la mise en place d’un certain nombre de dispositions, qui s’imposeront à tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Monsieur le secrétaire d’État, je prends acte de votre engagement, qui ne constitue toutefois qu’un engagement supplémentaire. En effet, en la circonstance, communication n’est pas action ! Sur ce sujet, le Gouvernement communique depuis un certain nombre d’années. Or la preuve est désormais faite que la communication ne suffit pas, puisque les faits ne suivent pas !

Je transmettrai votre réponse à l’organisme de défense des consommateurs qui m’a saisi de cette question. Je reste toutefois sceptique en ce domaine, le Gouvernement ayant tenu exactement le même discours voilà un an.

Depuis la publication d’une enquête européenne menée voilà deux ou trois ans, chacun sait que les banques françaises occupent les toutes dernières places en matière de frais bancaire, de services et de relations avec les consommateurs. Sur le terrain, elles ne progressent malheureusement pas, bien qu’elles passent leur temps à s’engager et à mettre en avant leur bonne volonté. Une telle situation, qui coûte cher aux consommateurs, est agaçante !

Les associations de défense des consommateurs souhaitent donc que le Gouvernement cesse de demander aux banques des engagements – on sait qu’elles ne les tiennent pas – et mette en œuvre une véritable réforme. Il faut désormais passer à l’acte et prendre les décisions que les banques ne sont pas capables de s’imposer à elles-mêmes.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

J’ajoute simplement, pour que ce soit parfaitement clair, monsieur le sénateur, que le Gouvernement agit.

En effet, le premier dispositif, adopté et appliqué dès 2009, et qui reposait sur l’autorégulation, ne s’est pas révélé satisfaisant. Nous avons donc chargé un organisme indépendant de mener un audit sur cette question. À la lumière des conclusions qu’il rendra, nous déciderons s’il convient ou non de légiférer en la matière. La réponse apportée est donc conforme à ce que vous appelez de vos vœux, monsieur le sénateur, à savoir un dispositif qui s’impose à tous, et notamment au secteur bancaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 1096, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, l’assurance vie est le produit d’épargne préféré des Françaises et des Français, en raison notamment de sa sécurité et des avantages fiscaux qui y sont associés.

À plusieurs reprises, le Sénat a marqué son intérêt et son attachement à l’assurance vie et à la protection des bénéficiaires des contrats en étant à l’origine de textes destinés à favoriser leur recherche. Ainsi, en avril dernier, avons-nous voté à l’unanimité une proposition de loi que j’avais eu l’honneur de proposer à la Haute Assemblée.

Avec un encours de plus de 1 200 milliards d’euros en juillet 2010, l’assurance vie confirme un succès qui ne se dément pas depuis plus de vingt ans, malgré l’augmentation régulière de la fiscalité à laquelle elle est assujettie. Aujourd’hui, les prélèvements sociaux, qui seront désormais prélevés annuellement en application de la loi de finances pour 2011, s’élèvent à 12, 3 %.

À ce prélèvement s’ajoute une imposition dont le barème varie en fonction de la durée du contrat : 35 % pour les contrats détenus depuis moins de quatre ans, 15 % pour ceux dont la durée est de quatre à huit ans, et 7, 5 % pour ceux dont la durée est supérieure à huit ans. Cette dégressivité a pour objectif d’assurer une stabilité permettant de favoriser l’épargne à long terme dont notre économie a besoin.

Cette règle, malgré son caractère strict, est comprise et admise par tous.

En revanche, une autre règle est beaucoup moins bien acceptée : c’est celle qui empêche un souscripteur de transférer un contrat en cours d’une compagnie à une autre, sans perdre le bénéfice de l’antériorité.

Aujourd’hui, pour transférer son contrat, un souscripteur est obligé de le racheter et d’en souscrire un nouveau, perdant ainsi les avantages fiscaux attachés à l’antériorité dont il bénéficiait.

Cette contrainte constitue un verrou en matière de concurrence et de liberté du consommateur, dans un secteur marqué par d’importants regroupements. Une telle situation diffère de celle qui prévaut dans la plupart des cas, et notamment pour d’autres placements d’épargne populaire tels que le livret A.

Dans un rapport adopté en juin 2009, le Conseil économique, social et environnemental, tout en plaidant pour une stabilisation de la réglementation, suggère également que soit offerte la possibilité de « transférer un contrat d’assurance vie d’un opérateur à un autre sans frais excessifs et sans pénalisation fiscale dès lors que le contrat demeure ouvert ».

Ayant écrit à ce sujet à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi le 16 juin 2010 et n’ayant toujours pas obtenu de réponse malgré plusieurs relances, je me permets de vous interroger, monsieur le secrétaire d’État : le Gouvernement entend-il, sur la base des préconisations du Conseil économique, social et environnemental, assouplir une règle qui me semble aujourd’hui très restrictive ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Monsieur le sénateur, vous l’avez dit, il s’agit d’un sujet que vous connaissez bien.

Vous interrogez Mme la ministre sur l’opportunité d’autoriser le transfert individuel de contrats d’assurance vie entre compagnies d’assurance. Or Mme Lagarde est assez réservée s’agissant de l’opportunité de ce type de transferts, et ce pour plusieurs raisons.

Le régime de l’assurance vie est lié, dans notre pays, à la nécessité de favoriser l’épargne sur le long terme. Vous avez également rappelé ce point, qui constitue d’ailleurs l’argument principal sur lequel s’articulera ma réponse. Depuis sa création, ce dispositif a eu pour objet la constitution d’une telle épargne, qui est nécessaire à notre économie. Or la transférabilité induirait un certain nombre d’effets pervers.

Premièrement, elle remettrait en cause – vous avez certainement en tête une telle perspective – le financement de nos entreprises, lié à l’existence d’une épargne sur le long terme. Il s’agit d’un enjeu majeur de politique économique. La détention d’une épargne sur le moyen terme est justement ce à quoi incite le dispositif depuis qu’il a été créé.

De fait, on observe que, en raison notamment du régime fiscal associé à l’assurance vie, la maturité moyenne des contrats est d’environ neuf ans. Cette durée permet à l’assureur d’adopter un horizon de gestion de moyen terme et d’investir dans des actifs à long terme, comme la dette et des actions d’entreprises. Ainsi, fin 2009, 53 % des actifs des assureurs étaient investis dans des actifs d’entreprises, qu’il s’agisse de dette ou d’actions.

Si, d’aventure, le transfert individuel de contrats d’assurance vie était autorisé, l’assureur serait dans l’obligation de réduire son horizon de gestion et de détenir des actifs plus liquides, principalement de la dette souveraine, ce qui n’est pas dans l’intérêt de notre économie ni, surtout, de nos PME.

Deuxièmement, le régime fiscal dont bénéficie l’assurance vie a historiquement été introduit pour inciter à la détention d’actifs sur le long terme. Cet aspect n’est pas sans importance. En effet, si l’incitation à la détention de tels actifs ne constituait plus la priorité du dispositif, le bien-fondé du régime fiscal de l’assurance vie risquerait alors d’être remis en cause, ce que ni le Gouvernement ni vous-même, monsieur le sénateur, ne souhaitent.

Troisièmement, la détention d’actifs sur le long terme est normalement source de rendements pour l’épargnant. Vous l’avez vous-même souligné, monsieur le sénateur, ce produit est souvent le préféré des Français. Le transfert individuel de contrats d’assurance vie ayant pour effet de raccourcir l’horizon de gestion des assureurs, les rendements risqueraient de diminuer, ce qui rendrait moins attractif pour les assurés ce type de produits.

Monsieur le sénateur, je connais parfaitement votre engagement – nous le partageons d’ailleurs – dans la défense des consommateurs. Je connais en outre votre attachement au régime de l’assurance vie.

Vous avez plaidé en faveur de la possibilité de rachat d’un contrat, l’épargnant pouvant alors réinvestir son épargne dans un autre contrat. Or rien n’empêche l’épargnant qui ne serait pas satisfait d’un premier contrat d’en souscrire un second ! Ce point est loin d’être négligeable. En effet, il avait été question, à une certaine époque, de « verrouiller » le nombre de contrats d’assurance vie, en le limitant à un seul.

Tels sont les éléments de réflexion que je souhaitais porter à votre connaissance, monsieur le sénateur. Vous l’avez compris, il s’agit non pas d’une opposition de principe, mais plutôt d’une inquiétude très forte liée à la remise en cause du régime lui-même, mais surtout de tous les avantages que ce dernier procure tant à l’assuré qu’aux PME de notre pays. Or une telle perspective, j’en suis convaincu, ne correspond bien évidemment pas à ce que vous souhaitez.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de m’avoir enfin apporté une réponse. Je comprends parfaitement les arguments que vous venez d’évoquer et qui sont d’ailleurs ceux qui sont utilisés par les établissements financiers concernés, qu’il s’agisse des banques ou des compagnies d’assurance.

Je tiens toutefois à faire remarquer que le transfert, lequel, par définition, ne remet pas en cause l’existence du contrat, ne nuit pas aux investissements sur le long terme. Ne perdons pas de vue cette donnée !

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, il convient également de considérer le point de vue des consommateurs, auquel je vous sais très attaché.

Sans doute ce sujet mériterait-il de réunir une table ronde, qui associerait tous les organismes de défense des consommateurs. En effet, derrière cette question se pose également le problème de la mobilité bancaire. Très souvent, face à l’impossibilité de transférer son contrat d’assurance vie, le consommateur renonce à quitter son établissement bancaire, d’autant plus qu’il se trouverait alors confronté aux pénalités évoquées tout à l’heure par notre collègue.

Ces questions doivent donc être examinées, afin de mieux prendre en compte le point de vue du consommateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question n° 1077, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette question était initialement destinée à M. Estrosi. Toutefois, les aléas de la vie parlementaire et gouvernementale me conduisent aujourd’hui à l’adresser à M. Frédéric Lefebvre, qui représente ce matin M. Besson, successeur de M. Estrosi.

Voilà quelques mois, M. Estrosi avait annoncé la mise en place des comités stratégiques de filières industrielles.

Cette mise en place appelle plusieurs réflexions de ma part, étant précisé au préalable que M. Besson, j’imagine, s’inscrit dans la démarche engagée par son prédécesseur, M. Estrosi.

Je crois très fortement en la nécessité de structurer rapidement l’industrie française autour de véritables filières, notamment dans le secteur aéronautique, dont vous savez tous que 80 % de l’activité se situe dans la région Midi-Pyrénées. À travers la mise en place d’une filière aéronautique, apparaîtrait l’opportunité de « muscler » le secteur de la sous-traitance en favorisant le développement de clusters qui, pour leur part, pourraient favoriser l’intégration de la recherche et de l’industrie.

C’est donc avec satisfaction que j’ai pris note de la décision du ministre de l’époque de mettre en place un comité stratégique de la filière aéronautique. Pour des raisons évidentes, je déplore toutefois le fait que ce comité ne soit pas symboliquement basé à Toulouse. Vous savez du reste que Toulouse recevra jeudi prochain, sur le site d’EADS, la visite du Président de la République. Cette visite soulignera une double évidence : d’une part, la place occupée par Toulouse dans le secteur aéronautique ; d’autre part, la place de l’aéronautique dans le tissu industriel national. Peut-être des annonces seront-elles faites à cette occasion.

J’espère cependant que, passé l’effet d’annonce de la création de ce comité stratégique, cette structure sera à moyen terme véritablement opérationnelle et efficace. Je le crois d’autant plus que les travaux actuellement menés par la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires, à laquelle j’appartiens, confortent largement ce point de vue.

