Séance en hémicycle du 11 janvier 2011 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • PAC
  • alimentaire
  • captage
  • d’eau
  • l’agriculture
  • périmètre

La séance

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La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle le débat sur l’indemnisation des communes au titre des périmètres de protection de l’eau, organisé à la demande du groupe UMP.

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, orateur du groupe qui a demandé ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le président et l’ensemble des membres du groupe UMP ont souhaité l’inscription de ce débat, en cette première journée de séance de l’année 2011, pour attirer l’attention du Gouvernement sur la situation de nombreuses petites communes qui se trouvent injustement pénalisées financièrement.

En effet, nous connaissons tous les contraintes pesant sur les communes dans lesquelles a été déclarée d’intérêt public la création de périmètres de protection autour de captages d’eau destinée à la consommation humaine.

La présence de périmètres de captage peut représenter des contraintes importantes pour les communes, notamment en rendant impossibles les implantations industrielles, commerciales, de loisirs ou de tout autre type, sans du reste que leurs habitants bénéficient nécessairement des eaux captées.

C’est notamment le cas lorsque les ressources en eau sont exploitées pour alimenter une agglomération à laquelle n’appartient pas la commune concernée.

Je citerai comme exemple celui du territoire de la commune de Budos, dans mon département de la Gironde, qui accueille une zone de captage d’eau pour le compte de la communauté urbaine de Bordeaux.

La création de périmètres de protection autour des captages d’eau prévue à l’article L. 1321–2 du code de la santé publique permet de s’assurer que cette eau est propre à la consommation humaine et de prévenir les causes de pollution susceptibles d’en altérer la qualité.

En effet, l’article L. 1321–2 du code de la santé publique dispose que l’acte portant déclaration d’utilité publique des travaux de prélèvement d’eau destinée à l’alimentation des collectivités humaines, acte mentionné à l’article L. 215–13 du code de l’environnement, détermine autour du point de prélèvement plusieurs périmètres : un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété ; un périmètre de protection rapprochée « à l’intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d’installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux » ; le cas échéant, un périmètre de protection éloignée « à l’intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés ».

Compte tenu des restrictions qu’ils imposent aux possibilités de construire ou de développer certaines activités, ces différents périmètres ont un impact direct sur le dynamisme économique de ces territoires, notamment en y interdisant, de fait, les implantations industrielles, commerciales ou de loisirs.

Or les articles L. 1321–2 et L. 1321–3 du code de la santé publique ne prévoient aucune indemnisation pour les collectivités publiques concernées alors que les propriétaires privés des terrains inclus dans les périmètres en cause peuvent, eux, bénéficier d’indemnités fixées selon les règles applicables en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.

Cette situation, mes chers collègues, apparaît particulièrement inéquitable lorsque les habitants d’une commune ne bénéficient même pas des eaux captées, lesquelles sont le plus souvent exploitées pour approvisionner ceux de grandes agglomérations voisines.

La seule solution pour la commune est actuellement de mettre en jeu la responsabilité sans faute de l’État sur le fondement de la rupture de l’égalité devant les charges publiques – voir l’arrêt du Conseil d’État du 15 novembre 2000, chambre de commerce de Colmar –, car l’acte portant déclaration d’utilité publique des travaux de prélèvement d’eau est un acte administratif préfectoral.

Aucun recours direct en responsabilité n’est possible, par exemple à l’encontre de l’établissement public de coopération intercommunale bénéficiaire des eaux captées, comme l’a confirmé encore récemment la jurisprudence administrative. Dans l’arrêt Tribunal administratif de Bordeaux, 12 mars 2009, commune de Budos, le juge a ainsi rappelé que, « conformément aux principes qui régissent la responsabilité sans faute de la puissance publique, quand bien même les servitudes à l’origine du litige sont constituées au bénéfice de la communauté urbaine de Bordeaux, seule la responsabilité de l’État peut être engagée en raison de la rupture d’égalité devant les charges publiques résultant ou à résulter d’un acte émanant du préfet, autorité de l’État ».

Or la reconnaissance de la responsabilité sans faute de l’État est difficilement admise par la jurisprudence pour ce type d’opérations, qui répondent à des préoccupations d’intérêt général.

Les communes sont, à cet égard, moins bien traitées que les sociétés privées, lesquelles peuvent être indemnisées si leurs activités sont perturbées par le captage d’eau. Selon moi, nous sommes là face à un vide juridique.

Ainsi, dans un arrêt rendu le 12 janvier 2009, une société d’exploitation s’est vu reconnaître par le Conseil d’État le droit à une indemnisation pour la raison qu’un captage sur le torrent alimentant sa centrale avait réduit le débit de celui-ci. Le juge a considéré qu’il existait un lien direct de causalité entre le captage opéré et le préjudice dont la société demandait réparation et que ce préjudice présentait un caractère anormal de nature à ouvrir droit à indemnité.

J’ai donc pris l’initiative, en juillet dernier, de déposer une proposition de loi visant à donner une base légale à un dispositif rendant possible l’indemnisation des communes sur les territoires desquelles un captage d’eau potable est opéré sans contrepartie, c’est-à-dire lorsqu’une source d’eau potable est située sur le territoire de la commune, mais exploitée au profit des habitants d’une autre collectivité.

À cet effet, ma proposition de loi tend à insérer un article L. 1321–3–1 nouveau dans le code de la santé publique prévoyant un dispositif d’indemnisation de ladite commune. Cet article s’insère après l’article L. 1321–3 dudit code, lequel article fixe le régime des indemnités dues aux personnes privées.

Il prévoit que les indemnités qui peuvent être dues aux propriétaires ou aux occupants de terrains compris dans un périmètre de protection de prélèvement d’eau destinée à l’alimentation des collectivités humaines, à la suite de mesures prises pour assurer la protection de cette eau, sont fixées selon les règles applicables en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique ; lorsque les indemnités visées au premier alinéa sont dues à raison de l’instauration d’un périmètre de protection rapprochée visé à l’article L. 1321–2–1, celles-ci sont à la charge du propriétaire du captage.

Le dispositif nouveau que nous proposons s’appuie sur l’exemple des servitudes d’urbanisme qui, pareillement, font l’objet d’arrêtés préfectoraux ayant des incidences sur les règles de construction.

Il existe un principe de non-indemnisation des servitudes d’urbanisme, qui figure à l’article L. 160–5 du code de l’urbanisme. Il signifie que, à moins de démontrer une faute de l’administration dans l’établissement de la servitude, les administrés ne peuvent demander réparation des préjudices que son institution leur cause.

Ce principe fait cependant l’objet de quelques dérogations législatives. Le même article L. 160–5 prévoit ainsi une réparation en cas d’atteinte à des droits acquis : « Toutefois, une indemnité est due s’il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification de l’état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d’accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d’occupation des sols rendu public ou du plan local d’urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu. »

Le code de l’urbanisme admet également l’indemnisation pour la servitude de passage le long du littoral. Son article L. 160–7 dispose ceci : « La servitude instituée par l’article L. 160–6 n’ouvre un droit à indemnité que s’il en résulte pour le propriétaire un dommage direct, matériel et certain. La demande d’indemnité doit, à peine de forclusion, parvenir à l’autorité compétente dans le délai de six mois à compter de la date où le dommage a été causé. L’indemnité est fixée soit à l’amiable, soit, en cas de désaccord, dans les conditions définies au deuxième alinéa de l’article L. 160–5. Le montant de l’indemnité de privation de jouissance est calculé compte tenu de l’utilisation habituelle antérieure du terrain […]. »

Autre exemple, la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie, modifiée par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », a prévu l’indemnisation des servitudes – pouvant comporter des limitations ou interdictions de construire – instituées au voisinage d’une ligne électrique aérienne de tension supérieure ou égale à 130 kilovolts.

L’article 12 bis de cette loi, créé par loi SRU, dispose précisément ce qui suit :

« Après déclaration d’utilité publique précédée d’une enquête publique, des servitudes d’utilité publique concernant l’utilisation du sol, ainsi que l’exécution de travaux soumis au permis de construire, peuvent être instituées au voisinage d’une ligne électrique aérienne de tension supérieure ou égale à 130 kilovolts. Ces servitudes sont instituées par arrêté du préfet du département concerné.

« Ces servitudes comportent, en tant que de besoin, la limitation ou l’interdiction du droit d’implanter des bâtiments à usage d’habitation et des établissements recevant du public. Elles ne peuvent faire obstacle aux travaux d’adaptation, de réfection ou d’extension de constructions existantes édifiées en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur avant l’institution desdites servitudes, à condition que ces travaux n’entraînent pas d’augmentation significative de la capacité d’accueil d’habitants dans les périmètres où les servitudes ont été instituées.

« Lorsque l’institution des servitudes prévues au présent article entraîne un préjudice direct, matériel et certain, elle ouvre droit à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. Le paiement des indemnités est à la charge de l’exploitant de la ligne électrique. À défaut d’accord amiable, l’indemnité est fixée par le juge de l’expropriation et est évaluée dans les conditions prévues par l’article L. 13–15 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

« Un décret en Conseil d’État, pris après avis du comité technique de l’électricité, fixe la liste des catégories d’ouvrages concernés, les conditions de délimitation des périmètres dans lesquelles les servitudes peuvent être instituées ainsi que les conditions d’établissement de ces servitudes. »

Ma proposition de loi s’inspire directement de ce dernier exemple.

Elle comporte un article 1er qui ouvre la possibilité d’une indemnisation en cas de « préjudice direct, matériel et certain » résultant de la création de l’un des périmètres de protection visés au premier alinéa de l’article L. 1321–2 du code de la santé publique. Cette indemnisation est distincte de celle qui existe pour les propriétaires des terrains compris dans les périmètres. Mes chers collègues, il est clair que ceux qui prétendent qu’il n’existe pas de préjudice direct, matériel et certain dans ce genre de situation ne sont jamais venus sur le terrain !

Elle prévoit que les indemnités visées sont à la charge de la collectivité publique bénéficiaire du captage.

L’article 2 vise à instaurer une compensation des éventuelles conséquences financières pouvant en résulter pour la collectivité débitrice.

Ma proposition de loi, vous l’avez compris, madame le ministre, n’occasionne aucune charge pour l’État. L’indemnisation doit être faite par la collectivité bénéficiaire. Ainsi, de fait, la responsabilité sans faute de l’État sur le fondement de la rupture de l’égalité devant les charges publiques ne pourra plus être invoquée. C’est également un point important.

Je souhaite donc très vivement que le Gouvernement puisse se pencher avec attention et bienveillance sur cette proposition législative qui ne vise qu’à remédier à une situation inéquitable pour de nombreuses petites communes.

Comme mes collègues du groupe UMP cosignataires de cette proposition de loi, j’aurais bien sûr préféré que l’on débatte aujourd’hui de celle-ci. Je souhaite en tout cas qu’à l’issue de ce débat, auquel chacun apportera sa contribution et ses témoignages, le Gouvernement, dans sa grande sagesse, donne un avis favorable à cette proposition législative et que celle-ci puisse être inscrite rapidement à l’ordre du jour des travaux du Sénat. Il faut remédier à une situation inéquitable : il y va, je le répète, de l’intérêt des petites collectivités locales.

Mme Catherine Troendle et M. Bernard Saugey applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’enjeu sanitaire lié à la qualité et à la sécurité de l’eau potable est fondamental. Les eaux puisées doivent répondre à des normes de potabilité pour protéger la santé des populations et éviter des crises sanitaires. C’est pourquoi la mise en place de périmètres de protection autour des points de captage est essentielle.

Il est indispensable de protéger physiquement les ouvrages et d’empêcher toute introduction directe de substances dans les captages. Malheureusement, les objectifs fixés par le premier puis par le second plan national santé-environnement ne sont pas encore atteints et ne sont pas à la hauteur des enjeux.

L’ambition était l’instauration de périmètres de protection pour 80 % des captages en 2008 et pour 100 % en 2010. Or il semblerait qu’à peine un peu plus de la moitié des points de captage bénéficient en 2010 de périmètres de protection. Je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez préciser ces chiffres.

Nous savons que les raisons de ce retard sont diverses. Les procédures sont longues et complexes. Elles sont le fruit d’une réglementation multiple liée à la fois au domaine de la santé et à celui de l’environnement, qui n’ont pas les mêmes enjeux ni les mêmes exigences et encore moins les mêmes acteurs.

De plus, sur le terrain, chaque situation est unique. Par exemple, le captage peut être la propriété d’une entreprise privée qui revend l’eau à une collectivité territoriale ou bien appartenir à une collectivité mais être situé sur le terrain d’un agriculteur. Ainsi, la protection des captages fait référence à la notion de territoire et entre en conflit avec d’autres usagers et d’autres usages.

La loi prévoit que les propriétaires privés de terrains inclus dans les périmètres de protection peuvent bénéficier d’indemnités fixées selon les règles applicables en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique. Cependant, la loi ne prévoit aucun dispositif de compensation pour les communes dans lesquelles la création de périmètres de protection autour de captages d’eau destinée à la consommation humaine a été déclarée d’intérêt public. Pourtant, elles doivent supporter de nombreuses et lourdes contraintes, notamment sur les périmètres de protection rapprochée.

La préservation de l’eau est une obligation légale, un devoir pour les collectivités territoriales. Néanmoins, il y a un impact direct bien réel sur le dynamisme économique de ces territoires lors de l’installation des différents périmètres de protection autour des captages. Par exemple, l’implantation ou le développement de certaines activités industrielles, commerciales, voire touristiques deviennent impossibles. Dès lors, ces communes subissent des préjudices extrêmement importants.

Cette situation est d’autant plus inéquitable que les habitants de la commune concernée, comme l’a souligné Mme Des Esgaulx, ne bénéficient souvent même pas des eaux captées. La plupart du temps, elles sont exploitées pour approvisionner de grandes agglomérations voisines. À ce niveau, incontestablement, la solidarité territoriale ne joue pas ; elle serait pourtant fort utile.

La seule solution pour les communes est actuellement de mettre en jeu la responsabilité sans faute de l’État sur le fondement de la rupture d’égalité devant les charges publiques, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

… mais la jurisprudence n’admet que très rarement la responsabilité de l’État pour ces opérations qui répondent à des préoccupations d’intérêt général. Effectivement, comme le souffle mon excellent collègue Jean-Louis Carrère, la notion de péréquation est dans ces cas-là totalement absente, alors qu’elle serait pourtant indispensable.

Pourquoi la commune devrait-elle supporter la totalité des dépenses au bénéfice exclusif d’autres communes ou collectivités ? La protection de la ressource est l’affaire de la collectivité dans son ensemble, et non d’une commune en particulier. La question de la répartition des financements doit être résolue. Les périmètres de protection sont décidés à l’initiative de la collectivité pour les captages qu’elle exploite situés sur son territoire, que celui-ci soit administratif ou pas.

Il y a donc un décalage entre, d’une part, une opération de protection de la ressource au bénéfice de tous et, d’autre part, les contraintes et les servitudes qui ne vont peser que sur la seule commune sur le territoire de laquelle se trouve le point de captage à protéger. Les agences de l’eau ont, semble-t-il, un rôle à jouer sur ce plan. Or, pour l’instant, elles sont souvent étrangement muettes.

Mais, surtout, pourquoi ne pas mettre en place une compensation financière en contrepartie des servitudes créées par l’instauration de périmètres de protection ?

Ce vide juridique doit être comblé au plus vite. Il est avant tout essentiel de connaître aujourd’hui avec précision le nombre de communes concernées. Il permettra d’estimer le coût que représenteraient les indemnisations supplémentaires, car avant d’objecter un coût trop élevé, encore faudrait-il que nous disposions d’estimations à peu près fiables.

Il est paradoxal de prôner une protection maximale des ressources en eau sans mettre en place les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif. Le retard accumulé représente autant de pollutions de moins en moins contrôlables. Certains périmètres ne pourront plus – ou ne peuvent déjà plus – être installés du fait de l’urbanisation. Les communes sont encore une fois trop seules aujourd’hui pour assumer la mise en place et le financement d’une procédure coûteuse et complexe.

La loi qui sera vraisemblablement votée dans les mois à venir réglera peut-être le problème. En attendant, nous souhaiterions que l’État n’abandonne pas en rase campagne des collectivités souvent de petite taille et extrêmement démunies. Nous attendons surtout, madame la ministre, que l’État joue le rôle d’arbitre qui lui est imparti. §

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous devons débattre aujourd’hui de la question des périmètres de protection autour des captages d’eau, à la demande du groupe UMP et plus précisément de notre collègue Mme Des Esgaulx, auteur d’une proposition de loi sur ce thème. Il s’agit en effet d’une question importante : la protection de la ressource aquatique contre les pollutions est une nécessité absolue, nécessité réaffirmée lors du Grenelle de l’environnement et notamment dans la loi dite « Grenelle 2 ».

Il me semble utile avant toute chose de revenir quelques instants sur la définition et l’intérêt même de ces périmètres. Il s’agit non pas d’imposer des contraintes déraisonnables aux collectivités, mais bien de garantir la qualité de la ressource en eau.

Ainsi, les périmètres de protection constituent le moyen privilégié pour prévenir et diminuer toute cause de pollution locale, ponctuelle et accidentelle qui peut altérer la qualité des eaux prélevées. Ce dispositif a été codifié, à la suite de la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau qui rend désormais sa mise en œuvre obligatoire.

Ces périmètres sont essentiels pour atteindre l’objectif d’un accès à l’eau potable et non pollué pour l’ensemble de nos concitoyens, comme l’a rappelé Mme Rama Yade dans la réponse à une question orale posée par vous-même, madame Des Esgaulx.

À ce titre, le taux de réalisation des objectifs formulés par les plans nationaux santé-environnement, dont le premier date de 2004, n’est pas à la hauteur de nos attentes. Si l’objectif désigné est la couverture de l’ensemble des captages à l’horizon 2010, les chiffres sont alarmants : seuls 57 % des captages bénéficient d’une protection, et nous sommes déjà en 2011 !

Ainsi, il me semble que l’urgence est bien de réaffirmer la volonté politique partagée par l’ensemble des acteurs d’aller vers une couverture intégrale des captages d’eau par des périmètres de protection et d’identifier les freins à l’application de cette obligation légale.

Par ailleurs, dans le rapport de la Cour des comptes de février 2002, les lacunes de ces périmètres de protection ont été soulevées. Notamment, il a été déploré que ceux-ci ne constituent pas une bonne protection contre les pollutions diffuses d’origine agricole. Pour finir, les procédures de création de ces périmètres sont jugées longues et complexes, ce qui expliquerait pour partie le retard pris.

Nous le voyons, les questions liées à ces périmètres sont multiples et nous devons nous interroger sur la constitution de meilleurs outils afin de préserver la qualité de la ressource aquatique, et ce dans le cadre d’une meilleure imprégnation des impératifs écologiques au sein des politiques publiques.

Dans ce sens, il me semble que la proposition de loi du groupe UMP peut laisser penser que la protection des captages est une contrainte assimilée à une nuisance, ce qui, à nos yeux, n’est pas une bonne approche.

Pour ce qui est plus précisément de l’objet du présent débat, vous avez raison de rappeler que le principe reste celui de la non-indemnisation des servitudes d’urbanisme. Certes, des exceptions existent, notamment celle que vous mentionnez concernant l’indemnisation des communes accueillant sur leur sol des lignes à haute tension ; mais il nous semble que la situation est différente puisqu’il s’agit dans un cas de la création par l’homme d’une infrastructure par définition nouvelle et qui aurait pu se situer ailleurs, et dans l’autre d’un point de captage naturel qui a toujours été présent.

En effet, si ces périmètres entraînent pour les communes qui les subissent des contraintes – et personne ne le nie –, ils sont par ailleurs le gage de la qualité de l’eau, objectif qui ne doit souffrir aucune restriction, et ne peuvent ainsi être simplement considérés comme une nuisance entachant le potentiel de développement d’une commune.

Au fond, toute la difficulté consiste ainsi à faire coïncider l’intérêt général avec l’intérêt particulier, en l’occurrence celui d’une collectivité qui elle aussi, d’une certaine manière, représente l’intérêt général. Mais comment indemniser pour un dommage qui n’existe pas ? Comment expertiser les projets hypothétiques qui auraient pu naître à cet endroit ?

Sur le fond, seul l’État peut, par des mesures compensatoires, prendre acte du préjudice subi. À cet égard, je partage le point de vue de mon collègue Fortassin sur la question de la péréquation. Il est bien évident que les collectivités qui portent seules des territoires à enjeu d’intérêt général doivent être aidées et bénéficier de mesures de péréquation.

Nous regrettons que la jurisprudence soit si restrictive en ce domaine et que la responsabilité de l’État – responsabilité sans faute – comme outil de solidarité territoriale et de péréquation ne soit jamais reconnue. Il y a là matière à un véritable débat. Il nous faudra d’ailleurs nous interroger sur les motivations des juges en ce domaine.

Ainsi, faute de pouvoir engager la responsabilité de l’État, vous êtes tentés, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, de renvoyer les collectivités dos à dos en opposant celles qui seraient propriétaires et celles qui seraient bénéficiaires d’un captage d’eau – d’autres domaines pourraient ensuite être concernés. En outre, le dispositif d’indemnisation prévu aurait nécessairement des répercussions sur les factures d’eau des particuliers, ce que nous ne souhaitons pas.

Je crains que, au fond, ce genre de débat ne nous amène à éluder d’autres questions.

L’assèchement des ressources des collectivités locales par l’État doit nous conduire non pas à opposer les collectivités les unes aux autres, mais à désigner les véritables responsables de cette situation.

Vous l’aurez compris, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, même si le groupe CRC-SPG comprend les difficultés rencontrées par les collectivités et le problème posé par Marie-Hélène Des Esgaulx, même s’il ne nie pas les problématiques purement locales que posent les périmètres de protection, il ne peut souscrire aux solutions préconisées dans la proposition de loi. Cette dernière témoigne tout de même d’une logique de marchandisation des ressources premières et occulte les défis et les responsabilités partagées en termes de développement durable par l’ensemble des collectivités publiques. Nous pensons que la solution réside dans la péréquation et que l’État a un rôle à jouer.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ayant été l’un des initiateurs de ce débat, j’ai tenu à intervenir aujourd’hui pour appeler, moi aussi, l’attention du Gouvernement sur l’anomalie législative que vous a fort bien exposée notre collègue et amie Marie-Hélène Des Esgaulx.

Cette anomalie législative, c’est la non-indemnisation des communes sur le territoire desquelles sont créés des périmètres de protection entourant des captages d’eau potable, déclarés d’utilité publique, alors que ces captages bénéficient à des communes voisines.

Comme chacun sait, les périmètres de protection autour des captages d’eau pour préserver la ressource d’éventuelles pollutions sont inscrits dans le code de la santé publique.

Il a fallu attendre la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau pour que l’instauration de périmètres de protection devienne obligatoire pour tout captage ne bénéficiant pas d’une protection naturelle. La loi a également renforcé les instruments de la puissance publique en permettant d’instaurer des servitudes administratives, voire de recourir à l’expropriation pour accélérer la mise en œuvre des périmètres.

Conformément à plusieurs directives européennes et à la loi de 1992 sur l’eau, ces points de captage d’eau potable doivent disposer d’un périmètre de protection afin d’éviter les pollutions liées aux activités humaines usuelles et de réduire le risque de pollution accidentelle, laquelle pourrait entraîner une contamination de l’eau et, par conséquent, une crise sanitaire.

Si la loi prévoit l’indemnisation des propriétaires de terrains privés en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique, elle ne prévoit, en revanche, aucune compensation pour les communes alors que les eaux captées bénéficient à des agglomérations voisines.

Pourtant, la mise en place des périmètres de captage peut constituer une contrainte importante pour les communes en rendant impossibles les implantations industrielles, commerciales ou de loisirs. Ces conséquences négatives pour la vie économique, commerciale ou touristique des communes n’ont jamais été prises en compte et ne font l’objet d’aucune indemnisation, y compris lorsque les sources d’eau potable ne profitent pas à ces communes.

Les communes ne perçoivent donc aucune compensation financière en contrepartie des servitudes créées, la loi actuelle ne le permettant pas, alors que l’indemnisation des propriétaires privés, dont les terrains sont grevés de servitudes, représente un coût financier pour les collectivités.

Afin de renforcer la mise en place de ces périmètres de protection, le Gouvernement a fixé des objectifs chiffrés dans le plan national santé-environnement, le PNSE, établi en 2004. Ainsi, en 2010, 100 % des points de captage d’eau potable devaient bénéficier d’un périmètre de protection, assorti de prescriptions limitant les risques de pollution. Or, selon les dernières statistiques, cet objectif, madame la ministre, n’a pas été atteint.

Les raisons de ce retard sont diverses.

Il apparaît en effet que les procédures sont longues et complexes. Elles sont le fruit d’une réglementation multiple, dans les domaines à la fois de la santé et de l’environnement, domaines où les enjeux, les exigences et les acteurs ne sont pas les mêmes.

La protection des captages fait référence à la notion de territoire et entre en conflit avec d’autres usages et usagers. En effet, certaines collectivités profitent de ces captages alors que ceux-ci ne sont pas situés sur leur territoire.

Jusque dans les années quatre-vingt, la protection des captages consistait essentiellement à protéger le périmètre immédiat des prises d’eau à la suite de simples visites sur le terrain d’un hydrogéologue agréé, le plus souvent sans étude préalable. De ce fait, de nombreux périmètres ont été initialement mal positionnés, souvent sous-dimensionnés, sans prise en compte des écoulements souterrains. De plus, seuls les risques de pollution bactériologique étaient considérés, non les pollutions diffuses d’origine agricole.

Depuis quelques années, l’augmentation régulière des teneurs en nitrates, dans certaines régions, a conduit à une remise à plat des périmètres existants et à la redéfinition des prescriptions qui leur sont liées. Il y a donc de plus en plus de procédures à engager et les communes sont de plus en plus sollicitées.

Certaines communes hésitent pourtant à s’engager dans la procédure longue, complexe et économiquement coûteuse que nécessite la mise en place des périmètres, notamment lorsque les captages bénéficient au final à une agglomération voisine, sans aucune indemnisation.

Il semble donc légitime qu’une commune puisse être indemnisée en cas de préjudice direct résultant de la création d’un périmètre de protection sur son territoire, notamment lorsque le captage d’eau ne lui profite pas. La proposition de loi ne vise que ce seul cas de figure. À l’évidence, c’est à la collectivité publique voisine bénéficiaire de l’alimentation en eau qu’il revient d’indemniser cette commune. C’est là une question de bon sens et surtout d’équité.

Voilà pourquoi les signataires de la proposition de loi de Marie-Hélène Des Esgaulx souhaitent, madame la ministre, qu’il soit mis un terme à une telle situation inéquitable et que ce texte soit inscrit à l’ordre du jour des travaux du Sénat dès que possible.

Cette proposition de loi, je le rappelle, ne crée aucune charge ni pour l’État ni pour les collectivités locales en général. Elle n’en crée que pour les collectivités qui bénéficient d’une alimentation en eau potable sans aucune contrainte ni servitude par ailleurs.

Mme Brigitte Bout applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’idée qui nous est soumise aujourd'hui au travers de cette proposition de loi est ancienne. Je l’ai très souvent entendue en tant que président du syndicat d’eau d’une grande régie, dans une région, le Nord-Pas-de-Calais, qui compte des châteaux d’eau de plusieurs dizaines de millions de mètres cubes – je pense à l’Audomarois : 90 millions de mètres cubes – et de vastes secteurs, de Lille à Dunkerque, situés en amont des réseaux hydrographiques et où il n’y a pas une seule nappe phréatique. La vie économique et celle des populations dépendent inévitablement des réseaux de nappes phréatiques se trouvant dans la nappe de la craie, c'est-à-dire celle de l’Artois. Dès lors, des solidarités interrégionales et interdépartementales doivent être dégagées.

Dans le même temps, j’entends le discours que vous avez développé tout à l’heure, madame Des Esgaulx.

Quelle est donc la solution ?

Il est vrai qu’une collectivité A peut obtenir un arrêté préfectoral de déclaration d’utilité publique l’autorisant à réaliser un prélèvement sur le territoire de la collectivité B, laquelle a un champ captant, et définissant les périmètres de protection autour du point de prélèvement.

