La quatrième réserve est plutôt un appel au Gouvernement.
Cette réforme doit s’atteler à redonner une légitimité à une politique qui l’a perdue et à « redonner du sens à la PAC », pour reprendre le titre du rapport d’information que notre groupe de travail a récemment déposé.
À ce titre, nous suggérions plusieurs réformes.
Sur la forme, il s’agirait de replacer le mot « agriculture » dans le cadre financier pluriannuel ou de changer l’expression, si maladroite, de « droit à paiement », par exemple.
Sur le fond, nous avancions l’idée de moduler les aides directes en fonction du degré de regroupement professionnel, afin de favoriser l’émergence d’organisations de producteurs capables de parler d’égal à égal avec les industriels. La réglementation communautaire va, certes, le permettre, mais il nous faut favoriser ces organisations. C’est un point essentiel, dont les agriculteurs et, peut-être, les responsables politiques n’ont pas encore mesuré l’impact.
Nous proposions aussi de clarifier le partage entre les deux piliers en suivant une logique politique, avec un premier pilier résolument agricole et un deuxième résolument territorial et environnemental. Cette distinction éviterait beaucoup de confusion, qui me semble être le point faible de la communication de la Commission européenne.
En second lieu, et sur le fond, mon inquiétude porte sur ce qu’il est convenu d’appeler le « verdissement de la PAC ».
Ce verdissement consiste à conditionner les aides communautaires en subordonnant leur octroi à des critères environnementaux. C’est déjà le cas aujourd’hui, mais le système serait amplifié.
Une meilleure intégration des objectifs environnementaux dans la PAC est nécessaire, inéluctable, inattaquable. Elle n’offre que des avantages pour la société dans son ensemble et pour les agriculteurs eux-mêmes. L’agriculture doit être en phase avec la société, et la société a cette exigence.
L’environnement est au cœur de la communication de la Commission européenne. Le mot est utilisé trente-cinq fois, alors que le mot « alimentation » ne l’est, je le répète, qu’une fois…
Si vous me permettez ce trait, le verdissement est le fil rouge de la Commission européenne. Mais quelle ironie de voir la Commission européenne évoquer la simplification de la PAC, alors qu’elle ne fait, me semble-t-il, que la compliquer en conditionnant davantage encore les aides directes et en chevauchant les deux piliers !
Je le répète, il ne s’agit surtout pas de nier l’importance de l’environnement – le rapport d’information de notre groupe de travail contient même en filigrane l’ébauche d’une véritable politique de l’environnement –, mais il convient simplement de ne pas tout mélanger, la PAC – la politique agricole – et, si je puis dire, la PEC – la politique de l’environnement –, afin de bien distinguer l’objectif d’une politique agricole et les conditions pour y parvenir.
Verdir n’est pas le problème, mais que verdir ? comment verdir ? et, surtout, jusqu’où verdir ? Telles sont les questions qui se posent, car c’est l’opportunité d’un verdissement accru du premier pilier qui doit être débattue.
Le système actuel prévoit l’écoconditionnalité. S’agissant d’un soutien vital pour les agriculteurs, faut-il aller plus loin ? Pourquoi ne pas centrer les aides environnementales sur le deuxième pilier ? Dans la PAC, l’environnement a sa place, mais il doit trouver sa juste place et non pas se substituer au principal. Nous croyons que la PAC est encore une politique agricole et nous espérons qu’elle le reste.
Je souhaite que l’Europe ait, sur ce point, une approche réaliste et non idéologique et médiatique. J’en appelle à la raison et au bon sens, en espérant que le sens commun soit aussi le sens communautaire.