Dans un autre registre, mais sans trop m’éloigner du cœur du sujet, je voudrais souligner qu’il est indispensable de favoriser, dans le périmètre d’EADS et au-delà, l’émergence d’un puissant acteur français dans le domaine des aérostructures. Il est évident que Sogerma, Daher-Socata et, surtout, Latécoère représentent des entités pouvant concourir à l’émergence d’un tel acteur, déjà concurrencé par certaines initiatives allemandes ou américaines.

En ce sens, la presse a évoqué voilà quelque temps l’éventualité pour la société américaine Spirit – cette société, appendice de la firme Boeing, est déjà implantée sur le sol français et est spécialisée dans les éléments composites – d’acquérir la société Latécoère basée à Toulouse et dans une commune du Gers proche de cette dernière ville. Une telle opération, si elle se réalisait, réduirait pratiquement à néant les chances de voir émerger un ensemble industriel national d’aérostructures, qui pourrait bénéficier du concours du Fonds stratégique d’investissement, le FSI. Il existe donc un véritable enjeu sur le plan de la stratégie industrielle, enjeu qui justifie un affichage politique auprès de tous les acteurs concernés, et ce dans un délai relativement rapide. Lorsque j’évoque l’affichage politique et la stratégie industrielle, vous pensez bien, monsieur le secrétaire d’État, que j’interpelle l’État.

J’espère que vos éléments de réponse me permettront de rassurer tous ceux qui, dans la région Midi-Pyrénées et au-delà, sont préoccupés par cette situation. En effet, le Gouvernement ne peut rester indifférent et muet face à cette question, et a donc le devoir, à travers les compétences du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, de parler et surtout d’agir.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Monsieur Mirassou, vous avez parfaitement rappelé que Christian Estrosi avait annoncé, dans le cadre des états généraux de l’industrie, un certain nombre de mesures destinées à renforcer la compétitivité et la solidité des entreprises. Le Président de la République s’est d’ailleurs lui-même engagé dans cette voie à plusieurs reprises, et notamment à l’occasion de ces états généraux de l’industrie.

Parmi les mesures prévues figure la structuration en filières de l’industrie française. Les objectifs fixés à l’époque restent évidemment ceux du Gouvernement. Aujourd’hui, comme hier, ces enjeux constituent une priorité.

Vous avez cité un certain nombre d’entreprises, et je n’y reviendrai pas. Au regard du nombre d’emplois concernés, de l’innovation dans ce secteur et du caractère structurant pour le tissu industriel de cette activité, l’aéronautique figure parmi les onze filières stratégiques identifiées lors des états généraux de l’industrie. C’est une bonne nouvelle pour Toulouse.

Lors de l’installation du comité stratégique de la filière aéronautique, le 16 septembre 2010, plusieurs chantiers prioritaires ont été identifiés, dont celui de la supply chain, comme disent les Anglo-Saxons. Il s’agit, dans le cadre de la filière aéronautique, des aérostructures, que vous avez parfaitement présentées tout à l’heure. Ce secteur des aérostructures emploie directement 9 000 salariés en France, auxquels s’ajoutent de 10 000 à 20 000 emplois dans la sous-traitance. Aerolia, Latécoère, Sogerma et Daher-Socata, que vous avez cités, sont les acteurs principaux de ce secteur.

Il s’agit là d’un secteur performant qui, comme vous l’avez dit, est cependant fragmenté.

Il existe donc un enjeu stratégique majeur à faire émerger un grand champion de taille mondiale dans le secteur des aérostructures, et le Gouvernement est décidé à « être au rendez-vous ». Chacune des entreprises françaises que vous et moi avons citées – Aérolia, Latécoère, Sogerma, Daher-Socata – peut être en mesure d’assumer un rôle fédérateur dans le secteur des aérostructures, à condition qu’elle en ait la volonté stratégique et les capacités financières.

L’État n’a pas vocation à dicter aux entreprises leur stratégie. En revanche, il a mis en place des outils, tel le Fonds stratégique d’investissement, ou FSI, aptes à accompagner des opérations ambitieuses de création de valeur industrielle nationale.

Dans le respect des règles de gouvernance de ces dispositifs, le Gouvernement sera attentif à leur mobilisation pour accompagner la concentration du secteur, dès lors que les industriels auront élaboré un projet ambitieux concordant avec les enjeux nationaux de développement industriel.

Dès lors que ce projet ambitieux sera « sur la table », le Gouvernement aura pour priorité d’être aux côtés de cet acteur que nous souhaitons voir émerger en France. Le FSI est également dans l’attente de ce projet que les entreprises doivent définir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Monsieur le secrétaire d’État, je partage les bonnes intentions que vous avez affichées, même si j’attends leur concrétisation par des actes.

Il y a toutefois un point de divergence entre votre diagnostic et le mien. Je suis en effet convaincu du fait que, dès que l’on évoque la stratégie industrielle, l’État a alors toute légitimité pour intervenir, voire pour interférer, dans les choix faits par les industries concernées.

Cela est tellement vrai que, dans d’autres pays concurrents de la France – je pense notamment à nos amis allemands –, les gouvernements, faisant preuve de moins de scrupules, interviennent de manière très importante dans ce type de situation ; un membre du Gouvernement est d’ailleurs généralement chargé de la problématique aéronautique. Je ne peux pour ma part que vous souhaitez d’être un jour chargé de ce dossier, monsieur le secrétaire d’État, car il est éminemment important en termes non seulement de stratégie industrielle, qui engage l’ensemble de la nation, mais également d’emploi et de recherche et développement.

Par conséquent, dès l’instant que des comités stratégiques consacrés à ces filières sont créés, il ne faut pas rester au milieu du gué : il faut « pousser les feux » pour que le Gouvernement joue pleinement son rôle. Sinon, les industriels que vous avez cités pourraient être tentés de « jouer petits bras » et préférer, en l’absence d’une volonté politique affirmée à l’échelon gouvernemental, ne pas se lancer dans un effort d’une telle ampleur.

Il faut donner aux énergies existantes la possibilité de tirer le maximum de leur potentiel et confirmer par des actes la volonté politique que vous avez affichée à l’instant, monsieur le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Monsieur Mirassou, mon collègue Éric Besson, en charge de ces dossiers, est particulièrement déterminé à ce que, dès lors que les entreprises se mobiliseront, des mesures soient prises. La balle est dans le camp des entreprises. Il ne s’agit pas d’avoir des scrupules ou de ne pas faire comme nos amis allemands. Au contraire ! Il n’est toutefois pas possible de définir la stratégie des entreprises à leur place.

Une fois qu’une stratégie et un projet ambitieux seront sur la table, l’État sera aux côtés du secteur des aérostructures.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Robert Hue, auteur de la question n° 1138, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous me permettrez d’évoquer la situation et l’avenir des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, à partir de la réalité de mon département, sachant que la situation du Val-d’Oise est, à bien des égards, représentative de la réalité nationale.

Cette situation renforce, s’il en était besoin, l’extrême inquiétude qui traverse aujourd’hui les communautés scolaires face au désengagement de l’État dans leur domaine. Toutefois, le fait de s’en prendre aux RASED, dispositif performant, est pour moi révélateur de la volonté régressive des initiateurs de cette démarche.

Le fait d’avoir supprimé depuis trois ans des dizaines de milliers d’emplois d’enseignement et d’accueil n’est pas sans conséquences sur la qualité de notre service public de l’éducation nationale. De surcroît, ces réductions massives de capacités humaines sont décidées au moment où les effectifs scolaires sont, quant à eux, en hausse, notamment dans le premier degré.

Les chiffres sont là. Ils sont divulgués de la manière la plus officielle qui soit par le préfet présidant le conseil départemental de l’éducation nationale. Le Val-d’Oise comptera, en 2011, 1 408 élèves supplémentaires, évolution renforçant la tendance des précédentes années. Or ce chiffre se heurte à une baisse du nombre d’emplois, qui passe de 7 113 emplois en 2008 à 7 000 emplois aujourd’hui, du fait notamment de la non-affectation, l’an prochain, de 78 nouveaux postes.

De fait, nous ne sommes pas confrontés à une volonté de faire des économies, mais nous subissons le « dogme » de la suppression d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Cette politique a des conséquences directes sur les dispositifs de lutte contre l’échec scolaire, aujourd’hui sacrifiés.

La « preuve par le Val-d’Oise » est criante. En effet, le rectorat confirme non seulement la suppression budgétaire des 43 postes dédiés au dispositif RASED, mais prévoit également, au travers de nouveaux glissements d’emplois, la suppression supplémentaire de 11 postes affectés au dispositif RASED.

Par conséquent, l’annonce de la non-budgétisation de 54 postes affectés au dispositif RASED, sur les 78 postes non-affectés que j’ai évoqués, démontre que sont principalement visés les postes d’enseignant dédiés au travail spécifique en direction des élèves les plus en difficulté.

Du fait de l’action du Gouvernement, madame la secrétaire d’État, nous passons de la discrimination positive au nivellement par le bas.

Au moment où l’on prétend faire de l’illettrisme une cause nationale, ces décisions, si elles étaient confirmées – j’attends votre réponse à cet égard –, seraient intolérables. Elles annonceraient en effet la mise à mort d’un dispositif vanté par l’ensemble de la communauté scolaire. Nous ne pouvons oublier que ces choix auront des conséquences particulièrement douloureuses pour les familles et les élèves ayant le plus besoin d’une école susceptible de répondre aux inégalités sociales et scolaires.

Je souhaite donc une réponse précise de votre part, madame la secrétaire d’État, quant à l’annonce de ces 54 suppressions de postes dédiés au dispositif RASED.

En apportant votre réponse, vous ne pourrez oublier que cette question précise sur l’avenir des RASED est posée alors qu’un sentiment de colère et d’incompréhension émerge face aux dysfonctionnements récurrents émaillant la vie quotidienne des groupes scolaires.

Il ne peut en être autrement quand, dans un département comme le mien, 150 classes sont quotidiennement privées d’enseignant.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

On trouve les mêmes problèmes dans d’autres départements !

Debut de section - Permalien
Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. Luc Chatel.

Monsieur le sénateur, la réforme de l’enseignement primaire a permis de recentrer les actions de l’école sur les apprentissages fondamentaux.

Chaque élève en difficulté – c’est l’ambition qui est au cœur de cette réforme – doit recevoir une réponse adaptée à sa situation, grâce d’une part à l’institution d’une aide personnalisée de deux heures hebdomadaires en petit groupe, assurée par les enseignants et, d’une part, à des stages de remise à niveau gratuits proposés aux élèves de CM1 et de CM2, pendant les vacances scolaires, à raison de trois heures par jour pendant une semaine.

Debut de section - Permalien
Jeannette Bougrab, secrétaire d'État

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. Désormais, les enseignants ont la possibilité, en prolongement de la classe, de traiter eux-mêmes les difficultés d’apprentissage de leurs élèves. Il ne s’agit pas d’une régression

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Jeannette Bougrab, secrétaire d'État

Ces deux heures d’aide personnalisée représentent au total soixante heures annuelles consacrées par chaque maître à des actions directes auprès des élèves en difficulté. Cet effort représente l’équivalent de 16 000 postes d’enseignants.

Avec cette évolution, nous avons fait le choix de réinvestir l’action des maîtres spécialisés du RASED sur les plus graves difficultés d’apprentissage des élèves. C’est là que la compétence spécialisée de ces maîtres trouve réellement à s’employer avec efficience.

Le ministère de l’éducation nationale vise donc non pas la disparition du dispositif RASED, mais sa mise en cohérence avec la réforme de l’école primaire et avec les moyens nouveaux dont elle dispose pour lutter contre l’échec scolaire.

Debut de section - Permalien
Jeannette Bougrab, secrétaire d'État

Monsieur le sénateur, j’en viens à la situation particulière que connaît votre département, le Val-d’Oise.