Les propriétaires et occupants de terrains affectés par les servitudes correspondant à ces périmètres de protection sont indemnisés. À ce titre, la collectivité B est indemnisée de la même façon que les autres propriétaires pour les terrains qui lui appartiennent à l’intérieur de chaque périmètre de protection. En revanche, elle ne reçoit aucune compensation au titre du prélèvement d’une ressource à partir de son territoire et des contraintes qui en résultent. Cette absence de contrepartie est souvent considérée comme inéquitable par les communes qui voient d’autres collectivités venir s’approvisionner en eau sur leur territoire.

Assez fréquemment, ces communes formulent des demandes d’indemnisation, soit au titre d’un supposé « droit » analogue à celui du propriétaire sur le sous-sol des terrains qui lui appartiennent, soit au titre d’un préjudice causé à leur développement par le « gel » des terrains correspondant aux périmètres de protection, lesquels deviennent indisponibles pour des projets d’urbanisation ou d’implantation de nouvelles activités économiques.

Or les demandes d’indemnisation de ce type ne sont pas recevables, pour trois raisons principales.

Tout d’abord, une commune ne saurait être considérée comme propriétaire de l’eau présente dans le sous-sol de son territoire puisque « l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation ». C’est le principal motif qui a été retenu dans un arrêt du 24 octobre 1995 souvent cité – Commune de Saint-Ours-les-Roches – de la cour administrative d’appel de Lyon. Les juges ont considéré que « les eaux susceptibles d’être recueillies sur le territoire d’une commune mais non encore captées ne peuvent par leur nature présenter le caractère d’un élément du domaine de ladite commune » et que la commune ne peut ainsi « arguer d’un droit sur la ressource en eau présente sur son territoire dont le prélèvement est autorisé par l’arrêté litigieux », en l’occurrence l’arrêté préfectoral de déclaration d’utilité publique autorisant un syndicat intercommunal d’eau potable, dont la commune requérante n’est pas membre, à prélever de l’eau sur le territoire de cette commune.

Ensuite, les seuls bénéficiaires de l’indemnisation prévue par le code de la santé publique au moment de la mise en place des périmètres de protection sont, comme nous l’avons vu, les propriétaires et occupants des terrains affectés par les servitudes correspondant à ces périmètres.

Enfin, le même code renvoie la définition des modalités d’indemnisation au code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Or ce dernier code n’admet que l’indemnisation du « préjudice direct, matériel et certain » causé au patrimoine des personnes affectées par l’expropriation ou les servitudes d’utilité publique. L’impact sur le développement économique futur d’une collectivité n’entre manifestement pas dans ce cadre puisqu’il s’agit d’un préjudice éventuel et indirect, n’affectant pas les biens actuels de la collectivité, dont l’indemnisation est systématiquement exclue par la jurisprudence.

La proposition de loi qui nous est aujourd'hui présentée vise à lever les obstacles juridiques que je viens de rappeler en insérant dans le code de la santé publique un article supplémentaire relatif à l’indemnisation des propriétaires et occupants des terrains concernés par la création de périmètres de protection de captages d’eau destinée à la production d’eau potable.

Cet article serait ainsi rédigé : « Des indemnités au titre du préjudice direct, matériel et certain subi par la commune sur le territoire de laquelle des périmètres de protection ont été institués sur le fondement du premier alinéa de l’article L. 1321–2 du code de la santé publique peuvent également être versées par la ou les collectivités territoriales bénéficiaires du prélèvement d’eau potable correspondant. […] »

Toutefois, on peut se demander si cette proposition de loi, dans l’hypothèse où elle serait adoptée, permettrait effectivement d’atteindre l’objectif visé. En effet, l’indemnisation de la commune sur le territoire de laquelle les périmètres de protection sont institués reste limitée au « préjudice direct, matériel et certain » qu’elle subit. Or, comme on l’a vu voilà un instant, la perte de possibilités d’urbanisation et de développement d’activité constitue, pour les personnes autres que les propriétaires et occupants ayant déjà déposé un projet, non pas un « préjudice direct, matériel et certain », mais seulement un préjudice éventuel et indirect n’affectant pas le patrimoine de la commune. Il n’est donc pas indemnisable dans le cadre des règles actuelles du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Pour permettre à une commune d’obtenir une compensation au titre de la création de périmètres de protection sur son territoire, il faudrait modifier ces règles plus profondément que ne le prévoit la proposition de loi.

Or c’est évidemment assez délicat, puisque les règles d’indemnisation en cas d’expropriation ou de création de servitudes d’utilité publique reposent sur des principes anciens et bien établis en droit français. Il n’est donc pas facile de justifier que les communes bénéficient dans ce domaine d’un régime privilégié et dérogatoire par rapport au droit commun.

En fait, on peut envisager une solution différente de celle qui est prévue par les auteurs de la proposition de loi. Il faudrait attribuer aux communes et à leurs groupements un monopole de production d’eau potable sur leur territoire – pour l’eau potable destinée aux réseaux publics de distribution – avec possibilité de cession d’une partie des droits conférés par ce monopole à d’autres collectivités.

Il convient de le rappeler, la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques a attribué aux communes la compétence en matière de distribution d’eau potable, confirmant ainsi un monopole qui existait de fait depuis le XIXe siècle, mais qui n’était pas inscrit dans les textes.

Toutefois, la même loi n’a donné aux communes que la possibilité, et non la compétence pleine et entière, d’assurer la production, le stockage et le transport de l’eau potable. Contrairement à la distribution, les communes n’ont donc pas le monopole de ces activités sur leur territoire. Et, comme nous le savons, certaines entreprises produisent effectivement de l’eau potable à des fins soit de commercialisation en bouteilles, soit de satisfaction de besoins industriels.

Autre conséquence de l’absence de monopole, une collectivité A manquant de ressources en eau sur son territoire peut parfaitement venir produire de l’eau potable sur le territoire d’une collectivité B sans même avoir besoin de l’accord de cette dernière, dès lors qu’elle bénéficie d’une déclaration d’utilité publique délivrée par le préfet.

Afin de rééquilibrer les relations entre collectivités sur ce point, le législateur pourrait donc envisager d’aller un peu plus loin sur la voie dans laquelle il s’était déjà engagé en adoptant la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques.

Il s’agirait, d’une part, d’étendre la compétence des communes et de leurs groupements à la production d’eau potable destinée à la distribution publique par réseau, à l’exclusion de la production d’eau potable à d’autres fins, comme la mise en bouteille, l’approvisionnement de sites industriels ou l’usage purement familial, qui demeureraient hors monopole communal. Il s’agirait, d’autre part, d’habiliter les communes et groupements dotés de cette compétence à autoriser d’autres collectivités à produire de l’eau sur leur territoire, avec la possibilité de demander à ces dernières de verser une redevance par mètre cube d’eau potable produite, dont le taux serait plafonné par la loi.

Une telle mesure ne nécessite que la modification d’un seul article du code général des collectivités territoriales ; je vous renvoie à la rédaction proposée. Cela présenterait l’avantage d’attribuer aux communes une compensation financière durable dans le temps, en contrepartie du « gel » d’une partie de leur territoire par des périmètres de protection implantés au bénéfice d’autres collectivités, sans qu’il soit nécessaire de modifier les règles du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique en matière d’indemnisation.

Les nouvelles dispositions ne seraient pas applicables rétroactivement aux installations existantes de production d’eau potable. Elles concerneraient seulement les nouveaux projets de recherche d’eau pour alimenter un réseau de distribution d’eau potable en allant prospecter sur le territoire d’autres collectivités. On éviterait ainsi de remettre en cause des « droits acquis » par certaines collectivités qui utilisent, parfois depuis le XIXe siècle, des ressources non situées sur leur territoire.

Telles sont, madame la ministre, les propositions que je souhaitais formuler.

Cependant, cela pose tout de même évidemment le problème de la gouvernance de l’eau dans notre pays. Concrètement, qui l’exerce ? Comment maîtriser l’équilibre entre les nécessaires solidarités intercommunales, interdépartementales et interrégionales et le droit légitime des communes ? On ne peut naturellement pas être dans la simple expression de l’égoïsme communal. L’ensemble des territoires concernés, en particulier ceux qui sont en situation de déficit, ont besoin d’eau.

En outre, les servitudes environnementales ne sont pas toujours bien définies. À cet égard, je voudrais évoquer les servitudes liées à la biodiversité. Prenons le cas des zones humides : pourquoi faut-il les préserver ? Nous savons qu’elles jouent un rôle décisif pour la potabilité de l’eau dans la nappe phréatique. Mais elles correspondent aussi à une servitude environnementale. Comment celle-ci peut-elle être rémunérée ?

Et quid du prix de l’eau ? Si les distributeurs publics et privés sont soumis à une redevance supplémentaire, c’est le consommateur qui devra au final l’assumer !

Or, comme nous le savons, la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques a déjà créé des charges très importantes. Plusieurs mesures ont été adoptées ; je pense notamment à l’autocontrôle, à l’analyse d’eau, ainsi qu’à l’obligation, au demeurant tout à fait légitime, de rechercher d’éventuelles fuites et d’améliorer l’entretien du réseau.

En d’autres termes, les entreprises de distribution d’eau font face à des contraintes financières extrêmement lourdes. Elles doivent également réaliser des investissements de fonctionnement, et elles éprouvent parfois des difficultés pour maîtriser le système.

Et si nous ajoutons une redevance supplémentaire, que nous pouvons soutenir sur le principe, il faudra évidemment en assumer les conséquences !

Par ailleurs, nous nous rendons bien compte que la qualité de l’eau dans les nappes phréatiques s’est dégradée et continue souvent de se dégrader. Notre souci actuel est donc de faire participer les distributeurs d’eau publics ou privés à l’amélioration de cette qualité.

Les expériences que nous menons dans le Nord–Pas-de-Calais avec l’agence de l’eau – je pense notamment aux diagnostics territoriaux « multipression » – pour rétablir la qualité de l’eau nécessitent également des crédits importants.

À cet égard, les communes situées sur le territoire de champs captants sont nécessairement en première ligne. Il faut faire en sorte que les différents acteurs concernés, agriculteurs, forces industrielles, artisans et collectivités publiques, soient partie prenante à la démarche, afin de parvenir à des résultats positifs en termes d’amélioration de la qualité de l’eau.

C’est la raison pour laquelle une telle proposition m’inspire une certaine perplexité ou, du moins, m’incite à la prudence, madame la ministre.

Le syndicat dont j’ai la responsabilité doit ravitailler 400 communes dans lesquelles il n’y a pas du tout de nappe phréatique. En outre, l’agglomération lilloise est aujourd'hui en déficit de plus de 5 millions de mètres cubes d’eau et risque de se trouver dans l’impossibilité d’approvisionner la population en période de sécheresse prolongée. Et quand on veut faire appel à la solidarité pour aller chercher de l’eau à 150 kilomètres ou 200 kilomètres, il faut tout de même en trouver les moyens !

En même temps, les communes rurales, qui sont confrontées à de grandes difficultés financières – on leur impose des efforts en matière d’assainissement collectif et non collectif –, ont véritablement besoin d’aide.

Nous devons donc envisager des pistes de réflexion en matière de solidarité intercommunale, interdépartementale et interrégionale, tout en maîtrisant les coûts financiers.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. François Fortassin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Doublet

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le syndicat des eaux de la Charente-Maritime, que j’ai l’honneur de présider, regroupe 466 des 472 communes du département.

Il a pour triple mission de réaliser les investissements, de gérer le patrimoine et de protéger la ressource, ainsi que l’environnement naturel, dans le cadre de ses compétences statutaires : production et distribution d’eau potable, collecte et traitement des eaux usées domestiques, contrôle, réhabilitation et entretien de l’assainissement non collectif.

Notre débat d’aujourd’hui, qui porte sur l’indemnisation des communes au titre des périmètres de protection de l’eau, me concerne plus particulièrement. En effet, le premier forage du syndicat départemental a été réalisé dans ma commune en 1952.

Le périmètre de protection a fait l’objet d’un arrêté préfectoral de déclaration d’utilité publique et les prescriptions sont mises en œuvre précisément par le syndicat départemental des eaux.

Lorsque Marie-Hélène Des Esgaulx m’a proposé de cosigner sa proposition de loi tendant à permettre l’indemnisation des communes sur le territoire desquelles sont créés des périmètres de protection entourant des captages d’eau potable, je me suis interrogé sur les incidences d’un tel dispositif non seulement pour les communes, mais également pour les syndicats.

La création de périmètres de protection autour des captages d’eau prévue à l’article L. 1321-2 du code de la santé publique a pour objectifs d’assurer une eau propre à la consommation humaine et de prévenir les causes de pollution susceptibles d’en altérer la qualité.

C’est le rôle dévolu aux périmètres de protection, avec trois niveaux de prévention.

Premier niveau : le périmètre immédiat, qui est l’espace clôturé autour du captage, propriété du maître d’ouvrage.

Deuxième niveau : le périmètre de protection rapprochée, qui est de taille variable selon le contexte hydrogéologique et qui peut faire l’objet d’interdictions ou de réglementations spécifiques.

Troisième niveau : le périmètre éloigné, application de réglementations spécifiques et/ou rappel de la réglementation générale.

Ces contraintes ou interdictions peuvent entraîner la prise en charge par la commune ou l’EPCI bénéficiaire de la déclaration d’utilité publique d’indemnités au bénéfice des personnes physiques ou morales de droit privé concernées.

J’en viens à présent à mes interrogations.

L’article 1er de la proposition de loi ouvre la possibilité d’une indemnisation de la collectivité recevant l’ouvrage en cas de « préjudice direct, matériel et certain » résultant de la création d’un des périmètres de protection visée à l’article L. 1321-2-1 du code de la santé publique, restreignant ainsi le champ de l’indemnisation et permettant d’éviter les dérives.

Toutefois, on notera dans la rédaction de cet article que les indemnités éventuelles sont versées par les collectivités territoriales bénéficiaires du prélèvement d’eau potable, et non par la collectivité propriétaire de l’ouvrage. Peut-on en déduire que si le captage appartient à un syndicat intercommunal ou départemental, comme c’est souvent le cas, ce sont les collectivités adhérentes desservies par cet ouvrage qui verseront l’indemnisation, et non pas le syndicat lui-même ? Et comment assurera-t-on la répartition des charges si les collectivités ne sont desservies que partiellement par l’ouvrage ? Je pense notamment aux réseaux interconnectés ou à une desserte de secours.

L’article 2 vise à instituer une compensation des éventuelles conséquences financières pouvant en résulter pour la collectivité débitrice. Comme les syndicats intercommunaux n’ont pas accès à la dotation globale de fonctionnement, la DGF, une telle disposition tendrait à confirmer que les indemnités seront versées non pas par les syndicats intercommunaux propriétaires des ouvrages, mais bien par les communes bénéficiaires.

J’imagine difficilement les communes ayant délégué la compétence « production et distribution de l’eau potable » à un EPCI s’engager dans des procédures d’indemnisation compensatoire complexe sans disposer de leur propre budget annexe « eau potable », du fait même de ce transfert de compétence.

Telles sont les réflexions que m’inspire la proposition de loi. Je souhaiterais obtenir quelques éclaircissements sur les points que je viens de soulever, madame le ministre.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

M. Guy Fischer remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat riche et important est organisé à la demande du groupe UMP, et plus particulièrement de Marie-Hélène Des Esgaulx, qui a déposé une proposition de loi sur le sujet et que je tiens à remercier.

Cette discussion nous donne l’occasion d’examiner plus généralement l’indemnisation des communes en cas de servitude partagée, un sujet qui ne concerne pas uniquement l’eau.

En fait, il existe un débat général sur les relations entre petites et grandes collectivités territoriales, entre milieu urbain et milieu rural, et sur les communes servant les autres et notamment les communes rendant un service à la nature du fait de la qualité de leur environnement.

Je le rappelle d’emblée, certains de ces services sont rendus sans rémunération. Ce n’est pas seulement le cas en matière environnementale. Telle commune, par exemple, investit dans un équipement sportif qui profite aux habitants des communes rurales périphériques ou telle commune rurale entretient un réseau de sentiers dans sa forêt communale au bénéfice des promeneurs urbains.

Dans le domaine de l’eau, les différentes positions qui viennent d’être exprimées m’amènent à rappeler quelques principes essentiels et liminaires.

L’article L. 210–1 du code de l’environnement établit que « l’usage de l’eau appartient à tous ». Chacun doit être conscient qu’une ressource en eau encore non captée ne constitue pas un élément du domaine public de la commune, comme l’ont rappelé la cour administrative d’appel de Lyon le 24 octobre 1995 sur un jugement concernant la commune de Saint-Ours-les-Roches – M. Raoult y a fait référence – et le Conseil d’État le 16 novembre 1962 sur un jugement ayant trait à la ville de Grenoble. En d’autres termes, une commune ne peut se déclarer propriétaire de ressources en eau au seul motif que ces dernières se trouvent sous ou sur son territoire ; chacun, ici, en conviendra.

Pour autant, des servitudes pèsent sur les communes où se trouve un lieu de captage. Mme Des Esgaulx l’a souligné, le code de la santé publique définit plusieurs périmètres autour du point de prélèvement d’eau : un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété ; un périmètre de protection rapprochée à l’intérieur duquel peuvent être interdites ou réglementées toutes sortes d’installations, d’activités, d’ouvrages, d’aménagement des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux ; un périmètre de protection éloignée à l’intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, occupations des sols et dépôts, quoique de manière plus légère.

La procédure existante organise déjà un système indemnitaire au profit de la personne propriétaire du sol sur lequel sont instaurés les différents périmètres de protection, à condition qu’un préjudice matériel, certain et direct soit constaté. Ce préjudice, dans le cas du propriétaire ou de l’exploitant des terrains, est quantifiable. Il s’agit, la plupart du temps, d’une expropriation obligatoire des terrains situés dans le périmètre de protection immédiate ou de restrictions concernant l’usage des sols dans le périmètre de protection rapprochée.

Dans le cas des communes, vous reconnaîtrez que l’instauration de périmètres de protection n’induit pas de gel systématique des terrains au regard de leur constructibilité ou d’activités diverses. Cette décision doit être prise au cas par cas. La plupart du temps, le préjudice n’est que potentiel et il n’existe pas de préjudice direct, matériel et certain subi pour la commune au sens du droit. Il faut donc se demander s’il est nécessaire d’adopter une disposition ne concernant que les cas isolés où le préjudice pourrait réellement être démontré. J’insiste sur ce point : le préjudice doit absolument être démontré et quantifié.

Vous faisiez référence, madame Des Esgaulx, aux indemnisations pour servitude de passage le long du littoral ou au voisinage d’une ligne électrique aérienne. Il faut rappeler que dans ces cas, également, seule est prévue l’indemnisation des propriétaires des terrains sur lesquels portent les servitudes. Aucune indemnisation des collectivités n’est prévue lorsque ces dernières ne sont pas propriétaires des terrains directement concernés.

J’ai bien relevé à ce propos, madame Didier, que vous vous êtes exprimée en défaveur d’une mesure qui consisterait à faire payer les communes bénéficiaires d’un captage, et que vous appelez à maintenir une distinction forte entre les servitudes liées à des équipements créés par l’homme, qui auraient pu être positionnés ailleurs, et des servitudes liées à la présence d’une ressource naturelle particulière. Des problèmes très concrets resteraient néanmoins à régler.

M. Doublet soulève un certain nombre de questions importantes sur les modalités de versement des indemnités par les collectivités territoriales bénéficiaires du prélèvement d’eau potable. Il faut s’interroger sur l’applicabilité d’un tel dispositif dans la mesure où les captages appartiennent souvent à des syndicats intercommunaux et non directement aux communes, et que les conditions de desserte peuvent être spécifiques à chaque commune tout en variant dans le temps.

Ces considérations m’amènent à souligner que le dispositif aura in fine des répercussions sur le prix de l’eau, lequel augmentera forcément avec l’internalisation du coût des indemnités. Cette augmentation du prix de l’eau sera difficile à justifier auprès des usagers concernés.

Nous avons des objectifs très forts en matière de protection des captages d’eau. Bernard Saugey et François Fortassin l’ont rappelé, selon le plan national santé-environnement, 100 % des points de captage d’eau potable auraient dû bénéficier, à la fin de l’année 2010, d’un périmètre de protection assorti de prescriptions. À l’heure actuelle, cet objectif n’est pas atteint. Monsieur Fortassin, pour répondre à votre sollicitation, je serai plus précise : deux tiers, environ, des volumes d’eau prélevés, soit 60 % des captages sont protégés ; mais 40 % des captages ne le sont pas et ne disposent pas encore de déclaration d’utilité publique instaurant les périmètres de protection. Au total, 34 000 points de captage sont répertoriés en France et 14 000 d’entre eux restent à protéger. Les conditions pour ce faire sont pourtant assez avantageuses. En tout cas, un certain nombre d’aides sont prévues. Des agences de l’eau subventionnent les études préalables à hauteur de 80 % et les indemnités peuvent s’élever, dans plusieurs bassins, jusqu’à 50 %. Je précise également que la charge de l’établissement des périmètres incombe non pas à la commune d’implantation, mais à la collectivité maître d’ouvrage du captage, ce qui est bien le minimum…

Dans ce contexte, ne faut-il pas craindre que le dispositif tel qu’il est envisagé dans la proposition de loi ne freine davantage la dynamique engagée par les collectivités retardataires, du fait de l’augmentation des indemnisations à financer ?

Le projet qui vient de nous être présenté suscite donc de vraies questions auxquelles je ne me soustrairai pas malgré toutes les difficultés que je viens de recenser. Il faut pouvoir y répondre, mais il faut surtout préalablement définir l’échelle territoriale la plus pertinente pour y répondre. À titre d’exemple, la superficie des aires d’alimentation de certains captages dits « Grenelle » avoisine les 6 600 hectares, soit cinq fois la superficie moyenne d’une commune française.

Par ailleurs, très souvent, même si le point de captage est localisé sur une seule commune, les trois périmètres de protection peuvent être à cheval sur plusieurs communes voisines. La protection de la ressource en eau est donc souvent de facto intercommunale, et il serait réducteur d’aborder le sujet en opposant simplement communes de petite et de grande taille. Il existe des exemples qui montrent qu’un dispositif gagnant-gagnant entre la collectivité bénéficiaire du captage et la collectivité propriétaire peut être inventé. Ce dispositif, de nature contractuelle, permet alors à la collectivité propriétaire de bénéficier de contreparties en échange des services rendus à la collectivité bénéficiaire.

Pour ma part, je crois à la capacité des collectivités à trouver un terrain d’entente et à formaliser leurs engagements sous forme de convention de gestion contractuelle. Nous pouvons naturellement réfléchir à la meilleure façon de les accompagner dans la mise en place de telles conventions.

En outre, n’oublions pas que le problème exposé par Marie-Hélène Des Esgaulx ne trouvera de solution pérenne qu’avec l’optimisation de nos services d’alimentation en eau potable. En Grande-Bretagne, il existe 23 compagnies pour l’alimentation en eau potable et l’assainissement. En Allemagne, on dénombre 5 260 entités, qui gèrent 14 500 réseaux d’adduction d’eau. En France, nous avons 16 000 services pour l’alimentation en eau potable. À l’évidence, nous devons poursuivre nos efforts pour regrouper ces services – ce pourrait être un élément de réponse aux questions posées ici – et cela doit être une priorité pour les toutes prochaines années.

Je tiens également à rappeler que la loi de réforme des collectivités territoriales prévoit une couverture du territoire par des EPCI à fiscalité propre. Les communautés de communes ou les communautés d’agglomération pourront répondre aux difficultés rencontrées, en mettant en œuvre un développement équilibré de la communauté et la péréquation des moyens financiers nécessaires. Là aussi, une part de la solution pourrait être trouvée dans la montée en puissance des EPCI au cours des prochaines années.

En conclusion, les conditions de mise en place d’une solidarité financière à l’échelle intercommunale doivent être approfondies et nécessitent une expertise plus poussée, et conjointe du ministère de l’écologie, du ministère de la santé et du ministère de l’intérieur. Tout comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai beaucoup évoqué les intercommunalités. Le ministère de l’intérieur doit être totalement associé à ce débat. Dans son intervention, François Fortassin a réclamé à raison des données plus précises. Nous devons pouvoir produire des chiffres plus détaillés sur les coûts et sur le nombre de cas où le problème soulevé par Marie-Hélène Des Esgaulx se pose précisément.

Je m’engage, par conséquent, à me rapprocher dès maintenant du ministre de l’intérieur et du ministre de la santé pour lancer ces travaux et mener un travail conjoint avec Marie-Hélène Des Esgaulx afin d’approfondir les questions clés qu’elle a permis d’identifier, sans masquer les réelles difficultés que j’ai soulevées aujourd'hui, à l’instar de certains d’entre vous.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous en avons terminé avec le débat sur l’indemnisation des communes au titre des périmètres de protection de l’eau.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-sept heures pour les questions cribles thématiques sur le trafic des médicaments.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le trafic des médicaments.

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir, sur France 3, après l’émission Ce soir ou jamais de M. Frédéric Taddeï.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été installés à la vue de tous.

Mes chers collègues, il est déjà dix-sept heures et deux minutes, et nous attendons Mme la secrétaire d’État chargée de la santé. L’exactitude est une marque de respect, à l’égard tant des téléspectateurs que de notre assemblée !

Mme la secrétaire d’État fait son entrée dans l’hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Bernard Cazeau, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, selon l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, plus de la moitié des médicaments achetés sur des sites internet en 2010 seraient des faux.

Les contrefaçons peuvent représenter, en valeur, jusqu’à 50 % du marché, dans certains pays, notamment africains, où l’on compte de nombreux décès liés à ces « médicaments ».

De son côté, INTERPOL a estimé, l’année dernière, le chiffre d’affaires dégagé par le trafic de faux médicaments à 75 milliards d’euros. Ce commerce serait d’ailleurs en pleine expansion : entre 2007 et 2008, il aurait crû de 300 % au niveau mondial, selon les Douanes.

L’extraordinaire outil commercial que constitue Internet et la récupération croissante de ce trafic par ceux qui se concentraient jusque-là sur le trafic de drogues expliquent cet essor.

En France, nous étions naguère à l’abri de ce phénomène, et ce pour deux raisons : le remboursement des médicaments par la sécurité sociale réduit l’attractivité des prix pratiqués sur Internet et, par ailleurs, le maillage de notre territoire par les médecins et les pharmaciens relativise l’argument tiré de la facilité d’accès offerte par le web.

Ces raisons expliquent pourquoi l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS, n’a été saisie, en 2010, que d’une quarantaine de problèmes de pharmacovigilance, portant principalement sur des produits de régime.

Au-delà de la criminalité qu’il importe de combattre, nous sommes aujourd’hui confrontés à un véritable enjeu de santé publique.

Nous savons que les Douanes françaises ont récemment créé un observatoire qui, spécialement consacré aux médicaments contrefaits, est chargé de localiser les lieux de production et de stockage, d’identifier les réseaux criminels et les filières d’approvisionnement, d’analyser les modes opératoires des fraudeurs et de fournir ainsi aux services opérationnels les supports pour l’identification de ces médicaments.

Enfin, au-delà de cet observatoire, le réseau Médifraude coordonne les activités de l’ensemble des services de l’État participant à la lutte contre la circulation et la commercialisation des médicaments illicites.

Aussi ma question sera-t-elle simple, madame la secrétaire d’État : quel bilan peut-on tirer des moyens employés jusqu’ici pour lutter contre les trafics de médicaments ?

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d’État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le commerce électronique se développe dans tous les domaines, y compris celui des médicaments, en dépit des réglementations existantes.

Toutefois, en France, l’importance du recours à l’achat de médicaments sur Internet doit être relativisée. Vous avez d’ailleurs évoqué, monsieur le sénateur, l’une des raisons qui expliquent ce moindre engouement, monsieur le sénateur, à savoir le remboursement par l’assurance maladie. En effet, les médicaments sont, pour la grande majorité d’entre eux, pris en charge, ce qui supprime une motivation importante pour les consommateurs.

