Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la voie de la réforme de la politique agricole commune, la PAC, est désormais ouverte. Nous avons aujourd’hui un point de départ et un repère.
Le point de départ est la communication de la Commission européenne du 18 novembre dernier, même s’il faut attendre l’été 2011 pour avoir des propositions législatives.
Le repère est la position commune franco-allemande pour une politique agricole forte à l’horizon de 2020, une position à laquelle se sont ralliées plusieurs États membres, mais pas tous.
Le silence du Royaume-Uni n’est pas surprenant, car l’aversion à la PAC est dans ce pays une sorte de ciment culturel. En revanche, la réserve de la Pologne, qui est un autre grand partenaire agricole, ne doit pas être négligée. En outre, quelques surprises ne sont pas à exclure...
Ainsi, la voie de la réforme est ouverte, mais est loin d’être déjà tracée.
Quelle que soit l’attitude des uns et des autres, on ne peut qu’être satisfait, et même soulagé, par la tournure que prend cette négociation. Quelle évolution en deux ans à peine ! Bien sûr, les circonstances ont changé et la menace de crise alimentaire a pesé, mais, comme toujours, le poids des hommes a compté davantage.
Le commissaire européen chargé de l’agriculture est un ami de la PAC. Cela se sait, cela se sent ! Mais j’ose ajouter que vous-même, monsieur le ministre, êtes un atout maître dans cette négociation, dont la clef se trouve dans la capacité à fédérer et à nouer des alliances. Vous ne ménagez pas vos efforts, et cela se sait aussi.
Lors d’une mission de notre groupe de travail commun entre la commission des affaires européennes et la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, le président du principal syndicat agricole allemand nous a confié que vous étiez venu, personnellement, huit fois de suite à Berlin pour obtenir cet accord. Cette détermination est récompensée, car la réussite est là.
De même, les motifs de satisfaction sont nombreux dans la communication de la Commission européenne. Il me suffit d’évoquer le rappel du principe de sécurité alimentaire, le maintien des aides directes, en excluant l’idée d’un taux unique à l’hectare en Europe, le soutien aux petites structures et aux zones à handicap et le rappel de l’importance des services fournis par les agriculteurs, y compris environnementaux.
Cette évocation permet de retrouver une légitimité et un appui populaire. La PAC est une politique pour tous qui sert l’ensemble des citoyens.
L’orientation générale est donc satisfaisante. Toutefois, l’organisation d’un débat au Sénat n’aurait pas de sens si nous nous contentions de nous adresser des louanges et de déclamer notre confiance.
En effet, ces motifs de satisfaction ne doivent pas cacher quelques inquiétudes, que je présenterai en deux volets.
En premier lieu, la communication de la Commission européenne suscite quelques réserves qui sont autant d’interrogations.
La première de ces réserves porte sur le silence gardé sur le budget.
C’est évidemment un choix qui a ses avantages, car, pour la première fois, on parle du fond avant de parler des crédits. Mais la question budgétaire se posera bientôt et elle risque de perturber nombre de nos attentes. À enveloppe budgétaire constante – on ne voit pas comment il pourrait en être autrement dans les circonstances financières actuelles ! –, plusieurs États membres n’en font pas mystère, s’il fallait arbitrer entre politique de cohésion et PAC, ils choisiraient la première.
Je n’ose pas dire : « Et nous ? », mais cette question ne peut être éludée. Le nouveau périmètre ministériel étendu à l’aménagement du territoire vous place d’ailleurs, monsieur le ministre, dans une situation d’arbitrage en la matière.
La deuxième réserve porte sur les absences.
Le concept de régulation semble abandonné. L’intervention n’est conservée qu’au titre de filet de sécurité. Mais, en réalité, ce filet sécurise de moins en moins.
Par ailleurs, le terme « alimentation » est quasi absent. Il figure certes dans le titre, mais nulle part ailleurs. Or je suis de ceux qui pensent que la PAC aurait retrouvé une légitimité si, au lieu de parler d’« aides aux revenus », on avait parlé d’« alimentation ».