Dans ce département, au cours de l’année scolaire 2009-2010, pas moins de 33 000 élèves ont bénéficié du dispositif d’aide personnalisée de deux heures hebdomadaires, soit 25, 5 % des effectifs. Peut-on dès lors parler d’une régression ?

Pour cette année scolaire, votre département a obtenu une dotation supplémentaire de 52 équivalents temps plein, ou ETP.

En ce qui concerne les RASED, il est vrai que les inspecteurs d’académie ont été invités, dans le cadre de la préparation de la rentrée de 2011, à dresser un état précis des besoins et à en tirer les conséquences en termes d’organisation.

Dans le Val-d’Oise, cette analyse a amené à réduire le nombre de postes de RASED pour le fixer à 207 ETP. La diminution de 43 ETP que vous évoquez correspond à une situation antérieure de « surnuméraires ». Elle n’aura donc absolument aucune incidence sur les personnels titulaires, d’autant que le Val-d’Oise compte aujourd’hui 52 postes de RASED vacants.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, nous n’abandonnons pas les élèves en situation de difficulté scolaire, loin s’en faut. Nous leur apportons une réponse précise, de proximité, assurée par les enseignants, c’est-à-dire par ceux qui connaissent le mieux les élèves. Nous n’abandonnons pas non plus les RASED : nous leur donnons une fonction précise en adéquation complète avec leur mission.

Notre ambition pour l’école est d’aider chaque élève selon ses besoins, afin de lui permettre de construire sa réussite.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Madame la secrétaire d’État, malheureusement, votre réponse va terriblement accroître la colère et l’incompréhension de la communauté scolaire éducative et des parents d’élèves de mon département.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Avec le respect que je vous porte, madame la secrétaire d’État, pardonnez-moi de vous dire que vous êtes à mille lieues de la réalité ! Vous voulez enfermer les inspecteurs d’académie dans votre dogme, les contraindre à des choix qui ne fonctionnent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

En réalité, de par votre politique, des enfants en grande difficulté, en situation d’inégalité sociale majeure, ne bénéficieront plus de l’aide qui leur était accordée jusqu’à présent. C’est extrêmement grave ! C’est ainsi que l’on tue un système, et vous êtes bien en train de tuer celui-ci !

En effet, nous passons d’une discrimination positive, que permettaient les RASED, à un total nivellement par le bas. Que vous le vouliez ou non, et je suis très respectueux de votre réponse, ce processus annonce la disparition à terme de ce dispositif, qu’au demeurant nombre de nos voisins européens nous envient au point de rechercher les moyens d’instituer un système similaire.

Le dogme aveugle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a des conséquences gravissimes dans l’éducation nationale, comme dans le reste de la fonction publique. Cette démarche provoquera inévitablement de graves mouvements, car elle est inacceptable !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Daniel Marsin, auteur de la question n° 1087, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

Ma question s’adresse en effet à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Lors de sa visite en Guadeloupe, en décembre 2009, l’ancien secrétaire d’État chargé de la justice, M. Jean-Marie Bockel, avait pu constater avec moi et avec tous les usagers, la vétusté de la maison d’arrêt de Basse-Terre.

Il s’agit bien d’un échantillon concentré, des plus frappants, de tous les maux dont souffre le système carcéral français. Je citerai, entre autres, la surpopulation, un espace vital réduit entraînant des problèmes de promiscuité liés à la présence de six à huit détenus pour dix mètres carrés, alors que les normes européennes imposent neuf mètres carrés par détenu, un suivi médical lacunaire, des problèmes de sécurité, la faiblesse des dispositifs de réinsertion des détenus.

Un projet de réhabilitation de la maison d’arrêt de Basse-Terre, prévoyant notamment la reconstruction de l’établissement, « recalibré » avec 200 places supplémentaires, avait alors été évoqué. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous me dire ce qu’il en est aujourd’hui de ce projet ?

Par ailleurs, vous le savez, le cas de la maison d’arrêt de Basse-Terre n’est pas isolé : de trop nombreuses prisons d’outre-mer et de métropole sont dans une situation critique, au bord de l’asphyxie, et ce constat amer est récurrent !

Il est donc aujourd’hui urgent et indispensable de moderniser ces établissements, mais aussi d’humaniser leur fonctionnement, d’améliorer les conditions de détention et de mettre en place de vrais dispositifs de réinsertion.

De ce point de vue, le développement des prisons ouvertes pourrait être un complément efficace aux modes actuels d’exécution des peines, conjuguant l’amélioration des conditions de détention et des outils plus performants de réinsertion des détenus.

À cet égard, il conviendrait de s’inspirer de l’expérience, réussie semble-t-il, de l’établissement corse Casabianda. Si ce dispositif était retenu, sur plus de 66 000 détenus, près de 4 200 d’entre eux pourraient en bénéficier. L’expérience corse ne doit donc pas rester isolée. Elle devrait au contraire devenir la rampe de lancement de ce mode d’incarcération.

Madame la secrétaire d'État, je souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet. Envisagez-vous un programme de développement de ce mode de détention ? Puisque j’ai soulevé le cas de la Guadeloupe, ne pourrait-on précisément commencer par y mettre en œuvre ce régime ouvert ?

Debut de section - Permalien
Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative

Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d’abord d’exprimer mon soutien aux habitants de la Guadeloupe, notamment ceux des Abymes, de Morne-à-l’Eau ou de Port-Louis, à la suite des événements qui se sont produits la semaine dernière.

Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice.

Vous avez appelé son attention sur la situation des établissements pénitentiaires de la Guadeloupe, et plus particulièrement sur celle de la maison d’arrêt de Basse-Terre.

Cet établissement, situé en centre-ville et à proximité immédiate du palais de justice, est un ancien couvent aménagé en prison en 1792. D’une capacité de 130 places, il hébergeait 167 détenus au 1er octobre 2010.

Le constat de surpopulation carcérale et l’état de vétusté avancé de la maison d’arrêt de Basse-Terre, en dépit de travaux menés au cours de la dernière décennie, ont conduit l’administration pénitentiaire à ériger en priorité la modernisation du parc immobilier pénitentiaire de la Guadeloupe.

L’agence publique pour l’immobilier de la justice, qui a été mandatée aux fins d’effectuer des études de faisabilité pour la réhabilitation lourde de la maison d’arrêt de Basse-Terre, a remis les résultats de son expertise.

Au regard des conclusions de l’étude que M. le garde des sceaux vient de recevoir, les orientations sont à ce stade les suivantes : la maison d’arrêt de Basse-Terre sera totalement démolie et reconstruite sur le site. Des parcelles foncières contiguës sont en cours d’acquisition, ce qui permettra la mise aux normes et l’agrandissement de l’établissement, dont la capacité passera de 130 à 180 places au moins, en cellules individuelles.

À ce sujet, M. le garde des sceaux a demandé au préfet, en août dernier, de prendre les dispositions nécessaires afin de permettre une démolition rapide de l’édifice actuel. La livraison des premiers bâtiments est prévue pour le début de 2015.

En ce qui concerne un éventuel développement des prisons ouvertes, je vous informe qu’une réflexion est actuellement menée, au sein du ministère de la justice et des libertés, sur les établissements pénitentiaires, dits « prisons sans barreaux », qui pourraient être développés à l’avenir en France.

À cette fin, s’appuyant sur le rapport Gontard, l’administration pénitentiaire étudie la possibilité de réaliser un ou deux quartiers spécifiques de 50 à 100 places hors enceinte, jouxtant un établissement neuf du nouveau programme immobilier.

La première phase, actuellement en cours, a pour objet de décrire le fonctionnement théorique, l’organisation, les exigences et les contraintes d’une telle structure en se fondant, notamment, sur les retours d’expériences étrangères.

La seconde phase, au cours des années 2011 et 2012, consistera à écrire le programme des exigences fonctionnelles et techniques d’une telle structure et à mener les études de faisabilité. Dans le même temps, la localisation d’un site adapté devra être arrêtée.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

Madame la secrétaire d’État, je tiens tout d’abord à vous remercier, au nom de tous les Guadeloupéens, de l’intérêt que vous portez aux conséquences des inondations qui se sont produites sur l’île la semaine dernière.

Vous m’avez rassuré en confirmant que le projet de reconstruction de la prison de Basse-Terre, loin d’être abandonné, était au contraire en cours de réalisation et qu’il devrait aboutir en 2015.

Je tiens toutefois à attirer votre attention sur la nécessité de prendre toutes les dispositions nécessaires afin que le centre pénitentiaire de Baie-Mahault ne connaisse pas une nouvelle crise pendant la période de démolition.

Quant au régime de la prison ouverte, je note avec intérêt que ce dispositif, qui semble avoir été testé de façon satisfaisante en Corse, pourrait être étendu. Il s’agirait d’un progrès considérable dans les conditions de détention des prisonniers français.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Bernadette Bourzai, auteur de la question n° 1112, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis vingt-cinq ans, les entreprises d’insertion sous forme associative contribuent à la réinsertion durable dans l’emploi de personnes en situation d’exclusion.

Avec un taux de retour à l’emploi très élevé et, paradoxalement, un coût global de traitement des chômeurs relativement faible, nombre de professionnels s’accordent à le dire, les entreprises d’insertion sont un moyen efficace et peu onéreux pour accompagner des populations qui trouvent très difficilement ailleurs un retour à l’emploi.

Mais ces entreprises d’insertion sous forme associative sont confrontées à une situation financière structurellement difficile. En effet, l’aide au poste qu’elles perçoivent durant le contrat à temps plein qu’elles offrent n’est pas indexée. D’un montant de 9 681 euros par an et par équivalent temps plein, cette indemnité n’a pas été réévaluée depuis dix ans, alors que dans la même période, le SMIC a été revalorisé de 41 %. Cette aide ne couvre plus aujourd’hui, loin s’en faut, le coût réel des prestations d’encadrement et d’accompagnement social des entreprises d’insertion.

De plus, ces entreprises d’insertion subissent la concurrence des entreprises de services à la personne, lesquelles font bénéficier leur clientèle d’une TVA plus favorable, à hauteur de 5, 5 %, contre 19, 6 % pour les entreprises d’insertion.

Il résulte de cette situation que certaines entreprises d’insertion de la région du Limousin, notamment en Corrèze, envisagent d’abandonner ce service ; d’autres ont dû, en 2010, réduire le nombre de personnes accompagnées, ce qui est préjudiciable sur le plan social.

Les entreprises d’insertion sollicitent une revalorisation justifiée de l’aide au poste. Elle pourrait consister, par exemple, en une indexation sur l’évolution du SMIC, comme dans le cas des contrats aidés. Ces entreprises, de par leur objet même, sont moins productives, puisqu’elles doivent accompagner des populations en difficulté.

Une autre piste pour les aider serait de garantir une déduction fiscale incitative à leurs clients, à l’instar de ce qui existe pour les entreprises offrant des prestations de service, ou d’agir sur le taux de TVA.

Madame la secrétaire d'État, je souhaite connaître les intentions du Gouvernement à l’égard de ces propositions et savoir quelles dispositions vous comptez prendre pour permettre aux entreprises d’insertion de pérenniser leur activité en 2011, et au-delà si possible, et de tenir leur rôle face à la crise.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé

Madame la sénatrice, vous appelez l’attention du ministre du travail, de l’emploi et de la santé sur la situation financière des entreprises d’insertion sous forme associative. Xavier Bertrand m’a priée de vous transmettre les éléments de réponses suivants.

Il convient de souligner que, entre 2004 et 2010, s’il n’y a pas eu de revalorisation de l’aide au poste des entreprises d’insertion, les crédits consacrés globalement à l’insertion par l’activité économique ont été doublés.