De plus, il convient de rappeler que la France se situe, en termes de densité, au premier rang mondial pour le nombre de pharmacies par habitant et au deuxième rang pour le nombre de médecins par habitant, ce qui garantit la proximité.

Une veille sur Internet a été mise en place par l’AFSSAPS en juin 2009 : l’Agence recherche et achète, par l’intermédiaire d’un huissier de justice, des produits sur Internet ; elle signale les sites suspects à l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, l’OCLCTIC, qui est chargé de la cyberdélinquance. L’AFSSAPS procède ensuite à des contrôles et analyse en laboratoire ces produits, en vue de détecter une éventuelle falsification. En cas de falsification avérée, l’Agence transmet un dossier à l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, l’OCLAESP. Tout signalement de site illicite fait l’objet d’une transmission à la justice et aux services d’enquête que j’ai cités.

On peut d’ailleurs souligner que l’AFSSAPS a participé à l’opération PANGEA III, menée il y a quelques mois.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d’État

Pour conclure, les dispositifs légaux de contrôle, de détection et de sanction existent. Parallèlement, il faut aussi sensibiliser le public et développer des outils de communication pour que les usagers puissent se prémunir contre l’achat de produits susceptibles d’entraîner des risques pour leur santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Madame la secrétaire d’État, plus qu’un rappel partiel de mon propos, je vous demandais un bilan. Je constate que vous n’avez pratiquement pas répondu à ma question et je le regrette, car il faut, selon moi, expliquer les raisons de l’essor de ce trafic.

En effet, la poursuite d’une politique de création de franchises, d’augmentation des forfaits et d’aggravation des déremboursements, accentuée depuis 2007, pousse de plus en plus nos concitoyens à se fournir par l’intermédiaire des sites internet, afin d’alléger ce que l’on peut qualifier de « taxation déguisée ».

Ainsi, après avoir « raboté » les taux de remboursement des médicaments à service médical rendu insuffisant, les pouvoirs publics se sont attaqués, dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, à des médicaments présentant un intérêt thérapeutique ! C’est ainsi qu’un certain nombre de médicaments – les médicaments à service médical rendu modéré et à vignette bleue -, qui représentent près de trente millions de boîtes vendues chaque année, ainsi que certains dispositifs médicaux, pansements ou orthèses, seront désormais « déremboursés ».

Voilà au moins l’une des raisons…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

M. Bernard Cazeau. … qui poussent nos concitoyens à recourir à Internet. Je regrette donc que vous n’ayez pu m’indiquer un bilan de vos actions, dont la nature m’est par ailleurs parfaitement connue !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Robert Hue, pour le groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si la consommation en France de faux médicaments ou de médicaments contrefaits est en constante progression – notamment du fait des commandes sur Internet de médicaments liés à la sexualité –, elle demeure néanmoins marginale, particulièrement au regard de l’ampleur des trafics dans les pays en développement et, singulièrement, dans les pays africains.

Le sujet est important, puisque le trafic de médicaments, plus rentable que celui de drogues selon des responsables d’INTERPOL, présente un risque considérable pour la santé des populations qui les consomment, qu’elles soient conscientes ou non que les produits qu’elles utilisent sont de faux médicaments.

J’entends par « faux médicaments » ceux qui ne soignent pas la maladie pour laquelle ils sont utilisés, qui ont des effets thérapeutiques et secondaires incertains, quand ils ne dégradent pas l’état de santé des patients. Cette précision est indispensable puisque, reprenant les propres termes du président de la Mutualité française prononcés à l’occasion d’un colloque organisé sur ce sujet en octobre dernier, « la lutte contre les faux médicaments ne doit pas conduire à une remise en cause de l’accès aux thérapeutiques efficaces et financièrement plus accessibles que constituent les médicaments génériques, notamment dans les pays du Sud ».

Le colloque auquel je viens de faire référence a permis la mise en évidence de différentes causes à l’origine de ces trafics : absence de politiques de santé publique, insuffisance des structures de soins, inexistence de mécanismes de sécurité sociale...

En somme, c’est sur le terreau de la misère que prospèrent ces trafics.

Il nous faut donc inventer, madame la secrétaire d’État, une politique de coopération nouvelle sur les questions sanitaires et de santé publique qui dépasse largement les enjeux industriels. À cette fin, nous devons prendre l’exact contre-pied de la politique menée actuellement par la Commission européenne dans le cadre de l’accord de libre-échange entre l’Europe et l’Inde, qui vise à durcir les conditions de fabrication des génériques, alors que l’Inde, qui produit 90 % des médicaments génériques vendus dans les pays pauvres, est considérée comme le laboratoire des pays en voie de développement.

Aussi, madame la secrétaire d’État, quelles mesures concrètes entendez-vous prendre au niveau national et, surtout, au niveau européen, pour que les pays en voie de développement puissent satisfaire eux-mêmes les besoins en médicaments de leurs populations ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jacky Le Menn applaudit également.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d’État

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la lutte contre le trafic de médicaments ne repose pas uniquement sur un cadre légal, mais aussi, vous l’avez rappelé, sur une coopération et une intégration des actions entreprises par les principaux acteurs impliqués, qu’ils exercent une compétence directe pour traiter le délit ou une compétence indirecte sur les produits concernés.

La mobilisation des pouvoirs publics demeure essentielle pour promouvoir cette coopération entre les différents intervenants que sont le ministère de la santé, l’AFSSAPS, la police, les Douanes et les autorités judiciaires. En France, l’AFSSAPS a développé des contacts non seulement avec les agents de l’État chargés de la lutte contre le trafic des médicaments, mais aussi avec les responsables de la lutte contre tout type de fraude pouvant concerner, notamment, les produits de santé.

La constitution d’un groupe interministériel de lutte contre la contrefaçon des produits de santé, piloté par l’AFSSAPS, illustre ces partenariats ; ce groupe a pour objectif d’élaborer des mesures concrètes d’organisation pour faciliter la lutte contre la contrefaçon des produits de santé, de proposer des actions de sensibilisation des publics et d’analyser les retours d’expérience des acteurs, tant publics que privés.

Par ailleurs, pour répondre plus directement à votre interrogation, l’AFSSAPS est tout à fait impliquée dans les instances internationales. Un groupe de travail, le Head of Medicines Agency Working Group of Enforcement Officers, ou HMA-WGEO, réunit les agents représentant les autorités compétentes européennes qui ont un pouvoir de recherche et de constat des infractions pénales à la réglementation des produits de santé. Ce lieu d’échanges, créé en 2004, est reconnu par la réunion des chefs d’agences européennes, qui l’ont mandaté pour formuler des propositions dans le domaine de la lutte contre le trafic des médicaments.

Dans le même esprit, un groupe émanant du Conseil de l’Europe se réunit depuis 2007, …

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d’État

… en relation avec l’OMS. Il a décidé la mise en place de réseaux de points de contact uniques dans tous les États membres. Une collaboration structurée à l’échelle européenne est ainsi mise en place…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Madame la secrétaire d’État, il est temps de conclure !

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d’État

… pour faire en sorte que ces dispositifs internationaux assurent une protection effective des populations, en particulier les plus vulnérables.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Mon collègue Robert Hue, tout comme M. Bernard Cazeau, a mis en évidence l’importance des structures sociales et sanitaires dans la lutte contre le trafic de médicaments, plus particulièrement ceux qui relèvent d’un système de sécurité sociale.

Les politiques menées depuis des années par votre majorité, madame la secrétaire d’État – déconstruction des protections sociales, déremboursements, suppression des protections du travail, gel des salaires et des pensions – peuvent conduire, demain, une partie de nos concitoyens, les plus pauvres d’entre eux, à se tourner vers des filières parallèles pour répondre à leurs besoins tant médicaux que pharmaceutiques.

C’est d’autant plus probable qu’un autre pan de votre politique, la révision générale des politiques publiques, entraîne une réduction notable du nombre d’agents dans les services douaniers. Alors qu’il y avait, au 1er janvier 1993, 22 500 douaniers sur le territoire national, ils ne sont plus que 17 000 en ce début d’année, avec une diminution de plus de 300 agents par rapport au 1er janvier 2010.

En obérant ainsi la force de contrôle de notre administration, madame la secrétaire d’État, …

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

… vous réduisez sa capacité à protéger la santé de nos concitoyens au regard de la prolifération des médicaments contrefaits et, plus globalement, de l’ensemble des produits de consommation à destination humaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je rappelle que chacun doit respecter strictement le temps de parole qui lui est imparti.

La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, trafic de drogues et trafic de médicaments sont aussi odieux l’un que l’autre. À de nombreux égards, ils sont d’ailleurs comparables.

Tout d’abord, ils mettent en danger l’intégrité physique et la santé des personnes. On estime que, chaque année dans le monde, 200 000 décès sont liés au trafic de médicaments.

Ensuite, les victimes sont le plus souvent des personnes fragiles ou appartenant aux couches les plus défavorisées de la population.

Enfin, dernier point de comparaison, et pas des moindres, les montants en jeux : selon l’OMS, le trafic de faux médicaments représenterait 10 % du chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique mondiale, soit 45 milliards d’euros. En 2009, INTERPOL estimait que le marché des médicaments contrefaits vendus sur Internet était bien plus rentable que le trafic de drogues.

Il faut en avoir conscience, Internet a changé la donne : si le problème a, pendant longtemps, surtout concerné les pays en voie de développement et s’il y est – malheureusement – toujours présent de façon endémique, le trafic de médicaments n’épargne plus personne depuis l’avènement du « net ». Ainsi, à la fin de 2009, la Commission européenne constatait que la circulation de médicaments contrefaits dans l’Union européenne dépassait ses pires craintes.

Il y a donc urgence à agir !

D’ailleurs, un double appel a été lancé : d’une part, la Commission européenne a appelé à l’élaboration d’une législation spécifiquement européenne en la matière, d’autre part, M. Jacques Chirac a appelé à la signature d’une convention internationale de lutte contre les faux médicaments.

Ces deux initiatives en faveur de la mise en place d’un cadre répressif international sont à la mesure de l’enjeu, mais, pour l’heure, elles n’ont pas rencontré le même écho.

Le 7 décembre 2010, le Conseil de l’Europe a certes adopté la convention MEDICRIME, tout premier outil juridique international qui criminalise la contrefaçon de produits médicaux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cependant, madame la secrétaire d’État, même si cette convention MEDICRIME est ouverte à la signature d’États non membres du Conseil de l’Europe, une convention internationale ad hoc n’est-elle pas nécessaire ? Dans l’affirmative, la France a-t-elle l’intention de peser de tout son poids pour qu’une telle convention soit signée dès 2011 ?

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État

Vous avez raison, monsieur Zocchetto, le trafic de médicaments est un véritable fléau. Il est beaucoup plus lucratif que le trafic de drogues lui-même ou que le trafic de tabac – dix fois plus lucratif que le trafic d’héroïne et cinq fois plus lucratif que le commerce illicite de tabac – et, paradoxalement, moins pénalisé. En effet, les sanctions observées atteignent, au maximum, trois ans de prison.

Vous avez évoqué l’appel de Cotonou, dont le but était de sensibiliser le plus grand nombre de pays possible à ce problème et de les encourager à converger vers l’élaboration d’une convention. Celle-ci pourrait être le point de départ d’une démarche visant à protéger les personnes susceptibles d’être victimes du trafic de médicaments contrefaits et, de ce fait, exposées à des risques.

Quoi qu’il en soit, même si je ne peux pas en cet instant vous indiquer de date précise, la décision devant être prise ultérieurement au niveau européen, la convention MEDICRIME sera ouverte à la signature des États membres en 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. François Zocchetto, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La lutte contre le trafic de médicaments ne peut être l’affaire d’amateurs, car ce trafic est entre les mains de mafias.

Je pense donc que la France doit non seulement intervenir sur la scène internationale pour que des instruments de lutte soient mis en place contre ces mafias, mais également montrer l’exemple et mettre rapidement en place sur son territoire des équipes pluridisciplinaires chargées d’enquêter sur ces affaires et de réprimer ce type de pratiques. Les Douanes ne peuvent procéder seules à ce travail. Elles doivent être épaulées par des équipes de policiers, de gendarmes et de magistrats spécialisées dans la lutte contre ces nouvelles mafias.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Gilbert Barbier, pour le groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’importance du trafic de médicaments a été soulignée : celui-ci se monte à 45 milliards de dollars, soit 10 % du marché pharmaceutique mondial.

Si les contrefaçons sont essentiellement retrouvées dans les pays du tiers-monde, mais aussi dans certaines pharmacies des États-Unis ou de Grande-Bretagne, la France est relativement préservée, compte tenu de son système de distribution des médicaments, très contrôlé.

Toutefois, comme cela a déjà été souligné par les orateurs précédents, la menace vient d’Internet, sur lequel on trouve toutes sortes de médicaments. Gain de temps, facilité, économie, confidentialité ou encore absence d’ordonnance sont autant de raisons qui poussent les patients à acheter sur Internet.

Faut-il rappeler les risques de mauvais usage ou de contre-indication, qui sont grands, la provenance souvent douteuse des produits et leur composition aléatoire ? Par exemple, certains compléments alimentaires se sont révélés contenir des principes actifs, comme la sibutramine, qui est inscrite sur la liste des substances vénéneuses. D’autres produits contenaient de la caféine à des concentrations beaucoup plus élevées que celles qui sont recommandées en France.

Devant ce constat, madame la secrétaire d’État, votre prédécesseur – Mme Roselyne Bachelot-Narquin – avait mis en place un groupe de travail chargé de réfléchir à un projet de « cyber-pharmacie » sur un portail qui pourrait être hébergé par l’Ordre national des pharmaciens et renverrait vers les sites des officines.

Plutôt que de chercher à bloquer un phénomène incontrôlable, il est sans doute plus efficace d’amener sur le marché une offre pharmaceutique en ligne qui serait sécurisée et encadrée. Une telle offre existe d’ailleurs depuis longtemps chez certains de nos voisins européens : en Allemagne, en Suisse ou encore en Belgique. Avec la télémédecine, lancée en octobre dernier, elle pourrait apporter une réponse intéressante aux difficultés d’accès aux soins.

Avez-vous repris cette réflexion, madame la secrétaire d’État ? Où en sont les travaux de ce groupe de travail ? Seuls les médicaments délivrés sans ordonnance et non remboursables seront-ils concernés ?

Quoi qu’il en soit, gardons à l’esprit qu’Internet ne remplacera pas la relation entre le malade et le médecin ou entre le patient et le pharmacien, seul gage de sécurité et de qualité des soins.

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État

Monsieur le sénateur, la Direction générale de la santé pilote bien, depuis le printemps 2010, un groupe de travail.

Je ne vais pas citer toutes les directions ministérielles qui y participent, mais ce groupe est largement fédérateur au sein des différentes instances de l’État et comprend également des représentants d’instances professionnelles, comme l’Ordre national des pharmaciens ou le syndicat des entreprises du médicament, le LEEM.

Sa mission est de déterminer le cadre juridique approprié pour permettre aux pharmaciens d’officine qui le souhaitent de créer des sites internet. Je vais vous en indiquer les axes de travail, qui tiennent compte du cadre européen

Premièrement, les sites internet de pharmacie doivent être le prolongement virtuel des officines physiques existantes, afin que les patients aient la garantie de s’adresser à des sites sécurisés, gérés par des professionnels compétents et intégrés dans la chaîne de distribution. En d’autres termes, seules les pharmacies seront autorisées à vendre en ligne des médicaments.

Deuxièmement, seuls les médicaments pour lesquels la prescription médicale est facultative pourront être commercialisés par le biais des sites internet de pharmacie. Seront donc exclus de ce marché les médicaments délivrés sur prescription médicale obligatoire.

Troisièmement, il faudra définir les conditions de création et de gestion de ces sites internet de pharmacie. Dans ce cadre, des déclarations aux différentes instances de gouvernance, par exemple, aux agences régionales de santé ou à l’Ordre national des pharmaciens, seront probablement prévues.

Quatrièmement, on pourra envisager la mise en place d’un portail internet géré par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, d’où les patients pourraient avoir accès aux différents sites internet de pharmacie.

Cinquièmement, des contrôles et des sanctions en cas de non-respect des règles sur les sites internet de pharmacie seront éventuellement mis en œuvre.

Sixièmement, toujours dans le cadre de ce groupe de travail, il faudra également réfléchir à l’adoption de règles relatives à la protection et à la confidentialité des données personnelles et de santé de l’internaute, qui viendront compléter l’exercice déontologique du pharmacien.

Septièmement, il faudra adapter les règles relatives à la publicité des médicaments et en faveur de l’officine au média internet, ainsi qu’aux règles du commerce électronique.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État

Huitièmement, enfin, il faudra adopter un arrêté relatif aux bonnes pratiques sur l’élaboration d’un site internet de pharmacie.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Gilbert Barbier, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Je voudrais simplement, en complément, évoquer un autre problème existant dans notre pays : certains médecins prescrivent en trop grande quantité et, de ce fait, des médicaments sont remboursés par la sécurité sociale pour être ensuite revendus sur les sites internet. C’est un problème, madame la secrétaire, qu’il faudrait traiter de manière efficace dans les études que vous poursuivez.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Je voudrais d’abord remercier la conférence des présidents d’avoir inscrit ce sujet à l’ordre du jour. Les médicaments ne sont effectivement pas des marchandises comme les autres, et la fraude met ici en jeu des vies humaines, puisque vendre un faux médicament à un malade, c’est l’empoisonner.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres qui ont été évoqués par mes collègues. Je voudrais néanmoins rappeler qu’un médicament sur quatre utilisés dans les pays en voie de développement est faux et que 200 000 décès par an pourraient être évités si les médicaments prescrits contre le paludisme étaient conformes à la réglementation et susceptibles de traiter réellement la maladie.

On l’a dit, la France est relativement épargnée par ce phénomène. Elle ne l’est pas totalement, parce qu’il existe différentes formes de trafics : la quantité de principe actif du médicament peut être trop faible ou trop forte, celui-ci peut être inexistant, voire remplacé par une substance toxique. C’est ainsi, par exemple, que l’on a récemment assisté, dans un pays d’Afrique, à la mort d’une centaine de nourrissons qui avaient absorbé du faux sirop au paracétamol.

Comme l’a souligné Gilbert Barbier, la France n’est donc pas à l’abri de ce trafic, du fait du détournement et de la vente de médicaments à d’autres fins que thérapeutiques ou de l’augmentation de la vente de faux médicaments sur Internet.

Le Conseil de l’Europe a élaboré une convention intitulée « MEDICRIME », qui doit être signée en 2011 par les ministres des affaires étrangères de quarante-sept de ses États membres.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame la secrétaire d’État, je voudrais savoir si le Président de la République a l’intention de signer l’appel de Cotonou et si la France compte s’engager concrètement dans cette lutte, au travers d’un soutien financier – par exemple, à l’Agence française de développement – et d’une pénalisation de ce trafic. Enfin, ce sujet sera-t-il porté au sein du G8 présidé par la France ?

M. Gilbert Barbier applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour une réponse qui, je le rappelle, ne doit pas dépasser deux minutes. Je souhaiterais effectivement que M. Alain Milon, dernier intervenant inscrit, puisse poser sa question.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État

Madame Hermange, il est très difficile, aujourd’hui, d’évaluer les budgets alloués spécifiquement aux actions de lutte contre le trafic de médicaments, car la comptabilité des organismes concernés ne permet pas de les mettre en exergue. Néanmoins, la lutte contre le trafic de faux médicaments est bien évidemment une priorité pour les autorités sanitaires.

S’agissant de la convention MEDICRIME, l’appel de Cotonou a effectivement donné l’élan, car l’ensemble des pays ont été invités à rejoindre une démarche visant à élaborer de bonnes pratiques internationales, afin de protéger les personnes, notamment dans les pays en voie de développement, où les besoins sont criants mais l’offre est insuffisante.

Le Conseil de l’Europe a adopté cette convention le 9 décembre 2010. La France a participé à l’élaboration du texte et a soutenu l’objectif fixé. Cette convention, premier instrument international dans le domaine du droit pénal, fait obligation aux États parties d’ériger en infraction pénale la fabrication de médicaments contrefaits.

Je le répète, la convention sera ouverte à la signature dès 2011. Nous serons bien entendu mobilisés aux côtés des autres pays concernés. Cette initiative dépasse, d’ailleurs, le cadre européen, et l’on peut souligner la mobilisation du Canada, du Japon et d’Israël, présents en qualité d’observateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je serai très brève, pour laisser du temps à mon collègue Alain Milon, mais j’aurais souhaité que Mme la secrétaire d’État nous confirme que le Président de la République signera l’appel de Cotonou et que ce sujet sera bien porté au niveau du G8.

Applaudissements sur certaines travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un médicament n’est pas un produit comme un autre ; cela a été rappelé à l’instant et l’actualité récente, avec le Mediator, le prouve. Un médicament mal utilisé ou contrefait ne soigne pas, et ses effets secondaires peuvent provoquer une grave dégradation de la santé des patients, voire entraîner la mort.

La contrefaçon de médicaments est donc criminelle !

Cela a également été rappelé, le marché de la contrefaçon est très lucratif. Il représenterait environ 10 % du marché mondial du médicament et rapporterait aux trafiquants entre 50 milliards d’euros et 75 milliards d’euros par an.

Chacun d’entre nous doit mesurer qu’il s’agit là d’un fléau aussi grave que le trafic de drogues. Dans les pays pauvres, en particulier en Afrique, ce sont ainsi des centaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants qui trouvent la mort alors qu’ils pensent se soigner.

Tous les experts le reconnaissent, c’est sur le « terreau » de la pauvreté que ce fléau prospère le mieux. L’Organisation mondiale des douanes a d’ailleurs qualifié ce trafic de « crime du XXIe siècle ».

En effet, ces médicaments contrefaits concernent le plus souvent des pathologies graves. Pire, ils peuvent contribuer à réduire à néant les efforts faits pour endiguer les grandes épidémies. Dès lors, se pose la question des moyens susceptibles d’endiguer de telles pratiques.

Il est impératif de déclarer la mobilisation générale des systèmes douaniers, des polices nationales, d’INTERPOL et de l’OMS.

Des solutions existent !

Il faut résoudre les problèmes de prévention, apporter des réponses répressives plus dissuasives, mais, surtout, il faut résoudre les problèmes financiers de l’accès aux médicaments essentiels.

Il est primordial de lutter contre le trafic de médicaments non pas parce que certains gros industriels y perdent de l’argent, mais parce que des gens en meurent !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

En cela, l’appel de Cotonou, lancé le 12 octobre 2009 et formalisé par la déclaration de Zanzibar, va dans le bon sens. Mais, après les intentions, il est temps de passer aux actes ! Cet appel doit trouver une application réelle et efficace.

Madame la secrétaire d’État, quelles sont les actions que la France entend initier avec les organisations internationales et l’ensemble des pays émergents ou en voie de développement pour contribuer à lutter efficacement contre ces activités criminelles ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État

Monsieur le sénateur, vous évoquez des points sur lesquels je suis déjà intervenue. Nous sommes tous d’accord s’agissant de la mobilisation de la France, pays leader dans la lutte contre les trafics, et assez exemplaire dans ce domaine.

Sur le plan international, un groupe a été créé en 2006 sous l’impulsion de l’OMS. Il s’agit de l’International Medical Products Anti-Counterfeiting Taskforce, IMPACT, qui rassemble les principaux acteurs concernés afin de promouvoir la collaboration et la coordination à l’échelle internationale, pour que soient mises au point et appliquées rapidement des politiques et des approches techniques nouvelles. IMPACT permet aussi un partenariat de choix entre les organisations internationales, les organisations non-gouvernementales, les organismes chargés du contrôle et de la répression, les représentants des industries pharmaceutiques, les autorités de régulation des secteurs pharmaceutiques ainsi que les associations des pays développés ou en voie de développement.

Depuis la création d’IMPACT, les participants partagent leur expertise, l’identification des problèmes, la recherche de solutions et la coordination des activités, afin que soit promue et renforcée la collaboration internationale.

La France a diligenté un envoyé spécial pour coordonner cette action aux échelons national et international. M. Thierry Le Lay est donc chargé de la lutte contre les médicaments falsifiés.

À l’échelon national, sa mission consiste à contribuer à l'élaboration des positions de la France en facilitant, le plus en amont possible, la coordination entre les ministères concernés.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État

À l’échelon international, il est notamment chargé de mobiliser notre réseau diplomatique afin de sensibiliser les dirigeants des pays concernés et de les amener à prendre la pleine mesure du fléau.

Tout cela va dans le sens de l’appel de Cotonou et de l’organisation de la mobilisation internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Je regrette que Mme la secrétaire d’État fasse dans sa réponse le même constat que nous, sans autre forme de proposition ou d’engagement.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Ma collègue Marie-Thérèse Hermange évoquait notamment la signature de l’appel de Cotonou. Je n’ai pas entendu, dans cet hémicycle, de vrais engagements en la matière de la part du Gouvernement, et je le déplore.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Madame la secrétaire d’État, mes collègues l’ont dit, du fait du développement d’Internet, tous les pays développés sont aujourd’hui concernés par la diffusion illégale de médicaments. Cette question ne concerne donc plus seulement des pays dans lesquels l’offre sanitaire est insuffisante.

La vente sans contrôle et sans ordonnance de médicaments est dangereuse en elle-même, mais elle l’est encore plus lorsqu’il s’agit, comme souvent, de médicaments contrefaits.

Une étude récente montre que près d’un Européen sur deux a d’ores et déjà acheté des médicaments sans ordonnance sur Internet, et que 62 % de ces médicaments seraient des contrefaçons contenant parfois des substances dangereuses. Il y a donc un réel risque sanitaire !

La France s’est dotée, depuis 2008, d’un plan d’action contre la cybercriminalité. En décembre 2009, le Gouvernement a annoncé la signature d’une charte de lutte contre la contrefaçon sur Internet. Cette charte implique notamment les entreprises du médicament, le LEEM et plusieurs laboratoires pharmaceutiques.

Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous dire si ces deux actions ont donné des premiers résultats ?

Je m'inquiète aussi de l'amélioration des normes relatives à la traçabilité du médicament. L'an passé, de pseudo-vaccins contre la grippe étaient vendus sur Internet. Aujourd’hui, nos messageries sont en permanence envahies de spams sur le Viagra.

Pouvez-vous nous préciser si le Gouvernement envisage de prendre des mesures pour améliorer la traçabilité de ces médicaments et pour sécuriser d’une part les voies logistiques d’approvisionnement et de distribution du médicament – le respect de la température, par exemple –, d’autre part, le produit lui-même ?

Enfin, j’ai découvert sur Internet, en préparant cette séance de questions cribles, l’existence d’une opération internationale intitulée PANGEA, qui a permis de démanteler dix-neuf sites internet illégaux en France, et cent soixante-quatre sites dans le monde. Je m’étonne que nous n’en ayons pas parlé davantage.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État

Je pense avoir évoqué tout à l’heure PANGEA III, madame la sénatrice. L’opération a impliqué plusieurs pays, sous l’égide d’INTERPOL et de l’OMS. Sont visés les sites internet revendant de façon illicite des médicaments ou des produits présentés comme tels.

Cette opération internationale annuelle a permis d’identifier cent soixante-quatre sites illégaux, dont dix-neuf sont rattachés à la France, grâce à l’intervention des services de police, de l’administration des douanes et des autorités compétentes en matière de médicaments. Elle a également reçu le concours des fournisseurs d’accès à Internet.

Onze sites ont été fermés du fait d’infractions caractérisées. Huit autres sites relèvent pour le moment de procédures judiciaires, et le secret de l’instruction ne me permet pas d’aller plus loin dans ma réponse.

La charte de lutte contre la contrefaçon sur Internet, quant à elle, a été signée en décembre 2009 sous l’égide de Mme la ministre chargée de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Les signataires de cette charte sont les plateformes de commerce électronique et les titulaires de droits de propriété industrielle, afin que soient protégés les consommateurs risquant d’être trompés. Les signataires s’engagent à informer les consommateurs, mais également les vendeurs, sur les catégories de produits les plus touchés par la contrefaçon.

L’un des objectifs est donc de porter une attention particulière au comportement du vendeur et aux informations qu’il fournira au consommateur.

