Intervention de Bernard Saugey

Réunion du 11 janvier 2011 à 14h30
Débat sur l'indemnisation des communes au titre des périmètres de protection de l'eau

Photo de Bernard SaugeyBernard Saugey :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ayant été l’un des initiateurs de ce débat, j’ai tenu à intervenir aujourd’hui pour appeler, moi aussi, l’attention du Gouvernement sur l’anomalie législative que vous a fort bien exposée notre collègue et amie Marie-Hélène Des Esgaulx.

Cette anomalie législative, c’est la non-indemnisation des communes sur le territoire desquelles sont créés des périmètres de protection entourant des captages d’eau potable, déclarés d’utilité publique, alors que ces captages bénéficient à des communes voisines.

Comme chacun sait, les périmètres de protection autour des captages d’eau pour préserver la ressource d’éventuelles pollutions sont inscrits dans le code de la santé publique.

Il a fallu attendre la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau pour que l’instauration de périmètres de protection devienne obligatoire pour tout captage ne bénéficiant pas d’une protection naturelle. La loi a également renforcé les instruments de la puissance publique en permettant d’instaurer des servitudes administratives, voire de recourir à l’expropriation pour accélérer la mise en œuvre des périmètres.

Conformément à plusieurs directives européennes et à la loi de 1992 sur l’eau, ces points de captage d’eau potable doivent disposer d’un périmètre de protection afin d’éviter les pollutions liées aux activités humaines usuelles et de réduire le risque de pollution accidentelle, laquelle pourrait entraîner une contamination de l’eau et, par conséquent, une crise sanitaire.

Si la loi prévoit l’indemnisation des propriétaires de terrains privés en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique, elle ne prévoit, en revanche, aucune compensation pour les communes alors que les eaux captées bénéficient à des agglomérations voisines.

Pourtant, la mise en place des périmètres de captage peut constituer une contrainte importante pour les communes en rendant impossibles les implantations industrielles, commerciales ou de loisirs. Ces conséquences négatives pour la vie économique, commerciale ou touristique des communes n’ont jamais été prises en compte et ne font l’objet d’aucune indemnisation, y compris lorsque les sources d’eau potable ne profitent pas à ces communes.

Les communes ne perçoivent donc aucune compensation financière en contrepartie des servitudes créées, la loi actuelle ne le permettant pas, alors que l’indemnisation des propriétaires privés, dont les terrains sont grevés de servitudes, représente un coût financier pour les collectivités.

Afin de renforcer la mise en place de ces périmètres de protection, le Gouvernement a fixé des objectifs chiffrés dans le plan national santé-environnement, le PNSE, établi en 2004. Ainsi, en 2010, 100 % des points de captage d’eau potable devaient bénéficier d’un périmètre de protection, assorti de prescriptions limitant les risques de pollution. Or, selon les dernières statistiques, cet objectif, madame la ministre, n’a pas été atteint.

Les raisons de ce retard sont diverses.

Il apparaît en effet que les procédures sont longues et complexes. Elles sont le fruit d’une réglementation multiple, dans les domaines à la fois de la santé et de l’environnement, domaines où les enjeux, les exigences et les acteurs ne sont pas les mêmes.

La protection des captages fait référence à la notion de territoire et entre en conflit avec d’autres usages et usagers. En effet, certaines collectivités profitent de ces captages alors que ceux-ci ne sont pas situés sur leur territoire.

Jusque dans les années quatre-vingt, la protection des captages consistait essentiellement à protéger le périmètre immédiat des prises d’eau à la suite de simples visites sur le terrain d’un hydrogéologue agréé, le plus souvent sans étude préalable. De ce fait, de nombreux périmètres ont été initialement mal positionnés, souvent sous-dimensionnés, sans prise en compte des écoulements souterrains. De plus, seuls les risques de pollution bactériologique étaient considérés, non les pollutions diffuses d’origine agricole.

Depuis quelques années, l’augmentation régulière des teneurs en nitrates, dans certaines régions, a conduit à une remise à plat des périmètres existants et à la redéfinition des prescriptions qui leur sont liées. Il y a donc de plus en plus de procédures à engager et les communes sont de plus en plus sollicitées.

Certaines communes hésitent pourtant à s’engager dans la procédure longue, complexe et économiquement coûteuse que nécessite la mise en place des périmètres, notamment lorsque les captages bénéficient au final à une agglomération voisine, sans aucune indemnisation.

Il semble donc légitime qu’une commune puisse être indemnisée en cas de préjudice direct résultant de la création d’un périmètre de protection sur son territoire, notamment lorsque le captage d’eau ne lui profite pas. La proposition de loi ne vise que ce seul cas de figure. À l’évidence, c’est à la collectivité publique voisine bénéficiaire de l’alimentation en eau qu’il revient d’indemniser cette commune. C’est là une question de bon sens et surtout d’équité.

Voilà pourquoi les signataires de la proposition de loi de Marie-Hélène Des Esgaulx souhaitent, madame la ministre, qu’il soit mis un terme à une telle situation inéquitable et que ce texte soit inscrit à l’ordre du jour des travaux du Sénat dès que possible.

Cette proposition de loi, je le rappelle, ne crée aucune charge ni pour l’État ni pour les collectivités locales en général. Elle n’en crée que pour les collectivités qui bénéficient d’une alimentation en eau potable sans aucune contrainte ni servitude par ailleurs.

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