De plus, dans le contexte de maîtrise des finances publiques, il a été décidé de préserver dans le projet de loi de finances pour 2011 les crédits alloués à l’insertion par l’activité économique, alors même que les crédits d’intervention de l’État se verront appliquer une norme de baisse de 5 %.

C’est la marque de l’attachement que le Gouvernement porte au secteur de l’insertion par l’activité, acteur essentiel de retour à l’emploi des publics qui en sont le plus éloignés sur nos territoires.

S’agissant des modalités de financement, il convient de rappeler que les acteurs du secteur ont souhaité, à l’occasion du Grenelle de l’insertion, organiser la sortie d’un système d’aide forfaitaire au profit de la généralisation d’une « aide au poste modulable et encadrée ».

Il est clair qu’une telle aide modulable doit permettre un soutien tenant compte des coûts réels de l’insertion, de sorte que la question de mesures générales uniformes de revalorisation de l’aide au poste ne se poserait plus à l’avenir.

Des expérimentations ont été menées en 2010 auprès d’une centaine de structures, dans quatre territoires, en vue de préparer de telles aides modulables. Un bilan d’étape de cette expérimentation a eu lieu en juin 2010, au terme duquel les acteurs de l’insertion par l’activité ont proposé la poursuite des travaux en 2011, avant une généralisation de la réforme.

Par ailleurs, dès 2011, l’État proposera aux organismes d’insertion par l’activité économique qui se portent volontaires, et en associant les collectivités territoriales qui le souhaitent, des contrats de performance destinés à enrichir les travaux préalables à une réforme du financement de ces structures.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Madame la secrétaire d’État, j’ai assisté vendredi après-midi au conseil d’administration d’une entreprise d’insertion, ce qui m’a permis de me tenir informée de façon très précise des réalités de terrain.

De fait, je suis assez sceptique quant à la réponse que vous venez de m’apporter de la part de M. Bertrand.

Vous nous dites que les crédits consacrés à l’insertion par l’activité économique ont doublé. Il n’empêche que l’aide au poste est maintenue au même niveau depuis dix ans, ce qui ne peut nous satisfaire. Vous avez également souligné que les crédits étaient préservés en 2011. Malheureusement, je rappelle qu’ils avaient diminué de 25 % en 2010. Par conséquent, vous les maintenez, certes, mais à la baisse. C’est tout à fait dommageable !

Par ailleurs, nous aimerions en savoir un peu plus sur les modalités de financement que vous avez évoquées. Nous y serons évidemment très attentifs.

S’agissant des contrats partenariaux, vous faites appel une fois de plus aux collectivités locales. Or, compte tenu de la situation, que vous n’ignorez pas, des départements, voire des régions, puisque ce sont ces dernières qui, le plus souvent, investissent dans les entreprises d’insertion, il s’agit d’un vœu pieux. Là encore, c’est dommageable !

En effet, tant en milieu urbain qu’en zone rurale, la situation sociale est de plus en plus catastrophique.

Le Gouvernement la dégrade davantage encore par de nouvelles mesures. Ainsi, j’ai appris vendredi que les contrats aidés, c'est-à-dire les contrats d’accompagnement dans l’emploi, les CAE, et les contrats uniques d’insertion, les fameux CUI, sont passés de 26 heures à 24 heures, avec, pour première conséquence, la diminution du salaire net versé à leurs titulaires, qui passera de 800 euros à 680 euros, c’est-à-dire en dessous du seuil de pauvreté. Dans de telles conditions, comment peut-on encourager les gens à se remettre au travail ? C’est indigne !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 1137, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur l’avenir des psychologues hospitaliers. La circulaire du 4 mai 2010 de la direction générale de l’offre de soins, la DGOS, relative à la situation des psychologues dans la fonction publique hospitalière indique que « les psychologues contractuels n’ont pas vocation à bénéficier des dispositions relatives au temps FIR », c'est-à-dire au temps alloué à la formation, à l’information et à la recherche.

Sachant que le temps FIR peut représenter un tiers du temps de l’activité d’un psychologue, comme le recommande la circulaire, avec cette mesure, les directeurs d’hôpitaux ont évidemment tout intérêt d’un point de vue financier à recruter des psychologues contractuels sur des postes vacants.

Or, depuis plus d’une dizaine d’années, la précarisation des psychologues dans la fonction publique hospitalière a considérablement augmenté : on comptait, en 1996, 3 502 titulaires pour 2 079 contractuels et, en 2006, 5 076 titulaires pour 3 843 contractuels, soit, en dix ans, un taux de croissance de 45 % pour les titulaires, contre 85 % pour les contractuels.

Paradoxalement, la même circulaire indique : « Les emplois permanents à temps complet ont vocation à être occupés par des fonctionnaires. Toutes les diligences nécessaires doivent être prises afin de s’assurer que les fonctions de psychologue soient exercées par les titulaires du corps correspondant ».

Je le répète, la suppression du temps FIR des contractuels, outre la dégradation qu’elle entraîne de la qualité de traitement des patients, risque d’avoir pour effet d’inciter les directions hospitalières à continuer de multiplier les contrats précaires, y compris en CDI.

C’est le cas, par exemple, à l’hôpital Marc Jacquet de Melun, dans mon département, où plus de la moitié des psychologues sont contractuels, soit trente sur un effectif total de cinquante-six, parfois depuis de longues périodes pouvant aller jusqu’à douze ans, travaillant aussi bien dans des unités classiques d’hospitalisation que dans des secteurs extra-hospitaliers pour enfants, adolescents ou adultes : consultations médico-psychologiques, centres d’aide thérapeutique, consultations et soins ambulatoires en établissements pénitentiaires, équipes mobiles de psychiatrie pour les populations précaires.

Pourtant, contractuels et titulaires effectuent le même travail, défini par le décret n° 91-129 du 31 janvier 1991 : « Ils contribuent à la détermination, à l’indication et à la réalisation d’actions préventives et curatives assurées par les établissements et collaborent à leurs projets thérapeutiques ou éducatifs tant sur le plan individuel qu’institutionnel.

« Ils entreprennent, suscitent ou participent à tous travaux, recherches ou formations que nécessitent l’élaboration, la réalisation et l’évaluation de leur action. »

Ce temps de formation et de recherche étant aujourd’hui supprimé pour les contractuels, qui représentent une part très importante des effectifs de psychologues dans de nombreux hôpitaux, je souhaiterais connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement auprès des établissements hospitaliers afin de transformer ces contrats précaires en postes titularisés.

Cela permettrait ainsi aux patients de consulter des professionnels bénéficiant des mêmes conditions de formation, favorisant ainsi une démarche de qualité de soins et de prise en charge des malades en lieu et place d’une pratique de la psychologie à deux vitesses que vous voulez instaurer.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé

Monsieur le sénateur, la circulaire du 4 mai 2010 relative à la situation des psychologues dans la fonction publique hospitalière, dans son paragraphe IV sur le « Bénéfice du temps de formation, d’information et de recherche », dit « temps FIR », ne fait que rappeler les conséquences de la situation juridique différente des psychologues contractuels et des psychologues titulaires régis par le décret du 31 janvier 1991 portant statut particulier des psychologues de la fonction publique hospitalière.

De ce fait, les psychologues contractuels ne bénéficient pas du temps FIR au titre de l’article 2 du décret du 31 janvier 1991. Il convient d’ajouter toutefois que la lettre-circulaire du 16 août 1995 non abrogée laisse toute possibilité au chef d’établissement d’inclure dans le contrat de recrutement d’un psychologue non statutaire des dispositions relatives à une organisation de son temps de travail lui permettant de facto de bénéficier d’un temps FIR.

La circulaire du 4 mai 2010, qui appelle des précisions, n’a donc pas « supprimé » le temps FIR des psychologues contractuels.

Enfin, comme vous le soulignez, monsieur le sénateur, la circulaire précitée rappelle que les emplois permanents de psychologue à temps complet ont vocation à être occupés par des personnels titulaires.

Cette mention démontre, s’il en était besoin, la volonté des pouvoirs publics de lutter contre la précarisation dans la fonction publique hospitalière.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Madame la secrétaire d’État, je suis quelque peu abasourdi par votre réponse !

La circulaire du 4 mai 2010 a eu des conséquences extrêmement importantes dans les hôpitaux. Peut-être la disposition était-elle déjà contenue en filigrane dans le décret, mais la circulaire a rappelé aux directeurs des hôpitaux, dans un contexte où il leur est demandé de fournir des efforts gigantesques pour équilibrer leur budget, qu’ils pouvaient supprimer le temps de formation, d’information et de recherche qui représente pratiquement un tiers du temps de l’activité des psychologues contractuels.

Un certain nombre de directeurs d’hôpitaux ne s’en sont pas privés et ont pris des dispositions nouvelles en ce sens. C’est notamment le cas dans mon département.

Dans votre réponse, madame la secrétaire d'État, je comprends que, d’un côté, l’on indique gentiment aux directeurs d’hôpitaux qu’ils devraient faire quelques efforts pour placer des fonctionnaires à ces postes et, de l’autre, on les incite très fortement à ne pas le faire.

Or il convient d’avoir à l’esprit le travail qui est effectué par les psychologues dans les hôpitaux. Déjà en 2003, notre collègue Bruno Sido avait interrogé le ministre de la santé de l’époque sur les dérives constatées à cet égard : le manque de psychiatres conduisait les psychologues à remplir les fonctions de ces derniers. Ce phénomène avait d’ailleurs été confirmé par la réponse du ministre, à laquelle chacun peut se référer.

Aujourd'hui, les hôpitaux manquent de psychiatres et les psychologues sont amenés à effectuer des tâches de plus en plus importantes. Or le nombre des psychologues contractuels ne bénéficiant pas du temps de formation, d’information et de recherche nécessaire ne cesse d’augmenter, comme vous l’avez confirmé, madame la secrétaire d’État. Cette situation est particulièrement grave et préoccupante !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 1109, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur le droit du travail. En effet, plusieurs cas m’ayant été signalés, je m’interroge sur la légalité des pratiques qui consistent à transformer un emploi précédemment exercé par un salarié à temps plein, en CDD ou en CDI, en une mission de stage.

Dans le cadre de la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, des dispositions ont été prévues afin d’encadrer l’usage des stages et protéger les étudiants. Nous avions en effet tous constaté qu’il était fréquent que des stagiaires qualifiés, souvent titulaires de diplômes sanctionnant trois, quatre ou cinq années d’études après le baccalauréat, soient utilisés comme une main-d’œuvre gratuite, bien que consentante, au détriment de la création de postes permanents dans l’entreprise. Les stagiaires s’y succédaient, en remplacement d’un emploi à temps plein. Dans certaines entreprises, ils constituaient même des équipes complètes !

Cependant, malgré l’obligation aujourd'hui légale de rémunérer les stages de plus de deux mois, certaines entreprises proposent des stages de longue durée, certes soumis à une gratification minimale, mais venant remplacer des emplois précédemment occupés à plein-temps par des salariés titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée.

Je souhaite savoir si des dispositions du code du travail prohibent de telles pratiques, quels sont les recours dont dispose l’ancien salarié lorsqu’il découvre que son poste de travail non renouvelé est dorénavant proposé en stage de longue durée, si corrélativement le stagiaire qui le remplace peut demander la requalification de son stage en CDD et, enfin, si l’entreprise peut être sanctionnée pour de tels procédés.

Au-delà de ces questions précises de droit du travail, j’aimerais savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour empêcher ces pratiques, qui vont à l’encontre de l’emploi en général et celui des jeunes en particulier et qui sont malheureusement de plus en plus fréquentes, surtout par le biais d’internet.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé

Madame Procaccia, la pratique des stages en entreprise a donné lieu à des abus manifestes, notamment s’agissant de jeunes en entreprise.