Surtout, et c’est ce qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui, cette charte comporte des engagements concernant spécifiquement les médicaments. Ainsi, les plateformes de commerce électronique signataires s’engagent à mettre en place des mesures pour détecter les offres portant sur des médicaments et empêcher leur mise en ligne.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État

Si une offre n’est pas détectée avant sa mise en ligne, les plateformes s’engagent à la retirer sans délai.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ferai part des résultats du bilan de l’application de cette charte qui sera réalisé en juin 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Je renonce à mon temps de parole au profit de mon collègue Alain Milon, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est donc à M. Alain Milon, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Madame la secrétaire d'État, en intervenant en huitième position, il m’est difficile de poser des questions véritablement nouvelles !

Je voudrais cependant insister sur le fait que la lutte contre le trafic des médicaments nécessite une triple coopération : d’abord interministérielle à l’échelon national, ensuite européenne, enfin, internationale.

Au niveau national, l’ensemble des autorités administratives compétentes doivent collaborer pour permettre l’échange d’informations nécessaire à une lutte plus efficace contre les activités illicites du secteur. Il serait intéressant que vous nous précisiez quelles ont été les actions entreprises pour développer cette collaboration.

Au niveau européen, une directive est en cours de discussion afin de modifier la législation pharmaceutique dans le souci de mieux lutter contre les médicaments falsifiés. Elle tend également à proposer l’introduction de dispositifs de sécurité. Pouvez-vous nous indiquer quel sera l’impact de cette directive ?

Au niveau international, des initiatives, que nous avons largement évoquées, ont été développées – je pense en particulier aux travaux de l’Organisation mondiale de la santé et de son groupe de travail IMPACT, créé en 2006. Vous serait-il possible, madame la secrétaire d'État, de nous informer des suites qui ont été données à ces travaux ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous apporter des précisions sur le rôle qui sera joué par les autorités françaises dans la lutte contre ce fléau, en particulier en matière de prévention, et notamment dans le cadre de la signature de l’appel de Cotonou ?

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État

Monsieur le sénateur, l’une des avancées majeures de la directive que vous évoquez concerne le développement de dispositifs de sécurité obligatoires pour une certaine classe de médicaments. Rappelons que ces dispositions ne s’appliquent qu’aux médicaments à usage humain.

Cette proposition législative concerne le produit lui-même et a pour objectif de permettre aux professionnels du secteur d’identifier les médicaments falsifiés présents dans la chaîne d’approvisionnement, ce qui aboutit à une sécurisation de la distribution en gros et de la dispensation du médicament par les officines et les établissements de santé.

Le dispositif doit permettre l’identification de chaque unité de conditionnement par le biais d’un identifiant unique et la vérification tant de l’authenticité des médicaments que du caractère intact du conditionnement extérieur.

Pour ce qui est de la chaîne d’approvisionnement française, la vérification concernera les fabricants, les distributeurs en gros et les personnes autorisées à vendre des médicaments au public.

Cependant, les autorités sanitaires françaises ont pesé de tout leur poids pour que les particularités nationales de la chaîne d’approvisionnement pharmaceutique soient prises en compte. Le champ d’application de la directive concernant ces dispositifs de sécurité est donc restreint aux médicaments soumis à prescription médicale obligatoire. De manière exceptionnelle, les médicaments à prescription facultative pourront bénéficier d’un tel dispositif de sécurité.

En outre, à la demande des autorités françaises, un État membre pourra étendre spécifiquement le champ d’application des dispositifs d’inviolabilité à d’autres médicaments, dans un objectif de protection des patients, ce qui permettra de faire bénéficier les médicaments en libre accès de ces dispositifs d’inviolabilité.

Debut de section - Permalien
Nora Berra, secrétaire d'État

Je voudrais terminer en rappelant un point important : la traçabilité est, en France, une exigence réglementaire qui s’applique à l’ensemble des médicaments, et ce depuis le 1er janvier 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Dans notre pays, la médecine curative a toujours pris le pas sur la médecine préventive. En l’espèce, la prévention doit prendre le pas sur le curatif : il faut prémunir les malades contre leur naïveté face à ce fléau.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques consacrées à l’important sujet du trafic des médicaments.

Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’ordre du jour appelle le débat sur l’avenir de la politique agricole commune.

Monsieur le ministre, en ce début d’année, je tiens à vous présenter, au nom du Sénat, mes meilleurs vœux.

La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes, coprésident du groupe de travail sur la réforme de la politique agricole commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la voie de la réforme de la politique agricole commune, la PAC, est désormais ouverte. Nous avons aujourd’hui un point de départ et un repère.

Le point de départ est la communication de la Commission européenne du 18 novembre dernier, même s’il faut attendre l’été 2011 pour avoir des propositions législatives.

Le repère est la position commune franco-allemande pour une politique agricole forte à l’horizon de 2020, une position à laquelle se sont ralliées plusieurs États membres, mais pas tous.

Le silence du Royaume-Uni n’est pas surprenant, car l’aversion à la PAC est dans ce pays une sorte de ciment culturel. En revanche, la réserve de la Pologne, qui est un autre grand partenaire agricole, ne doit pas être négligée. En outre, quelques surprises ne sont pas à exclure...

Ainsi, la voie de la réforme est ouverte, mais est loin d’être déjà tracée.

Quelle que soit l’attitude des uns et des autres, on ne peut qu’être satisfait, et même soulagé, par la tournure que prend cette négociation. Quelle évolution en deux ans à peine ! Bien sûr, les circonstances ont changé et la menace de crise alimentaire a pesé, mais, comme toujours, le poids des hommes a compté davantage.

Le commissaire européen chargé de l’agriculture est un ami de la PAC. Cela se sait, cela se sent ! Mais j’ose ajouter que vous-même, monsieur le ministre, êtes un atout maître dans cette négociation, dont la clef se trouve dans la capacité à fédérer et à nouer des alliances. Vous ne ménagez pas vos efforts, et cela se sait aussi.

Lors d’une mission de notre groupe de travail commun entre la commission des affaires européennes et la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, le président du principal syndicat agricole allemand nous a confié que vous étiez venu, personnellement, huit fois de suite à Berlin pour obtenir cet accord. Cette détermination est récompensée, car la réussite est là.

De même, les motifs de satisfaction sont nombreux dans la communication de la Commission européenne. Il me suffit d’évoquer le rappel du principe de sécurité alimentaire, le maintien des aides directes, en excluant l’idée d’un taux unique à l’hectare en Europe, le soutien aux petites structures et aux zones à handicap et le rappel de l’importance des services fournis par les agriculteurs, y compris environnementaux.

Cette évocation permet de retrouver une légitimité et un appui populaire. La PAC est une politique pour tous qui sert l’ensemble des citoyens.

L’orientation générale est donc satisfaisante. Toutefois, l’organisation d’un débat au Sénat n’aurait pas de sens si nous nous contentions de nous adresser des louanges et de déclamer notre confiance.

En effet, ces motifs de satisfaction ne doivent pas cacher quelques inquiétudes, que je présenterai en deux volets.

En premier lieu, la communication de la Commission européenne suscite quelques réserves qui sont autant d’interrogations.

La première de ces réserves porte sur le silence gardé sur le budget.

C’est évidemment un choix qui a ses avantages, car, pour la première fois, on parle du fond avant de parler des crédits. Mais la question budgétaire se posera bientôt et elle risque de perturber nombre de nos attentes. À enveloppe budgétaire constante – on ne voit pas comment il pourrait en être autrement dans les circonstances financières actuelles ! –, plusieurs États membres n’en font pas mystère, s’il fallait arbitrer entre politique de cohésion et PAC, ils choisiraient la première.

Je n’ose pas dire : « Et nous ? », mais cette question ne peut être éludée. Le nouveau périmètre ministériel étendu à l’aménagement du territoire vous place d’ailleurs, monsieur le ministre, dans une situation d’arbitrage en la matière.

La deuxième réserve porte sur les absences.

Le concept de régulation semble abandonné. L’intervention n’est conservée qu’au titre de filet de sécurité. Mais, en réalité, ce filet sécurise de moins en moins.

Par ailleurs, le terme « alimentation » est quasi absent. Il figure certes dans le titre, mais nulle part ailleurs. Or je suis de ceux qui pensent que la PAC aurait retrouvé une légitimité si, au lieu de parler d’« aides aux revenus », on avait parlé d’« alimentation ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Mais a-t-on jamais fait cette proposition ? Si oui, n’a-t-elle pas été écartée pour éviter les difficultés et les transferts financiers entre secteurs qu’elle aurait entraînés ?

La troisième réserve porte sur les contradictions internes.

Peut-on vraiment croire la Commission européenne quand elle annonce une simplification, alors que, de toute évidence, le système sera encore plus compliqué ?

En effet, que propose la Commission ? Un système d’aide en strates, ou, pour reprendre une expression italienne, un « système en lasagnes », avec des conditionnalités spécifiques propres à chaque couche. C’est très bien de penser à l’opinion, mais il faut aussi penser aux agriculteurs ! Or n’est-ce pas l’occasion de les écouter quand ils demandent moins de règles, moins de procédures, moins de suspicion, moins de paperasserie, moins de conditionnalités en cascade ?

La réforme de la PAC ne pourra se faire sans les agriculteurs, ni a fortiori contre eux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

La quatrième réserve est plutôt un appel au Gouvernement.

Cette réforme doit s’atteler à redonner une légitimité à une politique qui l’a perdue et à « redonner du sens à la PAC », pour reprendre le titre du rapport d’information que notre groupe de travail a récemment déposé.

À ce titre, nous suggérions plusieurs réformes.

Sur la forme, il s’agirait de replacer le mot « agriculture » dans le cadre financier pluriannuel ou de changer l’expression, si maladroite, de « droit à paiement », par exemple.

Sur le fond, nous avancions l’idée de moduler les aides directes en fonction du degré de regroupement professionnel, afin de favoriser l’émergence d’organisations de producteurs capables de parler d’égal à égal avec les industriels. La réglementation communautaire va, certes, le permettre, mais il nous faut favoriser ces organisations. C’est un point essentiel, dont les agriculteurs et, peut-être, les responsables politiques n’ont pas encore mesuré l’impact.

Nous proposions aussi de clarifier le partage entre les deux piliers en suivant une logique politique, avec un premier pilier résolument agricole et un deuxième résolument territorial et environnemental. Cette distinction éviterait beaucoup de confusion, qui me semble être le point faible de la communication de la Commission européenne.

En second lieu, et sur le fond, mon inquiétude porte sur ce qu’il est convenu d’appeler le « verdissement de la PAC ».

Ce verdissement consiste à conditionner les aides communautaires en subordonnant leur octroi à des critères environnementaux. C’est déjà le cas aujourd’hui, mais le système serait amplifié.

Une meilleure intégration des objectifs environnementaux dans la PAC est nécessaire, inéluctable, inattaquable. Elle n’offre que des avantages pour la société dans son ensemble et pour les agriculteurs eux-mêmes. L’agriculture doit être en phase avec la société, et la société a cette exigence.

L’environnement est au cœur de la communication de la Commission européenne. Le mot est utilisé trente-cinq fois, alors que le mot « alimentation » ne l’est, je le répète, qu’une fois…

Si vous me permettez ce trait, le verdissement est le fil rouge de la Commission européenne. Mais quelle ironie de voir la Commission européenne évoquer la simplification de la PAC, alors qu’elle ne fait, me semble-t-il, que la compliquer en conditionnant davantage encore les aides directes et en chevauchant les deux piliers !

Je le répète, il ne s’agit surtout pas de nier l’importance de l’environnement – le rapport d’information de notre groupe de travail contient même en filigrane l’ébauche d’une véritable politique de l’environnement –, mais il convient simplement de ne pas tout mélanger, la PAC – la politique agricole – et, si je puis dire, la PEC – la politique de l’environnement –, afin de bien distinguer l’objectif d’une politique agricole et les conditions pour y parvenir.

Verdir n’est pas le problème, mais que verdir ? comment verdir ? et, surtout, jusqu’où verdir ? Telles sont les questions qui se posent, car c’est l’opportunité d’un verdissement accru du premier pilier qui doit être débattue.

Le système actuel prévoit l’écoconditionnalité. S’agissant d’un soutien vital pour les agriculteurs, faut-il aller plus loin ? Pourquoi ne pas centrer les aides environnementales sur le deuxième pilier ? Dans la PAC, l’environnement a sa place, mais il doit trouver sa juste place et non pas se substituer au principal. Nous croyons que la PAC est encore une politique agricole et nous espérons qu’elle le reste.

Je souhaite que l’Europe ait, sur ce point, une approche réaliste et non idéologique et médiatique. J’en appelle à la raison et au bon sens, en espérant que le sens commun soit aussi le sens communautaire.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.- M. Raymond Vall applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. le président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, coprésident du groupe de travail sur la réforme de la politique agricole commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme de la politique agricole commune est un feuilleton permanent, qui nous tient régulièrement en haleine, parce que la PAC, seule politique communautaire pleinement intégrée, conditionne grandement l’avenir de notre agriculture.

L’enjeu n’est pas mince : en France, la PAC représente 10 milliards d’euros par an au titre des soutiens publics aux exploitations agricoles. Elle permet de maintenir une agriculture dans des territoires qui, sans cela, seraient abandonnés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Mais la PAC va bien au-delà de sa dimension financière : déjà, elle impose aux agriculteurs européens le respect de normes environnementales ou concernant le bien-être animal qui sont les plus rigoureuses au monde.

En bref, la PAC structure très fortement l’agriculture européenne. Sa réforme est inscrite dans l’agenda européen de 2011 : tant le cadre financier que le régime d’aides et les règles d’organisation des marchés agricoles doivent être définis pour la période 2014-2020.

Les discussions vont s’engager sur la base de la communication de la Commission européenne de novembre dernier pour aboutir probablement en 2012. Les négociations sur les prochaines perspectives financières et celles qui portent sur les futurs instruments de la PAC seront d’ailleurs menées en parallèle.

La commission de l’économie et la commission des affaires européennes du Sénat ont décidé d’intervenir conjointement très en amont dans le processus, afin de pouvoir peser – c’est ce qu’elles espèrent ! – avant que les décisions définitives ne soient prises.

Le groupe de travail commun sur l’avenir de la politique agricole commune, constitué en mai dernier, a rendu un premier rapport au mois de novembre dernier, avant même la communication de la Commission européenne. Nous avons voulu ainsi mettre en avant des propositions fortes, des priorités, qui devront être défendues dans la négociation à venir.

Laissez-moi, mes chers collègues, vous faire part de quatre points clés de nos propositions, qui s’inscrivent tout à fait dans le souci de conserver une PAC forte après 2013.

Le premier point concerne la régulation.

Les réformes de la PAC qui se sont succédé depuis 1992 ont orienté de plus en plus cette politique vers les marchés. Les aides ont été découplées et les outils d’intervention communautaires ont été réduits, voire supprimés, l’agriculteur devenant dépendant d’un prix de marché qui est de plus en plus un prix mondial. Dans un contexte de volatilité accrue des prix, l’agriculteur voit donc ses revenus varier très fortement d’une année sur l’autre.

Dès lors, comment faire en sorte pour que les marchés soient mieux régulés et que les mouvements observés soient atténués ? La lutte contre la spéculation sur les marchés dérivés de produits agricoles est essentielle, et il en sera d’ailleurs question dans le cadre du G20.

Mais la crise du lait a montré qu’il fallait aussi pouvoir déclencher des mesures de stockage pour stabiliser les cours.

La Commission européenne a proposé, au mois de décembre dernier, un règlement encourageant la contractualisation entre les acteurs de la filière, et je vous remercie, monsieur le ministre, d’y avoir participé activement. C’est la voie qui avait d’ailleurs été choisie dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dont notre collègue Gérard César était le rapporteur et que nous avons adoptée en juillet2010.

Pour le groupe de travail, la nouvelle PAC ne pourra évidemment pas faire abstraction des marchés, mais elle devra conserver un objectif de régulation, avec des instruments adaptés et réactifs.

Le deuxième point est relatif aux aides directes.

Le régime des aides directes doit évoluer pour être plus juste et plus acceptable par tous. Entre les États, d’abord, le rééquilibrage pourra prendre la forme d’une convergence progressive des niveaux d’aide. Un montant unique européen d’aide à l’hectare est, en effet, inacceptable par ses effets redistributifs trop massifs, au détriment de la France.

Notons au passage que, dans sa communication, la Commission européenne ne propose pas de passer brutalement aux montants uniques à l’hectare.

Au sein des États, ensuite, les modalités de calcul des aides directes devront évoluer. Les références historiques créent entre agriculteurs voisins des inégalités fortes qui ne sont plus explicables. Le groupe de travail a donc proposé une évolution vers la convergence des montants d’aide à l’hectare de base uniques au sein des États membres.

La fin des références historiques devra-t-elle être brutale ? L’aide unique à l’hectare doit-elle être mise en œuvre sur une base nationale ou sur une base régionalisée ? Ces questions restent ouvertes.

Le troisième point porte sur les marges de manœuvre nationales.

Le groupe de travail souhaite que la PAC reste largement une politique communautaire. L’existence de trop fortes marges d’adaptation nationale de la PAC, y compris à travers des cofinancements nationaux, peut créer des distorsions de concurrence ravageuses à l’intérieur de l’Union européenne.

Toutefois, le groupe a estimé que certaines marges de manœuvre devraient être laissées aux États, conformément à ce que permet aujourd’hui le bilan de santé de la PAC dans le cadre dit « de l’article 68 », avec deux objectifs : d’une part, un objectif de soutien spécifique propre à certains secteurs et nécessaire à leur survie ; d’autre part, un objectif de soutien à la souscription d’assurances par les agriculteurs pour leur permettre de faire face aux risques climatiques.

La gestion des risques est devenue un enjeu crucial. Nous avons pu nous en rendre compte lors de la discussion de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Le soutien à la démarche de gestion des risques doit couvrir aussi le secteur animal, en permettant d’alimenter des fonds sanitaires.

Le quatrième et dernier point concerne le « verdissement de la PAC », déjà évoqué par Jean Bizet.

C’est la voie stratégique privilégiée par la Commission européenne, qui, dans son scénario central, propose à la fois le verdissement du premier pilier et le maintien d’objectifs de lutte contre le changement climatique ou de mesures environnementales dans le deuxième pilier.

Le groupe de travail estime qu’il ne faut pas opposer agriculture et environnement. Mais il est nécessaire de clarifier les objectifs des deux piliers et de disposer d’enveloppes claires pour chacun de ces piliers, sans modulation entre eux, laquelle introduit plutôt de la confusion. Un schéma est joint au rapport du groupe de travail pour expliquer l’articulation souhaitée entre les deux piliers.

En effet, la politique agricole commune doit rester une politique économique avant d’être une politique environnementale. Les aides du premier pilier doivent donc regrouper toutes les mesures de soutien économique aux agriculteurs : aides directes, dépenses d’intervention, actions en faveur de la compétitivité des exploitations.

Les mesures en faveur des territoires, comme l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, et les mesures en faveur de l’environnement, comme les actions agro-environnementales, doivent en revanche relever du deuxième pilier.

Ce schéma a l’avantage de la simplicité et de la cohérence. Rendre la PAC plus compréhensible pour les agriculteurs et pour le grand public est, en effet, l’une des conditions de son acceptation.

Tels sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les éléments de réflexion du groupe de travail que je voulais vous livrer. Naturellement, cette réflexion ne demande qu’à être affinée et approfondie.

Le groupe de travail va poursuivre sa mission. De nouvelles rencontres avec nos partenaires européens seront organisées, dans une démarche parallèle à la vôtre, monsieur le ministre. Mais nous avons là une base de travail commune. À charge pour nous, maintenant, de convaincre !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Bernadette Bourzai, coprésidente du groupe de travail sur la réforme de la politique agricole commune, et en remplacement de Mme Odette Herviaux, coprésidente du groupe de travail sur la réforme de la politique agricole commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

, et en remplacement de Mme Odette Herviaux, coprésidente du groupe de travail sur la réforme de la politique agricole commune. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ma qualité de coprésidente du groupe de travail du Sénat sur la politique agricole commune, et au titre de la commission des affaires européennes, je vais, à mon tour, vous faire part de mes observations sur l’avenir de cette politique essentielle à nos territoires.

En outre, je vous donnerai connaissance des observations de Mme Herviaux, coprésidente du groupe de travail au titre de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui ne peut pas être avec nous aujourd’hui.

Je précise tout d’abord que mon propos s’inscrit dans le cadre de la coprésidence du groupe de travail. Les conclusions de ce groupe, parues quelques jours avant la communication officielle de la Commission européenne sur l’avenir de la PAC, sont, pour la plupart, consensuelles. Toutefois, le groupe socialiste, dans une contribution qui est annexée au rapport, a exprimé quelques points divergents que mes collègues socialistes développeront tout à l’heure.

Comme la Commission européenne dans sa communication, nous partons, dans notre rapport, d’un constat : la PAC a besoin aujourd’hui d’être à nouveau légitimée auprès de nos concitoyens.

L’objectif de sécurité alimentaire est celui qui permet de rassembler un large soutien autour de la PAC. Chacun est en effet en mesure de comprendre que l’alimentation constitue un enjeu majeur pour notre avenir.

La PAC a d’ailleurs eu pour objectif historique premier de développer la production agricole afin de nourrir les Européens ; on parlait alors d’autosuffisance alimentaire.

La communication de la Commission se situe dans le prolongement de cette vision, en indiquant, en introduction, que la PAC doit « Préserver durablement le potentiel de production alimentaire de l’UE afin d’assurer la sécurité alimentaire à long terme pour les Européens ».

Le groupe de travail insiste également sur cette dimension de la PAC, une dimension essentielle et qui doit demeurer. Nous notons d’ailleurs que continuer à produire des denrées alimentaires en Europe est une précaution que l’Union européenne doit au monde, sachant que la demande dans ce secteur pourrait augmenter de 70 % d’ici à 2050, sous l’effet notamment de la croissance démographique. L’Union européenne a par conséquent une responsabilité en termes de satisfaction des besoins mondiaux.

Ensuite, pour que l’agriculteur européen continue de produire, il faut qu’il puisse disposer d’un revenu décent et durable. Le groupe de travail a admis que la répartition des aides compensatrices au revenu, les droits à paiement unique établis sur les références historiques, était obsolète et qu’il fallait une répartition plus juste et plus équitable en direction des secteurs de production, des exploitations et des régions qui en ont le plus besoin.

En effet, l’agriculteur travaille aujourd’hui dans un contexte de très forte volatilité des marchés. Il est donc indispensable de réhabiliter la régulation, qui permet de lutter contre la spéculation et d’amortir les fluctuations de revenus des agriculteurs.

Le grand danger est bien là : la disparition de pans entiers de notre agriculture à l’occasion de fortes crises conjoncturelles. Il n’y a donc pas d’agriculture durable sans régulation.

À cet égard, le groupe de travail considère que la notion de filet de sécurité sur les marchés agricoles, pierre angulaire de l’intervention selon la Commission européenne, est actuellement insuffisante pour lutter efficacement contre la spéculation sur les matières premières agricoles.

Il faut aussi que les instruments d’intervention soient mobilisés plus vite, et aussi que l’Europe s’arme pour prévenir les crises, plutôt que de réagir une fois que celles-ci sont installées.

Autre constat en partie lié au précédent : l’activité agricole s’exerce dans un contexte international nouveau. Ouverte sur les marchés, l’agriculture européenne est soumise à rude concurrence, une concurrence qui ne se fait pas toujours à armes égales.

Le groupe a donc souligné que les échanges agricoles internationaux devaient se faire dans le respect du principe de réciprocité, notamment quant aux conditions sanitaires, sociales et environnementales de production.

Plus globalement, l’Europe ne doit pas se désarmer de manière unilatérale dans les négociations commerciales internationales de l’Organisation mondiale du commerce, et l’agriculture ne doit pas en être la variable d’ajustement, comme nous pouvons le craindre, notamment dans le cadre des projets d’accords avec le MERCOSUR.

Au libre-échange, je propose, avec les socialistes, de substituer la notion de « juste échange » entre les grandes zones de production et de consommation.

Enfin, un élément a sous-tendu notre réflexion : la PAC, dans sa version d’après 2013, ne devra pas remettre en cause notre modèle agricole, fait d’exploitations à taille humaine, diverses, occupant des territoires très différents.

Le lien essentiel entre agriculture et territoires doit être préservé, faute de quoi nous assisterons à une désertification rapide et massive des zones rurales défavorisées. En effet, l’activité agricole constitue encore l’activité principale des zones rurales ; elle tient et entretient les territoires ruraux.

Par ailleurs, l’existence d’une diversité des productions alimentaires, d’une diversité des zones de production, a elle-même une valeur. Cette diversité doit être préservée par la future PAC pour répondre à la demande des consommateurs, qui se tournent de plus en plus vers des produits de qualité.

La Commission propose à juste titre de maintenir des mécanismes comme l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, mais il faut que les autres outils de la PAC contribuent aussi à cet objectif de préservation de l’activité agricole dans tous les territoires et au maintien, voire à la création d’emplois dans les territoires ruraux.

Il est rassurant de constater que la Commission, dans sa communication, envisage un régime de soutien simple et spécifique pour les petits exploitants.

En outre, l’agriculture jouant un rôle majeur dans l’aménagement du territoire, la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique, qui, selon la formule de notre collègue Jean-Paul Emorine, sont notre « patrimoine commun », j’estime que cette fonction essentielle exercée par l’agriculteur doit aussi être rémunérée.

Enfin, les questions environnementales sont cruciales. La conditionnalité environnementale des aides doit naturellement être maintenue, même si la Commission propose parallèlement d’en simplifier les règles. Il ne faut pas baisser la garde en matière d’exigences environnementales, mais il faut simplifier, harmoniser et faciliter l’acceptation de la PAC et de ses conditions par les agriculteurs eux-mêmes.

Globalement, mais vous avez entendu quelques nuances, le « verdissement » n’a pas rencontré d’hostilité de principe du groupe de travail dès lors, bien entendu, que la PAC ne se transforme pas en politique environnementale et que les contraintes fixées sont équilibrées par des compensations financières, ce qui suppose un budget important pour la future PAC. Mais là, c’est un autre problème !

Dernière remarque, le groupe de travail propose que le volet « développement rural » de la PAC s’attache à la création d’emplois agricoles, les activités non agricoles en zone rurale relevant plutôt des instruments de la politique régionale, qu’il conviendra d’articuler avec les outils de la PAC pour une véritable politique de développement rural.

Je voudrais maintenant vous faire part des trois constats de Mme Herviaux qui complètent mes propres observations.

Premier constat : l’état d’esprit a changé en Europe sur la réforme de la PAC.

La crise très violente que l’agriculture européenne vient de traverser – je pense au secteur laitier mais aussi aux émeutes de la faim de 2007 et de 2008 – ainsi que l’insécurité alimentaire au niveau mondial ont changé la donne.

À cet égard, il convient de noter le retour en grâce de la régulation, que beaucoup n’hésitaient pourtant pas à confondre avec l’économie administrée. Le commissaire européen Dacian Cioloş est lui-même, je peux en témoigner, sur une ligne bien moins libérale que Mariann Fischer Boel. J’en veux pour preuve notamment les propositions de modification de l’Organisation commune de marché unique qui viennent d’être faites sur le lait par la Commission européenne et qui visent à encadrer le marché du lait ; j’en dirai quelques mots plus loin.

Ce changement est notable aussi dans une majorité d’États membres, désormais plus réceptifs à la régulation. Vous y avez beaucoup travaillé, monsieur le ministre, je vous l’accorde.

De plus, le Parlement européen jouera un rôle important dans la réforme de la PAC, puisque les nouveaux règlements communautaires devront être adoptés selon la procédure de codécision. Les parlementaires européens se sont exprimés en faveur d’une PAC forte après 2013. Le rapport de George Lyon, de juillet 2010, constitue un travail remarquable et traduit, lui aussi, ce changement d’état d’esprit.

Deuxième constat : la compétitivité a été mise au cœur des politiques agricoles. C’est là l’effet des réformes successives de la PAC consistant à abandonner la politique de soutien par les prix, en laissant les prix agricoles suivre les prix mondiaux. Finalement, le différentiel de compétitivité n’est plus compensé que par les aides directes.