La nécessité de fixer un cadre clair assurant l’insertion du stage dans le cursus de formation suivi par le jeune, protégeant ses droits et évitant les abus, a été affirmée explicitement par l’article 9 de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, et son décret d’application du 29 août 2006.

L’article 6 de ce décret énonce qu’aucune convention de stage ne peut être conclue pour remplacer un salarié absent ou licencié. De même, le stage ne peut servir à exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent ni être utilisé pour répondre à un accroissement d’activité ou pour exécuter un emploi saisonnier.

Le cas évoqué de transformation en stage d’un emploi précédemment occupé par un salarié à temps plein paraît ainsi relever de cette interdiction.

L’ancien salarié établissant le recours abusif au stage pourra faire juger que la rupture de son contrat de travail ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et, à ce titre, demander au juge une indemnité en complément, le cas échéant, des indemnités déjà perçues.

De son côté, le stagiaire, établissant le recours abusif au stage, pourra demander au juge la requalification de son activité en contrat de travail, à durée déterminée ou indéterminée, assortie de la rémunération correspondant à l’emploi occupé, telle que résultant des dispositions légales et conventionnelles applicables.

Cette requalification pourra entraîner, du fait du recours abusif au statut de stagiaire, le constat, par un agent d’un corps de contrôle habilité, d’une situation de travail dissimulé, constat pouvant donner lieu à l’application de sanctions civiles et pénales par le juge.

Plus généralement, le dispositif d’encadrement du recours au stage met à la charge des entreprises certaines obligations visant à faciliter le contrôle des abus éventuels, comme la tenue à jour de la liste des conventions de stage conclues.

Si les signalements d’abus demeurent rares, l’emploi de faux stagiaires représente 4 % des infractions constatées au droit du travail. Le renforcement du contrôle des conditions de recours au stagiaire fait partie des axes prioritaires de contrôle retenus par le plan national de lutte contre le travail illégal fixé pour les années 2010 et 2011.

Ainsi, le Gouvernement entend poursuivre son action pour empêcher les pratiques illicites du recours à des faux stagiaires, dont sont victimes les jeunes, élèves ou étudiants.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Madame la secrétaire d’État, vos propos confortent le sentiment que j’avais de l’illégalité de ces pratiques.

Je me permettrai toutefois de suggérer que le ministère du travail mette en place une boîte aux lettres ou un site internet sur lequel les stagiaires pourraient expliquer que, dans telle ou telle entreprise, ils ont découvert qu’ils remplaçaient un salarié auparavant employé en CDD ou en CDI et qui a démissionné.

En effet, si l’on imagine qu’un salarié puisse saisir le juge, il sera plus difficile pour un stagiaire, qui a déjà du mal à décrocher un contrat, d’effectuer cette démarche.

Je souhaiterais également que le ministère du travail jette un œil sur les offres de postes publiées sur internet par les grandes entreprises. Sans doute le fait-il déjà, mais il découvrira, en cliquant sur ces offres, qu’elles prennent pour la plupart la forme de stages.

Je suis certes favorable aux stages – ils sont essentiels dans un parcours de formation –, mais la dérive que nous constatons aujourd’hui devrait pouvoir être combattue par des moyens un peu moins lourds que le recours au juge.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Catherine Deroche, auteur de la question n° 1132, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Ma question porte sur les services de santé au travail, en particulier ceux de la fonction publique territoriale.

En effet, de nombreuses collectivités territoriales rencontrent d’extrêmes difficultés pour assurer le suivi médical de leurs agents ; c’est le cas en particulier des collectivités de l’arrondissement de Saumur, dans mon département de Maine-et-Loire.

C’est ainsi que le service médical interentreprises du saumurois, le SMIS, a décidé de dénoncer, à compter du 1er janvier 2011, la convention qui le liait depuis plusieurs années aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale, au motif qu’il était confronté, comme un nombre croissant de services de santé au travail, à un problème de démographie médicale.

Ne pouvant plus recruter de nouveaux médecins sur un marché inexistant, ce service souhaite concentrer ses capacités actuelles sur ses adhérents du secteur privé.

Pourtant, les collectivités territoriales sont tenues de veiller à la santé des agents territoriaux. La loi du 26 janvier 1984 offre différentes possibilités : soit recruter un médecin, soit adhérer à un service commun à plusieurs collectivités ou au service créé par le centre de gestion, ou encore à un service de santé interentreprises ou assimilé.

Le centre de gestion de Maine-et-Loire a cessé d’assurer cette fonction depuis 2005, la carence de médecins du travail étant préjudiciable à la qualité du service qu’il rendait.

Les communes de Maine-et-Loire se sont alors tournées vers les services de santé interentreprises. Mais, concernant le Saumurois, en 2011, le service interentreprises de l’arrondissement d’Angers, le SMIA, et celui de l’arrondissement de Cholet, le SMIEC, refusent de suppléer le service défaillant en plaidant l’absence de compétence géographique. Ils sont eux-mêmes confrontés à des difficultés analogues de recrutement de médecins.

En l’état actuel du droit, le recours à un médecin agréé par les communes se révèle une solution difficile à mettre en œuvre, puisque l’agrément des médecins de la liste préfectorale ne porte que sur l’aptitude à entrer dans la fonction publique territoriale, et non sur l’aptitude dans l’emploi. Ces médecins ne peuvent donc pas assurer le suivi des agents une fois que ces derniers sont entrés dans la fonction publique.

Cette situation, que dénoncent vivement les municipalités subissant cette pénurie médicale, risque d’engendrer des conséquences en termes de responsabilité pénale pour les exécutifs territoriaux, en cas notamment d’accidents du travail susceptibles de toucher les personnels affectés, par exemple, à l’entretien du réseau routier, aux services de restauration ou à l’assainissement.

En conséquence, je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour permettre aux élus de répondre à leurs obligations dans le contexte actuel de la médecine du travail.

On pourrait envisager, par exemple, de modifier l’agrément des médecins inscrits sur les listes préfectorales, ou encore de revoir les règles régissant actuellement la médecine du travail de la fonction publique territoriale, sachant qu’elles sont différentes dans la fonction publique d’État. Ainsi, au sein d’un même établissement, un agent territorial spécialisé des écoles maternelles, ou ATSEM, employé par la commune, devra faire l’objet d’un suivi tous les deux ans, alors que l’enseignant relevant de la fonction publique d’État ne subira un examen que tous les cinq ans.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé

Madame la sénatrice, vous appelez l’attention du Gouvernement sur les grandes difficultés rencontrées par les collectivités territoriales de Maine-et-Loire pour assurer le suivi médical de leurs agents après la dénonciation par le service médical interentreprises du Saumurois de la convention qui la liait aux communes, au motif qu’il est confronté à une pénurie de médecins.

En application de l’article 108-2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les collectivités ont plusieurs possibilités pour se doter d’un service de médecine pour assurer le suivi médical de leurs agents : elles peuvent recruter elles-mêmes un médecin, recourir à un service commun à plusieurs collectivités ou à celui du centre de gestion, à un service de santé interentreprises ou encore à un service de santé en agriculture.

Les collectivités territoriales, comme le secteur privé d’ailleurs, se heurtent cependant à la pénurie de médecins du travail. Le Gouvernement s’efforce de remédier à cette situation.

Tout d’abord, en ce qui concerne la fonction publique, l’article 34 de la loi du 3 août 2009, relative à la mobilité et aux parcours professionnels, a modifié les règles de cumul d’activités et devrait permettre à davantage de médecins de travailler pour un employeur public tout en conservant une activité privée.

Le manque de médecins touche également les services de santé au travail du secteur privé. C’est pourquoi le Gouvernement a engagé, dans le cadre du deuxième plan santé au travail, une réforme des services de santé au travail. Cette réforme visera plusieurs objectifs : favoriser la pluridisciplinarité des équipes de santé au travail ; tenir compte de la démographie médicale, en explorant les pistes dégagées par M. Paul Frimat dans le rapport dont les recommandations ont été exposées le 11 mai 2010 aux membres du Conseil d’orientation des conditions de travail. Ces propositions ont été mises en ligne sur le site www.travailler-mieux.gouv.fr.

Par ailleurs, au sein de l’accord sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, signé par sept des huit organisations syndicales de la fonction publique, ainsi que par les employeurs territoriaux et hospitaliers, des premières réponses ont été apportées afin de permettre la résorption du déficit quantitatif de médecins de prévention dans la fonction publique.

Il s’agit, d’une part, de l’amélioration des conditions d’emploi de ces médecins et, d’autre part, de la modernisation du système de prévention par le biais de la mutualisation des services de prévention, ainsi que de la pluridisciplinarité.

En outre, le 16 décembre dernier, le secrétaire d’État auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, chargé de la fonction publique, lors de la deuxième réunion du comité de suivi de l’accord sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, a estimé utile la mise en place d’une réflexion afin de développer l’attractivité de cette spécialité.

En revanche, il n’est pas envisagé de modifier l’agrément, les médecins généralistes agréés ayant une compétence pour la visite d’aptitude physique préalable à la nomination d’un fonctionnaire ou à l’engagement d’un agent non titulaire, alors que le suivi médical des agents des collectivités territoriales et leurs établissements publics doit être assuré par les médecins titulaires de la spécialité en médecine du travail.

Enfin, la responsabilité pénale des exécutifs territoriaux pour délit non intentionnel ne saurait être engagée à raison du non-respect de leur obligation relative au suivi des agents territoriaux. En effet, pour engager leur responsabilité, une faute personnelle doit pouvoir leur être imputée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

J’ai bien entendu toutes les mesures que le Gouvernement souhaite prendre pour rendre plus attractive la médecine du travail. La mutualisation peut permettre de résoudre certaines difficultés.

Le problème actuel des communes est de faire face à leurs responsabilités dans les prochaines semaines et les mois à venir. Sachant que la mise en œuvre des mesures envisagées prendra du temps, nous allons nous efforcer, avec les communes concernées, de trouver une solution leur permettant de pallier les cas les plus difficiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Michel Doublet, auteur de la question n° 1116, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Doublet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur les difficultés d’application de l’arrêté du 2 août 2010 fixant les prescriptions sanitaires et techniques applicables à l’utilisation d’eaux issues du traitement d’épuration des eaux résiduaires urbaines pour l’irrigation de cultures ou d’espaces verts.

Cette pratique, qui a pour objectif la préservation quantitative de la ressource en eau, suppose un encadrement réglementaire strict.

Pris en application de l’article R. 211-13 du code de l’environnement, l’arrêté définit les contraintes d’usage, de distance et de terrain, en imposant la mise en place d’un programme d’irrigation, s’agissant notamment des parcelles, des cultures, du matériel.

L’utilisation d’eaux usées traitées à des fins d’irrigation est autorisée par un arrêté préfectoral qui fixe les modalités d’irrigation. Elles visent, entre autres, le niveau de qualité sanitaire des eaux usées traitées, les débits journaliers, les distances à respecter, la protection de la santé publique, l’information des usagers, l’identité des exploitants.

Ainsi, des associations d’irrigants de la Charente-Maritime ont étudié avec la communauté d’agglomération de La Rochelle et le syndicat des eaux de la Charente-Maritime, que je préside, la possibilité d’utiliser les eaux résiduaires des stations d’épuration pour l’irrigation des grandes cultures.

Or les nouvelles normes de qualité imposées, notamment pour l’irrigation par aspersion, sont difficilement atteignables.

Les deux projets en cours sont mort-nés, si je puis m’exprimer ainsi, et au lieu d’utiliser l’eau sur un nombre d’hectares importants – selon les spécialistes, le meilleur des filtres est le sol –, celle-ci va être injectée dans la nappe sur quatre ou cinq hectares ou, si cette dernière ne l’absorbe pas, elle sera rejetée dans l’anse de la baie de l’Aiguillon via les canaux.