Mais je tiens à souligner ici qu’une vision trop réductrice de la notion de compétitivité peut avoir des conséquences néfastes. L’Union européenne a en effet tout à perdre d’une course aux prix les plus bas, car des pays produiront toujours moins cher.

De plus, cet impératif conduirait à imposer un modèle agricole unique, celui de la grande exploitation, des productions uniformisées et des territoires indifférenciés. La recherche aveugle de la compétitivité à outrance entraînerait, en l’occurrence, beaucoup de dégâts sociaux et environnementaux.

Une politique agricole et alimentaire commune, car c’est bien là le sens que nous lui donnons, doit également encourager les productions de qualité, et la qualité se paye ! Elle doit se traduire par une meilleure valorisation des produits écoresponsables, une meilleure qualité sanitaire, une meilleure rémunération pour les producteurs.

Troisième constat : un nouveau thème émerge aujourd’hui, celui de la répartition de la valeur ajoutée, sur lequel nous regrettons fortement le mutisme actuel de la Commission.

L’agriculteur est le premier maillon de la chaîne dans les filières agroalimentaires face à quelques gros industriels et à une poignée de distributeurs.

À ce propos, permettez-moi, monsieur le ministre, d’évoquer à titre personnel les négociations difficiles de novembre dernier entre l’entreprise Bigard, dont l’un des abattoirs se trouve à Égletons, ville dont j’ai été l’élue, et les éleveurs bovins du bassin allaitant, qui auraient aimé être eux aussi concernés par l’augmentation de 66 % du revenu des agriculteurs. Ce n’est, hélas, pas le cas !

Les marges de négociation de l’agriculteur sont donc souvent limitées et il se voit imposer des prix qui ne couvrent pas, ou à peine, ses coûts de production, d’où le scepticisme des syndicats et des éleveurs devant les conclusions du rapport Chalmin, qui vous a été rendu la semaine dernière.

Les études de l’INSEE montrent qu’en France les prix des productions agricoles se sont effondrés de moitié, en termes réels, en quarante ans. Dans le même temps, les prix à la consommation n’ont pas baissé.

Au plan européen, cette problématique commence à peine à être traitée. Le rapport de juillet 2010 du groupe de haut niveau sur le lait avait relevé des déséquilibres très importants entre les différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement. Ses propositions visaient à favoriser les organisations de producteurs et à donner un rôle accru aux organisations interprofessionnelles en matière de transparence des marchés, par la communication des prix et des volumes échangés. De telles préconisations vont dans le bon sens, mais la récente crise du lait en France a démontré que les pouvoirs publics devaient assumer une certaine responsabilité dans l’encadrement de ces négociations interprofessionnelles et jouer un rôle de régulateur.

Il serait aussi important que les règles de la concurrence applicables au secteur agricole soient assouplies. Or la communication de la Commission n’aborde pas cette question, alors que le commissaire à l’agriculture et au développement rural avait pris des engagements à cet égard.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Gérard César applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Dans la suite du débat, nous en sommes parvenus aux interventions des orateurs des groupes.

La parole est à M. Michel Billout.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur l’avenir de la politique agricole commune, sujet lourd de conséquences sociales, environnementales et économiques, fait suite au rapport d’information intitulé « Redonner du sens à la PAC ». Il s’inscrit également dans le processus de réforme de la politique agricole commune, qui a donné lieu à une résolution du Parlement européen et, dernièrement, à une communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Comité des régions. Cet été, des propositions législatives devraient être présentées par la Commission européenne ; s’ensuivra alors la procédure de codécision, appliquée pour la première fois dans le cadre d’une réforme de la PAC.

Le présent débat est donc l’occasion de faire entendre la voix des parlementaires nationaux et de montrer que l’on peut construire une PAC qui garantisse la sécurité alimentaire, valorise les territoires, préserve les ressources naturelles et réponde au problème majeur et récurrent de la faiblesse des revenus agricoles.

Le texte d’orientation présenté par le commissaire européen comporte sans aucun doute des points positifs : la mise en place d’un mécanisme d’aides incitatives dès lors que l’environnement est valorisé, la volonté de mieux aider les petites exploitations, avec un ciblage au plus près des territoires, ainsi que la prise en compte de la notion d’agriculteur actif.

Cela étant, il est important de ne pas faire preuve d’angélisme et de bien comprendre que, pendant que nous discutons de l’avenir de l’agriculture, d’autres sont sur le point de le sceller. En effet, M. David Walker, président des négociations sur l’agriculture dans le cadre de l’OMC, a confirmé que celles-ci entreront dans leur phase finale à partir du 17 janvier prochain, en vue de l’élaboration d’un projet révisé de « modalités » quasiment définitif d’ici à la fin du mois de mars et de la conclusion complète du Cycle de Doha avant la fin de l’année.

Or, à la lecture de la partie consacrée à l’agriculture de ce projet révisé de modalités – il date du 6 décembre 2008, mais reste le document de travail principal –, on s’aperçoit qu’un certain nombre de questions seront réglées dans ce cadre-là. Cela donne un avant-goût amer de ce que pourrait être la nouvelle PAC : une politique fidèle au dogme ultralibéral, sous couvert de restrictions budgétaires.

Ainsi, dans le cadre des négociations actuelles, certains pays, les États-Unis et le Brésil notamment, souhaiteraient empêcher l’Union européenne de conserver des outils de régulation ou de gestion de crise. D’ores et déjà, il a été convenu de supprimer les subventions à l’exportation dès 2013 en cas d’accord. Une telle mesure concernerait également les subventions déguisées en crédit ou en aide alimentaire autre que d’urgence et celles qui sont relatives aux activités d’exportation des entreprises commerciales. Pour le soutien interne, le plafond de la boîte orange devrait être réduit, tandis que la boîte bleue serait plafonnée. Pour l’accès au marché, il semblerait qu’il soit convenu d’une modalité de réduction par bande tarifaire, les droits de douane les plus élevés devant être revus à la baisse.

Dans ce contexte, vous avez déclaré, monsieur le ministre, que, « aujourd’hui […], le budget de la PAC est sécurisé […], la régulation des marchés a pris la place de l’idée folle de libéralisation des marchés agricoles et ça, on le doit à l’action volontariste de la France ». Permettez-moi d’être moins optimiste que vous, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, comme vous le savez, l’agriculture est un secteur particulier, caractérisé par un cycle de production à long terme et exposé à la volatilité extrême du marché ainsi qu’aux catastrophes naturelles.

Le manque d’élasticité de la demande et la grande dépendance des agriculteurs par rapport aux acheteurs, qui décident des prix, imposent une réforme en profondeur de la gestion de l’offre et un contrôle des prix aux niveaux européen et mondial.

Cette question fut également abordée avec vous lors des débats sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, au travers de notre demande de généralisation du coefficient multiplicateur.

La volatilité néfaste des prix agricoles a été renforcée par les phénomènes de spéculation sur les matières premières agricoles. Ainsi, M. Olivier de Schutter, rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation, a largement décrit et dénoncé « le processus d’acquisition et de location de terres à grande échelle [qui] s’est accéléré après la crise mondiale des prix alimentaires de 2008. […] Les investisseurs privés, y compris les fonds d’investissement, sont de plus en plus attirés par le secteur agricole et spéculent de plus en plus sur les terres arables. »

La spéculation sur les matières premières agricoles a bien entendu des conséquences sur le cours des prix des produits agricoles. Pourtant, cette question n’apparaît pas dans les négociations internationales et européennes.

Les mesures annoncées pour lutter contre les dérives de la spéculation financière dans le cadre du G 20 sont en effet bien dérisoires au regard de l’ampleur du phénomène. Le Président de la République a ainsi déclaré que, « sur la volatilité du prix des matières premières, nous avons obtenu de mandater les organisations internationales dans le domaine de l’énergie comme dans celui de l’agriculture pour produire expertises et recommandations en vue de décisions sous notre présidence ». Vous l’avouerez, la situation mériterait des engagements plus forts !

En effet, sans un encadrement des prix et une interdiction de toute spéculation sur les denrées et les terres agricoles, l’Union européenne ne pourra garantir des prix rémunérateurs aux agriculteurs, sans compter que la spéculation multiplie les échanges, et donc les transports, au mépris des objectifs environnementaux que s’est fixés la communauté internationale.

Ensuite, pour ce qui concerne le maintien des aides, la PAC a perdu beaucoup de sa légitimité dans la mesure où 20 % des agriculteurs perçoivent 80 % des aides et que les plus gros bénéficiaires ont pu être le prince de Monaco ou la reine d’Angleterre !

M. le ministre sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Il serait également nécessaire, à l’avenir, de simplifier le versement des aides de la PAC. Cette année, par exemple, les éleveurs ont rencontré des difficultés à cet égard, entre la modulation de 8 %, le versement des aides en plusieurs fois et l’application des coefficients stabilisateurs.

Ces aides sont nécessaires, mais elles ne constituent toujours pas des réponses adaptées au problème des revenus des exploitants. La question du revenu agricole doit selon nous prendre une place centrale dans la réforme de la politique agricole commune. Il est urgent de mettre un terme au dumping social au sein de l’Union européenne et de procéder à une harmonisation par le haut des salaires et des normes sociales pour les travailleurs du secteur. À cet égard, nous estimons que la « convergence des aides » peut être utilisée comme un levier incitatif.

Le Parlement européen, dans sa résolution sur l’avenir de la politique agricole commune après 2013, considère que « la PAC doit répondre immédiatement aux effets de la crise économique sur les entreprises agricoles, tels que le manque d’accès au crédit pour les agriculteurs, les pressions exercées sur les revenus agricoles et la hausse du chômage dans les zones rurales ». Il estime à ce titre que la réduction des paiements directs dans le cadre du premier pilier aurait des conséquences dévastatrices.

Nous soutenons ces positions ; il convient d’étendre l’application du principe de subsidiarité, de plafonner les aides et de les lier à l’emploi.

À l’inverse, les propositions de la Commission relatives à la rémunération du travail restent très en deçà de nos attentes. Aucun mécanisme comparable au système de préférence communautaire n’est proposé.

Malgré la crise du secteur laitier et l’importance avérée des instruments d’intervention publique sur le marché, la Commission souhaite rationaliser et simplifier les outils existants. Il est vrai qu’un certain nombre d’entre eux risquent de tomber sous le coup des accords de Doha. Comme nous l’avons dit, les restitutions à l’exportation devraient être interdites dans le cadre de l’OMC, et les droits de douane et les contingents largement limités.

La suppression des quotas pour le lait et, à moyen terme, pour le sucre dans le cadre d’un marché ouvert aboutira à une baisse des prix au détriment des producteurs, en situation de dépendance face aux secteurs de la transformation et de la grande distribution.

Nous regrettons d’ailleurs que la Commission n’aborde pas la question de la répartition de la valeur ajoutée dans la filière agroalimentaire, et nous sommes très sceptiques quant à l’efficacité de la contractualisation pour corriger le déséquilibre des relations commerciales.

Enfin, il serait regrettable que la nouvelle politique agricole s’affranchisse de la question de la dépendance de l’Europe en matière de protéines, au moment où l’ensemble des productions européennes riches en protéines végétales ne couvrent que 24 % des besoins des élevages, et seulement 1 % des besoins en soja.

Pour répondre à ces besoins, l’Union européenne se tourne vers l’extérieur, notamment vers le continent américain. Or les importations de protéines végétales posent des problèmes majeurs sur plusieurs plans.

D’abord, les producteurs sont dépendants de la fluctuation des prix des produits sources de protéines végétales, notamment du tourteau de soja. Ces prix sont susceptibles d’augmenter avec la croissance de la demande à l’échelle mondiale, en particulier de celle des pays d’Europe centrale et orientale et de l’Asie.

Ensuite, ces productions ont un impact social et environnemental important, notamment en Amérique du Sud, d’où provient 85 % du soja importé par l’Union européenne, du fait des changements directs et indirects d’affectation des sols – selon l’IEEP, l’Institute for european environmental policy, la hausse des prix du soja en 2007 aurait amené un doublement en quatre mois des surfaces soumises à la déforestation –, de l’utilisation accrue de pesticides et de la pression exercée sur les petits paysans.

Pour conclure, aux yeux des membres du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, l’agriculture ne peut être considérée comme un secteur marchand banal. Notre position sur ce point est claire : il faut sortir l’agriculture du cadre de l’OMC.

En effet, les politiques agricoles et alimentaires doivent être détachées de toute forme de dumping social, économique ou environnemental. Des règles nouvelles doivent prévaloir : soutien à l’agriculture paysanne et à la pêche artisanale, fondé sur les connaissances agro-écologiques ; prix agricoles rémunérateurs et non spéculatifs ; relocalisation des productions ; promotion de garanties sociales et environnementales ; valorisation des circuits courts et limitation des échanges à la diversification.

Il s’agit là d’enjeux humains et environnementaux incontournables. Pour nous, la sécurité alimentaire reste le défi central pour l’agriculture, non seulement pour l’Union européenne, mais pour le monde. Selon la FAO, la demande alimentaire mondiale devrait doubler d’ici à 2050. Aujourd’hui, en Europe, plus de 40 millions de personnes pauvres ne bénéficient pas d’une alimentation suffisante. La politique agricole que nous mènerons ne sera ni juste, ni solidaire, ni susceptible de garantir des prix rémunérateurs, un développement durable des territoires et la préservation des ressources naturelles si elle reste soumise aux politiques commerciales déterminées au sein de l’OMC. Non seulement le système actuel est délétère pour l’agriculture européenne, mais il conduit à exploiter indignement les pays du Sud et à affamer les populations. Lors de la réunion de Paris pour l’avenir de la PAC, qui s’est tenue le 10 décembre 2009, vous déclariez, monsieur le ministre, que « l’agriculture, c’est la conception que l’on se fait de notre avenir en Europe et de l’avenir de l’Europe dans le monde ». Cet avenir, nous souhaitons le garantir à notre agriculture, mais certainement pas au détriment des pays du Sud, ni pour le plus grand profit des spéculateurs !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC -SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique agricole commune appartient à l’histoire de la construction européenne. Elle tient une place comparable à celle des premiers accords sur le charbon et l’acier dans le panthéon européen des accords politiques.

Toutefois, après toutes les étapes que nous avons connues avec l’élargissement de l’Union européenne et les négociations au sein de l’Organisation mondiale du commerce, la politique agricole commune est aujourd’hui remise en cause, du fait de la marchandisation des productions agroalimentaires et de ses propres errements, qui ont engendré parfois des effets pervers, telle la surproduction, accompagnée de difficultés de financement et d’une mauvaise répartition des revenus.

Cependant, de nombreux succès peuvent être mis à l’actif de la politique agricole commune. Ainsi, depuis 1962, année du premier règlement européen, la part des dépenses alimentaires dans les revenus disponibles des ménages est passée de 42 % à 15 %. Par ailleurs, en dépit des procès qui sont régulièrement instruits contre la « malbouffe », on ne peut que constater que l’espérance de vie des Français est parmi les plus élevées du monde et qu’elle continue à croître. C’est le signe que le productivisme – souvent confondu avec la productivité –, indispensable pour répondre au défi posé par la croissance de la demande en matière d’alimentation, a su concilier l’accroissement des volumes et le respect des exigences institutionnelles, alors que les enjeux nutritionnels sont souvent devenus des débats de société.

On constate en outre que l’Europe est devenue le deuxième exportateur mondial dans le secteur agricole, en une période où l’environnement international s’est modifié. Nous sommes en train de passer rapidement d’un monde dominé par l’Occident à un monde de partenariats multipolaires, avec l’émergence de préoccupations environnementales et de pénuries de matières premières.

Dans ce contexte, je souhaite que l’on révise, en fonction des rapports de force et de nos propres contraintes, les trois concepts fondateurs de la PAC, à savoir l’unité de marché, la solidarité financière et la préférence communautaire.

En matière de préférence communautaire, il serait bon que la réflexion soit menée à l’aune de notre sécurité alimentaire et de notre dépendance en matière de protéines végétales. On peut envisager de remettre en cause les accords de Blair House, mais, à l’échelle de la planète, les choses se présentent différemment : l’agriculture est confrontée aux défis de la croissance démographique mondiale. Pour l’heure, la réponse n’est pas satisfaisante, ce qui ne laisse pas d’être inquiétant pour l’avenir.

L’agriculture française a devant elle des perspectives très ouvertes, à condition qu’elle soit forte. Ces dernières années, nous avons voté deux textes, la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche et la loi de modernisation de l’économie, qui intéressent l’agriculture et mettent l’accent sur l’organisation des filières, tant il est vrai que celles-ci ont parfois autant besoin d’organisation que de subventions…

Je constate que ces textes tendent à rétablir un pouvoir compensateur, au sens que donnait à cette expression l’économiste américain Galbraith, au profit des producteurs. La contractualisation, qui est devenue l’idée centrale, n’est pas une découverte, mais elle est apparue comme une réponse adaptée et s’est épanouie, avec les coopératives, dans la majeure partie des grandes filières agricoles françaises qui ont réussi.

Les coopératives constituent une forme originale et efficiente du capitalisme moderne, la forme la plus aboutie de l’organisation professionnelle. Elles sont des entreprises de marché ne pouvant faire l’objet d’une OPA ou d’une délocalisation. Leur structure financière comporte une part de capital impartageable, c’est-à-dire liée sans défaillance à l’outil de travail. Leurs actionnaires sont des coopérateurs et des fournisseurs, souvent peu soucieux de rendement élevé du capital à court terme, mais attachés à la réalisation des investissements.

La coopérative est une arme de guerre économique redoutable sur les marchés. Elle peut offrir au monde paysan toutes les options adéquates en matière d’organisation et de rémunération du travail de chacun, aussi bien pour le marché intérieur que pour l’export.

Ainsi, que peut-on faire pour aider les coopératives à se développer davantage ? Il faut d’abord reconnaître leur importance et s’intéresser à leur avenir. Lors du dernier remaniement ministériel, il y a eu un cafouillage sur les attributions des différents ministères en matière d’autorité sur la DGCS. Cela a été ressenti comme un désaveu par les coopérateurs, malgré les préconisations réconfortantes du récent rapport Vercamer. La situation n’est pas satisfaisante.

Pour conforter la place de l’agriculture française au sein de l’Europe, il faut travailler à accroître la taille des entreprises agroalimentaires tout en réfléchissant aux méthodes de gouvernance, afin de privilégier celles qui n’éloignent pas trop les hommes du centre de commandement ; autrement dit, les unions sont préférables aux fusions, l’essentiel étant d’atteindre le seuil critique nécessaire pour couvrir le marché. Il faudra en parler avec la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, et son ministre de tutelle.

Enfin, pour les détenteurs des capitaux nomades qui circulent dans le monde financier, il est aujourd’hui plus rentable d’investir sur les marchés à terme du sucre ou du blé qu’en bourse. Tant que cette situation perdurera, je ne pourrai guère faire confiance aux marchés à terme pour améliorer le revenu des producteurs. Il conviendra de transmettre ce message au G 20, monsieur le ministre !

Le deuxième pilier aidant, je souhaite que l’extension du périmètre de vos attributions à l’aménagement du territoire et au développement rural vous permette d’être davantage encore le ministre des agriculteurs.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-quatre membres de la mission commune d’information sur les dysfonctionnements éventuels de notre système de contrôle et d’évaluation des médicaments, révélés à l’occasion du retrait de la vente en novembre 2009 d’une molécule prescrite dans le cadre du diabète, commercialisée sous le nom de Médiator, et sur les moyens d’y remédier en tant que de besoin.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, de notre règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-six membres de la mission commune d’information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques pour les collectivités territoriales et les services publics locaux.

Je rappelle que cette mission a été créée à l’initiative du groupe socialiste, en application de l’article 6 bis du règlement du Sénat, qui prévoit pour chaque groupe un « droit de tirage » pour la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information par année parlementaire.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, de notre règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous reprenons le débat sur l’avenir de la politique agricole commune.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Raymond Vall.

M. Yvon Collin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2013 la politique agricole commune devra avoir accompli sa mue. Quelle sera la nouvelle PAC ? C’est là une question angoissante pour de nombreux agriculteurs dont le revenu disponible dépend en grande partie, voire en totalité, des aides directes de l’Union européenne.

Incompréhensible, coûteuse, injuste, nocive… Les griefs adressés à la PAC ne sont pas nouveaux, mais cette litanie de reproches, dont certains sont peut-être fondés, ne doit pas occulter une formidable réussite : la PAC a permis de garantir l’autosuffisance alimentaire de l’Europe. Atteindre cet objectif était loin d’être évident en 1962, lors de la création de cette politique communautaire. Il reste d’actualité dans un monde où près de 1 milliard de personnes souffrent de sous-alimentation et où il faudra nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050, contre 6, 5 milliards aujourd’hui.

La PAC originelle a eu le mérite de limiter la diminution du nombre d’agriculteurs en Europe et d’assurer à ceux-ci un revenu décent. Accusée, sans doute à juste titre, d’avoir favorisé une course à la productivité, contribué à l’érosion des sols, empêché l’essor agricole des pays émergents, elle a changé de cap en 1992. On est passé, en deux décennies, d’une politique interventionniste sur des marchés contrôlés à un processus de libéralisation accélérée, menant à une régulation par le marché, les filières devant s’adapter. On voit aujourd’hui le résultat ! Les deux années passées ont montré que les revenus de complément tirés de la PAC ne permettent guère d’amortir les soubresauts des prix mondiaux et les conséquences des aléas naturels.

On nous a annoncé une augmentation de 66 % des revenus agricoles en 2010. Il n’y a pas là de quoi se réjouir outre mesure : il s’agit d’abord d’un rattrapage après les baisses de 2008 et de 2009, et ce chiffre masque de fortes disparités suivant les exploitations, l’embellie profitant surtout aux grandes cultures, les éleveurs, quant à eux, étant toujours en grande difficulté.

Il serait évidemment absurde de préconiser un retour à l’ancienne PAC, qui a montré ses limites et ses excès. Il serait tout aussi stérile de ne pas entendre les critiques, de ne pas voir les imperfections ou de ne pas répondre aux attentes de réforme.

La France a su faire adopter une politique agricole favorable à ses intérêts, mais elle s’est ensuite crispée pendant des décennies sur ses avantages, sans se préoccuper de leur obsolescence ni des changements de rapports de force intervenus au fil des élargissements successifs.

On le sait, premier poste de dépenses de l’Union européenne avec un budget de 55 milliards d’euros en 2010, la PAC suscite les convoitises : dans le cadre des négociations sur les perspectives financières pour la période 2014-2020, les tentations seront fortes de dégager à ses dépens des marges de manœuvre pour servir d’autres priorités.

La France devra affronter les pays partisans d’une plus grande libéralisation du secteur, tels que le Royaume-Uni, la Suède, le Danemark ou la République tchèque. Certains se satisferaient pleinement d’une PAC sans argent, qui se bornerait à fixer des règles de régulation, au sens anglais du terme, c’est-à-dire des règles commerciales sur la concurrence et la traçabilité.

Une chose est sûre, l’heure sera en tout cas à un rééquilibrage des aides entre les pays. Si la montée en puissance des aides du premier pilier dans les nouveaux États membres devrait atténuer l’écart constaté aujourd’hui avec les anciens États membres, restent les inégalités criantes et bien connues entre régions, entre secteurs et entre agriculteurs. Voilà de quoi susciter l’incompréhension non seulement des bénéficiaires lésés, mais aussi du grand public, qui a de plus en plus de mal à trouver une légitimité à la PAC, d’autant que, paradoxalement, celle-ci ne permet pas toujours aux agriculteurs de vivre de la vente de leurs produits.

Si l’on ajoute à ces défauts de la PAC réformée un bilan en matière d’environnement et de développement rural à peine satisfaisant, sinon décevant, et des effets pervers, sur le prix du foncier par exemple, qui freine l’installation de nouveaux exploitants, on comprend bien que le statu quo n’est plus possible. Pour autant, quelle direction prendre ?

Dans une communication présentée le 18 novembre dernier, la Commission européenne esquisse les scénarii possibles. Je dois dire que le scénario que semble privilégier le commissaire européen Dacian Ciolos nous rassure quelque peu, tant il rompt avec le point de vue « tout libéral » de son prédécesseur, Mariann Fischer Boel.

Cependant, ce « ouf » de soulagement n’est pas un plébiscite. Nous partageons bien sûr l’idée de mettre en place une PAC plus juste et plus équitable, avec la fin du système des références historiques, la prise en compte de l’emploi et des handicaps naturels dans l’attribution des aides, l’orientation du soutien vers les agriculteurs actifs, l’instauration d’un plafonnement par exploitation et d’un niveau minimal garanti pour les petites exploitations. Cette attention aux petites exploitations, qui a tant manqué jusqu’à présent, est une nécessité, car ce sont elles qui assurent la vitalité économique et humaine de nos zones rurales, comme le grand Sud-Ouest, et en particulier le département du Gers.

Nous saluons aussi une nouvelle étape dans la prise en compte de l’impératif écologique, avec notamment la reconnaissance de l’apport des agriculteurs au regard des objectifs d’intérêt public que sont le maintien des paysages, l’aménagement des territoires, la lutte contre le réchauffement climatique. Cette fonction de l’agriculture justifie amplement, s’il en était besoin, que l’Europe consacre un demi-point de PIB à la PAC.

Cela étant, ces bonnes intentions masquent des lacunes. Alors que l’impérative résolution du problème de la volatilité des prix des matières premières agricoles a été inscrite à l’ordre du jour des discussions du G 20, le texte de la Commission demeure très insuffisant en matière de régulation des marchés agricoles.

Comment les agriculteurs peuvent-ils gérer leur exploitation quand, en l’espace de trois mois, un prix peut passer de 100 à 200 euros, avant de retomber à 100 euros deux mois plus tard ? Sur cette question de la volatilité des cours, la Commission semble en rester à l’idée que la régulation doit se faire par le marché et qu’il revient aux filières de s’adapter. Aucun nouvel instrument n’est envisagé, seul le maintien des outils existants est prévu, alors même qu’aujourd’hui certaines filières, comme celle de la viande, sont en grande difficulté.

Par ailleurs, le texte de la Commission ne dit rien de l’effort financier que devra assumer l’Europe. Or, cette question est cruciale : une « PAC forte », comme l’appelle de ses vœux M. Ciolos, suppose un budget à la hauteur ! Espérons qu’après avoir donné des espoirs aux agriculteurs, la Commission leur apportera une traduction budgétaire…

Enfin, rien non plus n’affirme la « préférence communautaire ». Si ce n’est pas là un « gros mot » pour M. Sarkozy, il semble que cela en reste un pour la Commission !

J’ai bien conscience, monsieur le ministre, que ce document donne le coup d’envoi de discussions âpres. Comment abordez-vous cette période ? Quelles seront vos idées-forces ? Nous savons votre détermination.

L’agriculture et l’alimentation sont parties intégrantes de la société française, comme l’atteste le succès rencontré tous les ans par le salon de la porte de Versailles, où veaux, vaches, cochons font le bonheur de tous les visiteurs. Ce salon est un trait d’union nécessaire entre citadins et ruraux, qui souvent se méconnaissent alors qu’ils ont pourtant besoin les uns des autres.

Il faut sans aucun doute répondre aux critiques et aux attentes, mais personne n’a intérêt à ce que la PAC n’atteigne pas ses trois objectifs essentiels – unité du marché, solidarité financière et préférence communautaire – ni à ce qu’elle soit affaiblie ou démantelée.

Certes, la PAC devra en 2013 être plus juste, plus verte qu’elle ne l’était auparavant. Elle doit gagner en lisibilité et cesser d’apparaître comme un écheveau de dispositifs techniques d’une infinie complexité, ce qui peut donner le sentiment qu’elle avance masquée. Les sigles fleurissent plus vite que les coquelicots dans un champ de blé ! Elle doit enfin aborder la question décisive la part des différents acteurs dans la chaîne de formation de la valeur.

À l’heure actuelle, c’est le marché, et lui seul, qui décide, en parfaite cohérence avec la doctrine économique libérale. Ce n’est plus acceptable. Est-il normal que les ententes entre agriculteurs en vue de fixer les prix soient sanctionnées, tandis que les concentrations excessives dans la distribution et dans certains secteurs de l’industrie alimentaire sont tolérées ? Dans les vingt-sept pays de l’Union, quinze chaînes de distribution contrôlent déjà à elles seules 77 % du marché alimentaire. Le droit de la concurrence ne s’applique pas à tous de manière égale !

Quoi qu’il en soit, la PAC ne doit pas disparaître. N’oublions pas que ce dispositif, mis en place voilà un demi-siècle, est quasiment l’unique politique commune européenne. Est-ce un modèle ? Non, mais c’est du moins un exemple pour quiconque estime que l’avenir de l’Europe ne peut être que collectif.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le mois de novembre dernier, les discussions en vue de la définition de la future politique agricole commune se sont engagées à la suite de la publication des propositions de la Commission européenne.

Ce débat arrive donc au bon moment, et je remercie MM. Jean-Paul Emorine et Jean Bizet, co-présidents du groupe de travail sur la réforme de la politique agricole commune, auquel j’ai l’honneur de participer, de l’avoir amorcé au travers de leur remarquable rapport d’information.

Symbole fort de l’Union européenne, la PAC est la première des politiques communautaires, la plus ancienne et la plus intégrée, mais elle est aussi la plus discutée, et l’échéance de 2013 amènera, sans aucun doute, un retour des rapports de force, que le Président Nicolas Sarkozy et vous-même, monsieur le ministre, avez anticipé dans le cadre de l’accord franco-allemand. Des rencontres fructueuses avec nos collègues polonais et allemands se sont en outre tenues récemment à l’Assemblée nationale, en présence de MM. Bizet et Emorine.

L’Union européenne va devoir redéfinir, pour la période 2014-2020, une vision stratégique, à la fois économique, sociale et environnementale, qui ne soit pas un simple réajustement. De nouvelles attentes fortes sont aujourd’hui exprimées par nos concitoyens, notamment en matière sanitaire, et l’on ne peut bien entendu pas les ignorer.

Depuis sa création, la PAC a connu plusieurs évolutions, notamment pour éliminer les excédents ou se soumettre aux exigences de l’Organisation mondiale du commerce. La production a ainsi été régulée par le biais de l’instauration de quotas, du recours à la mise en jachère et de la réduction des prix de référence. Parallèlement, les aides aux agriculteurs et les aides à la production ont été découplées et les marchés agricoles ouverts.

Aujourd’hui, nous le savons, la PAC doit relever de nouveaux défis. L’enjeu majeur, à mon sens, est de poursuivre l’adaptation des structures agricoles dans un marché de plus en plus ouvert. Soyons lucides, cette ouverture ne sera pas remise en question dans le cadre des négociations sur la future PAC ; nous n’assisterons pas au retour de mesures plus ou moins protectionnistes. La seule voie consiste à mettre l’accent sur la gestion des marchés et la modernisation des structures et des exploitations agricoles, ainsi que sur l’organisation économique des producteurs telle que l’a prévue la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. En tant que rapporteur de cette loi, je profite de cette occasion pour vous remercier, monsieur le ministre, de la publication des textes relatifs aux filières du lait et des fruits et légumes, intervenue avant le 31 décembre, comme vous nous l’aviez promis.

Dans un monde où les échanges ont été libéralisés et sont appelés à se développer, les pouvoirs publics peuvent contribuer à accompagner les évolutions. Je pense notamment à la régulation et à l’amélioration de la transparence des marchés. Le rôle des organisations professionnelles et, surtout, interprofessionnelles dans la gestion des filières et la couverture des risques doit être modernisé et renforcé.

Les exploitations devront également poursuivre leur modernisation, là aussi avec l’aide des pouvoirs publics. En cinquante ans, le nombre d’exploitations est passé de 2, 3 millions à 326 000 dans notre pays. Aucun autre secteur économique n’a connu une telle évolution.

Pourtant, il faut continuer à s’adapter, par l’accroissement des surfaces, l’utilisation de nouveaux équipements et l’accès aux innovations technologiques. Une bonne anticipation de cette exigence incontournable suppose, monsieur le ministre, que la question ne soit pas taboue.

Un autre enjeu tient à la conversion environnementale de l’agriculture, qui exige une politique et un soutien à long terme. Les attentes de la société en matière de préservation de l’environnement et de qualité sanitaire des aliments ont été intégrées dans la PAC. C’est une excellente chose, toutefois cette politique doit absolument être lisible, à la fois dans ses objectifs et dans ses résultats. Or, pour l’instant, on a le sentiment de se trouver dans une jungle technocratique. Ces défauts, qu’il faudra corriger, ne remettent cependant pas en cause l’orientation de la PAC vers une gestion durable des ressources naturelles.

Par ailleurs, les freins à la recherche agronomique – autre sujet qui fâche – doivent être levés. Comment ne pas voir que l’innovation conditionne la marche vers de nouvelles pratiques agricoles durables et économiquement viables ? Vous le savez, monsieur le ministre, la recherche pâtit lourdement, en France, du rejet obsessionnel des OGM. Cette opposition rejaillit sur l’ensemble des recherches en vue de l’amélioration des plantes. Nous devons donc avoir le courage de mettre fin à ce blocage français, qui pénalise lourdement l’agriculture tant européenne que nationale. Comment l’agriculture pourrait-elle se passer à la fois des intrants chimiques et des biotechnologies ? La France prend un retard considérable par rapport à d’autres pays qui, eux, avancent.

La PAC doit enfin, à mon sens, relever le défi de la prise en compte de l’entrée de nouveaux pays au sein de l’Union, dont le nombre de membres est passé, en moins de dix ans, de quinze à vingt-sept, ce qui a entraîné une augmentation de plus de 64 % du nombre des exploitations agricoles. Cela a renforcé les disparités agricoles, au moment où un nouvel équilibre se mettait en place après les élargissements précédents.

Jusqu’à présent, les nouveaux entrants ont géré leur adhésion et leurs réformes internes ; leur arrivée dans l’Union n’a pas produit ses pleins effets sur l’économie agricole européenne, mais il faut s’attendre à ce que la concurrence intra-européenne s’accroisse, introduisant une contrainte supplémentaire à la modernisation des structures. Il faut s’attendre aussi à ce que ces pays soient plus exigeants et s’attachent à préserver une PAC forte, à condition bien sûr qu’elle leur soit favorable.

Dans ce contexte, on imagine aisément que les débats sur le budget de la PAC pour l’après-2013 seront particulièrement durs. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le traité de Lisbonne a renforcé les pouvoirs du Parlement européen, qui doit désormais approuver la PAC dans le cadre de la cogestion. Il est difficile de prévoir ce que sera le rapport des forces au Parlement européen, mais, de toute évidence, celui-ci pèsera certainement en faveur d’une redistribution des aides. Il est donc probable, monsieur le ministre, que l’agriculture française devra franchir une nouvelle étape d’adaptation avec des soutiens budgétaires réduits, dans un contexte politique européen difficile.

Si nous voulons une véritable PAC, il est indispensable de maintenir le budget agricole à son niveau de ces dernières années. À cet égard, je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir communiqué, voilà quelques jours, des données relatives aux aides à l’investissement en 2008 et en 2009.

En définitive, l’enjeu, pour l’agriculture française, tient à notre capacité à définir ensemble une vision politique ambitieuse. Un cadre politique est indispensable, car il est toujours source de confiance et de stabilité. La définition de la future PAC nécessitera un vrai débat, d’ailleurs déjà entamé, mais surtout une volonté forte de l’ensemble des acteurs politiques et socioprofessionnels, qui devront œuvrer pour que tous les agriculteurs puissent vivre de leur travail.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. –M. Yvon Collin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus que jamais, la place de l’agriculture est essentielle et stratégique : cette analyse est partagée par tous, même s’il existe des divergences d’appréciation sur le rôle que doit jouer l’agriculture. S’agit-il seulement d’assurer un volume global de production, ou de prendre en compte ses différentes fonctions alimentaires, environnementales, de gestion des espaces, d’aménagement des territoires ? Disons-le nettement, les socialistes optent pour ce second aspect.

C’est dans un contexte mondialisé, avec en corollaire des négociations internationales, que va intervenir la réforme de la politique agricole commune. Celle-ci devra apporter des réponses aux nouvelles attentes sociétales.

Dans cette perspective, il faut, pour l’après-2013, défendre l’idée forte d’une politique agricole ambitieuse, novatrice. Cette priorité devra être affirmée par l’Union européenne et trouver une traduction politique et budgétaire.

À la suite de la réforme de 2003 et du bilan de santé de la PAC, une orientation de nature très libérale a été prise, puisqu’il s’est agi d’accorder la primauté à la loi du marché, au détriment d’une régulation plus ou moins assumée jusqu’alors.

Les limites de cette vision libérale à outrance sont apparues rapidement à la lumière des crises qui ont frappé la plupart des productions. Sans qu’il soit question d’administrer l’agriculture, du moins faut-il poser à nouveau des règles suffisamment fortes d’organisation et de gestion collective qui assureront l’avenir des agriculteurs.

La révision de la PAC est l’occasion unique d’apporter, au regard du constat qui vient d’être dressé, les inflexions attendues par beaucoup d’agriculteurs et par la société européenne. Elle doit avoir pour ambition de permettre le maintien d’une agriculture diverse et de qualité et de contribuer à la préparer aux défis de demain.

Dans la perspective de la réforme, trois scénarii sont en présence. Nous avons bien compris que le scénario médian est privilégié par le commissaire européen et que, au-delà, plusieurs des objectifs énoncés dans ce scénario sont assez largement partagés, des nuances se faisant cependant jour.

Au nombre de ces objectifs figure à l’évidence la redistribution des aides. Le maintien de nombreux agriculteurs passe par la garantie d’un revenu stable et équitable. Chacun le sait, disposer d’une visibilité financière est primordial pour réaliser des investissements de long terme ; à défaut, de nombreuses installations s’avèrent fragiles. Dans ces conditions, il n’est pas concevable que perdure le déséquilibre que l’on a pu constater dans l’attribution des aides européennes, dont 80 % du montant est accaparé par 20 % des bénéficiaires.

L’introduction de plafonds et de planchers d’aide par exploitation va donc dans la bonne direction. La PAC doit être orientée vers un paiement direct minimal pour l’ensemble des agriculteurs, afin de préserver les petites et moyennes exploitations ; c’est une question d’équité. Cependant, il convient aussi, dans la même perspective, de plafonner les versements. Une redistribution plus pertinente et plus juste des aides entre les filières, et entre les agriculteurs, est en effet vitale pour assurer l’avenir du plus grand nombre. Sans garantie de revenu, les nouvelles installations seront compromises, ce qui relativiserait, et même contredirait, le discours officiel en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs.

Quelle aberration encore que l’on puisse aujourd’hui percevoir des aides sans pratiquement produire, du simple fait d’une situation acquise ! Il faut y mettre un terme : les aides doivent être réservées aux agriculteurs ayant une fonction réelle de production.

Il faut donc aller au-delà de la logique des primes à l’exploitation, vers l’instauration de primes liées à la production et au renforcement de la qualité de celle-ci. Les aides doivent ainsi être modulées en fonction de la main-d’œuvre employée sur les exploitations, des efforts d’adaptation environnementale qu’elles fournissent et des handicaps naturels auxquels elles sont confrontées.

Si la production de masse a longtemps été privilégiée, la fourniture d’une alimentation de qualité doit désormais être l’objectif visé. Ce principe a été longuement discuté lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, au nom des attentes des consommateurs, mais aussi dans un souci de santé publique. La future PAC devrait prendre en compte la promotion des productions locales et des marchés de proximité. Rétablir le lien entre production et territoire, développer les circuits courts quand cela est possible mérite un accompagnement financier significatif, alors que les aides aujourd’hui accordées pour la diversification et la reconversion tiennent parfois du saupoudrage. Cela permettra aussi, dans l’esprit du Grenelle 2, d’améliorer le bilan carbone, ainsi que de favoriser une activité économique porteuse d’avenir et de créer des emplois au plus près des territoires, tout en répondant à une attente sociétale forte. La cohérence globale du projet agricole communautaire appelle la prise d’initiatives dans ce domaine.

L’un des aspects fondamentaux de la PAC devra porter sur les moyens accordés à la régulation et à la gestion des marchés. Un constat s’impose presque de lui-même : le marché mondial des produits agricoles est soumis à de fortes tensions, qu’elles résultent d’événements climatiques, de crises frumentaires ou tout simplement de la spéculation ou de la financiarisation des marchés des matières premières. Les conséquences qui en découlent sont, d’une part, la spéculation et la volatilité des cours, et, d’autre part, la difficulté d’anticiper ces mouvements erratiques.

Lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, le débat a porté sur l’usage d’outils de régulation pour la prévention et la gestion des crises. Or l’orientation libérale donnée à la PAC en 2003 a mis à mal la notion même de régulation et de moyens d’intervention en ce domaine. L’année 2015 verra la disparition des quotas laitiers, évolution à laquelle vous avez répondu par une contractualisation portant sur les volumes. Monsieur le ministre, vous avez admis la nécessité de disposer de moyens rénovés de régulation, singulièrement par l’application, sur le plan national, de la contractualisation et la mise en place des interprofessions. Ces mesures devraient, selon vous, redonner aux agriculteurs une position moins marginale dans les discussions au sein de chaque filière. Cela ne suffira pas : les interprofessions peinent à entrer en action ; quant aux contrats, ils ne sont pas du tout prévus pour réguler le volume global de la production, en particulier dans le domaine laitier.

Ces dispositions ne remplacent donc pas une politique commune de régulation européenne des marchés. De même, la future PAC, se bornant à un simple « filet de sécurité », ne va pas suffisamment loin, comme le constate un ancien secrétaire général de la FNSEA, qui déclare que « la Commission n’a pas tiré les leçons de la crise de 2009 ». C’est juste, et c’est bien vu. Dans la confrontation mondiale, peu de protagonistes font montre d’angélisme, et les États défendent leur agriculture. L’Europe doit se protéger, y compris contre les distorsions de coûts de production résultant des différences d’exigence de qualité dans les domaines sanitaire ou environnemental. J’ajouterai que, en Europe même, au sein du marché unique, pèse la suspicion de dumping social. Quelle position la France défendra-t-elle sur ces points lors des futures discussions ?

Se pose aussi la question de la sécurité alimentaire, facteur indéniable d’indépendance, dont on voit se dessiner les enjeux sur le plan planétaire. Les terres des pays en voie de développement ne deviennent-elles pas l’objet de la convoitise des multinationales et de certains pays émergents, qui procèdent à des acquisitions considérables de foncier agricole ?

La future PAC devra s’accompagner des financements nécessaires pour répondre aux défis et aux enjeux et pouvoir adapter notre agriculture au nouveau contexte mondial. Il est évident qu’une telle politique ne peut se conduire au rabais, sans moyens budgétaires adéquats, mais qu’elle doit au contraire demeurer l’une des priorités européennes. C’est d’ailleurs l’opinion du commissaire européen à l’agriculture, reprise par M. Jean-Michel Lemétayer, qui estime que la future PAC ne sera confortée que si son budget est « au moins équivalent à celui d’aujourd’hui ». On ne peut donc que s’inquiéter des menaces d’une diminution des crédits, qui pourrait amener une réduction de l’engagement européen en faveur de l’agriculture à 32 % du budget communautaire en 2013 ; pour mémoire, il atteignait 61 % de celui-ci voilà vingt ans.

Les enjeux de la nouvelle PAC sont considérables pour l’Europe, pour nombre de régions et pour les agriculteurs qui y vivent de leur travail, pour l’emploi induit dans l’agroalimentaire, l’artisanat et les services, en somme pour l’ensemble du tissu économique et social des territoires ruraux. Nous pouvons nous rejoindre sur l’analyse et la détermination de certains d’entre eux, mais les propositions et les moyens ne vont selon nous pas assez loin, et nous serons donc très vigilants.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 29 novembre dernier, les ministres européens de l’agriculture se sont réunis pour donner le coup d’envoi des négociations sur la future PAC à vingt-sept pour la période 2014-2020.

Nous savons tous le caractère stratégique de l’agriculture, à l’heure où près de 1 milliard de personnes souffrent de sous-alimentation, tandis qu’il faudra en nourrir 9 milliards en 2050.

D’autres sénateurs l’ont rappelé avant moi, la PAC a justement permis de garantir l’autosuffisance alimentaire de l’Europe. Alors qu’elle représentait quasiment 90 % du budget de l’Union européenne en 1970, sa part s’élève aujourd’hui à 42 % de celui-ci, soit 55 milliards d’euros, montant à mettre en regard des 87 milliards d’euros que les États-Unis consacrent au soutien à leur agriculture. Il faut remettre le coût de la PAC en perspective.

N’oublions pas que la France est le premier bénéficiaire des aides accordées au titre de la PAC et le deuxième contributeur, après l’Allemagne. En outre, la valeur de la production agricole française s’élevait à 62 milliards d’euros en 2009, ce qui fait de notre agriculture la première de l’Union européenne.

La PAC a atteint les objectifs qui lui avaient été assignés en matière de sécurité alimentaire et sanitaire, mais aussi de préservation de l’équilibre des territoires ruraux, qui constitue parfois la seule activité économique viable dans certaines zones reculées. En soutenant l’innovation technique agricole et la préservation de la biodiversité, elle a permis à l’agriculture de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de plus de 20 % depuis 1990.

Cependant, les tensions n’ont jamais été aussi fortes au sein des filières, en particulier celle de l’élevage, et nombre d’agriculteurs souffrent, au point que certains d’entre eux en sont réduits à s’adresser aux Restos du cœur… Quel paradoxe, quand on exerce le plus beau métier du monde, consistant à nourrir ses semblables !

En effet, force est de constater que l’on assiste à une paupérisation grandissante de certains agriculteurs. La PAC n’a pas réduit toutes les inégalités, ni entre exploitants ni entre pays membres. C’est sans doute pour cela qu’elle n’a pas trouvé sa légitimité aux yeux de l’opinion publique européenne.

Par ailleurs, sa trop grande complexité la rend incompréhensible, même pour les habitués : un grand nombre de directives, de règlements en matière d’environnement, de santé publique, de sécurité alimentaire, etc., conditionnent l’attribution des aides directes au respect de « bonnes pratiques ».

Enfin, la volatilité extrême des coûts de production ou de vente fragilise les filières, alors que les financiers internationaux se servent, en outre, des produits agricoles comme de matières premières soumises à la spéculation.

Des outils de régulation innovants doivent être définis, afin de prévenir les crises ou de pouvoir y répondre rapidement. Ils permettront aux agriculteurs de lisser leurs résultats. Un premier pas dans cette direction vient d’être franchi pour le marché du lait avec le projet de règlement présenté le 9 décembre dernier sous votre pugnace impulsion, monsieur le ministre. Nous vous sommes reconnaissants d’avoir lancé, voilà un an, ce fameux « appel de Paris » à une nouvelle régulation des marchés agricoles ; vingt-deux des États membres de l’Union vous avaient alors suivi.

Nous avons besoin d’une réforme forte et ambitieuse, d’une nouvelle PAC permettant de conjuguer performances économiques et environnementales, équilibre des territoires et indépendance énergétique, mais aussi et surtout de rendre nos exploitations plus compétitives et autonomes. Ces objectifs peuvent paraître difficilement conciliables, mais ils ne sont pas contradictoires.

Les négociations sont menées sur la base des propositions faites par le commissaire européen Dacian Ciolos, auxquelles vient s’ajouter l’excellent travail présenté tout à l’heure par MM. Bizet et Emorine et par Mme Bourzai.

Le Parlement européen, au travers de la codécision, sera par ailleurs partie prenante à la réforme, et a d’ores et déjà émis des avis favorables sur cette grande mutation, notamment sur les aides directes, étant donné les coûts de production élevés, essentiellement en raison des normes sociales ou environnementales auxquelles sont soumis nos agriculteurs.

En effet, ces normes, pour vertueuses qu’elles se doivent d’être, sont difficiles à respecter pour les agriculteurs installés dans une zone de montagne, périurbaine, défavorisée, vulnérable ou sur le territoire d’un nouvel État membre.

Une harmonisation sans faille des normes à l’échelon européen est essentielle. Nos exploitants ne sont pas opposés au « verdissement » de la PAC, dans la mesure où cela peut permettre d’appliquer les mêmes règles dans tous les États membres, ce qui est loin d’être le cas actuellement.

Enfin, beaucoup souhaitent le développement du stockage public et privé, ainsi que des moyens légaux et juridiques permettant la contractualisation dans les filières et entre les filières.

La décision d’inscrire l’agriculture dans le système libéral doit s’accompagner de la possibilité, pour les agriculteurs, de s’organiser en vue d’essayer d’assurer une certaine équité dans les rapports commerciaux avec les industriels et les grandes surfaces. Il n’y aura pas de contractualisation efficace sans rapport de force équilibré. Privilégions le regroupement des professionnels, l’organisation de filières fortes, le maintien d’une agriculture diversifiée dans toutes nos régions, les circuits de distribution courts, une agriculture biologique de proximité.

Les DPU alloués aux exploitations du département de l’Aisne, dont l’activité va de la viticulture sur les coteaux de la Marne aux grandes cultures, en passant par la production laitière en Thiérache au sein de structures plus petites, sont très divers, mais représentent parfois le revenu des agriculteurs. Toute évolution devra donc se faire sur plusieurs années, sauf à mettre en grande difficulté certains d’entre eux. Les agriculteurs de mon département sont preneurs d’un développement grâce au deuxième pilier, ayant remarqué que les industriels sont systématiquement demandeurs des aides spécifiques destinées à telle ou telle filière, comme on a pu le voir pour celles des protéagineux et des légumes en 2010, par exemple.

Les mesures du deuxième pilier doivent pouvoir concerner toutes les régions et toutes les formes d’agriculture. Dans notre région, le grand succès du « plan sucre » est en effet la démonstration que les agriculteurs sont prêts à investir pour améliorer leur compétitivité et créer de la valeur ajoutée. Ces mesures devraient aussi permettre, en matière de développement durable, de protéger certaines productions, par exemple l’élevage dans les régions de grandes cultures, ce qui permettrait de maintenir la culture de la luzerne, la production de fécule, de légumes, etc. En effet, une spécialisation des régions serait extrêmement dommageable sur les plans économique et environnemental.

Plus largement, l’Europe devrait pouvoir résoudre les problèmes de concurrence sur les plans social et financier.

Nous devons sauver la PAC, qu’il faut appréhender sous un angle novateur, d’autant qu’elle représente quasiment l’unique politique commune européenne ! Elle mérite donc toute notre attention en tant qu’exemple pour l’avenir de l’Europe, avenir qui ne peut être, nous en sommes tous conscients, que collectif.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les co-présidents du groupe de travail, mes chers collègues, l’année 2010 s’est terminée, pour l’agriculture, de façon plus positive qu’elle n’avait commencé, d’abord parce que les agriculteurs ont globalement vu leurs revenus très sensiblement augmenter, ensuite parce que M. Dacian Ciolos a esquissé les contours de la PAC pour la période 2014-2020. En effet, les paramètres du marché agricole évoluant, il est sain de s’interroger sur l’adéquation de la PAC avec les attentes des agriculteurs.

Mon collègue du groupe de l’Union centriste Marcel Deneux ayant tout à l’heure développé son analyse sur l’avenir de la PAC, je souhaiterais pour ma part aborder les cas particuliers de la filière des fruits et légumes et des productions que l’on pourrait qualifier de « spéciales », comme le tabac ou le pruneau pour le Lot-et-Garonne, par exemple, afin que la PAC de demain réponde au mieux aux attentes du terrain.

Les fruits et légumes représentent, je le rappelle, 17 % de la valeur de la production agricole européenne et 6, 1 milliards d’euros pour la France, mais cette filière ne bénéficie que de 3, 5 % du budget de la PAC. Pour maintenir leur activité, et donc la vie dans nos territoires, les producteurs ont impérativement besoin que ces aides soient conservées, afin de leur permettre d’améliorer leur compétitivité et leur organisation professionnelle.

S’agissant des fruits et légumes, la PAC doit permettre de lutter efficacement contre le dumping agricole. À l’échelle de la France, ce sont plus de 640 000 emplois, dont 450 000 saisonniers, qui sont concernés !

En ce qui concerne le tabac, le cas de cette production illustre la nécessité de bâtir des filières intégrées, et à défaut de soutenir la restructuration de l’organisation professionnelle.

En effet, seulement 17 000 tonnes de tabac sont produites en France, pour 60 000 tonnes consommées. Il n’existe donc aucune adéquation entre la consommation et la production. Pendant de longues années, on a laissé se démanteler un appareil industriel qui faisait de la filière du tabac une filière intégrée, à forte valeur ajoutée. Les tabaculteurs ont dû se réorganiser pour défendre les prix de leur production « brute » ; ils ont déjà fourni des efforts considérables, mais ils ne pourront pas poursuivre cette restructuration sans une aide financière. Il faut donc que la PAC permette d’améliorer la compétitivité, l’équilibre n’étant pas encore atteint.

Il en va de même pour la filière de la tomate industrielle, qui ne produit que de 15 % à 20 % des besoins nationaux. Une incitation à la restructuration des producteurs et un soutien à l’outil industriel de transformation permettraient d’accroître sa compétitivité. À défaut, les unités de transformation sont rachetées par des entrepreneurs, notamment chinois, qui s’en servent comme bases logistiques pour vendre non seulement des tomates, mais aussi des haricots verts ou encore du maïs doux, tous produits importés de Chine pour être commercialisés sous la marque française rachetée.

L’aide à la production est donc indispensable pour maintenir les outils de transformation. Sinon, ces filières vont nous échapper !

Enfin, en ce qui concerne la filière du pruneau, il semble indispensable que la France évite un découplage des aides. Seul leur couplage permet d’améliorer la productivité et de concurrencer les productions sud-américaines. À titre d’exemple, nous devons, dans mon département, refaire entièrement le verger pour rester compétitifs, ce qui exige du temps et beaucoup de moyens.

Ces différents exemples montrent qu’il est nécessaire, dans le cadre de la PAC, de maintenir à leur niveau actuel les droits à paiement unique du premier pilier et de laisser des marges de manœuvre aux États membres pour soutenir les investissements et les réformes dans ces secteurs, sauf à voir ces petites productions disparaître purement et simplement !

En outre, la PAC doit agir comme un filet de sécurité en cas de crises conjoncturelles, notamment pour ces productions. L’Europe doit en effet mobiliser des instruments de régulation de marché pour lisser la volatilité des prix et permettre le financement de mécanismes d’assurance contre les risques climatiques ou sanitaires.

Monsieur le ministre, l’assurance récolte, dont je prône le développement depuis de nombreuses années et que vous avez instaurée dans le cadre de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, ne fonctionnera pas tant qu’il n’y aura pas de réassurance publique. Celle-ci doit être confortée dans le cadre de la PAC, sinon on en restera au stade des bonnes intentions : les assureurs ne pourront pas ou ne voudront pas jouer le jeu !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

M. Daniel Soulage. Telles sont, mes chers collègues, les attentes du terrain. Je sais que vous connaissez bien ces dossiers, monsieur le ministre, et que vous y travaillez sans relâche dans la perspective des négociations sur la future PAC. Je vous en suis infiniment reconnaissant, ainsi que de vous être déplacé dans le Lot-et-Garonne pour y rencontrer nos agriculteurs.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, eu égard aux nouveaux défis à relever, la politique agricole commune doit prendre un nouveau virage. Elle est au carrefour d’enjeux multiples, à la fois économiques, alimentaires, sanitaires, environnementaux, sociaux et territoriaux.

La réforme annoncée de 2013 sera décisive pour l’avenir de l’Europe. Elle permettra d’apporter une première réponse à une question récurrente que se posent les instances européennes quant à la capacité des Européens à unir leurs forces pour aller plus loin dans la construction communautaire, en vue d’affronter la mondialisation croissante, la libéralisation des échanges et les crises économiques qui se succèdent.