Force est de constater que ces normes sont actuellement impossibles à atteindre et posent d’importants problèmes aux irrigants déjà engagés dans cette voie, notamment dans l’Île de Ré et le pays rochelais.

En conséquence, monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures entendez-vous mettre en œuvre pour que les nouvelles normes soient applicables sur le terrain et n’obèrent pas les projets d’utilisation des eaux résiduaires pour l’irrigation par aspersion ?

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement

Monsieur Doublet, la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement a bien conscience du sentiment des associations d’irrigants de la Charente-Maritime à propos de l’arrêté du 2 août 2010 relatif à la réutilisation des eaux usées.

Après leur passage en station d’épuration, au lieu d’être rejetées dans les eaux superficielles des cours d’eau, plans d’eau, ou littorales, les eaux usées peuvent faire l’objet d’une épuration supplémentaire et être réutilisées, notamment pour des usages agricoles. Cette réutilisation permet, d’une part, de mobiliser une ressource en eau supplémentaire et, d’autre part, de protéger les eaux réceptrices accueillant les eaux usées traitées.

La réglementation distingue les garanties à apporter en fonction des risques, selon le type de culture, l’environnement proche et la qualité des eaux traitées, et répond à un double objectif : la protection de l’environnement, mais également la santé publique ; le risque sanitaire lié à la réutilisation dépend à la fois des concentrations des contaminants et du degré d’exposition des populations.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, a été sollicitée à plusieurs reprises sur ce dossier encore peu connu en France. Pour permettre la poursuite de la quantification par l’ANSES des risques au regard de cette technique d’irrigation sans entraver le démarrage du développement de cette filière, il est prévu une phase transitoire pour le mode de dissémination par aspersion, qui est celui dont la zone d’influence est la plus importante. À l’issue de cette étude, d’ici à la fin de 2011, l’arrêté interministériel sera révisé.

Même si les normes retenues par l’arrêté du 2 août 2010 paraissent très supérieures à celles qui sont préconisées par l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, pour les pays en voie de développement, elles sont du même ordre que pour les pays comparables au nôtre, à savoir les pays les plus développés : je pense, bien évidemment, aux normes utilisées en Australie, en Espagne ou en Italie.

Enfin, sur le plan économique, j’attire votre attention, monsieur le sénateur, sur le fait que la réutilisation des eaux usées a un coût élevé, bien souvent supérieur à celui de la simple captation des eaux là où elles sont abondantes, ce qui est en général le cas en France.

Dans ces conditions, ce sont principalement les zones en très fort stress hydrique, là où la demande est forte comme dans le Sud-Ouest, qui pourront développer cette technique dans un premier temps, dans l’attente de l’acquisition d’une expérience française qui nous permettra de faire baisser les coûts de cette technique pour la rendre plus utilisable sur l’ensemble du territoire.

Monsieur le sénateur, telle est la réponse que souhaitait vous apporter le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Doublet

J’ai bien entendu la réponse de M. le secrétaire d’État s’agissant notamment de la possibilité de revoir les conditions de réutilisation des eaux usées.

Il est vrai qu’actuellement elles ne peuvent pas être utilisées.

Cependant, au lieu d’être épurées une seconde fois par le filtre du sol, ces eaux partent directement à travers les canaux vers des zones balnéaires ou ostréicoles. Il est tout de même un peu fort de café de constater que l’eau qu’il n’est pas possible d’utiliser dans des régions agricoles est rejetée dans des zones de tourisme et de cultures marines !

J’espère que l’arrêté sera assoupli afin que ces eaux, en quantités importantes, puissent être utilisées. Rappelons que la ville de La Rochelle et la communauté d’agglomération, totalisant 130 000 habitants, se situent dans une zone affichant un fort déficit en eau pour l’irrigation.

J’espère que le bon sens l’emportera et que le décret sera applicable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 1121, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Laurent

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ma question porte sur le plan digues et sur la protection des marais littoraux charentais. Elle s’inscrit dans le prolongement de la question du 16 novembre dernier de mon collègue et ami Michel Doublet, mais également des questions posées auparavant, qui ont donné lieu à des réponses ne nous ayant pas pleinement satisfaits.

La tempête Xynthia a mis en évidence la nécessité d’un renforcement des ouvrages de protection de nos côtes pour éviter les ruptures des digues et les submersions.

En Charente-Maritime, après l’intervention de l’État en toute première urgence dans le cadre du plan ORSEC, le conseil général a assuré la maîtrise d’ouvrage des premières réparations et confortements pour assurer une fonctionnalité identique à l’avant-tempête.

Les collectivités et le département préparent, en lien avec les services de l’État, les dossiers à déposer au début de 2011 en vue de réaliser des travaux pour protéger les secteurs prioritaires ou les digues repérées comme fragiles devant un nouvel événement exceptionnel.

Seraient notamment concernés les secteurs des « zones jaunes », qualifiées de zones d’extrême danger protégeables, et certaines zones de solidarité.

La finalisation technique de ces dossiers nécessite de définir un aléa de référence à prendre en compte pour chaque zone homogène à protéger et d’arrêter les dispositions constructives de l’ouvrage, notamment sa cote d’arase supérieure.

L’article L. 562-8-1 du code de l’environnement, issu de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, précise les obligations de conception, d’entretien et d’exploitation auxquelles doivent répondre les ouvrages et la responsabilité du gestionnaire, un décret en Conseil d’État devant en fixer les modalités.

Dans quelles conditions et dans quel délai seront définis l’aléa de référence à prendre en compte et la validation des dispositions constructives de l’ouvrage ?

De même, dans quel délai sera publié le décret mentionné ci-dessus ?

Par ailleurs, le montant des investissements à réaliser doit rester compatible avec les possibilités des différents cofinanceurs.

Une première estimation des travaux de confortement à réaliser dans le département de la Charente-Maritime fait état d’un montant de 195 millions d’euros hors taxes, laquelle ne prend pas en compte la surélévation nécessaire des ouvrages pour minimiser les conséquences d’un aléa identique à celui de la tempête Xynthia, avant même d’anticiper un changement climatique.

L’État pourrait financer la réalisation des ouvrages ou équipements de protection à hauteur de 40 % ou de 25 % dans les communes où un plan de prévention des risques naturels, un PPRN, a été approuvé ou prescrit.

Des travaux seront à réaliser dans certains secteurs dans des délais courts et incompatibles avec celui de l’approbation ou même de la prescription d’un PPRN.

Les collectivités locales seront ainsi dans l’incapacité de mobiliser leurs seuls budgets sans les compléments idoines pour financer les opérations.

Enfin, il est indispensable de clarifier le régime de propriété en envisageant le transfert de propriété publique, comme préconisé dans le rapport d’information de nos collègues Bruno Retailleau et Alain Anziani sur les conséquences de la tempête Xynthia, proposition par ailleurs reprise dans la proposition de loi tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine.

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes toujours dans l’incertitude sur le financement ; pouvez-vous aujourd’hui nous apporter des réponses concrètes et précises sur les modes de financements complémentaires envisagés par l’État pour permettre aux collectivités de se porter maîtres d’ouvrage des travaux, tout en restant compatibles avec leurs équilibres budgétaires ? En outre, quid du régime de propriété ?

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement

Monsieur le sénateur, vous avez attiré l’attention du Gouvernement sur le renforcement des ouvrages de protection des côtes pour éviter les ruptures de digues et les submersions. Je souhaite vous apporter les éléments de réponse suivants.

Concernant tout d’abord l’aléa de référence à prendre en compte pour le dimensionnement des ouvrages de protection, appelé « objectif de protection », les travaux annoncés par l’article 220 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement ont été lancés par les services du ministère et feront l’objet d’une large concertation, auprès des collectivités territoriales notamment.

La publication du décret d’application de l’article L. 562-8-1 du code de l’environnement devrait ainsi aboutir à la fin de 2011.

Cet objectif de protection pourra être distinct de l’aléa de référence pris en compte dans les plans de prévention des risques naturels pour fixer les règles d’interdictions ou de prescriptions, fondé sur le plus fort événement historique connu, s’il est plus rare que l’événement centennal, et à défaut sur l’aléa centennal.

Bien évidemment, l’État ne pourra prendre en compte la fonction de protection des ouvrages dans les plans de prévention des risques naturels qu’à la double condition que ces ouvrages aient un objectif de protection au moins égal à l’aléa de référence et que des garanties soient données sur la pérennité des ouvrages : le maître d’ouvrage devra être identifié et présenter des garanties de pérennité en matière d’entretien et de gestion des ouvrages concernés.

Dans le cas de la tempête Xynthia et des sites littoraux qui ont été affectés, cet événement, complété par la prise en compte de scénarios légèrement différents issus de l’expérience d’autres tempêtes connues, peut être pris comme aléa de référence des PPRN. Pour les ouvrages de Charente-Maritime, l’événement Xynthia apparaît donc comme une référence assez légitime en termes d’aléa de conception dans les zones à forts enjeux.

Compte tenu des incertitudes sur la connaissance des aléas de submersion en l’état actuel et des évolutions attendues du niveau moyen des océans liées au changement climatique, les ouvrages doivent être conçus comme évolutifs.

Concernant les dispositions constructives, les ouvrages devront naturellement respecter la réglementation en vigueur, relative notamment à l’étude de danger et à la revue de sûreté.

Pour en venir au cœur de votre question, monsieur Laurent, j’indique que le financement des projets, dès lors qu’il sera envisagé d’augmenter le niveau de protection actuel des ouvrages, devra se placer dans le cadre d’une démarche globale de prévention contractualisée de type PAPI, c'est-à-dire des programmes d’actions de prévention des inondations, pour bénéficier de subventions de l’État.

Vous avez rappelé le niveau des taux de subvention, qui reste inchangé. Ceux-ci sont de 25 % lorsqu’un PPRN est prescrit et de 40 % s’il est approuvé. En ce qui concerne les secteurs d’intervention prioritaires, les prescriptions nécessaires du PPRN seront diligentées par les préfets.

Un groupe de travail, présidé par votre collègue Éric Doligé, fera prochainement des propositions au Gouvernement sur les conditions à prévoir en vue de l’émergence d’une maîtrise d’ouvrage pérenne des digues. Ces propositions seront examinées avec la plus grande attention. Mais la question des financements complémentaires à apporter par les collectivités locales dépend aussi des priorités d’intervention de ces dernières et de leurs choix d’investissement en faveur de l’aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Laurent

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de toutes ces réponses. À l’évidence, il faudra absolument fixer l’aléa de référence, et ce très rapidement, et verser les subventions tout aussi rapidement. En effet, les départements ont donné leur accord pour être les maîtres d’ouvrage de l’ensemble des opérations. L’État doit donc s’engager à leurs côtés, dans l’urgence, pour se préparer en cas de marées d’équinoxe, lesquelles risquent de se produire au mois de septembre prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 1102, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le secrétaire d’État chargé du logement, ma question s’adresse effectivement à M. le ministre du budget, mais elle ne manquera pas de vous intéresser également puisqu’elle concerne les difficultés rencontrées par les communes pour recouvrer la taxe d’habitation sur les logements vacants.

La taxe d’habitation est due par toute personne physique occupant un logement d’habitation au 1er janvier de l’année d’imposition. Le redevable peut être soit le propriétaire, soit le locataire, soit l’occupant à titre gracieux, cet impôt étant dû par tout le monde.