L’agriculture européenne traverse une crise. Nous en avons tous vu les effets ces dernières années. Elle se heurte à une concurrence de plus en plus vive, souvent déloyale, et caractérisée par une instabilité chronique du marché, rendant toute projection dans l’avenir impossible pour les agriculteurs. L’Union européenne, en tant qu’organisation politique, a donc un rôle crucial à jouer dans la gestion et la sortie de cette crise.

La réflexion sur la réforme de la PAC en 2013 a donné lieu à de nombreuses prises de positions du Parlement européen, des États membres et, le 18 novembre dernier, de la Commission européenne. Ce même mois, un groupe de travail sénatorial a publié un rapport sur ce thème. Nous avons eu l’occasion de rencontrer nos homologues européens et d’échanger nos points de vue sur ce que devra être l’agriculture européenne de demain. Sans surprise, de nombreuses divergences politiques sont apparues, et il sera très difficile de trouver un consensus entre les partisans du libre marché et ceux de la régulation.

La PAC fait aujourd’hui l’objet de nombreuses critiques, de la part tant des agriculteurs eux-mêmes que des citoyens européens, qui ne perçoivent clairement ni son fonctionnement ni ses bienfaits. Il est donc évident qu’une réforme efficiente de la PAC devra s’accompagner de la réhabilitation de son image. Il faudra, pour cela, la rendre plus efficace et lisible.

L’objectif prioritaire d’une telle réforme devra être d’offrir un avenir aux agriculteurs, dont la situation est des plus critiques, notamment en France. En effet, le revenu des agriculteurs a chuté brutalement en 2008 et en 2009, après plus d’une dizaine d’années de stagnation. Pourtant, voilà un mois, on nous a annoncé que ce revenu avait connu une hausse de 66 % en 2010, pour s’établir en moyenne à 24 400 euros ! Certains se félicitaient déjà d’une sortie de crise. Quelle supercherie !

Tout d’abord, cette hausse n’est qu’un petit rattrapage après la crise épouvantable de ces dernières années. Mais surtout, ces chiffres sont en trompe-l’œil, car ils sont fondés en grande partie sur l’envolée du prix des céréales, qui, dans le même temps, a fait baisser les revenus de certaines catégories d’agriculteurs. Chacun sait que la crise a touché inégalement les filières et que certaines d’entre elles sont aujourd’hui au bord du précipice, quand elles ne sont pas déjà tombées dedans.

Ainsi, dans la filière des bovins à viande, le prix de vente au kilo vif est identique à ce qu’il était voilà plus de dix ans. Comment ces éleveurs peuvent-ils s’en sortir quand on sait que le prix des aliments et des carburants n’a, dans le même temps, cessé d’augmenter ? Certains en sont réduits à demander le RSA, tandis que d’autres sont contraints de mettre la clé sous la porte. C’est ainsi que le nombre d’exploitations et d’exploitants en activité s’est effondré, parallèlement à l’agrandissement des structures, avec tous les effets néfastes que cela entraîne.

La prochaine PAC devra donc intrinsèquement avoir pour finalité de donner aux agriculteurs les moyens de vivre de leur profession, voire de leur assurer un revenu minimum, mais aussi de fixer des plafonds d’aide. Pour atteindre cet objectif, il est indispensable que les aides européennes soient réparties de façon plus égalitaire entre toutes les filières, et donc entre tous les agriculteurs. Il est en effet anormal que 20 % des agriculteurs perçoivent 80 % du montant des aides, et ce, pour les céréaliers, quel que soit le cours du blé, ou, pour d’autres, quelles que soient les surfaces cultivées. L’iniquité dans la répartition des paiements directs entre les États membres est l’un des aspects les plus critiqués du système actuel, qui devra être corrigé.

Un consensus semble se dégager sur l’abandon des références historiques, et nous pouvons nous en féliciter, bien que notre pays soit l’un des rares à ne pas avoir passé le cap, malgré le caractère injuste de ce dispositif. Il faut surtout que les aides soient attribuées aux agriculteurs actifs et liées à la production réelle, comme l’avait souligné la Cour des comptes européenne. Par ailleurs, les efforts environnementaux doivent être pris en compte, de même que les handicaps naturels auxquels les exploitants sont exposés, en particulier dans les zones de montagne.

Au-delà de cette mission centrale, la PAC doit bien évidemment remplir son rôle premier, à savoir préserver le potentiel de production alimentaire de l’Union européenne afin d’assurer l’autonomie et la sécurité alimentaires de ses habitants. Une Europe forte ne peut être dépendante de ses importations alimentaires.

Dans ce contexte, il est évident que l’Union européenne doit se doter d’une véritable régulation de ses marchés, prenant en compte aléas climatiques et volatilité des prix !

Il est un aspect de la PAC qui ne doit pas être laissé de côté : le rôle joué par l’agriculture en termes de biens publics. Il est indispensable que les efforts accomplis de tout temps par les agriculteurs pour préserver les aménités soient rémunérés, qu’il s’agisse de l’entretien des terres et des paysages, du maintien de la biodiversité ou d’autres actions agro-environnementales.

Dans les zones de montagne, par exemple, l’agriculture constitue une activité économique essentielle, qui engendre des emplois directs et indirects. Elle permet de lutter contre la désertification et préserve la diversité des différents terroirs européens, grâce à l’ancrage des hommes dans les territoires.

La future PAC devra donc s’attacher à soutenir la production de ces biens publics, en favorisant le maintien ou la création de petites exploitations.

L’instauration d’un régime de soutien, simple et spécifique, applicable aux petites exploitations, sur le modèle de celui qui a été présenté par la Commission européenne, pourrait constituer un début de réponse. Encore faudra-t-il que ce régime prenne en compte la spécificité des territoires et les contraintes qui peuvent peser sur les exploitants !

En somme, la PAC a un véritable rôle à jouer en termes de cohésion sociale et territoriale dans nos régions. Si les moyens et la volonté sont suffisants, elle peut contribuer à atténuer les déséquilibres territoriaux et à améliorer la vitalité et le potentiel économique des zones rurales.

La question de l’environnement devra, de toute évidence, être au cœur de la future PAC, mais avec un traitement équitable et uniforme sur l’ensemble du territoire européen. Il ne peut pas y avoir de traitement différencié, et donc de concurrence, dans ce domaine, entre les États membres.

En effet, l’avenir de l’activité agricole est intimement lié à la préservation des ressources naturelles et aux efforts environnementaux des agriculteurs, qui ont, eux aussi, à y gagner, en termes tant de capacité productive de leurs terres que de qualité de leurs productions.

Intégrer une composante écologique obligatoire dans les paiements directs, comme l’a préconisé la Commission, semble une idée intéressante.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Quant à l’éco-conditionnalité, il nous semble également intéressant de la maintenir, pourvu qu’elle revête un caractère de valorisation du travail, et non plus seulement de sanction, comme c’est trop souvent le cas actuellement.

Pour être efficace, ce « verdissement » du premier pilier devra intervenir dans un cadre contractuel et territorialisé, ce qui ne semble malheureusement pas être l’orientation choisie par la Commission.

Il est évident que le respect des normes environnementales, justifiant des prix plus élevés, permettra à nos agriculteurs de valoriser leurs productions. En effet, il est faux de dire que seule la compétitivité en termes de prix permettra à l’agriculture européenne de survivre.

La compétitivité doit être appréciée à l’aune d’autres critères, notamment qualitatifs, sociaux et environnementaux, les consommateurs s’attachant de plus en plus à la qualité des produits plutôt qu’à leur prix. Cela n’est vrai que dans une certaine mesure, bien évidemment, mais la réussite actuelle, même en temps de crise, de la filière de l’agriculture biologique est une illustration de ce fait.

Cette recherche de qualité devra aller de pair avec une amélioration de la traçabilité et de l’étiquetage des produits.

En conclusion, les différentes propositions de la Commission européenne semblent aller dans le bon sens, avec une orientation de la PAC vers plus d’équité entre agriculteurs et entre États membres et des soutiens davantage ciblés sur l’environnement, le changement climatique, les petites exploitations, l’installation, ainsi que les marchés locaux ou régionaux.

Cependant, le démantèlement de la PAC auquel nous avons assisté ces dernières années nous amène à être plus que sceptiques quant à la mise en œuvre concrète des priorités affichées. En effet, la plus grande difficulté reste devant nous : trouver un accord entre les États membres pour parvenir à un règlement accepté par tous et dégager des moyens à la hauteur de l’ambition affichée, à l’heure de l’austérité budgétaire. Les bonnes volontés existent, mais l’Europe doit maintenant se donner les moyens de leur donner une portée concrète.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mayet

Monsieur le ministre, je souhaite tout d’abord saluer la politique que vous conduisez pour répondre à la crise que traverse l’agriculture, notamment par la mise en œuvre, l’année dernière, d’un plan de soutien.

La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ainsi que les différentes initiatives prises sur votre instigation à l’échelon communautaire en vue de la mise en place d’outils d’intervention et d’une meilleure régulation des marchés des produits agricoles sont pertinentes et bienvenues.

L’année 2011 sera essentielle pour l’avenir de la PAC. Dans la perspective des travaux et des négociations que vous conduirez à ce titre, je souhaite évoquer les préoccupations des agriculteurs de mon département.

S’agissant tout d’abord du maintien du budget agricole communautaire, la communication de la Commission a réhabilité la production et la sécurité alimentaires en tant que premiers objectifs de la PAC. Pour les atteindre, il faut disposer d’un budget à la hauteur des ambitions affichées.

Dans mon département, grâce aux références économiques issues des réseaux ROSACE, les soutiens sont à la limite de ce qui est nécessaire pour assurer la viabilité de la plupart des systèmes d’exploitation dans un contexte de forte progression des charges. Or, à mi-parcours de la réforme de la PAC, la « ferme Indre » a déjà perdu 13 millions d’euros sur les 134 millions d’euros dont elle bénéficiait auparavant.

De plus, dans notre département, 480 agriculteurs sont éligibles au dispositif d’accompagnement spécifique. L’importance de ce nombre révèle la situation fragile d’un grand nombre d’exploitations.

Une autre source d’inquiétude tient à la volatilité des cours, due à la mondialisation de l’économie : elle provoque une instabilité des cours à laquelle les exploitations de notre département, le plus souvent de type familial et occupant une ou deux unités de travail humain, ou UTH, sont incapables de faire face.

Les distorsions de concurrence liées à la mise en place de normes européennes exigeantes, induisant une perte de compétitivité par rapport aux produits importés, constituent également un motif de préoccupation. Les mêmes normes devraient s’appliquer aux produits agricoles européens et aux produits en provenance des pays tiers, que ce soit en termes d’hygiène, de pesticides, de santé ou de bien-être des animaux.

La redéfinition des zones défavorisées ne manque pas non plus de susciter des inquiétudes. Dans notre département, par exemple, les aides spécifiques destinées à compenser l’existence de handicaps naturels sont indispensables, notamment pour appuyer l’installation de jeunes agriculteurs. Il est essentiel que le nouveau zonage n’exclue pas les territoires comprenant des sols présentant un handicap naturel, que ce soit pour faire de la culture ou de l’élevage, car dans le cas contraire l’activité agricole y serait fortement déstabilisée.

Par ailleurs, les réformes qui se sont succédé n’ont jamais tenu compte du caractère de « zone intermédiaire » commun à une quinzaine de départements agricoles. Il s’agit de zones de transition entre plaine et montagne, de zones mixtes qui ne sont spécialisées ni en élevage ni en grandes cultures, mais où les exploitations de polyculture-élevage sont très dépendantes de la PAC et restent souvent à l’écart des mesures destinées à favoriser l’une ou l’autre de ces productions.

J’évoquerai enfin la dépendance des éleveurs du bassin allaitant par rapport au marché italien : on constate en effet, depuis un certain nombre d’années, au gré des crises sanitaires, un accroissement des difficultés de commercialisation, vers l’Italie notamment.

Monsieur le ministre, pour répondre à ces préoccupations, plusieurs pistes peuvent être envisagées.

En premier lieu, des mesures plus efficaces de régulation des marchés pourraient être mises en œuvre.

Il s’agirait de mettre en place des mécanismes flexibles pour toutes les productions stockées, de renforcer le pouvoir de marché des producteurs par leur regroupement, pour contractualiser sur les volumes et sur les prix dans un cadre sécurisé, d’améliorer la connaissance et la transparence des marchés dans toute l’Europe en matière de volumes et de prix, car seule la transparence permettra un partage équitable de la valeur ajoutée, de garantir au consommateur européen le même niveau de sécurité alimentaire pour les produits importés que pour les produits issus de l’agriculture communautaire.

En second lieu, un dispositif de paiements directs pour toutes les productions, plus simple, plus lisible, avec une harmonisation des normes dans toute l’Europe, pourrait être instauré. Pour cela, plusieurs corrections doivent être apportées à la situation actuelle.

Il faudrait d’abord, tout en prévoyant une période de transition, sortir du système sclérosant des droits à paiement unique. En effet, fondé sur les références de 2000, de 2001 et de 2002, il est de plus en plus décalé par rapport à la réalité du terrain.

Au sein du premier pilier, l’aide complémentaire verte doit être construite, en termes de contraintes, sur le modèle de l’existant, notamment celui des bonnes conditions agro-environnementales.

Les soutiens couplés doivent être suffisants pour mobiliser des aides, notamment pour l’élevage au sein du bassin allaitant, l’économie de ces zones étant très fragile et très dépendante de l’agriculture.

Par ailleurs, il est nécessaire de mettre en place un dispositif permettant de prendre en compte les handicaps de certaines zones. Par exemple, mon département, dont 82 % de la superficie est classée en zone défavorisée, se trouve pénalisé depuis le début de l’histoire agricole contemporaine.

Enfin, la politique de développement rural doit prendre en considération les spécificités des territoires pour y favoriser l’installation de jeunes agriculteurs, la modernisation des exploitations en place et l’innovation. Elle doit être souple et dotée d’outils adaptables aux contextes locaux. Ainsi, une simplification de la mise en œuvre des mesures agro-environnementales élaborées localement aurait un intérêt certain pour les bassins de captage dans mon département.

Il en va de même pour le soutien aux filières territorialisées, dont plusieurs peuvent être des sources importantes d’emplois, telles, dans l’Indre, les AOC caprines, la lentille verte du Berry, la pisciculture de la Brenne, l’engraissement de taurillons.

Monsieur le ministre, je sais que votre mobilisation en faveur de la mise en place d’une politique agricole commune plus conforme aux attentes de nos agriculteurs français est totale, dans le droit fil de l’« appel de Paris » lancé sur votre initiative, voilà plus d’un an.

Les préoccupations et les propositions que j’ai évoquées, illustrées par le cas de mon département, se retrouvent, vous le savez bien, à l’échelon national. Au nom de l’ensemble de nos agriculteurs, je vous remercie par avance de votre action. Nous savons pouvoir compter sur vous.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

C’est pourquoi l’élu urbain que je suis a souhaité prendre la parole dans un débat qui, en vérité, nous concerne tous.

Aujourd'hui, l’avenir de la PAC se trouve au centre des négociations sur les perspectives financières européennes pour la période 2014-2020.

Chacun peut le constater, les objectifs initiaux de la PAC, inscrits dans le traité de Rome, se sont en quelque sorte perdus dans les sables au fil des ans, notamment parce que les dogmes du marché et de la libre concurrence se sont largement imposés. Pourtant, ces objectifs restent tout à fait d’actualité. En effet, la PAC devait permettre d’assurer un niveau de vie décent à la population agricole, de stabiliser les marchés, car les fluctuations incessantes des prix dues à la spéculation financière menacent en permanence la sécurité de nos approvisionnements, et d’assurer des prix raisonnables aux consommateurs.

Le 17 novembre dernier, le nouveau commissaire européen à l’agriculture et au développement rural, Dacian Ciolos, a donc présenté une communication prévoyant des orientations pour une nouvelle PAC de l’après-2013. La discussion est lancée dans toute l’Union européenne sur cette base et le débat que nous entamons ce soir contribuera, je l’espère, à orienter les futures dispositions législatives qui seront présentées par la Commission européenne en juillet prochain.

Dans sa communication, la Commission explique que les marchés agricoles sont aujourd’hui caractérisés par l’incertitude et la volatilité croissantes des prix. Elle semble ainsi reconnaître les effets négatifs du libre marché et de la dérégulation qui ont orienté la PAC ces dernières années.

La Commission souligne la spécificité de l’activité agricole par rapport aux autres activités économiques, l’alimentation étant un bien essentiel à la survie de l’homme. Le rôle premier de l’agriculteur doit bien être la production de nourriture et, étant donné l’augmentation de la population mondiale, il est primordial que l’agriculture européenne maintienne sa capacité de production, contrairement à ce qui a pu parfois être dit.

La Commission souligne également le rôle de l’agriculture dans l’équilibre des territoires, et semble ainsi remettre en question les processus de spécialisation et de concentration des exploitations qui ont caractérisé la PAC ces dernières années. L’activité agricole demeure le « moteur » de l’économie rurale ; elle concourt à l’identité des régions et la PAC doit donc permettre de la pérenniser sur l’ensemble du territoire européen.

La Commission souligne enfin les liens forts qui unissent l’activité agricole et la protection de l’environnement : sans ressources naturelles préservées, il n’y a pas d’agriculture viable ; à l’inverse, sans agriculture, la préservation des espaces naturels n’est pas assurée. La Commission met donc l’accent sur les enjeux multiples, à la fois économiques, sanitaires, sociaux, territoriaux et environnementaux, liés à l’agriculture.

Le groupe socialiste du Sénat ne peut que se réjouir de ces premières orientations, qui semblent renouer avec les objectifs fondamentaux de la PAC : l’indépendance et la sécurité alimentaires, la garantie d’un revenu décent pour l’ensemble des agriculteurs, la cohésion sociale et territoriale, la valorisation de la diversité des terroirs, la protection de l’environnement et la solidarité européenne.

De même, nous approuvons le nouveau principe posé par la Commission d’une répartition des aides plus équilibrée entre États membres et entre filières. C’est, en effet, une nécessité pour que la PAC retrouve sa légitimité. Ainsi, la Commission souhaite mettre en place une réforme tendant à instaurer davantage d’équité, avec un revenu de base pour l’ensemble des agriculteurs européens, une aide supplémentaire pour le « verdissement » de l’agriculture et pour les régions à contraintes naturelles spécifiques, ainsi qu’un plafonnement des aides. Un maximum d’aide pour les grandes exploitations et un soutien minimal pour les petites exploitations seraient ainsi instaurés.

Cependant, le groupe socialiste regrette que la Commission, dans sa communication, n’aborde pas directement la question budgétaire, pourtant primordiale, qui conditionne la mise en œuvre d’une réforme ambitieuse. En ce qui nous concerne, nous sommes favorables au maintien a minima du pourcentage global actuel du budget européen consacré à la PAC.

En outre, le groupe socialiste considère que les propositions de la Commission restent très limitées en matière de régulation des marchés. Elle se contente de prévoir un filet de sécurité en cas de crise. Aucune proposition ne vise à éviter la survenue des crises et à empêcher la volatilité des prix, phénomène que la crise du lait a illustré dans un passé récent.

Nous estimons, pour notre part, que les objectifs de cette réforme ne pourront être atteints que par une régulation du marché agricole à l’échelon tant européen que mondial. Selon nous, il est important de réguler l’offre agricole via des objectifs de production, des indices de prix, des mesures de stockage.

De même, il nous semble nécessaire de revaloriser la place de notre agriculture dans le commerce mondial et dans les politiques de développement. Pour que les échanges commerciaux soient plus justes, chacune des parties doit respecter les mêmes règles du jeu, les mêmes normes sociales, environnementales, sanitaires. En effet, le respect des normes qui leur sont imposées engendre des coûts importants pour les agriculteurs européens, ce qui les empêche d’être compétitifs face aux pays tiers, dont les producteurs ne sont pas tenus par de telles normes.

Nous proposons donc que soit pris en compte, à l’échelle mondiale, un principe de réciprocité dans les échanges alimentaires. À défaut, nous pourrions renforcer le principe de préférence communautaire en instaurant des « écluses tarifaires ». Il va sans dire qu’au sein même de l’Union européenne, nous devons rechercher une harmonisation en matière de droit fiscal et de droit du travail, afin d’éviter les situations de concurrence déloyale internes à l’’espace communautaire.

Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les messages que je souhaitais délivrer au nom du groupe socialiste à l’occasion de ce débat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord me féliciter de l’organisation d’un tel débat : nous commençons bien l’année !

Le Sénat démontre ainsi sa capacité de travail, d’anticipation pour répondre aux évolutions amenées par le traité de Lisbonne. La réforme de la PAC conditionne la sécurité alimentaire de l’Union européenne et le maintien des équilibres territoriaux, en particulier dans les zones de montagne, qui me sont chères ! §

Nous avons la chance, dans notre pays, d’avoir pu compter sur des ministres de l’agriculture porteurs d’une volonté politique forte de promouvoir l’agriculture à l’échelon européen. Vous vous inscrivez dans cette lignée, monsieur le ministre, et je m’en réjouis.

Nous avions eu avec votre prédécesseur, Michel Barnier, un débat sur le bilan de santé de la PAC. Sous l’influence de la France, un certain nombre de décisions allant dans le bon sens ont ensuite été prises sur le plan communautaire. La nécessité d’une PAC et du maintien d’outils de régulation a été réaffirmée, même s’il est vrai que certaines aides doivent être réorientées, en particulier au profit des zones défavorisées et des éleveurs en difficulté.

Avec une grande force de conviction, monsieur le ministre, vous avez su convaincre les Allemands de s’engager à nos côtés dans la définition d’une nouvelle politique agricole, ce qui n’était pas forcément évident au départ, et vous avez amené vingt-deux pays membres de l’Union européenne à reconnaître la nécessité d’une régulation. Nous pouvons donc vous faire confiance pour garder le cap de la politique agricole commune et la faire évoluer de manière à répondre aux attentes des consommateurs en matière de sécurité alimentaire tout en permettant à de petites exploitations agricoles de vivre et de faire vivre l’ensemble de nos territoires.

Il s’agit là d’un enjeu de société, et non de la défense des seuls agriculteurs. L’orateur qui m’a précédé a eu raison d’indiquer que les élus des territoires ruraux ne devaient pas avoir le monopole des interventions sur la PAC, qui est la seule politique communautaire. Ce dernier point m’amène d’ailleurs à souligner que, en matière de dépenses – on reproche volontiers à la PAC de coûter cher –, les comparaisons avec d’autres secteurs sont, pour cette raison, impossibles : par exemple, il n’existe pas de politique communautaire de la recherche, ce domaine étant essentiellement une compétence nationale.

Nous souhaitons tous le maintien d’une politique agricole commune. Il est important de l’affirmer, car la tentation d’une renationalisation a parfois pu se faire jour en Europe.

En ce qui concerne la vocation alimentaire de l’agriculture, je ne prétends pas que le problème se pose dans les mêmes termes que pour notre approvisionnement en métaux et en terres rares, sujet sur lequel la commission des affaires étrangères m’a demandé de rédiger un rapport, mais la sécurité et la qualité alimentaires représentent des enjeux fondamentaux dans un monde dont la population croît rapidement. Ne l’oublions pas, la qualité de l’alimentation conditionne la qualité de la vie, parfois même la survie. M. Bizet regrettait tout à l’heure que la communication de la Commission n’évoque pas suffisamment la finalité alimentaire de l’agriculture : il est vrai qu’il faut y insister.

Une autre vocation de la PAC est la préservation des ressources naturelles et de la qualité de notre environnement. Ce matin même, j’ai plaidé pour le classement par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité des causses des Cévennes, au titre de l’agropastoralisme. En effet, ce sont les agriculteurs qui, par leur travail, ont façonné nos paysages et fait la qualité de notre environnement. L’œuvre de l’homme est indispensable à la préservation des milieux naturels. Il faut en avoir conscience ! Cela étant, sortons d’un faux débat : si l’agriculteur est un acteur de la protection de l’environnement, il ne doit pas être transformé en jardinier. C’est pourquoi il importe de trouver un équilibre entre soutien financier régulé à la production et prise en compte des missions spécifiques accomplies par les agriculteurs au bénéfice de nos sociétés, en particulier dans les zones de montagne. Cela nous ramène aux premier et deuxième piliers de la PAC.

Le lien entre activité agricole et environnement est patent. Récemment, les jeunes agriculteurs se sont réunis en Lozère – c’était là un bon choix de leur part ! –, à la Baraque des Bouviers, pour demander le maintien de l’indemnité compensatoire de handicap naturel, qui est indispensable, et de la prime à la vache allaitante, ainsi que des aides spécifiques à la modernisation des bâtiments d’élevage, à la mécanisation, à l’installation des jeunes. Enfin, ils ont appelé de leurs vœux un soutien aux initiatives innovantes, affirmant ainsi avec force que le monde agricole est capable d’innover sur ces territoires. En un mot, ils veulent une vraie politique agricole.

Monsieur le ministre, vous allez devoir vous battre pour que les pseudo-intellectuels parfois fatigués de certains pays du Nord, qui ne comprennent rien aux problèmes de l’agriculture, ne viennent pas imposer leurs vues. §Vous avez toute notre confiance !

Par ailleurs, la stratégie de Lisbonne a mis en exergue la nécessité d’assurer la cohésion territoriale. À cet égard, je suis le plus heureux des hommes, monsieur le ministre, car le fait que l’aménagement du territoire relève désormais également de vos responsabilités vous permettra de promouvoir conjointement à Bruxelles une vraie politique agricole commune et une authentique politique de cohésion territoriale.

L’Europe a un message à porter : son modèle agricole est exemplaire et permet le maintien de la vie sur l’ensemble de son territoire. Ce modèle, je sais que vous avez la volonté et la détermination de le défendre, monsieur le ministre. Les travaux remarquables réalisés par le Sénat sur ce sujet vous y aideront. L’Europe doit se mobiliser pour construire une société mettant l’homme au cœur des territoires, en particulier de montagne. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Fournier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon la FAO, la demande mondiale en denrées alimentaires augmentera de 70 % d’ici à 2050. La politique agricole commune doit rester la marque d’un esprit de responsabilité assumée à l’égard des citoyens de l’Union européenne et du reste du monde.

Partant du vécu gardois, j’établirai un premier constat : la PAC actuelle n’est pas prioritairement tournée vers l’agriculture méditerranéenne, une agriculture faite de petites exploitations viticoles, de production extensive à forte intensité de main-d’œuvre dans le secteur de l’arboriculture, subissant, pour couronner le tout, une concurrence féroce extra- et intracommunautaire, en raison d’importantes distorsions de charges. C’est là un problème majeur, monsieur le ministre.

Jusqu’à présent, les organisations communes des marchés compétentes s’occupaient spécifiquement de ces productions, tandis que moins de 5 % des fonds du premier pilier étaient consacrés presque exclusivement à des interventions de régulation des marchés.

Les orientations rendues publiques par le commissaire européen Dacian Cioloş, favorables au maintien d’une agriculture sur tous les territoires, semblent plutôt encourageantes. Dans le Sud, l’héliotropisme pèse sur les documents d’urbanisme, la déprise agricole a une ampleur phénoménale. À l’heure du « verdissement » de la PAC, poursuivre la marginalisation de cette agriculture millénaire et performante, qui ne s’est jamais imposée à la nature, serait un contresens !

Des voix s’élèvent, ici ou là, contre l’existence de la PAC, parce qu’elle financerait l’« obésité », le « gras ». Il serait fou que la Commission ne considère pas les fruits et légumes et le vin comme des productions à protéger, et plus encore à promouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

M. Jacques Blanc. C’est le régime méditerranéen !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Fournier

Pour ces deux secteurs, la Commission n’envisage pas de modifications substantielles, au prétexte que les réglementations spécifiques seraient récentes. Attention à ne pas écarter de la discussion notre agriculture méridionale, alors que se dessine une nouvelle donne financière fort incertaine ! Elle porte depuis toujours le nouveau modèle agricole prôné par la Commission.

La régulation des marchés, le renforcement de l’organisation des producteurs et le développement rural constituent des enjeux majeurs.

Alors que le budget « investissements » est consommé jusqu’en 2013 et que l’on évoque une contraction budgétaire globale de la PAC à hauteur de 15 % pour la période 2014-2020, nos agriculteurs sont inquiets, et les viticulteurs le sont encore plus ! La France est le premier producteur mondial de vin. Alors que les domaines viticoles représentent 13 % des exploitations nationales, l’enveloppe consacrée à la viticulture se réduit à 2 % du total des subventions agricoles françaises.

Avec l’abandon des OCM spécifiques, la réforme de la PAC aura une incidence directe sur la viticulture française. Même si notre pays n’a pas adopté le régime des droits à paiement unique, toutes les autres décisions relatives aux mesures dites « générales » et « horizontales » affecteront la viticulture.

Monsieur le ministre, est-on capable, aujourd’hui, de prévoir les effets de ces décisions ? Malgré cette perte relative de spécificité, êtes-vous en mesure de nous apporter quelques certitudes quant au maintien d’un budget européen au moins constant pour la viticulture ?

La perte d’ambition régulatrice de la Commission se résoudrait-elle à cette évolution paradoxale : d’abord une campagne d’arrachage volontaire jusqu’à la fin de 2011, ensuite, en 2016 ou en 2018, la fin des droits de plantation, qui auront contribué à la régulation de la production, depuis 1936 en France et depuis 1972 à l’échelon européen ? Vous conviendrez que ce n’est pas très cohérent.

À la lumière des crises successives subies par la filière fruits et légumes et par celle de la viticulture, la nécessité de la régulation des marchés apparaît. La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche que vous avez portée, monsieur le ministre, a permis des avancées techniques sur le plan des relations commerciales. Les agriculteurs du Midi saluent votre pragmatisme et attendent aussi beaucoup de votre action à Bruxelles.

Supprimer toute régulation en amont, c’est d’abord condamner la viticulture à des crises de surproduction et à des chutes de prix ; c’est aussi remettre en cause les efforts qualitatifs de ces dernières décennies. Par ailleurs, l’irrégularité des marchés exige que l’on envisage enfin l’aide au stockage.

De paradoxe en abandon, la Commission ne prévoit pas de mesures viticoles avant 2015 ou 2016, tandis que les programmes d’aide à la viticulture en cours se termineront en 2013. Doit-on comprendre, monsieur le ministre, que la nouvelle PAC scellera définitivement le sort de ce secteur ?

Les viticulteurs et les arboriculteurs du Midi concourent à l’excellence de l’agriculture européenne. Pour continuer, ils ont besoin d’un horizon, de clarté et de considération, au même titre que les agriculteurs des autres filières. Vous portez leurs espoirs, monsieur le ministre.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Monsieur le président, messieurs les présidents des commissions, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous adresser mes meilleurs vœux et de vous dire le plaisir que j’ai à vous retrouver aujourd’hui.

Je vous remercie d’avoir décidé de commencer l’année par un débat sur un sujet essentiel, à savoir l’avenir de la politique agricole commune, d’autant que nous entrerons en 2011 dans le vif des négociations avec nos partenaires européens.

En préambule, je voudrais souligner que la politique agricole commune n’est pas un sujet technique ou sectoriel ; elle est d’abord un sujet politique et stratégique. C’est une politique qui engage l’avenir de 12 millions de paysans européens, ainsi que notre sécurité alimentaire et sanitaire. À cet égard, ce qui vient de se passer en Allemagne, où des traces de dioxine ont été détectées dans des aliments pour animaux, doit nous rappeler l’importance de faire preuve de vigilance dans le domaine sanitaire. Enfin, la politique agricole commune engage l’avenir de l’ensemble de nos territoires et présente, à ce titre, un caractère stratégique.

La politique agricole commune est confrontée à un défi nouveau, dont l’importance ne cesse de croître depuis plusieurs mois : celui de la volatilité croissante des prix agricoles mondiaux.

À cet instant, afin que chacun puisse prendre toute la mesure de la situation, je rappellerai quelques chiffres : le prix de la tonne de blé est de 135 euros au mois de juillet 2010 à 260 euros aujourd’hui, et pourrait atteindre 300 euros dans les mois à venir ; le prix de la tonne d’orge a plus que doublé pendant la même période, passant de 105 euros à 220 euros ; celui de la tonne de maïs, qui était de 150 euros au mois de juillet 2009, s’établit aujourd'hui à près de 260 euros. Que dirait-on si le prix du pétrole ou du gaz doublait ou triplait en l’espace de quelques mois ? Nous serions face à une crise internationale majeure. Telle est exactement la réalité de la situation du secteur agricole, telle est la nature du défi auquel est confrontée la politique agricole commune.

Cette volatilité croissante des prix agricoles résulte bien entendu de phénomènes climatiques que vous connaissez tous, qu’il s’agisse de la sécheresse en Russie, qui a conduit ce pays à fermer ses frontières aux exportations de blé en août dernier, ou des désastreuses inondations récemment survenues en Australie. Les prochaines récoltes en Amérique du Sud détermineront si nous aurons ou non à affronter une crise alimentaire dans les semaines à venir.

Cependant, cette réalité physique est aggravée par une spéculation financière inacceptable sur les marchés de matières premières agricoles, …

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

… qui a purement et simplement pris le relais de la spéculation sur le marché immobilier et sur les marchés financiers, parce qu’elle rapporte davantage. Il n’est pas question de laisser faire, et nous prendrons toutes dispositions nécessaires, dans le cadre du G 20, pour essayer d’encadrer cette spéculation.

Sur ce point, je ne citerai qu’un seul chiffre : sur les marchés agricoles, le volume des encours financiers est quinze fois supérieur à celui des encours physiques ! Cette situation est inacceptable, et je crois que nous pouvons tous nous féliciter de ce que la France ait inscrit la question de la régulation des marchés de matières premières agricoles à l’ordre du jour des travaux du G 20.

Le renforcement de la politique agricole commune est évidemment l’une des réponses à cette spéculation. Je tiens à remercier tous les intervenants, notamment MM. Bizet, Lefèvre et Mayet, qui ont mis l’accent sur la volonté manifestée par la France, au cours des derniers mois, de remettre la question agricole au cœur du débat européen, alors que certains avaient tendance à la glisser sous le tapis, en expliquant qu’elle était devenue secondaire par rapport à des sujets comme l’éducation, la recherche ou les universités. Il n’y a pas de sujet secondaire, et l’agriculture est en tout état de cause une question stratégique pour l’avenir de l’Europe.

La politique agricole commune, aujourd’hui, ce sont 40 milliards d’euros d’aides directes, dont plus de 8 milliards d’euros pour la France, ce sont des mesures de régulation et d’intervention sur les marchés, ce sont des aides absolument indispensables au maintien de certaines activités agricoles. Je pense notamment, monsieur Blanc, à l’indemnité compensatoire de handicap naturel, l’ICHN, qui représente 520 millions d’euros pour nos agriculteurs installés dans les zones difficiles, en particulier dans les zones de montagne. Le jour où cette aide sera supprimée ou réduite, ne serait-ce que de 20 % ou de 30 %, des milliers d’exploitants, en France et dans toute l’Europe, seront condamnés à mettre la clé sous la porte.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

M. Bruno Le Maire, ministre. Des territoires entiers deviendront alors des déserts économiques et humains. Nous n’accepterons jamais que l’on en arrive à une telle situation !

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Il existe désormais un consensus sur l’importance essentielle de la PAC. Mesurons le chemin parcouru ces derniers mois : grâce à la position commune franco-allemande adoptée en septembre dernier, grâce à l’« appel de Paris » de décembre 2009, qui a permis de créer une nouvelle dynamique en faveur de la politique agricole commune, grâce aux efforts du Parlement européen, que je tiens à saluer car les eurodéputés, toutes tendances confondues, ont joué un rôle majeur, grâce au rapport Lyon, grâce au travail réalisé par les parlementaires nationaux, notamment par les sénateurs, nous avons gagné la première bataille de la politique agricole commune, en faisant comprendre aux 500 millions de citoyens européens qu’elle était un sujet essentiel. À cet égard, je salue le rapport d’information rédigé par les présidents Jean-Paul Emorine et Jean Bizet, ainsi que par Mmes Bernadette Bourzai et Odette Herviaux : il a contribué à remettre la PAC au cœur du débat.

Cela étant, soyons lucides : si nous avons gagné une bataille, nous n’avons pas encore gagné la guerre. Tous ensemble, nous devons rester mobilisés pour que la politique agricole commune puisse continuer à jouer le rôle qui est le sien depuis maintenant plusieurs décennies.

Dans cette perspective, nous devons d’abord continuer à remettre de l’ordre dans nos propres affaires agricoles et poursuivre les efforts de modernisation que nous avons engagés depuis plusieurs mois. Nous ne serons crédibles, aux yeux des autres pays européens, que si nous commençons par faire le ménage chez nous ! Ceux qui donnent des leçons sans être capables de se les appliquer ne sont guère écoutés par leurs partenaires européens.

C’est pourquoi l’une des premières décisions que j’ai prises, suivie par d’autres allant dans le même sens, a été de revenir sur les aides illégales qui avaient été accordées par certains gouvernements précédents, afin de nous mettre en conformité avec la réglementation européenne. Il est tout de même difficile d’être le premier pays bénéficiaire des aides de la PAC et de réclamer que l’Europe maintienne son soutien à l’agriculture tout en ne respectant pas les règles européennes !

Par ailleurs, nous avons modernisé notre agriculture, notamment grâce à la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche que le Sénat a adoptée voilà quelques mois. La compétitivité de notre agriculture a progressé, et nous avons repris un certain nombre de marchés. Nous venons ainsi d’apprendre que la France était redevenue en 2010 le premier producteur mondial de vin, place qu’elle avait perdue l’année dernière. Je suis heureux de pouvoir vous l’annoncer ce soir !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je tiens à dire à ce sujet – Gérard César a beaucoup insisté sur ce point – que la compétitivité n’est pas un mot tabou en agriculture. Cette notion, loin d’être une menace pour les agriculteurs, est au contraire un atout pour eux, puisqu’elle consiste à faire baisser les coûts de production pour augmenter leurs revenus.

J’ajoute que la compétitivité ne relève pas que de la responsabilité des producteurs ; son amélioration concerne toute la filière. Au lieu de pointer systématiquement du doigt les producteurs, il faudrait aussi regarder ce qui se passe du côté des transformateurs, des industriels, des grands distributeurs, afin d’obtenir une réduction des coûts de production tout au long de la filière.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je souligne également que la recherche de la compétitivité n’est pas synonyme d’alignement sur un modèle d’agriculture intensive, qui n’est pas celui que je défends. Je le dis notamment à l’adresse de Bernadette Bourzai, qui s’interrogeait légitimement à ce sujet. Au contraire, la compétitivité est le moyen de préserver notre modèle agricole, caractérisé par la diversité et la qualité des produits, par la présence de l’agriculture sur l’ensemble du territoire, par la valorisation des productions. Je suis tout à fait d’accord avec vous, madame la sénatrice, pour dire que la qualité se paie, et qu’elle doit se payer dans toutes les filières. De ce point de vue, je le reconnais, il y a des efforts à faire.

Dans la filière laitière, la qualité se paie. Le lait qui sert à produire du saint-nectaire, du cantal de Salers, de la tome de Savoie ou du comté est vendu entre 400 et 420 euros la tonne. Ces filières à haute valeur ajoutée n’ont jamais connu de véritable crise.

En revanche, il est d’autres filières où la qualité ne paie pas. C’est un scandale auquel nous devons remédier. Dans la filière bovine, en particulier, il n’est pas normal que le prix de référence soit systématiquement celui de la vache de réforme.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Pour un éleveur de bovins de race Salers ou Blonde d’Aquitaine, qui produit de la viande de qualité, il est inacceptable que le prix de référence soit celui de la viande de vache de réforme, dont la qualité et les propriétés gustatives ne sont pas les mêmes. Nous voulons remédier à cette situation dans les mois à venir. C’est, je le répète, l’une de mes priorités absolues.

Pour défendre efficacement la politique agricole commune à l’échelon européen, nous devons également être en mesure de formuler des propositions nouvelles. Nous l’avons fait à propos de la filière laitière, en acceptant de renoncer aux quotas laitiers pour essayer de bâtir une nouvelle régulation. Nos propositions en la matière ont été reprises dans le paquet « lait ». Nous avons également été le premier grand État européen à dire qu’il fallait abandonner les références historiques, parce qu’elles sont inacceptables pour un certain nombre de nos partenaires, par exemple la Pologne.

Maintenant que la politique agricole commune a été replacée au centre du débat et son caractère stratégique réaffirmé, que la proposition surréaliste avancée par certains de réduire son budget de 30 % à 40 % a été écartée, de même que l’idée absurde selon laquelle l’agriculture serait moins importante que l’éducation ou l’innovation, quelles perspectives s’ouvrent devant nous ?

La nouvelle politique agricole commune, c’est d’abord cette régulation des marchés pour laquelle je me bats depuis près de deux ans et dont la notion commence, me semble-t-il, à faire son chemin dans les esprits européens.

La régulation ne s’opère pas contre le marché, elle l’améliore ; la régulation n’est pas une notion tombée du ciel, elle découle de la simple observation de la réalité de la volatilité des prix des matières premières agricoles ; la régulation n’est pas qu’un mot, ce sont désormais des décisions concrètes, comme en témoigne le paquet « lait » adopté par la Commission européenne.

Ainsi, lorsque la Commission indique qu’elle est prête à modifier le droit de la concurrence européen, que les producteurs pourront désormais se regrouper jusqu’à représenter 3, 5 % de l’ensemble de la production laitière communautaire, il s’agit d’une véritable révolution. Cela signifie que près d’un tiers des producteurs français pourront, s’ils le souhaitent, se rassembler et négocier collectivement, en position de force, le prix du lait avec les industriels.

Je rappelle en effet que, avant ce « paquet lait » et ces décisions en matière de régulation, les producteurs de lait français ne pouvaient pas se regrouper à plus de 400 pour négocier le prix du lait avec des industriels tels que Sodiaal, Danone ou Lactalis.

C’est bien la preuve que la régulation n’est pas qu’un mot et qu’elle se traduit par des actes. La régulation ne tient pas simplement à une meilleure organisation du marché ; elle est aussi une affaire d’équité et de justice pour les producteurs.

La nouvelle politique agricole commune, c’est aussi le maintien des deux piliers, qui, comme l’a rappelé à juste titre Jean-Paul Emorine, est essentiel. Il est également essentiel de refuser dans le premier pilier une aide unique à l’hectare, laquelle n’aurait pas de sens. En effet, les niveaux de développement économique et de rémunération entre les pays européens, ainsi que les systèmes sociaux, restent trop différents pour que nous puissions accepter une aide unique.

Entre la remise en cause des références historiques, que j’approuve parce qu’elle est juste, et l’aide unique à l’hectare, que je refuse parce qu’elle est injuste, nous trouverons une solution équilibrée pour les aides directes.

La nouvelle politique agricole commune, c’est une plus grande légitimité des aides financières apportées aux exploitations, comme vous l’avez tous souligné ici, mesdames, messieurs les sénateurs, toutes tendances politiques confondues. Une politique qui représente près de 46 % de l’ensemble du budget européen, soit des dizaines de milliards d’euros distribués chaque année, se doit d’être équitable et légitime. Si nous voulons gagner la bataille de la politique agricole commune vis-à-vis des 500 millions de citoyens européens, il faut donner une nouvelle légitimité aux aides directes.

Cette nouvelle légitimité passe par un rééquilibrage du budget entre les États membres. Nous y sommes prêts, nous avons fait un geste en ce sens, comme je l’ai indiqué à nos amis polonais.

La nouvelle politique agricole commune, c’est également ce que le commissaire européen Dacian Ciolos a appelé le « verdissement » de la PAC.

Je suis favorable au verdissement de la PAC, qui ne me fait pas peur, parce que je pense que c’est tout à l’honneur de l’Union européenne de défendre une agriculture respectueuse de l’environnement. C’est une singularité européenne dont nous pouvons être fiers. Ce verdissement nous permettra de gagner la bataille de la légitimité aux yeux des citoyens européens.

Toutefois, il y a verdissement intelligent et verdissement stupide, pour dire les choses clairement.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

M. Bruno Le Maire, ministre. Le verdissement stupide, c’est celui qui stigmatise systématiquement les agriculteurs en expliquant que ce sont eux les pollueurs.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Le verdissement stupide, c’est celui qui rend plus complexe encore un dispositif qui l’est déjà trop.

C’est celui – je le dis avec force – qui oublierait que nous sommes dans un monde ouvert et de compétition, qui céderait – j’aurai l’occasion d’y revenir – devant les négociations commerciales internationales et, par conséquent, signifierait la fin de nombre de nos exploitations en Europe.

Le verdissement intelligent, en revanche, c’est celui qui valorise les efforts des agriculteurs, ceux qui s’orientent vers le respect de l’environnement, qui sont soucieux de la qualité des eaux, qui tiennent compte du bien-être animal. Une fois de plus, c’est tout à l’honneur de l’Europe d’être respectueux du bien-être animal, de veiller à la façon dont sont exploités et traités les animaux dans l’agriculture.

Le verdissement intelligent, c’est celui qui valorise ces efforts et qui reconnaît que les agriculteurs ont été les premiers à développer, à exploiter et à respecter nos paysages.

Le verdissement intelligent, c’est celui qui tend à une simplification des règles.

Mouvements d’approbation sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Le verdissement intelligent, c’est celui qui est budgétairement possible, financièrement soutenu, …

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

M. Bruno Le Maire, ministre. … celui qui aide les agriculteurs et qui les encourage. Ce n’est pas celui qui les brime et qui les empêche d’exercer correctement leur métier !

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Tout cela n’est possible, je tiens à le rappeler, qu’avec un budget à la hauteur de nos ambitions. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, la première proposition qui a été faite – une réduction de 30 % à 40 % du budget – était inacceptable. Heureusement, cette idée folle a été abandonnée. Nous sommes aujourd'hui d’accord sur le fait que le budget de la PAC doit être stabilisé.

Je ne suis pas d’un naturel particulièrement méfiant, mais je sais que, dès qu’il s’agit de finances et d’argent, dès que l’on approche du but, les choses deviennent en règle générale plus complexes. Je vous demande donc à tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de m’aider à soutenir l’idée du maintien du budget de la politique agricole commune.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

M. Bruno Le Maire, ministre. Ce maintien est indispensable au soutien de nos agriculteurs et au respect de nos exploitations, tout simplement.

MM. Bruno Sido et Jacques Blanc applaudissent.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Comment allons-nous procéder ? Quelle méthode allons-nous appliquer ?

Tout d’abord, d’ici à la présentation officielle dans quelques mois par la Commission de ses propositions législatives sur les instruments de la PAC, nous devons impérativement rassembler nos partenaires autour de la position commune franco-allemande.

À cet effet, je recevrai demain mon homologue slovène. Je rencontrerai mes homologues portugais et espagnol dans les prochains jours. Enfin, je me rendrai dans un certain nombre de pays européens dans les semaines à venir. Nous poursuivrons ce marathon diplomatique afin de rassembler et de solidariser le maximum d’États européens autour de la position commune franco-allemande.

À cet égard, l’accord avec la Pologne sera évidemment capital, mais il ne sera pas facile à obtenir. Cela fait des mois que je négocie avec le gouvernement polonais. Ilse Aigner, mon homologue allemande, et moi-même allons conjuguer nos efforts pour essayer d’entraîner la Pologne avec nous.

Pour rassembler nos partenaires, je compte également m’appuyer sur les travaux du Parlement européen. Je recevrai vendredi le rapporteur du Parlement européen sur la PAC et je me rendrai à Strasbourg prochainement pour discuter avec les parlementaires concernés, qui auront tous un rôle majeur à jouer.

En clair, c’est non pas tous les mois ou toutes les semaines, mais tous les jours qu’il faut poursuivre le travail diplomatique qui nous permettra de remporter définitivement la bataille de la politique agricole commune.

Enfin, j’évoquerai deux points importants de notre stratégie européenne et internationale pour l’avenir de la PAC.

Il ne sert à rien de se battre pour la PAC si on ne se bat pas non plus dans le cadre des négociations commerciales et du G20.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Il faut aborder les négociations commerciales internationales, notamment avec le MERCOSUR et dans le cadre de l’OMC, sans aucune naïveté et sans aucun complexe. C’est sans complexes que nous devons défendre notre agriculture, refuser les accords qui se feraient au détriment de l’agriculture et ne pas accepter que l’agriculture soit une nouvelle fois la monnaie d’échange dans un marché de dupes entre les pays sud-américains et l’Union européenne.

À ce stade de mon intervention, permettez-moi de rappeler quelques réalités à tous les esprits bien-pensants qui estiment qu’il faut ouvrir tout grand nos frontières à un certain nombre d’États, qui, eux, ne s’empressent pas de faire de même.

Je citerai un premier chiffre : le déséquilibre commercial entre les pays du MERCOSUR et l’Union européenne pour les seuls produits agricoles est de 22 milliards d’euros par an, soit la moitié du budget de la politique agricole commune, et ce avec le régime tarifaire existant.

Je vous laisse imaginer, si le régime tarifaire existant était modifié, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ampleur qu’atteindrait notre déficit commercial en matière agricole avec les pays d’Amérique du Sud et les conséquences que cela aurait pour notre agriculture, en particulier pour les exploitations d’élevage en France et en Europe.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Ce point est en effet tout à fait fondamental.

Il ne sert à rien de nous battre pour préserver un modèle agricole européen si, dans le même temps, nous ouvrons tout grand nos frontières à d’autres pays qui ne respectent pas les mêmes règles sanitaires ou environnementales que nous.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je rappellerai un autre chiffre intéressant, à savoir le coût de production dans le secteur de l’élevage – ce secteur, je le répète, est ma préoccupation majeure – au Brésil et en France. Du fait des règles sanitaires, environnementales et de respect du bien-être animal qui s’appliquent en France, règles auxquelles, comme n’importe quel citoyen européen, je suis attaché – c’est tout à l’honneur de l’Europe de les défendre –, le coût de production par kilo de carcasse dans l’élevage est trois fois plus élevé en France qu’au Brésil.

M. Bruno Sido s’exclame

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Par conséquent, si nous ne maintenons pas un certain nombre de protections tarifaires et le principe de réciprocité, si nous faisons preuve de trop de naïveté ou d’angélisme, nous ferons peut-être très plaisir à un certain nombre de pays dont nous n’avons pourtant pas à défendre les intérêts. En revanche, nous défendrons mal les nôtres. Or notre rôle est de défendre les intérêts français et européens.

M. Jacques Blanc applaudit.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

J’évoquerai maintenant le G20 et la régulation des marchés. Comme je l’ai indiqué au début de mon intervention, il nous faut lutter contre la volatilité des prix des matières premières agricoles. La France a été le premier pays à placer ce sujet au cœur des débats du G20, ce qui est une très bonne chose.

Pour la première fois dans l’histoire de ce forum ou du G8, les vingt ministres de l’agriculture des pays les plus riches de la planète se réuniront en mai ou en juin prochain. Pour la première fois, nous proposerons un certain nombre de mesures concrètes.

Tout d’abord, nous insisterons sur la nécessaire transparence des marchés, notamment sur les stocks. Comment pourrions-nous en effet lutter contre la volatilité des prix alors que personne ne connaît aujourd'hui avec précision l’état des stocks de blé, de riz ou de maïs dans le monde ? Les spéculateurs auraient tort de ne pas spéculer sur les matières premières agricoles alors qu’il n’y a dans ce domaine aucune transparence, qu’aucune information n’est disponible et qu’il n’existe pas de statistiques coordonnées sur le niveau des stocks. La spéculation se nourrit de l’absence d’informations.

La première des choses à faire est donc d’instaurer de la transparence et de mettre en œuvre des bases de données communes afin de disposer d’informations sur les stocks. L’enjeu est crucial et cet objectif sera difficile à atteindre, car c’est là un sujet stratégique pour des pays tels que la Chine ou l’Inde, mais je pense que nous pouvons progresser.

Ensuite, nous devons travailler à une meilleure coordination des responsables politiques au plus haut niveau. Nous ne pouvons pas admettre que perdure un système qui permet à la Russie, en l’absence d’outil de coordination, de décider unilatéralement, sans prévenir personne, de ne plus exporter de blé, alors qu’elle est l’un des premiers pays producteurs au monde. Cela conduit à une augmentation de 20 % du prix du blé en une nuit ! Cela n’est pas possible. Des échanges d’information et une coordination sont nécessaires.

Enfin, il faut moraliser les marchés financiers qui traitent des matières premières agricoles. Comme je l’ai déjà dit, l’écart entre la réalité physique des échanges agricoles et la réalité financière des volumes traités sur ces marchés est une des raisons de la spéculation et l’un des problèmes auxquels nous devons remédier. Sur ce point, j’ai fait un certain nombre de propositions techniques à nos partenaires américains et j’espère que nous pourrons progresser.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments que je souhaitais vous présenter ce soir.

Pour terminer, je tiens à vous remercier de ce débat, car il est très important que la question de la politique agricole commune soit portée sur la place publique afin que chaque citoyen en France et en Europe, et non pas seulement le Gouvernement, les responsables politiques et les parlementaires, puisse s’en saisir.

À mon sens, il y a derrière la politique agricole commune un modèle politique singulier. Ce modèle permet de lutter contre l’uniformisation des produits agricoles. Il nous permet de refuser d’avoir tous le même régime alimentaire partout sur la planète. Il respecte les exploitations de taille raisonnable. Il permet de prendre en compte l’environnement, la sécurité sanitaire et le bien-être des animaux dans la production agricole.

Certes, c’est un modèle singulier, auquel, il est vrai, nos partenaires américains, sud-américains ou d’autres pays n’adhèrent pas. Il n’en demeure pas moins un beau modèle. Ce n’est pas parce qu’il est peut-être économiquement plus coûteux que d’autres qu’il n’est pas politiquement valable. Ce n’est pas parce que d’autres estiment que seul le prix compte que nous devons nous aligner sur le moins-disant agricole.

Une fois encore, il est tout à notre honneur de défendre à travers la politique agricole commune un modèle de civilisation européen singulier et valable.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mes chers collègues, je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la mission commune d’information sur les dysfonctionnements éventuels de notre système de contrôle et d’évaluation des médicaments, révélés à l’occasion du retrait de la vente en novembre 2009 d’une molécule prescrite dans le cadre du diabète, commercialisée sous le nom de « Mediator », et sur les moyens d’y remédier en tant que de besoin.

La présidence n’a reçu aucune opposition. En conséquence, elles sont ratifiées et je proclame : MM. François Autain, Paul Blanc, Gilbert Barbier, Bernard Cazeau, Philippe Darniche, Jean Desessard, André Dulait, Alain Fauconnier, Mme Nathalie Goulet, M. Michel Guerry, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Christiane Kammermann, M. Ronan Kerdraon, Mme Virginie Klès, MM. Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-Louis Lorrain, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Jean-Jacques Mirassou, Mmes Janine Rozier, Odette Terrade, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe et Alain Vasselle, membres de la mission commune d’information sur les dysfonctionnements éventuels de notre système de contrôle et d’évaluation des médicaments, révélés à l’occasion du retrait de la vente en novembre 2009 d’une molécule prescrite dans le cadre du diabète, commercialisée sous le nom de « Mediator », et sur les moyens d’y remédier en tant que de besoin.

Je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la mission commune d’information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques pour les collectivités territoriales et les services publics locaux.

La présidence n’a reçu aucune opposition. En conséquence, elles sont ratifiées et je proclame : Mme Michèle André, M. Gérard Bailly, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, M. Pierre-Yves Collombat, Raymond Couderc, Mmes Christiane Demontès, Catherine Deroche, MM. Éric Doligé, Jean-Luc Fichet, Mme Jacqueline Gourault, MM. Adrien Gouteyron, Didier Guillaume, Alain Houpert, Dominique de Legge, Mme Valérie Létard, MM. Roland du Luart, Rachel Mazuir, Jacques Mézard, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Charles Revet, Alex Türk, Bernard Vera et Jean-Pierre Vial membres de la mission commune d’information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques pour les collectivités territoriales et les services publics locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 12 janvier 2011, à quatorze heures trente :

– Débat sur l’édiction des mesures règlementaires d’application des lois.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures quarante-cinq.