Un avis d’imposition est établi pour chaque adresse où un redevable de la taxe d’habitation dispose de locaux à usage d’habitation. Le système repose sur un système déclaratif. Malheureusement, le propriétaire bailleur, censé informer les services fiscaux en cas de déménagement de son locataire dans un délai d’un mois, ne le fait pas toujours et peut alors être tenu de payer la taxe d’habitation non réglée par l’ancien locataire.

Dans de nombreuses communes de mon département, mais la situation est sans doute analogue dans beaucoup d’autres agglomérations, notamment en Île-de-France, la quantité de logements vacants est particulièrement importante, ce qui est du reste assez problématique quand on connaît l’importance de la demande en ce domaine. Ainsi, à Saint-Maurice, ville dont je suis le maire, le fichier des logements vacants fait apparaître 400 logements déclarés comme tels.

Face à ce constat et à la diminution des bases d’imposition de la taxe d’habitation en découlant, le service financier de la ville a mis en place un observatoire fiscal. Ce dernier a effectué un travail long et patient, mais aussi très coûteux ; il a permis de montrer que nombreux sont les habitants qui n’acquittent pas la taxe d’habitation alors qu’ils devraient normalement y être assujettis.

Cette absence d’imposition a évidemment des conséquences financières considérables pour les collectivités territoriales. Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d'État, que le produit des impôts locaux représente 40 % de leurs recettes.

Plus grave, le fait que le calcul de l’impôt s’effectue au 1er janvier de l’année d’imposition n’est pas non plus sans incidence. Nous sommes plusieurs maires à avoir constaté qu’un certain nombre de personnes emménage après le 1er janvier, parfois juste après, et ce pour échapper à la première année d’imposition de la taxe d’habitation.

Les maires ont demandé l’appui des services fiscaux, qui, malheureusement, ont fait état d’une insuffisance de moyens d’action, laquelle entraîne des conséquences très lourdes pour nos collectivités. L’absence de contrôle oblige en effet les villes à effectuer un important travail de recherche soit en interne, soit en faisant intervenir un cabinet extérieur, ce qui est aussi très coûteux ; à cela s’ajoute la lenteur en matière d’enregistrement des signalements.

Au final, les communes subissent des pertes de recettes préjudiciables dans la mesure où les redressements ne peuvent porter que sur trois années quand l’absence de déclaration est parfois bien antérieure. Dans ma ville de Saint-Maurice, la centaine de redressements pour l’année 2010, signalés aux services fiscaux grâce au travail de notre observatoire, ne seront effectués et n’apparaîtront sur les rôles supplémentaires qu’en avril 2011, voire en novembre. À l’évidence, ce décalage, dû à des délais de traitement des dossiers bien trop longs, n’est pas sans effet sur le budget de la commune.

Monsieur le secrétaire d'État, ma question est simple : qu’il s’agisse d’œuvrer en faveur de l’amélioration du traitement des dossiers ou d’une évolution future des bases d’imposition et de leur mode de déclaration, pouvez-vous nous indiquer les mesures susceptibles d’être prises afin qu’aucun redevable ne puisse plus échapper à cet impôt local dont la perception est indispensable à l’équilibre budgétaire des communes ? Il y va de la justice fiscale dans notre pays.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement

Monsieur le sénateur, vous avez interrogé le ministre du budget sur les mesures prises par l’administration fiscale pour assurer une bonne collecte de la taxe d’habitation, qui constitue, comme vous l’avez souligné, une recette très importante pour les communes.

Pour améliorer la qualité des impositions, la DGFIP, la direction générale des finances publiques, a mis en place depuis de nombreuses années une procédure spécifique de mise à jour de la taxe d’habitation, qui repose principalement sur l’exploitation des informations figurant sur les déclarations annuelles de revenus des contribuables, ainsi que sur l’exploitation des réponses aux demandes de renseignements qui sont adressées à ces derniers. Cette procédure permet d’effectuer l’essentiel des mises à jour concernant les locaux occupés par les redevables à titre d’habitation principale.

Pour les autres locaux, telles les dépendances et résidences secondaires, ou pour les personnes ne souscrivant pas de déclaration de revenus, l’administration doit, en l’absence d’obligation déclarative en matière de taxe d’habitation, rechercher les changements affectant d’une année sur l’autre les locaux et leurs occupants. Pour cela, elle exploite différentes données : les listes transmises par les organismes d’HLM et autres gestionnaires d’immeubles collectifs ; les demandes de renseignements à destination des propriétaires ; des listes internes d’aide à la mise à jour de la taxe d’habitation ; la liste des locaux vacants servant de bulletin navette entre les communes.

L’écueil principal que vous signalez, tenant à un défaut de désignation d’un nouveau locataire par un bailleur, est donc, semble-t-il, plus théorique que réel. §En effet, si le locataire a déclaré ses revenus, il aura à cette occasion indiqué son adresse, ce qui permettra de l’imposer à la taxe d’habitation. À défaut, le propriétaire sera interrogé par l’administration et, au besoin dans certains cas, directement taxé.

Quant à votre observation sur la perte d’imposition résultant d’un calcul de la taxe d’habitation au 1er janvier de l’année, elle ne semble pas non plus pouvoir être retenue. S’il n’habite pas à l’adresse concernée à cette date, notre contribuable réside ailleurs et est taxé au titre de sa résidence actuelle. C’est donc non pas un moindre produit qui est constaté, mais une répartition différente entre les communes de résidence. De fait, telle est bien la problématique que vous soulevez.

En ce qui concerne, enfin, la prise en compte d’observations transmises par les communes à l’administration fiscale, que vous jugez trop lente, le problème ne se pose pas, d’après cette dernière, pour la taxe d’habitation. Cela étant, la réunion annuelle de la commission des impôts directs, qui se déroule dans chaque commune en présence de l’administration, est pour nous le lieu privilégié pour échanger les informations et permettre ainsi d’accélérer la procédure.

Telles sont, monsieur le sénateur, les réponses que je souhaitais vous apporter.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le secrétaire d'État, j’entends bien cette description idéale des règles telles qu’elles devraient fonctionner. Il se trouve que les faits ne la corroborent pas toujours.

Ainsi, dans ma commune, dont le service financier est pourtant très attentif à toute évolution de la situation, nous nous sommes aperçus que 8 % de locataires n’acquittent pas la taxe d’habitation. Des pourcentages supérieurs nous sont même communiqués pour le reste du département, allant jusqu’à près de 30 % pour la commune de L’Haÿ-les-Roses !

Les services fiscaux ne contestent pas le problème, mais font état d’une insuffisance de moyens. Certes, je suis favorable, en cette période où il convient de faire de grandes économies, à une régulation des dépenses de l’État. Néanmoins, la justice et l’équité fiscales sont des éléments très importants. Comme, de surcroît, les communes sont réduites à la portion congrue sur le plan des financements et comme l’argent est rare, il est selon moi primordial que le ministère du budget regarde dans le détail la manière dont le dispositif fonctionne, pour y apporter d’éventuelles modifications.

Croyez bien que les maires seront extrêmement attentifs aux dispositions qui pourront être prises, car ils ont vraiment besoin d’une telle contribution.

Mme Catherine Dumas acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

En effet, l'ensemble des dépenses publiques qu’ils mettent en œuvre dans l'intérêt de leurs concitoyens nécessitent bien évidemment les financements correspondants.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, auteur de la question n° 1126, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je souhaite en effet attirer l’attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur l’indemnisation prévue pour les communes non seulement de Gironde, mais aussi des Landes, des Pyrénées-Atlantiques, du Lot-et-Garonne, du Tarn-et-Garonne et de la Haute-Garonne, traversées par le projet de ligne à grande vitesse, ou LGV, dans le cadre des grands projets du Sud-Ouest, ou GPSO.

Concernant le premier tronçon, avec la LGV Sud-Europe-Atlantique, les préfets de région ont déjà été destinataires d’une circulaire cosignée par l’ancien ministre d’État, ministre de l’écologie, et l’ex-secrétaire d’État aux transports, circulaire transmise aux maires et annonçant la mise en place d’un fonds de solidarité territoriale en vue d’un éventuel dédommagement. Sont concernées des communes de Gironde, au nord de Bordeaux, et de Charente.

S’agissant de la LGV au sud de Bordeaux, alors que les études GPSO ont commencé en début d’année, l’annonce faite à Bordeaux par le ministre de l’écologie de l’époque, au mois de septembre dernier, avec le fuseau des mille mètres retenu, a rassuré certains des maires dont les communes sont directement touchées par le projet.

Cette infrastructure nouvelle ne doit néanmoins pas voir le jour au détriment des communes impliquées qui auront à subir, outre de graves nuisances, les désagréments liés au passage des trains à grande vitesse.

Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'État, si vous êtes en mesure de confirmer que des compensations similaires à celles qui sont présentées dans le cadre de la ligne à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique seront bien proposées aux communes concernées par la LGV Bordeaux-Toulouse-Espagne, avec le calcul retenu par l’État d’une indemnité en fonction du kilomètre linéaire de rail s’élevant à 100 000 euros.

Je souhaite également savoir dans quelle mesure une indemnité pérenne pourrait être versée, notamment par l’exploitant, pendant le fonctionnement de la LGV.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement

Madame la sénatrice, les projets de nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse représentent des opportunités incontestables pour les territoires qui sont traversés, y compris lorsque ceux-ci sont éloignés des agglomérations.

En effet, les communes traversées bénéficient d’importantes retombées économiques liées à la création de plusieurs milliers d’emplois durant la période de chantiers et de réalisation des infrastructures.

Cependant, afin de tenir compte des préoccupations exprimées par les élus, notamment par vous-même, le Premier ministre a décidé, le 24 octobre 2009, la mise en place d’un fonds de solidarité territoriale pour chaque projet de ligne à grande vitesse, à destination des communes traversées.

Les modalités de mise en œuvre de ce dispositif ont été fixées par une circulaire du 27 septembre 2010. Ainsi, pour chaque projet de ligne ferroviaire nouvelle à grande vitesse, un fonds spécifique est mis en place pour un montant égal à 0, 4 % du coût prévisionnel de chaque projet.

Ce fonds de solidarité permettra d’accompagner les territoires traversés en finançant des actions d’amélioration de l’insertion environnementale de la nouvelle infrastructure ou des actions visant à mettre en valeur les territoires traversés, notamment en favorisant leur développement économique, social ou culturel. Ce dispositif est géré par un comité des exécutifs, présidé par le préfet coordonnateur du projet, et réunissant notamment les représentants des communes des territoires touchés par le projet de ligne nouvelle.

Les lignes nouvelles Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne, qui constituent ensemble les grands projets du Sud-Ouest, bénéficieront, bien évidemment, de ce dispositif le moment venu. Les travaux des comités des exécutifs pourront ainsi être engagés une fois conclues les conventions de financement de ces opérations.

Ce dispositif me semble apporter une réponse aux volontés et aux préoccupations exprimées par les élus, que vous venez de relayer à l’instant.

J’en viens, enfin, au versement annuel d’une redevance par le gestionnaire de la ligne nouvelle. Nous ne l’envisageons pas pour la simple raison que l’opportunité d’un tel dispositif doit être examinée au regard de la problématique globale de financement des grands projets d’infrastructures.

Toute introduction de charges supplémentaires pour les gestionnaires d’infrastructures, Réseau ferré de France, RFF, ou un éventuel partenaire privé, sera intégralement répercutée sur le montant des concours publics nécessaires à la réalisation du projet. Le coût de cette imposition serait, de ce fait, reporté sur la participation demandée à l’État ou aux collectivités locales assurant le cofinancement, tous deux déjà fortement sollicités.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne répondra pas favorablement à cette demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je suis très satisfaite, je l’avoue, que vous me confirmiez, monsieur le secrétaire d'État, la création d’un fonds spécifique de solidarité territoriale pour chaque projet de ligne à grande vitesse, l’un pour Bordeaux-Toulouse, l’autre pour Bordeaux-Espagne. C’est une bonne nouvelle !

Je voudrais, toutefois, appeler le Gouvernement à être attentif à la gestion de ce dispositif. En effet, s’agissant des projets environnementaux sur lesquels pourrait porter ce dédommagement, je croyais très sincèrement, monsieur le secrétaire d'État, comme beaucoup d’élus locaux et de maires que je représente ici, que l’aménagement environnemental autour de la LGV, était laissé à la charge du concessionnaire. Il faudra être très vigilant sur ce point. Je trouve tout de même un peu fort de café qu’on vienne maintenant demander aux maires et aux élus locaux de présenter des dossiers dans ce domaine environnemental !

Sur le sujet, qui passe nettement au second plan, d’une indemnité pérenne versée par l’exploitant, j’entends également les arguments. Je crois savoir que l’Association des maires de France s’est saisie du dossier, qui n’est pas encore clos et mérite un traitement approprié.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Catherine Dumas, auteur de la question n° 1133, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, malgré l’amélioration des chiffres de la délinquance générale à Paris depuis 2001, la baisse ayant atteint près de 25 % en dix ans, le sentiment d’insécurité perdure chez nos concitoyens.

Dans certains quartiers de la capitale, dits « difficiles » en termes de sécurité, les halls d’immeubles sont très régulièrement le théâtre de faits de délinquance ou d’une violence quotidienne qui devient difficilement soutenable pour les riverains.

Dans ces lieux, la mise en place de caméras permettrait pourtant d’éviter certains événements. Dissuasif et efficace, ce dispositif existe déjà dans quelques immeubles sociaux.

En octobre 2008, les élus parisiens ont adopté le « plan 1000 caméras de Paris ». En novembre 2009, nous nous sommes prononcés en faveur de l’installation de ces caméras dans les vingt arrondissements de la capitale. Un recours devant le tribunal administratif de Paris a retardé la mise en œuvre effective du plan, pourtant très attendu par les Parisiens.

La mise place de la vidéoprotection constitue indéniablement, monsieur le secrétaire d'État, l’une des réponses à ces problématiques. Les caméras ont encore démontré récemment leur utilité à Paris, avec l’arrestation rapide de l’agresseur, la nuit de la Saint-Sylvestre, d’une jeune ressortissante russe. Il a été identifié dès le lendemain grâce aux images.

N’ayons pas peur d’utiliser l’ensemble des outils à notre disposition pour garantir la sécurité et la tranquillité des Parisiens !

Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que vous me précisiez aujourd’hui les intentions du Gouvernement sur cette question. Quels moyens peuvent être utilisés pour inciter les bailleurs sociaux à mettre en place la vidéoprotection ? Quelles mesures seront prises pour assurer la sécurité et la tranquillité publique dans les immeubles des cités sensibles de la capitale ?

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement

Madame la sénatrice, l’amélioration de la tranquillité et de la sécurité publique dans les quartiers d’habitat social est évidemment l’une des priorités du Gouvernement et l’un des objectifs du programme national de rénovation urbaine initié en 2004 par Jean-Louis Borloo. La vidéoprotection en constitue un élément central, vous venez de le rappeler.

La mise en œuvre de ce programme a déjà permis d’améliorer les conditions de vie dans ces quartiers et de mieux prendre en compte la protection des biens et des personnes, notamment au travers des opérations de « résidentialisation » engagées sur ces programmes, lesquels comportent, dans un certain nombre de cas, l’installation d’un réseau de vidéoprotection dans les halls d’immeubles.

La circulaire interministérielle cosignée entre le ministre de la ville et le ministre de l’intérieur, le 6 septembre 2010, et adressée aux préfets, a rappelé à ces derniers l’intérêt de mener des études de sécurité dans les projets de rénovation urbaine en cours de réalisation, ce qui n’avait pas été prévu à l’origine. L’idée est évidemment de cibler les opérations susceptibles de présenter des risques sur la protection des personnes et des biens et qui n’ont pas encore fait l’objet de telles études.

Parallèlement à cette circulaire, l’État a engagé plusieurs démarches contractuelles qui concourent à l’amélioration de la tranquillité publique. Il s’agit, d’abord, des contrats urbains de cohésion sociale mis en place en 2007, en particulier des actions de gestion urbaine de proximité fondée sur une coordination des interventions des différents gestionnaires et une implication des habitants. Ces actions de gestion urbaine doivent engager des actions de prévention des troubles de la tranquillité publique au travers, notamment, d’une gestion efficace des espaces publics et privés, de la mise en place de médiations, de dispositifs de gardiennage ou de surveillance adaptés, notamment la vidéosurveillance.

Il s’agit également des conventions d’utilité sociale, en train d’être négociées en ce moment même entre l’État et les organismes d’HLM, conventions qui peuvent également prévoir des engagements pour l’amélioration de la tranquillité quotidienne au titre de la qualité du service rendu à la population. Ces conventions doivent être signées pour le premier semestre de l’année 2011. Nous allons donc pouvoir, mais c’est déjà le cas, retransmettre des consignes visant à développer la vidéoprotection.

L’enveloppe du Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, FIPD, dédiée à la vidéoprotection, dans les règles qui lui sont propres, d’une part, et les subventions de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, d’autre part, sont susceptibles de financer les équipements nécessaires.

Concernant le FIPD, il est prévu depuis 2010 que ce fonds puisse abonder les projets présentés par des bailleurs sociaux. Ainsi, cinquante nouveaux dispositifs de vidéoprotection correspondant à cinquante immeubles sociaux répartis dans vingt départements, dont trois en région parisienne, ont pu être cofinancés l’an dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour cette réponse très claire, qui a détaillé un certain nombre de dispositifs. Elle montre bien la volonté ferme du Gouvernement d’aller dans ce sens.

Elle est d’autant plus nécessaire qu’à Paris, la majorité municipale, fortement divisée sur cette question et ébranlée par le recours juridictionnel déposé par les élus Verts, peine réellement aujourd’hui à convaincre les Parisiens de sa sincérité et de sa détermination sur ce sujet.

Je veux d’ailleurs rappeler que le maire de Paris ne s’est engagé dans le sens d’un plan de vidéoprotection que parce qu’il y avait eu un concours décisif du ministère de l’intérieur et de la préfecture de police.

Pour conclure, je veux vous redire qu’avec mes collègues du groupe UMP au Conseil de Paris, en particulier Jean-Jacques Giannesini et Anne-Constance Onghena dans le XIXème arrondissement, Patrick Trémège dans le XIIIème arrondissement, et Pierre-Yves Bournazel dans le XVIIIème arrondissement, nous resterons très attentifs aux réponses qui seront données sur ce sujet important, lequel touche et préoccupe véritablement au quotidien les Parisiens.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 1118, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Monsieur le secrétaire d'État, la loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions pose le principe du droit, pour les ménages en situation de précarité et confrontés à des difficultés pécuniaires, une aide financière pour accéder ou préserver leur accès à une fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques.

Depuis juillet 2006, les présidents de conseils généraux ont le pouvoir de signer les décisions relatives au Fond social pour le logement, le FSL, et doivent rendre compte a posteriori de leurs décisions à leur assemblée délibérante.

Or, avant cette saisine, le Conseil général du Cher oppose un refus de communiquer la liste des bénéficiaires du FSL aux maires des communes de résidence de ces bénéficiaires.

Même dans les communes rurales, où ils connaissent à peu près tout le monde et ont donc une information parfaite sur les populations démunies en situation de précarité, les maires ne peuvent pas exprimer un avis ni intervenir éventuellement en complément, par l’intermédiaire de leur centre communal d’action sociale, le CCAS. Ils en éprouvent, bien sûr, un sentiment de frustration et ils s’interrogent sur le bien-fondé et la légalité d’un tel refus.

Voilà quelques mois, j’avais interrogé sur ce sujet, dans le cadre de la commission de l’économie, notre collègue Alex Türk, en sa qualité de président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL. Il m’avait répondu que c’était la loi, et non la CNIL, qui empêchait la communication des listings.

S’agissant de l’aspect légal, une loi du 31 mai 1990 prévoit l’obligation pour les conseils généraux de conclure des conventions avec les fournisseurs.

Ces conventions doivent définir les modalités d’information réciproque entre fournisseurs et services sociaux du conseil général et, le cas échéant, communaux. Les communes ou les centres intercommunaux d’action sociale, les CIAS, peuvent même être parties prenantes à ces conventions afin de contribuer à la politique de prévention aux côtés des services sociaux départementaux, la signature de ces conventions étant aussi l’occasion de définir précisément les modalités d’échange d’informations.

Il semble donc bien que les maires doivent être tenus informés.

Pouvez-vous préciser, monsieur le secrétaire d’État, quel est le cadre légal applicable et, surtout, dans quelle mesure et dans quelles conditions le conseil général est tenu de communiquer des informations sur les bénéficiaires du FSL ?

Enfin, de quels recours les maires disposeraient-ils pour faire valoir le droit à l’information à ce sujet, en cas de refus persistant du conseil général ?

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement

Monsieur le sénateur, vous demandez si les communes et intercommunalités, avec leurs CCAS et CIAS, doivent travailler avec les conseils généraux pour aider les ménages éprouvant des difficultés financières. La réponse est évidemment positive : oui, ils doivent travailler ensemble.

L’article 3 du décret n°2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure applicable en cas d’impayés des factures d’électricité, de gaz, de chaleur et d’eau précise bien que le FSL saisi d’une demande doit informer tous les services sociaux concernés : ceux du département, de la commune et du fournisseur.

En outre, il est possible pour les maires de signer les conventions conclues entre les conseils généraux et les fournisseurs, ce que j’encourage vivement. Ces conventions définissent les modalités d’information réciproque entre fournisseurs et services sociaux concernés des différents signataires, notamment des communes. Ainsi, au-delà de la simple information relative aux saisines d’aide du FSL, ces conventions doivent permettre une réelle mise en commun des efforts des services sociaux départementaux et communaux.

Enfin, la gestion du FSL doit faire l’objet d’un compte rendu transmis au comité responsable du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées, le PDALPD, au sein duquel siège au moins un représentant de commune. Dans le cas du département du Cher, ce comité est composé de représentants des CCAS de Bourges et de Vierzon, ainsi que d’un représentant de l’Association des maires du Cher. C’est à l’intérieur de cette instance, par le biais du règlement intérieur du FSL et dans le cadre du décret que je viens de citer, qu’il importe de faire valoir cette nécessité d’information mutuelle des services sociaux. Ce règlement, adopté après avis du comité responsable du plan, doit prendre en compte toutes les dispositions du décret de 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Elle ne me satisfait cependant que partiellement. Ainsi, dans le Cher, alors même que nous avons passé une convention, le président du conseil général du Cher oppose une fin de non-recevoir aux maires qui souhaitent obtenir des listes de bénéficiaires du FSL et demande aux parlementaires – dont je suis le seul représentant au sein du conseil général – de changer la loi sur ce point.

Je souhaite que l’on clarifie la législation en précisant qu’il est obligatoire pour tous les conseils généraux de communiquer ces listes. Le maire peut bien obtenir la liste des demandeurs d’emploi de sa commune inscrits à Pôle emploi, pourquoi ne pourrait-il pas demander celles des bénéficiaires du FSL ?

Dans un souci de transparence, il serait utile de disposer de ces listes, notamment dans nos communes rurales comptant 400 ou 500 habitants, où l’on connaît les difficultés des uns et des autres. Sur le plan de l’équité et pour que les choses soient claires, il est indispensable que votre secrétariat d’État donne des instructions sur ce point aux conseils généraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.